jeudi 25 décembre 2014

Noël - Promesse de lumière




Esaïe 52, 7-10 ; Psaume 98 ; Hébreux 1, 1-6 ; Jean 1, 1-18

Jean 1, 1-18
1 Au commencement était la Parole ; la Parole était avec Dieu ; et la Parole était Dieu.
2 Elle était au commencement avec Dieu.
3 Tout a été fait par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.
4 En elle était vie, et la vie était la lumière des humains.
5 La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas reçue.
6 Survint un homme, envoyé de Dieu, du nom de Jean.
7 Il vint comme témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui.
8 Ce n'est pas lui qui était la lumière ; il venait rendre témoignage à la lumière.
9 La Parole était la vraie lumière, celle qui éclaire tout humain ; elle venait dans le monde.
10 Elle était dans le monde, et le monde est venu à l'existence par elle, mais le monde ne l'a jamais connue.
11 Elle est venue chez elle, et les siens ne l'ont pas accueillie ;
12 mais à tous ceux qui l'ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu
— à ceux qui mettent leur foi en son nom.
13 Ceux-là sont nés, non pas du sang, ni d'une volonté de chair, ni d'une volonté d'homme, mais de Dieu.
14 La Parole est devenue chair ; elle a fait sa demeure parmi nous, et nous avons vu sa gloire, une gloire de Fils unique issu du Père ; elle était pleine de grâce et de vérité.
15 Jean lui rend témoignage, il s'est écrié : C'était de lui que j'ai dit : Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car, avant moi, il était.
16 Nous, en effet, de sa plénitude nous avons tous reçu, et grâce pour grâce ;
17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.
18 Personne n'a jamais vu Dieu ; Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l'a dévoilé.

*

Conçus dans une Parole de lumière qui précède toute lumière, cette lumière qui nous éclaire tous qui sommes venus dans le monde, nous voilà dans le monde de la chair de ténèbres, de souffrance et d’humiliation qui est d'être au temps où tout se corrompt, s'use, comme jusqu'à abîmer l’éternité...

C'est là que la Parole qui nous précède et nous fonde dans sa lumière d'éternité nous a rejoints, devenant chair pour qu'au cœur de notre chair nous percevions notre être d'éternité, notre vérité cachée sous le désespoir de l’humiliation de la chair, à présent promise à la vérité de la grâce. Don de Noël...

(Ci-dessous, quelques mots de réflexions supplémentaires sur le texte pour le lecteur...)

*

La lumière est venue dans un enfant. La lumière créatrice. Avant le verset 14, on est avant l'Incarnation, avant la venue en chair de Jésus. L'allusion à l'Incarnation et à sa lumière sera ce dont témoignera Jean le Baptiste, lui qui est le dernier témoin avant la venue du Royaume en cet enfant, Parole de lumière faite chair, justement, car son témoignage est bien porté avant, bien que comme il le dit, la Parole soit avant lui.

La Parole, créatrice, au commencement de toute chose, est celle qui vient à nous à Noël, graine de lumière, pour ensemencer toute chose, pour mener le monde, la Création, à son achèvement. C'est à cette Parole des origines, créatrice, que renvoie ce commencement de l’évangile de Jean, et à la lumière qui en est le premier effet. Une lumière qui précède toute lumière, vraie lumière, qui éclaire tout humain venant dans le monde.

La lumière est celle de la vie, elle est celle de Noël. Elle nous illumine, dès l’instant où nous venons à la vie. C'est en elle que nous apparaissons quand la Parole qui nous fait exister est prononcée, toutes choses qui précèdent donc son Incarnation, sa venue en chair. Et lorsque nous venons au jour, notre naissance, le jour naturel qui nous éclaire est alors symbole de cette lumière qui le précède de toute l'éternité, et qui vient à nous à Noël.

La Parole est au commencement, en vis-à-vis de Dieu, tournée vers Dieu. Tournée vers Dieu, en vis-à-vis comme l'image est en vis-à-vis dans le miroir qui réfléchit cette image. Dans le vis-à-vis de sa Parole, Dieu réfléchit, la Parole est Dieu même réfléchissant ; « la Parole était Dieu » — le mot pour Parole qu'emploie l’Évangile de Jean étant en grec le même mot que pour « raison » ; c'est le mot — logos — qui a donné « logique ». Dieu réfléchit, réfléchit en lui-même, Dieu raisonne, puis il parle, exprimant ce raisonnement — parole de lumière.

« En cette Parole est la lumière du monde », avant même la lumière naturelle, donc. Lorsqu'elle s'exprime, la lumière, apparaît : « Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière est ». Cette vraie lumière est la lumière spirituelle dans laquelle le monde prend forme.

En cette lumière qui est celle de Noël, le monde de la résurrection est alors répandu comme un graine de lumière. Le déroulement de la création est le développement de cette illumination du monde, de sa sortie du chaos et des ténèbres.

