dimanche 30 mai 2010

L'Esprit de vérité…





Proverbes 8, 22-31 ; Psaume 8 ; Romains 5, 1-5 ; Jean 16, 12-15

Jean 16, 12-15
12 J’ai encore bien des choses à vous dire mais vous ne pouvez les porter maintenant ;
13 lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière. Car il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu’il entendra et il vous communiquera tout ce qui doit venir.
14 Il me glorifiera car il recevra de ce qui est à moi, et il vous le communiquera.
15 Tout ce que possède mon Père est à moi ; c’est pourquoi j’ai dit qu’il vous communiquera ce qu’il reçoit de moi.
*

« L’Esprit de vérité vous fera accéder à la vérité tout entière ». Il s’agit de l’Esprit promis par Jésus à ses disciples. Jésus s’adresse ici à ses Apôtres. C’est une parole qui cependant, toutes proportions gardées, vaut aussi pour ceux qui suivront — parmi lesquels nous sommes.

Ce qui, bien sûr, ne préjuge en rien de ce qu’il en est de notre participation effective à cet accès à la vérité : celui qui aime en paroles et non en action et en vérité n’a pas connu Dieu, et ment en prétendant l’avoir connu, de même que ment celui qui prétend n'avoir pas de péché (1 Jean 2:4 ; 3:18). Bref, celui qui pèche n’a pas connu Dieu et celui qui prétend n’avoir pas de péché ne l’a pas connu non plus et n'est pas dans la vérité. Qui de nous prétendra être dans la vérité ?

C’est que, si la vérité est tout proche de nous, nous sommes loin d’elle : « ces choses Dieu les a cachées aux sages, et les a révélées aux petits ».

Au jour où Jésus s’adresse à ses disciples dans le texte que nous avons lu, la croix s’approche, chose incompréhensible à toutes nos sagesses. Celui qui est annoncé comme le Bien-aimé de Dieu, le maître du Royaume, peut-il mourir de la sorte ?

Voilà qui est incompréhensible et qui pourtant est le don de la vérité, qui se dévoilera comme telle au matin du dimanche de Pâques, sans qu’alors tout le sens n’en ait été saisi par les disciples. C’est Esprit saint, l’Esprit du Père qui vit en Jésus qui leur dévoilera la signification de la croix du Ressuscité : qui le glorifiera ! Le glorifiera ! De quoi est-il question sous ce terme dans l’évangile de Jean ? De la Croix ! (Cf. Jean 12, 23 & 32-33)

Et cela, au jour où Jésus parle, les disciples ne peuvent le saisir. Et même le simple événement du dimanche de Pâques, comme événement, n’est que la première ouverture vers un dévoilement dans lequel l’Esprit saint va conduire les disciples, et avec eux, nous tous. Ce qui doit venir, à commencer par la Croix au jour où Jésus parle, va être dévoilé.

Un dévoilement qui dit cette vérité entière inaccessible comme telle à nos intelligences. La vérité de Dieu se donne dans l’humilité du Fils, une révélation qui vaut pour toute la vie humaine de Jésus, de Pâques à la Croix et à Noël, ce premier moment d’humilité du Fils de Dieu rendu infiniment proche de nous par une vérité dont nous sommes très loin mais qui porte pour nous toute consolation et à laquelle seul l’Esprit consolateur peut nous conduire.

Une vérité pleinement révélée aux Apôtres dans le Nouveau Testament, et par eux, à nous, mais qui devra être reçue et vécue par chacun dans la suite des temps et jusqu’à nous. Cela commence par le don de l’Esprit qui conduit les plus sages dans l’humilité de la vérité.

Hors cela, la Croix est incompréhensible, tout comme la venue en chair de la Parole éternelle. Parmi les témoins dans l’histoire de cette venue à la vérité dans laquelle l’a conduit l’Esprit, je citerai un homme qui écrit au Ve siècle après Jésus-Christ, un pasteur d’Afrique du Nord, Augustin. C’est dans ses Confessions, (VII, 9, 13-14) :

Dans des livres des platoniciens — écrit le grand philosophe qu’est Augustin —, j’ai lu non en propres termes, mais dans une frappante identité de sens, appuyé de nombreuses raisons, «qu’au commencement était la Parole ; que la Parole était avec Dieu, et que la Parole était Dieu ; qu’elle était au commencement en Dieu, que tout a été fait par elle et rien sans elle ; qu’en en elle était vie, et que la vie était la lumière des humains, que cette lumière luit dans les ténèbres, et que les ténèbres ne l’ont point comprise. » Et que l’âme de l’homme, « tout en rendant témoignage de la lumière, n’est pas elle-même la lumière, mais que la Parole de Dieu, Dieu lui-même, est la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde » et « qu’elle était dans le monde, et que le monde a été fait par elle, et que le monde ne l’a point connue. Mais qu’elle soit venue chez elle, que les siens ne l’aient pas reçue, et qu’à ceux qui l’ont reçue elle ait donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux-là qui croient en son nom » ; c’est ce que je n’ai pas lu dans ces livres.
J’y ai lu encore : « que la Parole-Dieu est née non de la chair, ni du sang, ni de la volonté de l’homme, ni de la volonté de la chair; mais de Dieu. » Mais «que la Parole se soit faite chair, et qu’elle ait habité parmi nous (Jean 1, 1-14) », c’est ce que je n’y ai pas lu.
J’ai découvert encore plus d’un passage témoignant par diverses expressions, « que le Fils qui est de condition divine n'a pas considéré comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu », parce que naturellement il n’est pas autre que lui. Mais qu’il « se soit anéanti, abaissé à la forme d’un esclave, à la ressemblance de l’homme, qu’il ait été reconnu à son aspect comme un homme, qu’il se soit humilié, qu’il se soit fait obéissant jusqu’à la mort, à la mort de la croix » — ce pourquoi Dieu l’a ressuscité des « morts et lui a donné un nom au-dessus de tout autre nom, afin qu’à ce nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus Notre-Seigneur est dans la gloire de Dieu son Père (Phil 2, 6-11) », c’est ce que ces livres ne disent pas.
Qu’il est avant les temps, au delà des temps, [...] Fils éternel du Père ; que, pour être heureuses, les âmes reçoivent de sa plénitude (Jean 1, 16), et que pour être sages, elles sont renouvelées par la communion de la sagesse résidant en lui ; cela est bien ici. « Mais qu’il soit mort dans le temps pour les impies (Rom 5, 6) ; que Dieu n’ait point épargné son Fils unique, et que pour nous tous il l’ait livré (Rom 8, 32) », c’est ce qui n’est pas ici. Ces choses Dieu les a cachées aux sages, et les a révélées aux petits, afin de faire venir à lui les souffrants et les surchargés, pour qu’il les soulage. Car il est doux et humble de cœur (Matth 11: 25, 28, 29), il conduit les hommes de douceur et de mansuétude dans la justice, il leur enseigne ses voies, et à la vue de notre humilité et de nos souffrances, il nous remet tous nos péchés (Ps. 24: 9,18). Mais les hommes d’orgueil ne l’entendent point nous dire : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes (Matth 11, 29) ». S’ils connaissent Dieu, ils ne l’honorent pas, ils ne le glorifient pas comme Dieu ; ils se dissipent dans la vanité de leurs pensées, et leur cœur insensé se remplit de ténèbres ; se proclamant sages, ils deviennent fous.

*

Voilà un exemple et une façon frappante de dire ce qu’est cette entrée dans la vérité entière de l’humilité de Dieu par un de ses témoins.

