tag:blogger.com,1999:blog-45392933900011972192024-02-25T22:14:39.278+01:00D'un autre côté<p><a href="https://rolpoup2.blogspot.fr/"> <b>... un autre temps...</b></a></p>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.comBlogger618125tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-88798951649654535942023-06-25T14:30:00.012+02:002023-08-04T06:55:18.295+02:00"Si j’avais su au début…"<br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img title="Photo Voyager 1 - Le point bleu pâle vers le milieu de la bande orangée en bas de la photo est la Terre vue depuis la banlieue de Saturne" border="0" data-original-height="453" data-original-width="614" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEicuyviBgwG-4JVXGnT9rkUJ30u8gyU9g1F_9PwFvC32gQjdjwo0qvdIavqtq0oHohGQQQUxcTuhQAmejO9Cg2warbLIO1aS6UOiEz-Qkfx9kld9ggtm5Q65Ap4z7f-6Kp7ybDeTGXHzQTG8_w3jeAFsZ_IwUH-ZRwje9H9t3LopfUGQeQaPK2A36IdhGY/s614/2012-08-point-bleu-pale.jpg" width="580" /></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<b>Jérémie 20, 10-13</b>
<blockquote><i>10 J’apprends les mauvais propos de plusieurs, l’épouvante qui règne à l’entour : Accusez-le, et nous l’accuserons ! Tous ceux qui étaient en paix avec moi observent si je chancelle : Peut-être se laissera-t-il surprendre, et nous serons maîtres de lui, nous tirerons vengeance de lui !<br />
11 Mais l’Éternel est avec moi comme un héros puissant ; c’est pourquoi mes persécuteurs chancellent et n’auront pas le dessus ; ils seront remplis de confusion pour n’avoir pas réussi : ce sera une honte éternelle qui ne s’oubliera pas.<br />
12 L’Éternel des armées éprouve le juste, Il pénètre les reins et les cœurs. Je verrai ta vengeance s’exercer contre eux, car c’est à toi que je confie ma cause.<br />
13 Chantez à l’Éternel, louez l'Éternel ! Car il délivre l’âme du malheureux de la main des méchants.</i>
</blockquote>
<br />
<b>Matthieu 10, 26-33</b>
<blockquote><i>26 Ne les craignez donc point ; car il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu.<br />
27 Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en plein jour ; et ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-le sur les toits.<br />
28 Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne.<br />
29 Ne vend-on pas deux passereaux pour un sou ? Cependant, il n’en tombe pas un à terre sans la volonté de votre Père.<br>
30 Et même les cheveux de votre tête sont tous comptés.<br />
31 Ne craignez donc point : vous valez plus que beaucoup de passereaux.<br />
32 C’est pourquoi, quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux ;<br />
33 mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans les cieux.</i>
</blockquote>
<br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
<i>“Si j’avais su au début […] ce que j’ai maintenant éprouvé et vu, […] je m’en serais tenu en vérité au silence […]. Mais Dieu m’a poussé de l’avant comme une mule à qui l’on aurait bandé les yeux pour qu’elle ne voie pas ceux qui accourent contre elle […]. C’est ainsi que j’ai été poussé en dépit de moi au ministère d’enseignement et de prédication ; mais si j’avais su ce que je sais maintenant, c’est à peine si dix chevaux auraient pu m’y pousser. C’est ainsi que se plaignent aussi Moïse et Jérémie d’avoir été trompés.”</i> (Luther, <i>Propos de table</i>)
<br /><br />
Luther fait allusion à Jérémie 20, 7, propos qui précède les versets que nous avons lus — je cite : <i>“Tu m’as séduit, Éternel, et je me suis laissé séduire ; tu m’as saisi, tu m’as vaincu. Et je suis chaque jour un objet de raillerie, tout le monde se moque de moi.”</i>
<br /><br />
La même chose pour Moïse, voir Exode 3, Moïse auquel Luther doit tant, malgré son atroce mépris final pour les siens, hélas.
<br /><br />
Aujourd’hui, dans notre pays, la vocation et la prédication ne valent certes pas persécution comme pour ces grands anciens, mais intimidation face à ce que l’écrivain Emil Cioran nomme “<a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2023/06/superstitions-modernes.html" target="_blank">superstitions modernes</a>”… Car la foi que nous confessons et prêchons porte sur un objet inaccessible à la raison, doublement inaccessible : si la science (d’ailleurs sujette elle-même au récit qu’elle donne, et à l'intuition) parle de ce qui est reproductible en laboratoire, l’objet des sciences humaines, à commencer par l’histoire, échappe à ce qui est reproductible, étant toujours événement unique. Quant à l’objet de la théologie, non seulement il est lui aussi non reproductible mais il est en plus hors de portée du discours rationnel : un nom révélé à Moïse comme Nom au-delà de tout nom, que nul n’a jamais vu et que le Christ est venu dire.
