dimanche 12 mai 2019

"Moi, je leur donne la vie éternelle"




Actes 13.14-52 ; Psaume 100 ; Apocalypse 7.9-17 ; Jean 10.27-30

Jean 10, 27-30
27 Mes brebis écoutent ma voix, et je les connais, et elles me suivent.
28 Et moi, je leur donne la vie éternelle ; elles ne périront pas pour l'éternité et personne ne pourra les arracher de ma main.
29 Mon Père qui me les a données est plus grand que tout, et nul n’a le pouvoir d’arracher quelque chose de la main du Père.
30 Moi et le Père nous sommes un.

*

« Mes brebis écoutent ma voix et je les connais ». « Je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur », disait le Seigneur par le prophète Osée (ch. 2, v. 16). Ou le renard de Saint-Exupéry au Petit Prince : « si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font entrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. »

« Mes brebis écoutent ma voix et je les connais, […]. Moi, je leur donne la vie éternelle […] et personne ne pourra les arracher de ma main […] et de la main de mon Père » (Jean 10, 27-29). Point, pour elles, de mort pour l'éternité (v. 28)…

Mais alors, qu'est-ce que cette histoire de mort pour l'éternité ?

— Pour la Bible, il y a deux mondes : ce monde visible, passager, provisoire, où nos vies se terminent par la mort ; ce monde où l’herbe sèche et la fleur se fane, comme le dit le prophète Ésaïe (ch. 40, 7-8) : c’est la mort pour ce temps, ce temps si bref de nos vies terrestres.

— Et puis il y a une autre réalité, un autre monde, celui du règne de Dieu, dont la Parole subsiste éternellement (Ésaïe 40, 7-8), monde dont Jésus parle comme de son royaume : mon royaume n’est pas de ce monde-ci (Jean 18, 36), ce monde passager, mais du monde éternel. Ce royaume est celui de la résurrection, dans lequel Jésus promet que Dieu fait entrer dès aujourd’hui quiconque croit en lui. Dès aujourd’hui, comme par une première résurrection.

Cette résurrection qui a lieu dès aujourd’hui dans nos vies, première résurrection, nous guérit de ce que l’évangile appelle la première mort, mort spirituelle, agissant avant même la mort physique qui met terme à nos vies. Cette première mort est une mort spirituelle — nous allons voir un peu plus dans un moment de quoi il s’agit.

Disons déjà qu'à cette première mort, mort spirituelle, Jésus donne pour remède, dès aujourd’hui, une résurrection spirituelle, la première résurrection — résurrection qui a lieu dans nos vies aujourd’hui.

Jésus l’a dit précédemment à un homme, Nicodème, venu l’interroger à ce sujet (Jean 3) : le baptême en est le signe : signe de l’entrée dans la vie de l’Esprit, naissance d'en haut pour la vie spirituelle, la vie d’éternité, dont personne ne peut nous arracher.

Alors, qu'est-ce donc que cette première mort, la mort spirituelle ? — que Jésus a le pouvoir de vaincre, comme il va en donner le signe au chapitre suivant en ressuscitant Lazare (Jean 11) ?

Cette mort spirituelle, c'est le désespoir, le désespoir profond qui ronge les vies, une vraie mort qui ronge aujourd’hui nos sociétés réputées « apaisées » — en tout cas concernant notre pays puisque ça fait 70 ans qu’on ne connaît plus de guerres en Europe occidentale. Ce qui n’empêche pas les ravages de la mort spirituelle, qui se traduit par des litanies de détresse, de remords pour ce qu'on a vécu ou pour ce qu'on n'a pas vécu, de culpabilité ; bref, on connaît les affres infernales. C'est là un premier séjour des morts, un enfer que l'on tente de noyer de tous temps dans la distraction — ainsi aujourd'hui dans le bruit permanent, par exemple, diffusé maintenant dans des centres commerciaux, des lieux publics habités de musiques de fond, et autres moyens d'étouffement provisoire d'un enfer qui revient quand on l'attend le moins.

C'est face à cette mort spirituelle qu’est le désespoir que Jésus nous donne la certitude d’être en sa main, par la seule confiance en lui, un avec le Père, qui nous connaît chacun. Il est venu faire connaître le Père, que personne n’a jamais vu (Jean 1, 18).

« Mes brebis écoutent ma voix et je les connais » — « On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard du Petit Prince. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. »

Il est une autre voix qui depuis sa voix de bon berger résonne silencieusement au cœur de nos êtres — « ce n'est pas un discours, il n'y a pas de paroles, aucun son ne se fait entendre », en dit le Psaume 19. Et pourtant, Psaume 19 encore : « le jour l'annonce au jour, la nuit l'explique à la nuit. » La voix de la paix la plus profonde contre toute détresse.

C'est la voix du bon berger qui promet la vie d'éternité dans notre aujourd’hui. Je leur donne la vie éternelle, et elles ne mourront pas pour l'éternité. Cette mort qu'est le désespoir qui ronge en tout temps n'a pas le dernier mot : « personne ne pourra les arracher de ma main. Mon Père qui me les a données est plus grand que tout, et nul n’a le pouvoir d’arracher quelque chose de la main du Père. Moi et le Père nous sommes un. » Source silencieuse d'un immense bonheur, celui d'être connu et aimé comme on est, plus profondément que tout.


RP, Poitiers, 12/05/2019


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