Autant de choses incompréhensibles à commencer par la Croix et à continuer par Noël et par toute la vie du Christ, que l’Esprit saint fait découvrir comme sagesse plus sage que le monde. Une vérité inaccessible comme telle aux plus hautes intelligences tant l’humilité de Dieu est au-delà de tout attente, comme il était incompréhensible que Jésus mourût. Et au jour où il prononce ces paroles annonçant l’Esprit de vérité à ses disciples, il est à la veille de sa mort, qu’ils ne pourront pas comprendre avant que l’Esprit ne les y guide, ne leur fasse découvrir que Dieu se donne où on ne l’attend pas : dans ce qui est humble.

À présent, la vérité, dont nous sommes loin, s’est approchée, rendue toute proche de nous, venue parmi nous et en nous par l’Esprit de vérité, pour nous ouvrir à toute consolation : notre faiblesse, celle de notre intelligence qui ne peut saisir tous les paramètres de ce qui fonde nos êtres, celle de nos maigres vertus, est la faiblesse dans laquelle s’accomplit la puissance de Dieu. Car sa puissance s’accomplit dans la faiblesse, pour que nous le recherchions dans ce qui est humble, cette sagesse cachée dans l’humilité de notre prochain, dévoilé à nous en Jésus humble et mourant, lui parole éternelle glorifiée de la sorte, de sorte que tout genou fléchisse devant le Crucifié !

R.P.
Antibes, 30.05.10


dimanche 23 mai 2010

"Quand le jour de la Pentecôte arriva..."






Actes 2, 1-11
1 Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble.
2 Tout à coup il y eut un bruit qui venait du ciel comme le souffle d’un violent coup de vent: la maison où ils se tenaient en fut toute remplie;
3 alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s’en posa sur chacun d’eux.
4 Ils furent tous remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues, comme l’Esprit leur donnait de s’exprimer.
5 Or, à Jérusalem, résidaient des Juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel.
6 A la rumeur qui se répandait, la foule se rassembla et se trouvait en plein désarroi, car chacun les entendait parler sa propre langue.
7 Déconcertés, émerveillés, ils disaient: "Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens?
8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle?
9 Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l’Asie,
10 de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Egypte et de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en résidence ici,
11 tous, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu."

Romains 8, 8-15
8 Ceux qui dépendent de leur propre nature ne peuvent pas plaire à Dieu.
9 Mais vous, vous ne vivez pas selon votre propre nature; vous vivez selon l’Esprit Saint, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. […]
12 Ainsi donc, frères, nous avons des obligations, mais non envers notre propre nature pour vivre selon ses désirs. […]
15 Car l’Esprit que vous avez reçu n’est pas un esprit qui vous rende esclaves et vous remplisse encore de peur; mais c’est l’Esprit Saint qui fait de vous des enfants de Dieu et qui nous permet de crier à Dieu: "Abba, ô mon Père!"

Jean 14, 15-24
15 Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements,
16 et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur qui soit éternellement avec vous […]
21 Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui qui m’aime. Celui qui m’aime sera aimé de mon Père, moi aussi je l’aimerai et je me manifesterai à lui. […]
23 […] Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera; nous viendrons vers lui et nous ferons notre demeure chez lui.
24 Celui qui ne m’aime pas, ne garde pas mes paroles. Et la parole que vous entendez n’est pas de moi, mais du Père qui m’a envoyé.

*

Trois textes : don de l’Esprit saint, repentir, nouveauté de vie dans la présence du Christ.

L’un ne va pas sans les deux autres. Le don de l’Esprit produit repentance et nouveauté de vie. Et il n’y a pas de don de l’Esprit là où il n’y a pas repentance et nouveauté de vie.

Voyons d’abord la repentance : quand les Apôtres reçoivent le don de Pentecôte, quelle est la parole de Pierre à la foule qui après l’événement, demande : « que ferons-nous ? » Pierre répond : « repentez-vous !… Soyez baptisés… Et vous recevrez (vous aussi) le don de l’Esprit Saint » (Ac 2, 38).

C’est déjà ce que proclamait Jean le Baptiste, en appelant au baptême : « repentez-vous pour accueillir celui qui vous baptisera d’Esprit saint ».

Et c’est ce qu’on retrouve pour le nouveau départ de la Pentecôte, dans les paroles de Pierre : «repentez–vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour le pardon de vos péchés ; et vous recevrez le don du Saint-Esprit». Pierre et les douze ont reçu le don qui les mènera aux extrémités de la terre.

Comme Paul après eux : nous avons entendu Paul aux Romains : « les désirs de "notre propre nature" sont contraires à ceux de l’Esprit ». Il faut donc s’en détourner — bref : se repentir, selon le sens du mot : se tourner.

Pierre et Paul: deux hommes animés par l’Esprit saint — et dont la vie est marquée par la repentance: Pierre, avant l’événement de Pentecôte, a renié le Christ, et en a pleuré amèrement: ça s’appelle le repentir. Alors, alors seulement, il est dans la disposition pour recevoir le don de l’Esprit saint.

Paul aussi sait de quoi il parle quand il dit que les désirs de la chair sont contraires à ceux de l’Esprit : il a eu l’occasion de pleurer pour avoir, selon les termes du livre des Actes des Apôtres, « persécuté le Christ », sous la figure de ses disciples.

Repentance : voilà un fondement pour l’Église, qui, suite à cela est remplie de l’Esprit saint, qui lui donnera la force de venir jusqu’à nous — jusqu’aux extrémités de la terre.

Voilà certes un fondement qui semble aujourd’hui n’être pas très à la mode, ce qui explique peut-être le marasme spirituel de notre temps. Comme cela expliquait celui du temps du Pharaon qui refusait de se repentir et endurcissait son cœur — ne voulant pas reconnaître le grief qu’avaient subi ceux qui avaient été réduits en esclavage. Cet endurcissement cesse par le repentir. On voit l’Égypte parmi les nations représentées à Pentecôte, donc parmi ceux qui entendront Pierre annoncer : « repentez-vous » — prémisse (selon cet aspect, fête des prémisses, de Pentecôte) prémisse de la promesse d’Ésaïe : « je dirai au peuple d’Égypte : "mon fils" ».

Pentecôte n’est-il pas alors le jour où on en finit avec le refus de la repentance qui endurcit les cœurs aujourd’hui comme hier ? Ou qui veut encore et toujours détourner le tort et le besoin de repentance sur autrui, quand la mode est à la dénonciation de « la tyrannie » de la repentance. Oh, je ne doute pas que ceux qui tiennent de tels propos soient remplis (à défaut d'Esprit saint) de bonnes intentions. Sans doute même, comme les Éphésiens du livre des Actes, ils n’ont même pas entendu dire qu’il y ait un Esprit saint (Actes 19, 2) ! Raison de plus, pour nous, chrétiens, en ce jour de Pentecôte, de dire : attention ! Terrain glissant !

Le refus de la repentance n’est rien d’autre qu’une façon de rejet de la parole de Dieu — qui seule peut nous sauver. Qu’a dit Jésus en effet ? — : « si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous de la même manière » (Luc 13, 5) !