<br /><br />
Quel est ce Nom au-delà de tout nom dont tu parles, Jérémie ? De la part de ce Jérémie trompé et moqué, le cri de reconnaissance que nous avons lu (ch. 20, v. 13) : <i>“Célébrez le Nom, l’Éternel ! Car il délivre l’âme du malheureux de la main des méchants”</i>, pourrait sembler bien optimiste ! Quel arrachement de la main des méchants / persécuteurs ou “intimidateurs” ? Il n’a lui-même, selon toute vraisemblance, pas vu de consolation de son vivant ! Écho en Matthieu : <i>“Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme ; […] quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux ; mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans les cieux.”</i> (Mt 10, 28,32,33). Seule consolation : avoir dit quand même. Apparemment bien maigre. Mais c’est là l’Évangile comme bonne nouvelle : persécution et crucifixion comme glorification du Juste, et seule consolation de celles et ceux que Dieu appelle…
<br /><br />
Après reste la question : en quoi suis-je fidèle, en quoi ai-je été fidèle ? Dans les termes de Jérémie en quoi suis-je “juste”, comme Jérémie dit l’être (v. 12) ? C’est que pour lui, et pour nous si nous l’entendons, la seule justice ; notre seule justice est en Dieu. Autrement dit, je n’ai rien en moi, affirme-t-il — rien à moi que recevoir le pardon et la justice de ce Dieu qui m’a séduit, “m’a trompé” (selon une autre traduction, celle qu’a retenue Luther). Et me concernant, mêlée aux remerciements — <i>“célébrez l’Éternel”</i> —, la demande de pardon, à mon épouse et à mes enfants… Entre autres pour leur avoir infligé d'avoir fait le pasteur !
<br /><br />
Alors, quel est ce Dieu qui éprouve ceux qu’il appelle, selon Jérémie ? L’Ecclésiaste nous rappelle que tout ce qui nous advient est hors de notre maîtrise, tout est entre les mains de Dieu ; comprenant cela, il est question de relecture de ce qui nous est advenu, en bien comme en mal, en joie comme en peine. C’est la relecture de son ministère et de sa vocation que fait Jérémie.
Quoiqu’il en soit, tout a été et tout est dans la main de Dieu. Alors célébrez l’Éternel, dit Jérémie. En cela même est la délivrance de l’âme humiliée.
<br /><br />
… Ce Dieu dont s’étonne le Psaume 8 que nous avons chanté. Contraste immense entre les cieux — et nous et nos œuvres. Qu’est-ce que l’homme que tu en aies souci ? Illustrant cela, la sonde Voyager 1 prenait une photo de notre terre depuis Saturne, un petit point bleu pâle, photo que l'astronome Carl Sagan commentait en ces mots : <i>“Pensez […] à ce point. C’est là. C’est notre foyer. C’est nous […] — sur un grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil. […] Pensez aux cruautés sans fin infligées par les habitants d’un coin de ce pixel à ceux à peine distinguables d’un autre coin, à la fréquence de leurs mésententes, à quel point ils sont prêts à se tuer l’un et l’autre, à la ferveur de leur haine.”</i>
<br /><br />
De quoi comprendre Cioran : <i>“Ce matin, après avoir entendu un astronome parler de milliards de soleils, j'ai renoncé à faire ma toilette : à quoi bon se laver encore ?”</i> demande-t-il. Que l’on se rassure : je vais continuer à me laver quand même !
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Le ministère pastoral ? Juste avoir essayé, en ce temps vertigineusement bref où on y est appelé, de dire, pour que ce grain de poussière ne soit pas qu’un enfer, ce qui est au cœur de la Bible, à la suite de celui-là seul qui a pleinement vécu cette Parole et en est mort jusqu’à renverser la mort.
<br /><br />
Et remettre à Dieu ce qui lui appartient : tout reste en sa main…
<br /><br />
Optant pour la foi ; être devant Dieu dans la foi au Juste — qui est autre que moi (qui n’ai à moi à moi qu’à me faire pardonner). Car être devant lui c’est mesurer n’être pas au niveau requis — c’est l’expérience de l’écharde dont nous parle Paul, c’est en tout cas ainsi que je comprends cette fameuse écharde dans la chair.
