lundi 25 décembre 2017

Que tout l'univers le célèbre !




Ésaïe 52, 7-10 ; Psaume 98 ; Hébreux 1, 1-6 ; Jean 1, 1-18

Hébreux 1, 1-6
1 Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu,
2 dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, par lequel il a aussi créé les mondes,
3 et qui, étant le reflet de sa gloire et l’empreinte de sa personne, et soutenant toutes choses par sa parole puissante, a fait la purification des péchés et s’est assis à la droite de la majesté divine dans les lieux très hauts,
4 devenu d’autant supérieur aux anges qu’il a hérité d’un nom plus excellent que le leur.
5 Car auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit : Tu es mon Fils, Je t’ai engendré aujourd’hui ? Et encore : Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils ?
6 Et lorsqu’il introduit de nouveau dans le monde le premier-né, il dit : Que tous les anges de Dieu l’adorent !

*

Que tous les anges de Dieu l’adorent ! Avec tous les habitants des mondes, créés par lui. De Bethléem, à Jérusalem et aux confins de l’univers. Monde visible et invisible.

Dans l’Évangile de Luc, la multitude de l'armée des anges se joint aux bergers pour proclamer la gloire céleste de celui par qui la bienveillance divine accompagne le monde des humains. "Car un enfant nous est né" (Ésaïe 9, 5).

L’Évangile de Jean nous enseigne qu'il est la Parole des origines, la lumière qui précède toute lumière visible, et qui nous rejoint. Et c'est là, selon Marc (1, 1), le "commencement de l’Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu".

Dans l'Évangile selon Matthieu, des prêtres lointains, les Mages, amènent des cadeaux aux pieds de ce Messie biblique, aux pieds de l'enfant né dans les ténèbres de l'humilité - la nuit, donc, dans le temps angélique - pour couvrir de lumière jusqu'à sa Galilée mal sortie de cette nuit, selon Ésaïe (ch. 9, v. 1-2).

Ces fameux Mages venus d’Orient, le pays d’où se lève le soleil, les voilà bientôt sacrés rois, accomplissant les prophéties annonçant les rois de toutes les nations venant à Jérusalem, devenus trois Rois-Mages représentant les rois des trois continents d'alors, rois rayonnants de lumière, là où Matthieu les présentait comme des prêtres arrivant peut-être quelques deux ans après l’événement - des savants dira-t-on bientôt, miraculeusement présents, grâce à leur science des étoiles, la nuit du 25 décembre -0001 (année correspondant à la soustraction, tout-à-fait symbolique, faite à partir de Luc 3, 23 : "Jésus avait environ trente ans lorsqu’il commença son ministère, étant, comme on le croyait, fils de Joseph, fils d’Héli, [etc.]"). Car voilà qu'on s’est mis à enseigner que Jésus est né un 25 décembre. Mais, nous disent les savants, les successeurs des Mages en quelque sorte, le 25 décembre c'est impossible : les bergers de Luc ne pouvaient être dans les champs en cette saison. Au XVIe siècle, quand Calvin y insiste, c'est loin d'être un acquis. Nombreux alors croient encore que le 25 décembre est autre chose que la date d'une fête païenne en l'honneur du soleil - vénéré alors sous la forme de telle ou telle divinité solaire, comme Mithra, dont quelques Mages étaient peut-être, selon leur religion, des adeptes. Calvin corrige, à juste titre. Mais aujourd'hui, qui se sait pas cela ?

Alors, fête du Messie biblique, Messie de Bethléem, ou fête païenne ? Et si, comme tout en étant né à Bethléem en Judée, Jésus est aussi galiléen, - si sous un certain angle, un angle bien réel, Jésus était vraiment né un 25 décembre ? Si nos païens d'ancêtres dans la foi, avaient vraiment été saisis par l'Esprit de Dieu, Esprit par lequel on perçoit que ce Messie biblique concerne aussi les païens ? Qu'est-ce en effet que le 25 décembre ? C'est la fête du solstice d'hiver, le moment où la nuit cesse de croître et où le jour augmente, le moment où la lumière nous rejoint dans nos ténèbres. Ne dit-on pas que Jésus est le soleil de justice ? Voilà que dans l'Empire romain, on fêtait ce jour-là la fête du soleil, et voilà que le christianisme a triomphé dans l'Empire même, après trois siècles de persécution. Certes le temps est resté le temps, l’Empire est resté l’Empire, persécutant bientôt, hélas, tous ceux qui n’étaient pas chrétiens, juifs comme païens. Mais les plus sages ont discerné quand même dans cette rencontre d’une fête solaire un signe que ceux les savants d'aujourd'hui pourraient ne pas reconnaître parce que cela ne correspond pas à la rigueur de l'Histoire.

Dans l'Histoire, Jésus n'est pas né un 25 décembre. Certes. Mais si l'on est attentif on peut être à même de percevoir qu'il est aussi une autre dimension. Rappelons-nous que les anges, messagers de l'indicible, figures du monde invisible, ont empli les cieux de leur louange au jour de la naissance de Jésus - selon la parole de l’Épître aux Hébreux citant le Ps 97, v. 7 : "que tous les anges de Dieu l'adorent". Rappelons-nous que le temps des anges n'est pas le nôtre, qu'il est entre le nôtre et celui de Dieu, où "mille ans sont comme un jour". Si, en toute rigueur historienne, Jésus n'est effectivement sans doute pas né un 25 décembre, ne sont-ils pas éclairés de ce qu'il est des réalités au-delà des nôtres, ceux qui ont soupçonné les vérités de ce temps céleste, un temps dont le vrai signe dans notre temps est effectivement le 25 décembre. Ici le jour nouveau se lève, brillant d'une lumière dont on ne soupçonnait pas même l'existence, on passe des temps nocturnes de nos âmes aux temps solaires, au temps du soleil de justice, qui concerne tous les peuples, qui concerne les païens.