Et pour cause. Allons plus loin : le refus de se repentir n’est rien d’autre que le péché contre l’Esprit saint, péché pour lequel il n’y a pas de pardon — « ni dans ce monde ni dans l’autre », dit Jésus. Ce pourquoi Pierre annonce le repentir en vue du don de l’Esprit saint. Il nous appartient à ce point, et plus particulièrement en ce jour de Pentecôte, d’être les témoins de celui qui nous envoie avec la parole de Pierre au jour de la première Pentecôte : « repentez-vous et vous recevrez le don de l’Esprit saint. »

Quel pardon en effet pour celui qui refuse le repentir, c’est-à-dire persévère dans le péché — le sien propre, quand ce n’est pas celui de ses ancêtres (pour lequel il suffirait de ne pas le reproduire) ? Pas de pardon à moins de changer de comportement : bref, de se repentir. Rejeter «le péché qui nous enveloppe si facilement», selon les termes d’Hébreux 12 (v. 1).

« Repentez-vous et vous recevrez le don de l’Esprit saint » — a proclamé Pierre. Cela selon ce que promet la Bible (je cite 2 Chroniques 7, 14) : « si mon peuple, sur lequel est invoqué mon nom, s’humilie, s’il prie, cherche ma face et revient de ses voies mauvaises — bref, se repent —, moi, j’écouterai des cieux, je pardonnerai son péché et je guérirai son pays ».

C’est à chacun de nous que cela s’adresse, en vue du don de l’Esprit saint.

*

Esprit saint, c’est-à-dire Esprit de force, de sagesse et d’amour. Car « Celui qui ne m’aime pas, ne garde pas mes paroles », dit Jésus dans le texte de Jean que nous avons lu (Jean 14, 24) — bref, celui-là accomplit les désirs de la chair, contraires à ceux de l’Esprit de Dieu.

Mais « celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui qui m’aime. Celui qui m’aime sera aimé de mon Père, moi aussi je l’aimerai et je me manifesterai à lui. […] Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera; nous viendrons vers lui et nous ferons notre demeure chez lui » (Jean 14, 21-23).

« Il gardera ma parole », selon ce deuxième aspect de la fête de Pentecôte : don de la Torah — inscrite dans les cœurs par l’Esprit saint.

C’est là que la repentance devient concrète. Elle ne consiste pas en une cérémonie religieuse ou en je ne sais quelque façon de se fustiger ; mais bien en une reconnaissance des attitudes indues pour un tournement vers un comportement renouvelé selon la parole de Dieu, une marche en nouveauté de vie selon la liberté donnée par le Christ.

À chacun de nous de se placer devant Dieu pour savoir où le bât blesse, où la conscience frotte, chacun dans sa vie propre — car il ne s’agit pas de regarder ou de soupçonner autrui : cela aussi c’est manquer de l’Esprit de Dieu —, savoir où ça cloche, chacun dans sa vie propre pour accepter, avec confiance, de s’en détourner pour recevoir de Dieu seul la paix et la liberté : celui qui garde ma parole, « mon Père l’aimera; nous viendrons vers lui et nous ferons notre demeure chez lui ».

*

L’Esprit saint en nous est ainsi la puissance qui nous couvre de son pardon, de la justice de Dieu, qui nous recouvre avec tout ce que nous sommes — nous accueillant comme nous sommes, nous donnant de nous approcher avec assurance du trône la grâce.

Voici la façon dont le perçoit de façon imagée le Sadhou Sundar Singh, ce célèbre chrétien indien du XXe siècle : « je vis un être inondé de clarté se tenir devant moi, revêtu de lumière et de beauté. […] Des rayons d’amour répandant la vie à flot sortaient de lui, avec une telle force qu’ils pénétrèrent mon âme jusqu’à la remplir. »

Il poursuit, parlant de « paroles si magnifiques que même si j’écrivais plusieurs livres, je ne pourrais tout raconter. Car ces réalités célestes ne pourraient être expliquées qu’en langage céleste… »

Qu’est donc là d’autre que ce qu’évoque Paul écrivant que « l’Esprit saint vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas comment prier » ; l’Esprit Saint qui alors « fait de nous des enfants de Dieu et qui nous permet de crier à Dieu: "Abba, Père!" — le Notre Père.

Voilà qui est tout simplement un appel à la confiance. Repentez-vous, vous recevrez l’Esprit saint, pour une nouveauté de vie devant Dieu, comme devant un Père secret qui nous appelle à la confiance.

*

Ayant évoqué le Sadhou Sundar Singh, je terminerai en illustrant cette présence de Dieu dans l’Esprit saint par cette petite histoire indienne :

« Un porteur d’eau avait deux grandes jarres, suspendues aux deux extrémités d’une pièce de bois qui épousait la forme de ses épaules. L’une des jarres avait une brèche, et, alors que l’autre jarre conservait parfaitement toute son eau de source jusqu’à la maison du maître, la première jarre en perdait presque la moitié en cours de route.

Cela dura deux ans, pendant lesquels, chaque jour, le porteur d’eau ne livrait qu’une jarre et demi d’eau à chacun de ses voyages. Bien sûr, la jarre parfaite était fière d’elle, puisqu’elle parvenait à remplir sa fonction du début à la fin sans faille. Mais la jarre abîmée avait honte de son imperfection et se sentait déprimée parce qu’elle ne parvenait à accomplir que la moitié de ce dont elle était censée être capable.

Au bout de deux ans de ce qu’elle considérait comme un échec permanent, la jarre endommagée s’adressa au porteur d’eau, au moment où celui-ci la remplissait à la source.

- "Je me sens coupable, et je te prie de m’excuser."

- "Pourquoi ?" demanda le porteur d’eau. "De quoi as-tu honte ?"

- "Je n’ai réussi qu’à porter la moitié de ma cargaison d’eau à notre maître, pendant ces deux ans, à cause de cette faille qui fait fuir l’eau. Par ma faute, tu fais tous ces efforts, et, à la fin, tu ne livres à notre maître que la moitié de l’eau. Tu n’obtiens pas la reconnaissance complète de tes efforts", lui dit la jarre abîmée.

Le porteur d’eau fut touché par cette confession, et répondit :

- "Pendant que nous retournons à la maison du maître, je veux que tu regardes les fleurs magnifiques qu’il y a au bord du chemin".

Au fur et à mesure de leur montée sur le chemin, au long de la colline, la vieille jarre vit de magnifiques fleurs baignées de soleil sur les bords du chemin, et cela lui mit du baume au cœur. Mais à la fin du parcours, elle se sentait toujours aussi mal parce qu’elle avait encore perdu la moitié de son eau. Le porteur d’eau dit à la jarre :

- "T’es-tu rendu compte qu’il n’y avait de belles fleurs que de ton côté, et presque aucune du côté de la jarre parfaite ? C’est parce que j’ai toujours su que tu perdais de l’eau, et j’en ai tiré parti. J’ai planté des semences de fleurs de ton coté du chemin, et, chaque jour, tu les as arrosées tout au long du chemin. Pendant deux ans, j’ai pu grâce à toi cueillir de magnifiques fleurs qui ont décoré la table du maître. Sans toi, jamais je n’aurais pu trouver ces fleurs."

Nous avons tous des failles, des brèches, des blessures, des défauts. Nous sommes tous des jarres abîmées. Certains d’entre nous sont diminués par la vieillesse, d’autres ne brillent pas par leur intelligence, d’autres trop grands, trop gros ou trop maigres, d’autres sont diminués physiquement, mais ce sont les faiblesses, les défauts en nous qui rendent nos vies riches pour Dieu — quand elles sont placées dans la présence de l’Esprit Saint.

