dimanche 1 mai 2011

La marque des clous




Actes 2, 42-47 ; Psaume 118, 21-29 ; 1 Pierre 1, 3-9 ; Jean 20, 19-31

Jean 20, 19-31
19 Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Judéens, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d'eux et il leur dit: "La paix soit avec vous."
20 Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie.
21 Alors, à nouveau, Jésus leur dit: "La paix soit avec vous. Comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous envoie."
22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit: "Recevez l'Esprit Saint;
23 ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus."
24 Cependant Thomas, l'un des Douze, celui qu'on appelle Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint.
25 Les autres disciples lui dirent donc: "Nous avons vu le Seigneur!" Mais il leur répondit : "Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n'enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n'enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas !"
26 Or huit jours plus tard, les disciples étaient à nouveau réunis dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vint, toutes portes verrouillées, il se tint au milieu d'eux et leur dit: "La paix soit avec vous."
27 Ensuite il dit à Thomas: "Avance ton doigt ici et regarde mes mains; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d'être incrédule et deviens un homme de foi."
28 Thomas lui répondit : "Mon Seigneur et mon Dieu."
29 Jésus lui dit: "Parce que tu m'as vu, tu as cru; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru."
30 Jésus a opéré sous les yeux de ses disciples bien d'autres signes qui ne sont pas rapportés dans ce livre.
31 Ceux-ci l'ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom.

*

On ne s’arrêtera pas sur la question de la foi de Thomas… Juste quelque mots cependant pour dire que… Je suis comme saint Thomas : ce que je crois ne se confond pas avec ce que je vois !

"Je suis comme saint Thomas, je crois ce que je vois", répond l'homme de bon sens, ou qui se veut tel. "Comme saint Thomas". À ceci près que Thomas ne croit pas ce qu'il voit, mais parce qu'il voit. Nuance. Et on va voir que la nuance est importante.

Comme Thomas, personnellement, ce que je vois, je ne le crois pas. Inutile, puisque je le vois. Qu'ai-je besoin encore de le croire ? Et l'homme de bon sens de préciser sa pensée : je n'ai jamais vu Dieu, je ne peux pas y croire. En ce qui me concerne, là aussi, si j'avais vu Dieu, je n'aurais pas besoin de croire qu'il existe. Évidemment. Le voir serait suffisant. Mais avant notre homme de bon sens, c'est ce même Évangile de Jean, qui dit, dès son premier chapitre :"Personne n'a jamais vu Dieu", et qui termine donc, par cet épisode de Thomas en réponse à "personne n'a jamais vu Dieu", qui se poursuivait au 1er chapitre par "le Fils unique, qui demeure dans le sein du Père, lui seul l'a fait connaître". Voilà qui est moins simple que les certitudes de l'homme de bon sens.

C'est ainsi que nombre de nos contemporains croient — croient-ils — ce qu'il voient. Thomas, lui, ne croyait pas ce qu'il voyait, selon notre texte, mais croyait parce qu'il avait vu.

Thomas, donc, croit : le Fils de Dieu, le ressuscité, est venu à lui : Thomas a donc droit en quelque sorte à faire abstraction de son intelligence, de la réflexion, à laquelle, il faut faire appel habituellement : "heureux ceux qui ont cru sans avoir vu". Car là, il faut user de son intelligence pour accéder à la compréhension du fait qu'il y a une réalité derrière ce que l’on voit.

Dieu, je ne l'ai pas vu. Thomas n'a pas vu Dieu non plus, mais il a cru : le Fils unique, le ressuscité, le lui a fait connaître.

Monde nouveau, inaccessible, inconnu, dont est porteur le Christ, venu à notre rencontre, est à même donc, de tout bouleverser. Et ça, on l'a su par les femmes venues au tombeau, c'est effrayant.

Pour Thomas, voilà qui déjà fait basculer sa vie ! Mais quoique cela suppose pour la suite, ce que Thomas pressent — la tradition veut que cela l'ait mené jusqu'en Inde où il aurait fondé l'Église — quoique cela suppose pour la suite, Thomas sait : il y a quelque chose derrière ces plaies. Thomas n'a pas cru ce qu'il a vu, il a cru parce qu'il a vu, et quoique cela coûte. Avant même d’avoir à toucher : "Mon Seigneur et mon Dieu", a-t-il dit, dans l'adoration. Alors quand l'homme de bon sens me dit : je suis comme saint Thomas, je ne peux m'empêcher de penser : s'il sait ce qu'il dit, quelle foi ! Que la foi de saint Thomas soit la nôtre, celle que Dieu lui-même écrit sur nos cœurs au-delà même des plaies qui marquent encore le monde de la résurrection… plaies signes des souffrances traversées, réelles jusqu’à ce jour…

… Et qui feront dire à Paul (Romains 8) :
« 18 J'estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous.
19 Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu :
20 livrée au pouvoir du néant — non de son propre gré, mais par l'autorité de celui qui l'a livrée —, elle garde l'espérance,
21 car elle aussi sera libérée de l'esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu.
22 Nous le savons en effet : la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l'enfantement.
23 Elle n'est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l'adoption, la délivrance pour notre corps.
24 Car nous avons été sauvés, mais c'est en espérance. […] » (Romains 8, 18-24)

Car cela vaut pour chacun :
« 16 Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.
17 Enfants, et donc héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire. » (Romains 8, 16-17)

Voilà une leçon qui rejoint le constat de Thomas : les plaies du Ressuscité. La gloire de la résurrection porte le traces du passage dans le temps, de ce que l’être de résurrection est celui qui a traversé le temps de douleur par lequel a été constitué ce qu’il est dans l’éternité.

Il porte les plaies de sa souffrance. Mais, parole de foi de Paul — de l’ordre de la foi de Thomas, mais pour celui qui n’a pas vu —, « j'estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous ». Estimation de foi. Si Thomas a vu, Paul, non plus que nous, n’en voit rien ; et il « estime ».

Signée au corps du Ressuscité, la souffrance du temps n’est pas niée, mais elle est engloutie dans la gloire proche d’être révélée.

Cela vaut, depuis la révélation des plaies du Ressuscité, pour chacun de nous, et pour toute la création — dont la parole de la foi promet la délivrance par la révélation des enfants de Dieu, à la suite du premier engendré d’entre les morts, le Christ ressuscité !

1 Pierre 1, 3-8 :
3 Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus–Christ, qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés, pour une espérance vivante, par la résurrection de Jésus–Christ d’entre les morts,
4 pour un héritage qui ne se peut ni corrompre, ni souiller, ni flétrir, lequel vous est réservé dans les cieux,
5 à vous qui, par la puissance de Dieu, êtes gardés par la foi pour le salut prêt à être révélé dans les derniers temps !
6 C’est là ce qui fait votre joie, quoique maintenant, puisqu’il le faut, vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves,
7 afin que l’épreuve de votre foi, plus précieuse que l’or périssable qui cependant est éprouvé par le feu, ait pour résultat la louange, la gloire et l’honneur, lorsque Jésus–Christ apparaîtra,
8 lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore, vous réjouissant d’une joie ineffable et glorieuse.

R.P.
Antibes, 01.05.11


Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire