dimanche 20 juin 2010

"Et vous, qui dites-vous que je suis ?"





Zacharie 12, 10-13:1 ; Psaume 63 ; Galates 3, 26-29 ;


Luc 9, 18-24
18 Or, comme il était en prière à l'écart,
les disciples étaient avec lui, et il les interrogea : "Qui suis-je au dire des foules?"
19 Ils répondirent : "Jean le Baptiste; pour d'autres, Élie; pour d'autres, tu es un prophète d'autrefois qui est ressuscité."
20 Il leur dit : "Et vous, qui dites-vous que je suis ?"
Pierre, prenant la parole, répondit : "Le Christ de Dieu."
21 Et lui, avec sévérité, leur ordonna de ne le dire à personne,
22 en expliquant : "Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit mis à mort et que, le troisième jour, il ressuscite."
23 Puis il dit à tous : "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix chaque jour, et qu'il me suive.
24 En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra; mais qui perd sa vie à cause de moi, la sauvera.

*

Que dit-on de moi ? — Jésus est-il si soucieux de ce qu'on pense de lui ? Cherche-t-il la notoriété ?

« Que dit-on de moi ? Et vous, que dites-vous de moi ? » Que de questions ! Sur sa propre personne.

En termes contemporains, est-il victime du syndrome qui veut que l'on n'existe que… dans la célébrité et les opinions positives, ou si l'on « passe à la télé » ?

Vous connaissez bien sûr la réponse. La question contient en elle-même le ridicule d’une réponse affirmative ! Et on peut en dire autant de tous les lieux à la mode où l’on paraît…

*

Là n'est pas le souci de Jésus — « gagner le monde » ! — lui qui n'a même pas pris soin de laisser ne serait-ce qu'un Testament écrit, pas même de sa propre pensée.

Et même, allons un peu plus loin, ces questions de Jésus ne répondent évidemment pas à une inquiétude quant à sa popularité, mais au contraire, à ce que, la connaissant, il s'en agace : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » demande t-il à Pierre.

Et Pierre, répondant : « Le Christ de Dieu », Jésus, avec sévérité, leur ordonna de ne le dire à personne, en expliquant : « Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit mis à mort » (v. 22).

Et il s'agace d'une popularité dont il sait non seulement la vanité, mais aussi en ce qui le concerne, qu'elle est signe de sa prochaine persécution. Et que de toutes façons le mot « Christ », « doté de l’onction divine », « Messie », qui la déclenchera est compris de travers…

Persécution, mépris — que sais-je encore ? —, seront bientôt son lot, et le lot, avertit-il, de quiconque voudra le suivre. Jésus a posé cette série de questions pour en arriver là : redire aux disciples et à quiconque veut le suivre que pour un disciple la popularité est mauvais signe.

Plus encore, elle est un piège, celui des flatteurs, qui veulent surtout n'être pas remis en question par l'Évangile et qui veulent faire taire son porte-parole : rappelez-vous le corbeau et le renard : «tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute» ; rappelez-vous, en ce même Luc, au ch. 6 :

« Heureux êtes-vous lorsque les hommes vous haïssent, lorsqu'ils vous rejettent et qu'ils insultent et proscrivent votre nom comme infâme, à cause du Fils de l'homme.
Réjouissez-vous ce jour-là et bondissez de joie, car voici, votre récompense est grande dans le ciel ; c'est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais "Malheureux êtes-vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous : c'est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les faux prophètes. »


Non que l'impopularité soit à rechercher, évidemment ! — mais Jésus nous a mis en garde : l'Évangile est l'inverse d’un bon « audimat ».

Et c'est ici qu'il faut en venir à ce petit détail, en début de notre texte : Jésus était en prière à l'écart.

Là est un point essentiel : on est soi-même avec toute sa valeur non pas dans la célébrité, y compris d'ailleurs dans les célébrités de village ou de quartier, mais dans l'intimité du regard de Dieu : en prière à l'écart, avec Jésus. Et non avec la foule des acclamateurs-girouettes.

En prière à l'écart, là est le fondement, le cœur secret de notre mission.

Alors il dit à tous : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix chaque jour, et qu'il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perd sa vie à cause de moi, la sauvera » (v. 24).

Et là, on arrive au cœur de son propos : au-delà de tout ce que l’on vient de voir, il s’agit pour lui de situer ses disciples face à lui seul — « Et vous, qui dites-vous que je suis ? », c’est cela qui importe et non pas « que dit-on de moi ? » — Se situer face à lui sans tergiverser, malgré sa réputation déplorable pour des lendemains catastrophiques ; bref, quoique cela coûte.

« À ce point, tout a changé. On est passé de ce que disent et pensent les hommes ou les foules, à ce que « vous, vous dites ». On passe de « on » à « toi », de l'admiration plus ou moins béate mais finalement pas dérangeante, à la mise en question.

Jésus refuse toute réponse anonyme ; Jésus n'a que faire d’une réponse admirative, mais qui, dans une heure, sera oubliée, et qui, finalement n'aura guère de conséquences dans les vies ; les foules bientôt crucifieuses rangeront par la suite ce « grand homme » dans leur mémoire comme on range des photos de grands hommes. Et dans la galerie des grands personnages, il y en aura un de plus.

Et cela n’intéresse pas Jésus. Il veut une réponse personnelle (toi ! moi !), une réponse qui engage, qui compromet pour toujours. Une réponse où tout change dans la vie de celui qui la formule. Une réponse comme celle que va donner de Pierre. « Tu es le Christ de Dieu », et qui veut dire concrètement : tu es mon Seigneur ; tu es celui qui est au cœur de ma foi, celui qui donne un sens à ma vie et à mon histoire ; celui en dehors de qui je ne peux plus désormais trouver des raisons de vivre. »

Si Jésus a fait bien des choses étonnantes jusqu'ici, il n'avait, apparemment, rien fait de décisif qui le fasse confesser comme Christ. Il requiert à présent une réponse qui joue toute notre vie. C'est ça, la foi, et c'est ce qui la différencie de l'admiration qui n'est jamais que sa mauvaise copie, d'autant plus dangereuse qu'elle permet d'esquiver Jésus et d'esquiver son salut.

Alors la foi (même fragile) étant arrivée, Jésus affirmera que l'heure est aussi arrivée de révéler quel sera le Christ et quel sera le signe de son règne : beaucoup souffrir ; être rejeté par les responsables en place ; être mis à mort (alors qu'il semblait devoir être porté aux nues) ; et être ressuscité. »

C’est la question qui nous est posée, à nous aussi aujourd’hui, et dont la réponse correspond à rien moins qu’à un engagement : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? »


R.P.
Antibes, 20 juin 2010


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