Allons donc, sans craindre de nous repentir, de nous repentir de nos attitudes indues, de nos péchés, de nos égoïsmes, pour, étant ce que nous sommes, vivre enfin par le Christ, en nouveauté de vie, dans la puissance de l’Esprit saint.

R.P.
Vence, Pentecôte 23.05.10


mardi 18 mai 2010

La construction du temple



http://www.bretagne-prospective.org/diawel/images/stories//impersonnel/terre-goutte.jpg

1 Rois 6
1 C'est la quatre cent quatre-vingtième année après que les Israélites furent sortis d'Egypte, la quatrième année du règne de Salomon sur Israël, au mois de Ziv — le deuxième mois — qu'il bâtit la maison pour le Seigneur.
2 La maison que le roi Salomon bâtit pour le Seigneur mesurait trente mètres de long, dix mètres de large et quinze mètres de haut.
3 Devant la grande salle du temple, il y avait un vestibule d'entrée, de dix mètres de large, comme le temple, et de cinq mètres de profondeur.
[…]
11 La parole du Seigneur parvint à Salomon :
12 Quant à cette maison que tu bâtis, si tu suis mes prescriptions, si tu mets en pratique mes règles, si tu observes tous mes commandements et si tu les suis, je réaliserai à ton égard la parole que j'ai dite à David, ton père.
13 Je demeurerai au milieu des Israélites et je n'abandonnerai pas Israël, mon peuple.
14 Salomon bâtit la Maison et l'acheva.

On sait que les successeurs de David et Salomon n’ont pas tous mis la loi de Dieu au-dessus de leur statut royal.

La dégradation de la situation débouchera sur la destruction du temple et sur l’exil…

Après l’exil, le nouveau Temple se bâtit. On est entre joie et tristesse, avec une question : où est la gloire du Temple, c’est-à-dire son vrai sens ?…

Esdras 3, 10-12
10 Lorsque les constructeurs posèrent les fondations du temple du Seigneur, on fit avancer les prêtres, en vêtements de cérémonie, avec des trompettes, et les lévites, descendants d’Assaf, avec des cymbales, pour acclamer le Seigneur selon les prescriptions de David, roi d’Israël.
11 Ils acclamèrent et louèrent le Seigneur en chantant à tour de rôle ce refrain : "Le Seigneur est bon, et son amour pour Israël n’a pas de fin !" Le peuple aussi faisait une ovation au Seigneur en poussant de grandes acclamations, parce que l’on posait les fondations de son temple.
12 Un grand nombre de prêtres, de lévites et de chefs de famille, assez âgés pour avoir connu le temple d’autrefois, pleuraient bruyamment pendant qu’on posait sous leurs yeux les fondations du nouveau temple ;
Aggée 2, 3-9
3 "Y a-t-il encore parmi vous quelqu’un qui se rappelle quelle était la gloire du Temple d’autrefois ? Or que constatez-vous maintenant ? Ne voyez-vous pas que sa splendeur a été réduite à néant ?
4 C’est pourquoi, moi, le Seigneur, je vous dis: Reprenez courage ! […] Mettez-vous au travail, je serai avec vous, je vous le promets, moi, le Seigneur de l’univers.
5 J’ai pris cet engagement lorsque vous êtes sortis du pays d’Égypte. Mon Esprit sera présent au milieu de vous. Vous n’avez rien à craindre !
6 Oui, moi le Seigneur de l’univers, je le déclare, dans peu de temps je vais ébranler le ciel et la terre, les mers et les continents.
7 Je mettrai toutes les nations étrangères sens dessus dessous. Leurs richesses afflueront ici et je redonnerai au temple une grande splendeur, je vous le déclare.
8 En effet, l’or et l’argent du monde entier m’appartiennent.
9 Ainsi la gloire du nouveau temple surpassera celle du premier. Et en ce lieu je vous accorderai la paix, c’est moi, le Seigneur de l’univers, qui le promets."

*

Revenons aux origines, pour retrouver les fondements de la vraie gloire du Temple…

« Le roi Salomon avait hérité de son père David de grandes richesses qu'il avait su, grâce à la sagesse de son gouvernement, faire prospérer. Chacun de ses desseins était toujours mené à bien, et sa gloire se répandait dans le monde entier. Mais, au fond de son cœur, Salomon demeurait attristé.
"À quoi me servent tous ces trésors, si les années s'écoulent sans que soit remplie la promesse faite à mon père ? pensait-il avec amertume. J'ai fait édifier des dizaines de palais, mais le Temple en l'honneur de Dieu n'est toujours pas bâti. Le Seigneur m'est témoin que ce n'est pas mauvaise volonté de ma part si j'en diffère la construction. Comment cependant reconnaîtrais-je l'emplacement qui lui convient le mieux ? La terre d'Israël est tout entière sainte, mais le sol où s'élèveront les murs du Temple devrait être le plus précieux à Dieu."
Une nuit, Salomon songeait de nouveau à l'emplacement où il devait construire l'édifice. Son ancienne promesse lui pesait, et c'est en vain qu'il cherchait le sommeil. À minuit, ne dormant toujours pas, il décida de se lever et d'aller faire un tour. Il s'habilla rapidement et, sans bruit, afin de n'être pas vu des serviteurs, il se glissa hors du palais.
Il marcha dans Jérusalem endormie, passa à proximité de vastes jardins et de bosquets qui murmuraient dans le vent et arriva finalement au pied du mont Moria. C'était juste après la moisson, et sur le flanc sud de la montagne se dressaient des gerbes de blé coupé.
Salomon s'adossa au tronc d'un olivier, ferma les yeux et dans son esprit se mirent à défiler les lieux les plus divers de son royaume. Il revit des collines, des vallées et des bois qui lui avaient semblé destinés au Temple, ainsi que des dizaines d'autres lieux où il était arrivé plein d'espoir, mais qu'il avait quittés déçu.
Soudain Salomon entendit des pas. Il ouvrit les yeux et aperçut dans le clair de lune un homme portant dans ses bras une gerbe de blé. "Un voleur !" pensa-t-il tout de suite.
Il s'apprêtait à sortir de sa cachette, dans l'ombre de l'arbre, mais se ravisa au dernier moment. "Attendons plutôt de voir ce que l'homme mijote", se dit-il.
Le visiteur nocturne travaillait vite et sans bruit. Il déposa la gerbe au bord du champ voisin, puis retourna en chercher d'autres, et continua ainsi jusqu'à ce qu'il eût cinquante gerbes. Puis, jetant un coup d’œil hésitant autour de lui pour s'assurer que personne ne l'avait vu, il s'en alla.
- "Charmant voisin, pensa Salomon. Le propriétaire du champ ne sait sans doute pas pourquoi sa moisson diminue la nuit."
Mais il n'eut pas le temps de réfléchir à la façon de punir le voleur : déjà, non loin de l'olivier sous lequel il se trouvait, un autre homme arrivait. Il contourna les deux champs prudemment et, croyant être seul, prit une gerbe de blé qu'il emporta sur l'autre champ.
Il fit exactement comme le premier visiteur nocturne, si ce n'est qu'il portait le blé en sens inverse. Il reprit ainsi les cinquante gerbes, et repartit sans bruit.
"Ces voisins ne sont pas meilleurs l'un que l'autre, se dit Salomon. Je pensais qu'il n'y en avait qu'un qui volait, mais en fait le voleur lui-même est volé."
Dès le lendemain, Salomon convoqua les deux propriétaires des champs. Il fit attendre le plus âgé dans une pièce contiguë et interrogea le plus jeune sévèrement : - Dis-moi de quel droit tu prends le blé du champ de ton voisin.
L'homme regarda Salomon avec surprise, et rougit de honte : - Seigneur, répondit-il, jamais je ne me permettrais pareille chose. Le blé que je transporte m'appartient, et je le dépose sur le champ de mon frère. Je souhaitais que personne ne le sache, mais puisque j'ai été surpris, je te dirai la vérité. Mon frère et moi avons hérité de notre père un champ qui fut partagé en deux moitiés égales, bien que lui soit marié et ait trois enfants, alors que moi je vis seul. Mon frère a besoin de plus de froment que moi, mais il n'accepte pas que je lui donne le moindre épi. C'est pourquoi je lui apporte secrètement les gerbes. À moi, elles ne manquent pas, tandis que lui en a besoin.
Salomon fit passer l'homme dans la pièce contiguë et appela le propriétaire du second champ : - Pourquoi voles-tu ton voisin ? s'enquit-il d'un ton rude. Je sais que tu lui prends du blé pendant la nuit.
- Dieu me garde de faire pareille chose, protesta l'homme, horrifié. C'est en vérité tout le contraire, Salomon. Mon frère et moi avons hérité de notre père deux parts égales d’un champ; mais, dans mon travail, je suis aidé par ma femme et mes trois enfants, tandis que lui est seul. Il doit faire venir le faucheur, le lieur et le batteur, de sorte qu'il perd plus d'argent que moi et sera plus tôt dans le besoin. Il ne veut pas accepter de moi un seul grain de blé ; c'est pourquoi je lui apporte au moins ces quelques gerbes en secret. À moi, elles ne manquent pas, tandis que lui en a besoin.
Alors Salomon rappela le premier homme et, serrant avec émotion les deux frères dans ses bras, il dit : - J'ai vu bien des choses dans ma vie, mais jamais je n'ai rencontré de frères aussi désintéressés que vous. Pendant des années, vous vous êtes témoigné une bonté réciproque, que vous avez gardée secrète. Je tiens à vous exprimer toute mon affection et vous prie de me pardonner de vous avoir soupçonnés d'être des voleurs, quand vous êtes les hommes les plus nobles de la terre. À présent, j'ai une prière à vous adresser. Vendez-moi vos champs, que je fasse construire sur ce sol sanctifié par l'amour fraternel le Temple de Dieu. Aucun lieu n'en est plus digne, nulle part le Temple ne trouvera de fondements plus solides.
Les frères accédèrent volontiers au vœu de Salomon. Il lui laissèrent leur champ, et le roi d'Israël les en récompensa richement. En échange, il leur donna des terres plus fertiles et plus vastes, et fit annoncer dans tout le pays que l'emplacement pour le Temple de Dieu avait été trouvé.»
(D’après Contes juifs, éditions Grund)

