dimanche 18 mai 2014

Jésus, dévoilement du Père



(photo ici)

Actes 8, 5-17 ; Psaume 66 ; 1 Pierre 3, 15-18 ; Jean 14, 1-12

Jean 14, 1-12
1  "Que votre cœur ne se trouble pas : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.
2  Dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures : sinon vous aurais-je dit que j’allais vous préparer le lieu où vous serez ?
3  Lorsque je serai allé vous le préparer, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, si bien que là où je suis, vous serez vous aussi.
4  Quant au lieu où je vais, vous en savez le chemin."
5  Thomas lui dit : "Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas, comment en connaîtrions-nous le chemin ?"
6  Jésus lui dit : "Je suis le chemin et la vérité et la vie. Personne ne va au Père si ce n’est par moi.
7  Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Dès à présent vous le connaissez et vous l’avez vu."
8  Philippe lui dit : "Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit."
9  Jésus lui dit : "Je suis avec vous depuis si longtemps, et cependant, Philippe, tu ne m’as pas reconnu ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Pourquoi dis-tu : Montre-nous le Père ?
10  Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ! Au contraire, c’est le Père qui, demeurant en moi, accomplit ses propres œuvres.
11  Croyez-moi, je suis dans le Père, et le Père est en moi ; et si vous ne croyez pas ma parole, croyez du moins à cause de ces œuvres.
12  En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera lui aussi les œuvres que je fais ; il en fera même de plus grandes, parce que je vais au Père.

*

Rappelons-nous tout d’abord les circonstances : Jésus va partir. Concrètement, il va mourir. On sait de quelle façon. Alors il donne comme un testament à ses disciples. Une promesse de consolation pour les temps difficiles qu’ils auront à traverser jusqu’à la venue du Règne de Dieu. Rappelons-nous ses paroles : « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï le premier » (Jean 15, 18).

Il n’a rien caché de ce qui attendait ceux qui le suivraient — mais il a empli cela de sa consolation : « Heureux êtes-vous lorsque les hommes vous haïssent, lorsqu’ils vous rejettent et qu’ils insultent et proscrivent votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme.
Réjouissez-vous ce jour-là et bondissez de joie, car voici, votre récompense est grande dans le ciel; c’est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les prophètes. (Luc 6, 22-23)
« Malheureux êtes-vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous: c’est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les faux prophètes. » (Luc 6, 26)

« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice: le Royaume des cieux est à eux.
Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, que l’on vous persécute et que l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi.
Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux; c’est ainsi en effet qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés. » (Matthieu 5, 10-12)

« Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite », annonce-t-il alors quelques versets après notre texte : « le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. » (Jean 15, 20)
« L’heure vient où celui qui vous fera périr croira présenter un sacrifice à Dieu » (Jean 16, 2). Tout cela est en vue derrière le premier verset de notre texte : « Que votre cœur ne se trouble pas : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jean 14, 1).

C'est alors qu'on trouve ce texte très connu, le verset 6 — « Je suis le chemin et la vérité et la vie. Personne ne va au Père si ce n’est par moi », souvent isolé du contexte que je viens de rappeler. Il n’est ainsi pas question ici de conversion à une religion, mais d'entrée dans l'intimité du Père — et cela dans le contexte du départ de Jésus : « où je vais, vous en savez le chemin » (v. 4). Voilà qui donne un tour particulier à ce verset. Par là, le disciple est appelé à venir, en Jésus, à une position semblable à celle qui est la sienne vis-à-vis du Père.

« Je suis le chemin et la vérité et la vie. Personne ne va au Père si ce n’est par moi. » Voilà une parole qui alors, devient parole de consolation, qui annonce le Consolateur, l’Esprit de vérité, « qui vous conduira dans toute la vérité », au-delà des mensonges et des calomnies qu’endurent les persécutés — mais aussi, au-delà de cela, de tout ce que nous traversons de douleurs et de détresse. Car cela vaut au-delà des temps de persécutions. D’autres épreuves sont en vue. Le disciple du Christ reçoit ainsi la promesse d’un Esprit, l’Esprit de Dieu, qui précède tous les temps et toutes les détresses, et qui ancre le disciple au-delà des faux-semblants dans une vérité indestructible. Voilà une consolation indicible, vrai chemin de Vie — Chemin, Vérité et Vie. « Je suis le chemin et la vérité et la vie », promet Jésus.