Et voilà que l’on date à présent nos siècles à partir de sa naissance. Et que l’on est passé avec le Christ à un calendrier solaire - car le calendrier liturgique biblique est lui un calendrier lunaire, au cœur duquel est inscrite aussi la promesse de la lumière, exprimée par la fête juive de Hanoukka, célébrée aussi en ces temps de solstice d’hiver. Voici un calendrier, solaire, se levant du solstice solaire d'hiver, dont le premier mois, janvier, est celui qui succède immédiatement à celui donné pour la naissance de Jésus, huit jours après, c’est-à-dire le jour de sa circoncision - selon le temps angélique s'entend.

Point de contradiction ici : le Messie de la Bible concerne bien aussi les païens. C'est vers lui, vers sa lumière, que sont venus les Mages, des nations d'Orient. C'est vers lui que se dresse l'arbre de Jessé, père de David roi d'Israël, comme l'arbre de toute la création qui se dresse vers sa lumière qu'annonce cette même étoile des Mages.

Et à y regarder de près, les yeux de la foi découvrent alors que cette fête que l'on dirait païenne est celle de la bonne nouvelle du salut de Dieu pour les païens, que représentent les Mages. Elle est celle du chant de toute la création à la rencontre de la lumière à laquelle elle est appelée.

Car c'est bien là le sens de l'arbre de Noël, figure de celui de Jessé et de celui de toute la création que Dieu fait croître à sa rencontre. Symbole païen ? Introduit par la réforme luthérienne pour symboliser la vérité du 25 décembre, celle de la naissance du Christ. Un arbre qui se dresse vers la lumière annoncée par l'étoile, comme celui de la famille de Jessé et de David et celui de toute la création vers son salut. Cela en passant par la faute même qu'il s'agit de couvrir, symbolisée par les boules de nos arbres, qui sont au départ simplement des pommes stylisées - pommes (malum en latin), pommes du bien et du mal, mal (malum aussi en latin) englouti par le Christ dans la lumière, qui dès lors parcourt toute la création, lumière figurée elle par les guirlandes de lumière qui courent dans tout l'arbre.

Et le père Noël, avec ses allures de lutin ? On a évoqué l’histoire des Mages, ces prêtres persans qui menaient des cadeaux aux pieds d'un David biblique, aux pieds d'un enfant né dans les ténèbres de l'humilité - la nuit, donc, dans le temps angélique - pour couvrir de lumière jusqu'à sa Galilée païenne.

Il enseignera que les plus petits que nous croisons sont lui-même venus dans le secret. C'est là ce qu'a très bien compris un évêque de l'Antiquité, nommé Nicolas, devenu saint Nicolas parce qu'il ne supportait pas, lui disciple d'un enfant pauvre, de voir la misère, plus particulièrement celle des enfants. Alors en secret, il leur faisait des cadeaux qui allégeaient leur peine, comme les Mages offrant leurs dons au Christ.

Plus tard, toujours la réforme luthérienne - fructueuse en pays scandinave - découvrait que saint Nicolas, dans son humilité, dévoilait des actions angéliques. Derrière saint Nicolas, un simple homme, s'ouvre le monde angélique, dévoilant lui-même la réalité de Dieu. Un ange est derrière saint Nicolas, comme derrière les Mages, étrangers en visite, rappelant les étrangers visitant Abraham, et dans lesquels le patriarche reconnaissait le présence angélique, et la présence de Dieu même lui annonçant la naissance de son enfant. Un ange est derrière saint Nicolas, ange qui sera figuré sous les traits des anges scandinaves, elfes et lutins, et qui emprunte au passage la pourpre épiscopale du saint qu'il représente à une célèbre boisson gazeuse l'embauchant pour une publicité ! C'est la figure du père Noël, que dévoile saint Nicolas, une figure angélique du don gratuit - caché derrière l'abondance malheureuse des sociétés riches, comme promesse du jour de la justice enfin établie.

Alors contrairement à ce que s'imaginent ceux qui sont lents à comprendre, le père Noël existe, manifestation angélique de l'art de donner dans le secret, de l'art de donner de la joie à ceux qui ressemblent au nouveau-né dans sa crèche. "Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné. La souveraineté est sur ses épaules. On proclame son nom : « Merveilleux - Conseiller, Dieu - Fort,
Père à jamais, Prince de la paix. » Il y aura une souveraineté étendue et une paix sans fin pour le trône de David et pour sa royauté, qu’il établira et affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours – l’ardeur du Seigneur de l’univers fera cela" (Ésaïe 9, 5-6).

Comme le proclament les anges présents à Noël selon les Évangiles - il y a parmi nous la présence du don suprême, le grand cadeau de Dieu par lequel la paix vient sur la terre aux hommes par sa bienveillance, - don de Dieu réconciliant le monde de la Bible et celui des païens, le lion et l'agneau, le cadeau par lequel il prouve définitivement son amour envers nous ; et la promesse de l’établissement prochain de la justice.


R.P., Poitiers, Noël, 25.12.15


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