*

Signe de ce que l’Alliance est solide, quoiqu’il arrive, son fondement symbolisé par ce conte donne le cœur de loi comme cœur de l’Alliance dont le temple est le signe — « tu aimeras le Seigneur de ton Dieu de tout ton être et ton prochain comme toi-même ».

Une Alliance garantie par la promesse :
« Quand les montagnes s’effondreraient, dit Dieu, Quand les collines chancelleraient, Ma bonté pour toi ne faiblira point et mon alliance de paix ne sera pas ébranlée. Je t’aime d’un amour éternel, et je te garde ma miséricorde. » (Ésaïe 54,10)

R.P.
Antibes,
Mardi 18 mai 2010


dimanche 9 mai 2010

"À toutes les nations"



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Psaume 67 ; Apocalypse 21, 10-23 ; Jean 14, 23-29 ;

Actes 15, 1-29

2 […] On décida que Paul, Barnabas et quelques autres des leurs monteraient [d’Antioche] à Jérusalem, devant les apôtres et les anciens, pour parler de [la question de la conversion des non-Juifs].
[…]
4 Arrivés à Jérusalem, ils furent accueillis par l'Eglise, les apôtres et les anciens, et ils rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux.
5 Alors quelques membres du parti des pharisiens qui étaient devenus croyants se levèrent pour dire qu'il fallait circoncire les non-Juifs et leur enjoindre d'observer la loi de Moïse.
6 Les apôtres et les anciens se rassemblèrent pour examiner cette affaire.
7 Après un vif débat, Pierre se leva et leur dit : Mes frères, vous le savez : dès les tout premiers jours, Dieu a fait un choix parmi vous pour que, par ma bouche, les non-Juifs entendent la parole de la bonne nouvelle et deviennent croyants.
8 Et Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage en leur donnant l'Esprit saint tout comme à nous ;
9 il n'a fait aucune différence entre nous et eux, puisqu'il a purifié leur cœur par la foi.
10 Maintenant donc, pourquoi provoquez-vous Dieu en imposant aux disciples un joug que ni nos pères ni nous-mêmes n'avons été capables de porter ?
11 En fait, c'est par la grâce du Seigneur Jésus que nous croyons être sauvés, de la même manière qu'eux.
12 Toute la multitude fit silence, et l'on écouta Barnabas et Paul raconter tous les signes et les prodiges que Dieu avait produits, par leur entremise, parmi les non-Juifs.
13 Lorsqu'ils se turent, Jacques dit : Mes frères, écoutez-moi !
14 Syméon a raconté comment, pour la première fois, Dieu est intervenu pour prendre parmi les nations un peuple à son nom.
15 Les paroles des prophètes s'accordent avec cela, comme il est écrit :
16 Après cela, je reviendrai et je relèverai la tente de David qui était tombée, j'en relèverai les ruines et je la redresserai,
17 afin que le reste des humains recherchent le Seigneur, oui, toutes les nations sur lesquelles mon nom a été invoqué, dit le Seigneur, qui fait ces choses
18 connues depuis toujours.
19 C'est pourquoi, moi, je suis d'avis de ne pas créer de difficultés aux non-Juifs qui se tournent vers Dieu,
20 mais de leur écrire qu'ils s'abstiennent des souillures des idoles, de l'inconduite sexuelle, des animaux étouffés et du sang.
21 Depuis les générations anciennes, en effet, Moïse a dans chaque ville des gens qui le proclament, puisqu'on le lit chaque sabbat dans les synagogues.
22 Alors il parut bon aux apôtres et aux anciens, ainsi qu'à toute l'Eglise, de choisir parmi eux des hommes et de les envoyer à Antioche avec Paul et Barnabas : Judas, appelé Barsabbas, et Silas, des dirigeants parmi les frères.
23 Ils les chargèrent de cette lettre : Vos frères, les apôtres et les anciens, aux frères non juifs qui sont à Antioche, en Syrie et en Cilicie, bonjour !
24 Nous avons appris que quelques individus sortis de chez nous, auxquels nous n'avions donné aucun ordre, vous ont troublés et inquiétés par leurs discours.
25 Après nous être mis d'accord, il nous a paru bon de choisir des hommes et de vous les envoyer avec nos bien-aimés Barnabas et Paul,
26 eux qui ont livré leur vie pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ.
27 Nous avons donc envoyé Judas et Silas, qui vous apporteront de vive voix le même message.
28 En effet, il a paru bon à l'Esprit saint et à nous-mêmes de ne pas vous imposer d'autre fardeau que ce qui est indispensable :
29 que vous vous absteniez des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, des animaux étouffés et de l'inconduite sexuelle ; vous ferez bien de vous garder de tout cela. Adieu.

*

Ce texte d’Actes 15 nous situe peu avant le tournant des années 50 ; l’Église prend alors une décision dont les conséquences pour son histoire deviendront bientôt incalculables.

Rappelons-en les circonstances : sous la pression des réalités et suite à l’œuvre de Paul principalement, de nombreuses personnes étrangères à la tradition de l’Église d'alors (les non-juifs dans le texte) se sont jointes à la communauté que l’on appellera, pour faire bref, chrétienne — je parle de tradition chrétienne pour faire bref, puisque la religion chrétienne n’existe pas encore : notre texte met en scène des juifs disciples d’un juif crucifié dont ils croient à la résurrection et au nom duquel ils annoncent aux nations la proximité du Royaume de Dieu.

Et à Jérusalem, dans l'Église-mère, on s’interroge sur les modalités d’accueil de ces nouveaux disciples du Crucifié. On voudrait les voir pratiquer les rites communs, les rites traditionnels, la façon légale de manger, etc. Après tout, c'est ce que tout le monde a toujours pratiqué. Mais, suite à l'insistance particulière de Paul, l'Église de Jérusalem, par l'autorité de son évêque, Jacques, sorte de pape de l'époque — lui plutôt que Pierre —, consent des concessions à ces croyants d'autres origines, issus des nations.

La vivacité des débats laisse à penser que ce ne fut pas facile. La décision de Jérusalem en faveur des nouveaux croyants, étrangers, est pourtant prise.

Toutefois, pour être maintenus dans la communion, ils devront observer certains éléments de la Loi biblique, à savoir ce que le judaïsme appelle jusqu'à aujourd'hui la Loi de Noé.

Tirée du Livre de la Genèse, la Loi de Noé, ou Loi « noachique », comprend quelques commandements généraux comme s'abstenir de manger du sang, incluant le meurtre, s'abstenir de relations sexuelles illégitimes, et du culte des idoles (Actes 15, 29), ce qui parait finalement raisonnable et modéré. Jacques donnait ces prescriptions en rappelant que c'est là ce que l'on prêche chaque Shabbat dans les synagogues (v. 21). Sept commandements pour les 613 de la Loi de Moïse.

*

Aussi modérée soit-elle, cette décision en accord avec la pratique synagogale, permettant aux étrangers nouveaux venus de ne pas se voir obligés d'observer l’intégralité de la Loi de Moïse, a été difficile à prendre. Et les modalités de l'application de la décision de Jérusalem seront loin de s'imposer d'elles-mêmes.

Car pour les adversaires de Paul, quiconque « mange et boit » tout ce qui se vend sur le marché cosmopolite des villes de l'Antiquité, quiconque, de ce fait transgresse les coutumes alimentaires traditionnelles et légales, quiconque comprend l’ouverture de l'Église à l'universalité à la façon que prône l'Apôtre, se verra, ce qui est compréhensible, suspecté. Paul pourtant recommande lui-même l’abstinence quant aux viandes consacrées aux idoles !

Or c’est sur l’ouverture façon Paul, mais allant sans doute plus loin que ce qu’enseigne l’Apôtre, que débouchera la très modérée décision de Jérusalem, selon une interprétation sans doute moins restrictive que celle qu’aurait souhaité Jacques, pourtant en accord formel avec Paul lui-même ! Effets imprévus d’une décision et des dérives de son interprétation…

*

Et le christianisme comme religion universelle — sans signes de restriction, ou n’en retenant qu’un minimum très réduit (le baptême) —, le christianisme, d’une certaine façon, est né à une universalité concrète de la décision de Jérusalem que nous avons entendue et des ouvertures sans doute imprévues qui s’en sont suivis. Une décision qui ouvrira sur une religion où rien de ce qui est humain n'est à rejeter, y compris en matière alimentaire.

Par la décision de Jérusalem, l'Église, à sa façon dans la ligne des prophètes bibliques et de la tradition juive, réalisait concrètement une espérance ancienne, remontant autour de la Méditerranée des nations non-juives au moins à Alexandre le Grand, l’empereur grec. Il y avait dans l'Antiquité plusieurs Alexandrie, dont la plus célèbre jusqu'à aujourd'hui est celle d'Égypte. Alexandrie, nom de ville qui correspondait au vœu d'Alexandre de réaliser une cité universelle, Alexandrie devenue ville phare d’un judaïsme étendant l’universalisme jusqu’à l’adoption de la langue des nations, jusqu’à y traduire Bible, le grec.

Le projet d’Alexandre, lui, échouerait, on le sait, mais il laisserait des traces et une espérance dont hériterait l'Empire romain, et que commencerait à réaliser, à la suite du judaïsme hellénistique, la communauté juive qu'était l'Église primitive.

Mais pour cela, certaines frontières, certaines barrières, ont dû être ouvertes. Une synthèse s’opère entre l’universalisme juif et prophétique, et la mise en place de ses possibilités concrètes par ce qui fut d’abord pour beaucoup du malheur : les conquêtes impériales d’Alexandre, allant de l’Europe jusqu’à l’Inde. Un des points de départ de la synthèse entre ces deux héritages universalistes est dans notre texte.

*

L'Église primitive s'ouvrirait, et — façon de préparer notre prochaine fête de printemps et d’évoquer la journée mission antiboise de tout à l’heure aux Courmettes, où nous dégusterons un repas africain, — l’Église primitive s'ouvrirait notamment au plan alimentaire, et donc culinaire !, lieu de culture s'il en est, elle s’ouvrirait sur ce plan à tout l'univers, en écho et en signe de la communauté fraternelle universelle espérée par les prophètes.

Qu’en aurait-il été si l’ouverture promue par le vœu prophétique auquel obéissait l'Église primitive, répondant au commandement divin d'ouverture aux peuples de tout l'univers ; qu’en aurait-il été si le processus qui en relevait avait été interrompu quelque part dans l'histoire, dans une interprétation restrictive de la décision de Jacques ? — décision qui entendait, elle, tenir les deux bouts : ouverture et identité. Si la décision avait été autre, l’Église ultérieure aurait sans doute été autre…

Et on peut de même s’interroger à propos d’autres décisions qui ont été prises, ou ne l’ont pas été. En matière d’ouverture et d’identité, d’autres décisions intervenues à d’autres moments, visant à clore les relations esquissées, à fermer les frontières de l’Église, auraient de même à terme pu valoir isolement de l’Église — et ont souvent valu des divisions : je pense, puisqu’il est question de rites alimentaire, donc de manducation, à telle interprétation médiévale fort restrictive de l’Eucharistie, qui divise jusqu’à aujourd’hui…

Et puisque l’ouverture s’est faite notamment par le biais alimentaire, selon l’interprétation la moins restrictive d’Actes 15 (ça aurait pu se faire autrement, plus dans la ligne de Jacques, peut-être — mais ça s’est fait comme ça, façon Paul, c’est ainsi ; selon une interprétation possible de la vision de Pierre : « manger de tout »… interprétation qui va probablement plus loin que celle de Pierre lui-même, et même que celle de Paul) ; puisque donc les choses se sont faites ainsi, je vous propose à présent d’aborder la suite de notre réflexion sous cet angle, alimentaire.

Considérons donc le développement ultérieur de l’universalité de l’Église au travers d'une image culinaire, un des menus typiques de notre région du monde. Ici on sort de l’Église juive de la Jérusalem de l’an 50 et on fait un saut jusqu’en Gaule, an 50, soit cent ans après Astérix. On y mange encore sanglier (interdit dans la Bible) et châtaignes.