C'est de la sorte que graine de lumière et de résurrection, cette même Parole qui nous fait venir à l'être peut aussi nous faire venir à la vie de Dieu, pourvu que nous l'accueillions. Car la Création, le monde, dès lors qu'il ne reçoit pas la Parole par laquelle il existe, est dans les ténèbres, selon que c'est cette Parole, qui sépare la lumière des ténèbres. Parole, et lumière.

Comme lorsque les Apôtres disent au paralytique : « lève-loi et marche » —, « ceux qui ont reçu la Parole ont reçu le pouvoir de devenir enfants de Dieu ». Cette Parole, qui est aussi celle de Jean-Baptiste, un témoignage, est donnée en premier lieu comme Loi par Moïse.

La grâce venue par Jésus-Christ est la force, le pouvoir de se lever à l'écoute de la Parole venue sous forme de Loi donnée par Moïse, premier témoin. La Loi est le premier témoin, où Jean le Baptiste, représentant les Prophètes, est le dernier de ceux-ci avant l'incarnation de la Parole, avant le devenir chair de la Parole reçue.

Allusion est faite à tous les témoins, à tous ceux qui reçoivent cette Parole. Allusion bien sûr à Marie, en qui la Parole est faite chair, Jésus, quand elle la reçoit dans sa chair, comme nous tous sommes appelés à le faire. Allusion à Marie bien sûr, qui à nouveau apparaît a la fin de l'Évangile de Jean, à la croix, nouvel enfantement. Allusion à Marie puisque la venue en chair suit immédiatement le verset sur la réception de la Parole.

C'est pourquoi, ce texte — plus précisément au fond que ceux de Luc et Matthieu, qui sont donnés comme récits figurés — enseigne la naissance virginale.

Quant à nous aussi, à ceux qui ont reçu la Parole, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, comme autant de porteurs de cette Parole qui fait venir à la vie, lesquels ne sont pas nés de la chair, mais de la volonté de Dieu. Recevoir la Parole qui fait advenir a la vie. Et juste après : la Parole a été faite, chair... Jésus.

Jésus : l'expression par excellence de ce raisonnement en Dieu, de ce vis-à-vis éternel de Dieu et de sa Parole, comme son reflet, sa réflexion, est Jésus-Christ, sa Parole faite chair (Jean 1, 14). Lorsqu'il l’exprime, le monde prend forme et s'éclaire (voir Colossiens ch. 1, concernant Jésus-Christ : "tout a été fait en lui, par lui et pour lui").

Face à cela, les ténèbres naturelles sont le signe qu'il est une limite à la pénétration de la lumière : ne pas la recevoir. Ne pas accueillir la lumière dans laquelle nous venons à l'être est une possibilité, mystérieuse, aussi pour les créatures intelligentes que nous sommes, devenant par là stupides.

Mais que de possibilités s'ouvrent au contraire par cet accueil : le pouvoir de devenir enfants de Dieu, juste par l'accueil, dans la foi, de cette Parole et de sa lumière, par l'accueil de cette Parole donnée d'abord dans le ministère de Moïse à Jean-Baptiste, Loi et Prophète, qui pour être témoins de la lumière, ne donnent pas le pouvoir de la vivre en vérité, dans la chair. La grâce seule peut faire franchir ce pas de la vérité incarnée. Elle est venue en Jésus-Christ, qui fait connaître celui que seul il connaît : le Père.

Car le connaître ne se fait que dans l'accueil de la Parole dans la chair, dans le fait de vivre de la Parole qui fait vivre, de voir de la lumière qui illumine nos yeux. Connaître, c'est être en communion. Connaître c'est être dans l'amour... Cette possibilité nous est donnée par Jésus-Christ, communion vivante avec Dieu, rencontre pleine de Dieu. De cette plénitude nous recevons tous. C'est là le cadeau de Noël. La réception de la Parole, son accueil, la grâce de la vivre, a donné celle même parole faite chair, croissant jusqu'en la résurrection.

Que cette Parole, qui est née en Marie il y a deux mille ans, Jésus, Parole éternelle qui nous a créés, Parole éternelle qui nous illumine - naisse en chacun de nous pour nous rendre féconds en Dieu. Qu'elle fasse germer en nous la grâce de l'accueillir d 'où qu'elle vienne ; de ne pas endurcir notre cœur lorsque nous l'entendons par la bouche de tous ses témoins, de Moïse à Jean-Baptiste, puis aux Apôtres et à tous les anonymes que nous côtoyons peut-être sans le savoir…

Et tous ceux, qui jusqu’aux confins du monde sont témoins des possibilités qu’ouvre cette parole — en étant comme autant de terres nouvelles à même d’être ensemencées des graines de cette lumière semée à Noël. Accueillir la Parole créatrice, illuminatrice, source de la vie nouvelle. Cette Parole est le Fils unique de Dieu, en qui demeure pour nous le pouvoir de devenir nous aussi enfants de Dieu.

RP, Poitiers, Noël, 25.12.14


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