*

Rappelons-nous que l'Évangile selon Jean débute par la présentation de la Parole éternelle, venue en Jésus Christ, qui demeure éternellement dans le sein du Père. Demeurer dans le sein du Père. Ce à quoi nous sommes appelés aussi. « Il y a plusieurs demeures dans la maison du Père » : c’est-à-dire que chaque disciple est appelé à vivre aussi lui-même, comme être unique, cette relation d'intimité avec Dieu qui est la Consolation de Jésus et celle des siens ; et cela dès aujourd’hui.

Dans la présence de Dieu, les particularités individuelles de chacun sont appelées à devenir autant de signes du Dieu invisible, à l'image de Jésus. C'est pourquoi (v. 12), celui qui croit en lui fait aussi les œuvres du Christ. Mieux, par l'accès à Dieu dévoilé par Jésus, dévoilé dans sa glorification à la croix par sa résurrection, les œuvres des disciples en sont même plus grandes que celles d'avant de dévoilement en Jésus de ce qui se peut savoir de Dieu.

Cela parce que le dévoilement de Dieu en Jésus, scellé dans son départ, sa crucifixion, est attesté par sa résurrection : ici quand il parle de son retour — « lorsque je serai allé vous préparer une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, si bien que là où je suis, vous serez vous aussi » (v.3), — plutôt que de sa Parousie, de sa venue glorieuse, Jésus parle d’abord de sa résurrection. C'est là le retour qui suit son départ par la croix. Ce qui signifie que cette présence de ceux qui croient en la maison du Père ne renvoie pas tant à un après la fin des temps ou à un après la mort, qu'à un dès ici-bas. Ainsi, notre texte est immédiatement suivi par la promesse du don de l'Esprit saint. Car c’est bien ici bas que les disciples marchent dans le chemin de Vérité et de Vie — et c’est cela être disciple.

Ce qui est donné à chacun dans sa résurrection, le fait qu'en Jésus se dévoile l'entrée dans l'intimité du Père est ce qui s'est alors manifesté dans le temps, sous la chair : en Jésus homme, Dieu s'est dit lui-même. Sa Parole est donnée, est faite chair. Tout ce qui se peut savoir de Dieu est dévoilé à la connaissance des disciples. Il s'agit là d'une connaissance concrète, dans laquelle on entre pour y prendre part. Il n'est pas question que de connaissance en un sens purement théorique (la « vérité » comme discours), mais de l’entrée dans un vécu — la Vie, dans l'intimité du Père, dès ici-bas.

Une telle nouvelle a de quoi étonner, sachant combien nous demeurons, en même temps, loin de nous-mêmes, dispersés. Mais c'est précisément là l'Évangile : il n'est d'entrée dans la vie du Père que par ce dévoilement. Et on sait que ce dévoilement est dans un cheminement qui débouche sur sa croix et par elle, sur la Vie.

C'est en quoi Jésus est le Chemin, la Vérité et la Vie. Cette entrée dans l'intimité du Père qui se donne dans notre temps en Jésus, est le dévoilement du Dieu éternel. Par sa venue en chair, le Père se dévoile dans le Fils. Et l'éternité du Fils déborde infiniment sa stricte présence au temps. Lorsque dans le temps, Jésus parle ou agit, c'est le Père, qui dans l'éternité, est en train d'accomplir ses œuvres. Et en lui, cela vaut pour chacun de nous, cela donne à nos actions une portée éternelle.

« Il y a plusieurs demeures dans la maison du Père ». Cela signifie qu'entrer par le Christ dans la maison de Dieu veut dire, non pas tomber dans un déficit de vie, mais devenir pleinement soi-même, comme le Christ n'est pas moins homme de par sa communauté de nature avec Dieu, mais est au contraire pleinement homme.

Il y a là pour nous ouverture à une cessation des morcellements de nos vies ; l'intimité du Père et du Fils fonde dans l’Esprit saint la possibilité de rencontres vraies contre des vies désagrégées, atomisées, bardées de murs de désespoir. Vivre dans l'intimité de Dieu : devenir soi-même sous le regard du Père. Chemin de la rencontre du Père, manifestation de la vérité contre les masques, Jésus est aussi, et par là-même, la Vie. C’est la consolation qui nous est donnée par l’Esprit saint.


RP, Poitiers, 18.05.14


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