*

Sautons encore quelques siècles, pour un repas toujours bien gaulois, mais du XXIe siècle…

Commençons par une bohémienne, tomates et aubergines, plat bien typique de notre région méditerranéenne. Eh bien, qu’en serait-il si au XVIe siècle l'ouverture internationale (et on sait combien elle s’est faite dans la douleur pour les « Indiens » américains comme pour les Africains), ne nous avait amené, depuis le Pérou via les Portugais et les Espagnols, les tomates si caractéristiques aujourd'hui de notre culture culinaire ? Quant aux aubergines, nous en serions privés si les frontières avaient été fermées un siècle auparavant, où elles nous parvenaient d'Inde par l'Italie. Point question non plus de les poivrer puisque ce n'est qu'en 1770 que Pierre Poivre nous faisait parvenir d'Inde par la Réunion et l'île Maurice, ce produit qui porte son nom et qui épice si bien notre bohémienne.

Point question non plus de la parfumer à l'échalote, c'est-à-dire littéralement l'ail d'Ascalon, en Syrie, qui parvenait chez nous au Moyen Age. Point donc, de bohémienne typique de nos terroirs.

Inutile de dire aussi que nous aurions dû nous passer du pastis en apéritif, inventé au début du XXe siècle, et dont l'anis provient à l'origine d'Asie mineure et de Chine.

Mais avançons dans notre menu. Laissant le sanglier, qui eût fait horreur à nos ancêtres spirituels de l’Église de Jérusalem, passons à une belle dinde bien rôtie accompagnée de pommes de terre sautées à l'huile d'olive. La dinde, elle, a été introduite en France depuis l'Amérique, au XVIe siècle. Pareil pour les pommes de terre. Sans l’extension du monde et l’ouverture culturelle qui s’en est suivie aux XVIe et XVIIe siècles, nous ne connaîtrions pas ce produit évident de notre terroir, mais venu d'Amérique, et que la France du XVIIIe siècle a eu la plus grande peine du monde à adopter.

Quant à l'huile d'olive, si nous la connaissons, c'est que d’au-delà de nos frontières les Romains, prenant le relais des Grecs d'Alexandre, nous la faisaient parvenir au début de notre ère (ici aussi dans la douleur). Pareillement pour la vigne et le vin qui accompagne si bien tous ces plats. Cela, nos ancêtres dans la foi, les chrétiens juifs de Jérusalem, ils connaissaient déjà, et c’était déjà sans doute aussi parvenu jusqu’en Gaule…

Venons en au dessert. Nos pâtisseries : sans sucre, il y manquerait tout de même quelque chose, ce sucre, dont la canne vient à l'origine d'Inde et de Chine du Sud. Et que dire du citron, ou de la fleur d'oranger, si importants pour en parfumer la pâte, et introduits par les Arabes, qui eux, les sucraient avec du miel. Bon, à défaut de pâtisserie, vous goûterez bien un fruit, un abricot, tenez : arrivé de Chine au XVe siècle.

Et vous prendrez bien un café pour terminer. Et cela parce qu’il nous est arrivé d’au-delà de nos frontières au XVIIe siècle depuis l’Italie où les Arabes et les Turcs l'avaient fait parvenir depuis l'Afrique. Avec cela un carreau de chocolat ramené d'Amérique latine au XVIe siècle par les Espagnols, comme, pour les amateurs, le tabac du cigare… que Christophe Colomb découvrait à Cuba.

*

À moins que nous voulions en rester aux produits autochtones, déjà au temps gaulois, auquel cas nous devrions nous contenter par exemple de carottes et d'une purée de châtaigne avec du porc ou du sanglier, comme au temps d’Astérix — et pourquoi pas !, mais ce serait autre chose...

Bref, c’était une illustration culinaire, via un équivalent gaulois, de ce que signifie l’ouverture que reconnaîtrait l'Église primitive suite à la rencontre de Jérusalem de l'an 50 environ.

C’est un aspect de la spécificité de la religion qui va naître, qui n’est pas exclusive de la spécificité juive de témoignage à la Torah, mais qui est dotée d’un autre rôle que la religion de Moïse dont elle est née. Deux rôles nécessaires, deux rôles qu’il faut percevoir pour comprendre la spécificité de la vocation chrétienne et de son rôle particulier dans l’avènement concret d’un universalisme inséparable de l’héritage d’Israël et de Moïse, celui du Dieu unique, dont témoigne Jacques en Actes 15 : « prêché chaque Shabbat dans les synagogues ».

La communauté nouvelle en train de naître portera, pour sa part, son extension aux nations.

R.P.
Vence, 09.05.10


dimanche 2 mai 2010

La Cité céleste





Actes 14, 21-27 ; Psaume 145 ; Apocalypse 21, 1-5 ; Jean 13, 31-35

Hébreux 11, 1-19
1 Or la foi, c'est la réalité de ce qu'on espère, l'attestation de choses qu'on ne voit pas.
2 C'est par elle que les anciens ont reçu un bon témoignage.
3 Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par une parole de Dieu, de sorte que ce qu'on voit ne provient pas de ce qui est manifeste.
4 C'est par la foi qu'Abel offrit à Dieu un sacrifice de plus grande valeur que celui de Caïn ; par elle, il lui fut rendu le témoignage qu'il était juste, Dieu lui-même rendant témoignage à ses offrandes ; par elle, quoique mort, il parle encore.
5 C'est par la foi qu'Hénoch fut transporté, de sorte qu'il ne vit pas la mort ; on ne le trouva plus, parce que Dieu l'avait transporté. En effet, avant d'être transporté, il avait reçu le témoignage qu'il plaisait à Dieu.
6 Or, sans la foi, il est impossible de lui plaire, car celui qui s'approche de Dieu doit croire que celui-ci est et qu'il récompense ceux qui le recherchent.
7 C'est par la foi que Noé, divinement averti de ce qu'on ne voyait pas encore et animé par sa piété, bâtit une arche pour le salut de sa maison ; c'est par elle qu'il condamna le monde et devint héritier de la justice qui répond à la foi.
8 C'est par la foi qu'Abraham obéit à un appel en partant vers un lieu qu'il allait recevoir en héritage : il partit sans savoir où il allait.
9 C'est par la foi qu'il vint s'exiler sur la terre promise comme dans un pays étranger, habitant sous des tentes avec Isaac et Jacob, héritiers avec lui de la même promesse.
10 Car il attendait la cité qui a de solides fondations, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur.
11 C'est par la foi aussi que Sara elle-même, malgré sa stérilité et son âge avancé, fut rendue capable d'avoir une descendance, parce qu'elle tint pour digne de confiance celui qui avait fait la promesse.
12 C'est pourquoi d'un seul homme — et d'un homme déjà atteint par la mort — sont nés des descendants aussi nombreux que les étoiles du ciel et que le sable qui est au bord de la mer, qu'on ne peut compter.
13 C'est selon la foi que tous ceux-là sont morts, sans avoir obtenu les choses promises ; cependant ils les ont vues et saluées de loin, en reconnaissant publiquement qu'ils étaient étrangers et résidents temporaires sur la terre.
14 En effet, ceux qui parlent ainsi montrent clairement qu'ils cherchent une patrie.
15 S'ils avaient eu la nostalgie de celle qu'ils avaient quittée, ils auraient eu le temps d'y retourner.
16 Mais en fait ils aspirent à une patrie supérieure, c'est-à-dire céleste. C'est pourquoi Dieu n'a pas honte d'être appelé leur Dieu ; car il leur a préparé une cité.
17 C'est par la foi qu'Abraham, mis à l'épreuve, a offert Isaac. C'est son fils unique qu'il offrait, lui qui avait accueilli les promesses
18 et à qui il avait été dit : C'est par Isaac que tu auras ce qui sera appelé ta descendance.
19 Il estimait que Dieu avait même le pouvoir de réveiller un mort. C'est pourquoi son fils lui fut rendu : il y a là une parabole.

*

L’Épître aux Hébreux conduit ses lecteurs jusqu’à ce ch. 11 dans sa conviction que si notre temps passager est en train de passer ; si ce passage risque même de se faire dans la douleur, ce monde qui passe a un fondement inébranlable que le Christ est venu dévoiler.

Et cela de façon telle qu’ayant vécu la réalité de l’humanité, et cela jusqu’à la mort, il l’a conduite aussi, à travers ce passage de sa propre mort, à son fondement éternel. Et cet accès n’est le fait que de la foi, de la foi seule, « substance des choses qu’on espère », « substance » littéralement selon le mot grec employé ici. Ce mot désigne le fondement, ce qui est en dessous, ce qui se tient en dessous ; à savoir ce qui fonde ce que l’on espère et que le Christ a dévoilé.

L’auteur de l’Épître tient là à ses lecteurs un propos visant à leur consolation dans un temps de détresse où ce qui tient lieu de cœur du monde et de sa relation avec Dieu, le Temple, est en proie à la violence de l’armée romaine, à la veille de sa destruction : la foi est la substance de ce que l’on espère. La foi, et rien d’autre, pas même l’Église où cette parole doit être proclamée. Comme le rite du Temple, seul rite biblique, symbolise une réalité éternelle, le rite de l’Église a fonction symbolique et la parole qu’elle porte désigne ce fondement éternel.

Les Églises et leurs rites relèvent du provisoire. Le Christ ne se confond pas avec une Église ni avec fortiori avec telle ou telle institution d’Église ou autre, depuis nos diaconats jusqu’à nos instituions laïques. La réalité éternelle sur laquelle ouvre la foi relève de la foi seule. L’auteur témoigne ainsi, malgré les différences qui l’en distinguent, de sa proximité d’avec Paul, l’Apôtre de l’affirmation insistante du salut par la foi seule, avec lequel on l’a parfois confondu.

Ainsi, ce n’est pas celui qui a fait montre de puissance, comme Caïn, que Dieu justifie, mais celui qui a foi, comme Abel. Ou encore, Hénoch qui selon la Genèse a accédé à la réalité éternelle par une élévation est le signe de la foi comme substance fondamentale. Noé qui selon la Genèse a traversé la destruction du monde par la foi en est un autre. « La justice s’obtient par la foi ».

*

L’Épître rappelle alors que le peuple hébreu a été fondé sur la foi en une promesse concernant quelque chose qu’il ne voyait pas encore, lui non plus que ses héritiers.

C’est pour cela que l’Épître remonte aux racines patriarcales, aux premiers temps de la constitution du peuple, d’Abraham aux prophètes.

Aucun de tous ceux-là qui n’ait cheminé par la foi sur les routes de la promesse.

Il n’est pas jusqu’aux passages les plus concrets qui n’aient été traversés par la foi, puisque sans la foi de Sarah, devenue trop âgée pour enfanter, Isaac n’aurait pas vu le jour indispensable pour qu’advienne la réalisation de la promesse !

Pas de retour possible vers une nostalgie d’un passé qui ne reviendra pas. Nous voilà « étrangers et résidents temporaires sur la terre. » En marche vers une autre patrie, « c’est-à-dire céleste ». La transposition, du temps à l'éternité, pratique typique de l’Épître aux Hébreux, est ici remarquable. Transposition immédiate. La promesse est au fond, en vérité, celle de la rencontre du fondement éternel de ce temps passager : la Cité céleste.

Promesse de résurrection : il n’est pas jusqu’à la ligature d’Isaac par Abraham qui ne soit lue à la lumière de la foi à la résurrection, qui s’est à présent approchée dans le Christ préexistant dans ce monde de la résurrection et venu la dévoiler dans notre temps passager.

*

En écho à ce cheminement des patriarches et aux signes qu’ils ont portés, alors que s’approche l’accomplissement de la promesse, Jésus à l’heure de sa mort et de sa résurrection que l’Epître a vu préfigurée dans la ligature d’Isaac, Jésus annonce cet accomplissement qui s’approche à la croix en ces termes :

Jean 13, 31-35 :
31 […] Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui.
32 Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui, il le glorifiera aussitôt.
33 Mes enfants, je suis avec vous encore un peu. Vous me chercherez ; et comme j'ai dit aux Judéens : « Là où, moi, je vais, vous, vous ne pouvez pas venir », à vous aussi je le dis maintenant.
34 Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres ; comme je vous ai aimés, que vous aussi, vous vous aimiez les uns les autres.
35 Si vous avez de l'amour les uns pour les autres, tous sauront que vous êtes mes disciples.

Le chemin n’est pas terminé : « Là où, moi, je vais, vous, vous ne pouvez pas venir ». Pour l’heure le signe du Royaume qui se dessine comme horizon de notre foi, dont notre foi est déjà la substance, ce Royaume se concrétise, à l’heure où Jésus va être glorifié, c’est-à-dire crucifié. Le Royaume se concrétise en signe dans un commandement nouveau qui est en fait le commandement des origines, dont la Torah porte déjà l’écho, un commandement plus ancien que le monde, mais qui est définitivement nommé commandement nouveau : « que vous vous aimiez les uns les autres ; comme je vous ai aimés, que vous aussi, vous vous aimiez (ou chérissiez) les uns les autres. Si vous avez de l'amour (ou chérissement) les uns pour les autres, tous sauront que vous êtes mes disciples. »

À l’heure de la glorification du fils, c’est la nouveauté radicale de la nouvelle création qui est appelée à être portée par les disciples dans l’accomplissement toujours nouveau du commandement qui annonce le monde nouveau et qui fonde notre service.

Car c’est le manque de la pratique du commandement où se source le monde nouveau qui éloigne l’horizon que dessine la foi. C’est le manque du chérissement dont le Christ donne la plénitude qui est la source de la douleur, des larmes, de tout ce qui oblitère le Royaume.

Le chérissement, rendant son prix à ce qui nous est offert, à celui, celle qui nous sont offerts comme infiniment précieux et à servir ; infiniment chers — le chérissement, commandement nouveau est alors nouveauté de vie, nouveau comme est nouveau le Cantique nouveau annoncé par l’Apocalypse, et qui est plus ancien que le monde même, nouveauté perpétuelle de la Création et de la Création nouvelle.

Apocalypse 21, 1-5 :
1 Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle ; car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n'était plus.
2 Et je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la ville sainte, la Jérusalem nouvelle, prête comme une mariée qui s'est parée pour son époux.
3 J'entendis du trône une voix forte qui disait : La demeure de Dieu est avec les humains ! Il aura sa demeure avec eux, ils seront ses peuples, et lui-même, qui est Dieu avec eux, sera leur Dieu.
4 Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu.
5 Celui qui était assis sur le trône dit : De tout je fais du nouveau. Et il dit : Ecris, car ces paroles sont certaines et vraies.

RP
Antibes, 02.05.10