<br /><br />
Je lis 2 Co 12, 7-9 — <i>“il m’a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me gifler et m’empêcher de m'enorgueillir. Trois fois j’ai prié le Seigneur de l’éloigner de moi, et il m’a dit : Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse.”</i>
<br /><br />
Être tourmenté en permanence pour ce qu’on a fait ou pas fait, et finalement recueillir comme seule consolation cette promesse : <i>“Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse.”</i> Savoir n’être ni juste ni sage, pas au niveau requis, et savoir aussi que Dieu fait avec ce que nous sommes…
<br /><br />
Psaume 25, str. 3 : <i>“Mon Dieu, dans ta grâce immense / Qui dure éternellement, / Regarde en ta bienveillance / Et pardonne à ton enfant. / Mets loin de ton souvenir / Les péchés de ma jeunesse ; / Chaque jour viens m’affermir, / Seigneur, selon ta promesse.”</i> Les péchés de ma jeunesse, c’est-à-dire ceux d'hier matin, de ce matin — devenant le substrat par lequel Dieu me constitue.
<br /><br />
Écho chez Proust (<i>À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs</i>) : <i>"Il n’y a pas d’homme si sage qu’il soit, […], qui n’ait à telle époque de sa jeunesse prononcé des paroles, ou même mené une vie, dont le souvenir ne lui soit désagréable et qu’il ne souhaiterait être aboli. Mais il ne doit pas absolument le regretter, parce qu’il ne peut être assuré d’être devenu un sage, dans la mesure où cela est possible, que s’il a passé par toutes les incarnations ridicules ou odieuses qui doivent précéder cette dernière incarnation-là […]. On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même après un trajet que personne ne peut faire pour nous, ne peut nous épargner, car elle est un point de vue sur les choses. Les vies que vous admirez […] représentent un combat et une victoire. Je comprends que l’image de ce que nous avons été dans une période première ne soit plus reconnaissable et soit en tous cas déplaisante. Elle ne doit pas être reniée pourtant, car elle est un témoignage que nous avons vraiment vécu, que c’est selon les lois de la vie et de l’esprit que nous avons, des éléments communs de la vie, […] extrait quelque chose qui les dépasse."</i>
<br /><br />
Ne nous leurrons toutefois pas. On n’est pas automatiquement sage d’avoir vieilli : <i>“C'est une sale histoire de vieillir et je vous conseille de l'éviter si vous pouvez ! Vieillir ne présente aucun avantage. On ne devient pas plus sage, mais on a mal au dos, on ne voit plus très bien, on a besoin d’un appareil auditif pour entendre. Je vous déconseille de vieillir.”</i> (Woody Allen, Cannes, mai 2010)
<br /><br />
En reste cette parole d’Ésaïe (40, 8) : <i>“L’herbe sèche, la fleur tombe ; Mais la parole de notre Dieu subsiste éternellement.”</i>
<br /><br />
Me voilà comme l’herbe d’Ésaïe, passant le relais à je ne sais qui ce sera — avec, en attendant un(e) successeur(se), mes remerciements à vous toutes et tous qui prenez le relais après m’avoir entouré, à commencer par les conseils presbytéraux et leurs président(e)s. La suite est évidemment entre les mains de Dieu. Seule sa parole dure pour l'éternité.
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Juste savoir — selon Colossiens 3, 1-3 : Considérez vous comme morts, <i>“votre vie est cachée avec le Christ en Dieu.”</i>
<br /><br />
En regard de cela, au fond, si j’avais su au début… j’aurais sans doute fait la même chose… Je n’en sais pas plus qu’au début !
<br /><br />
Restant réduit à croire l’impossible. Ainsi le dit Jésus en Luc 20, 37, citant Exode 3 et la Révélation du buisson ardent — <i>“Que les morts ressuscitent, c’est ce que Moïse a fait connaître quand, à propos du buisson, il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob”</i>, Dieu des vivants. Révélation où comme Jérémie, Moïse a peiné à acquiescer à cette vocation qui le mènera où il n'avait pas prévu avec cette seule promesse : <i>“je serai avec toi”</i>… Comme trace du Nom au-delà de tout nom.
<br /><br />
Ce genre de foi nous réduit toutes et tous à l’humilité : nous ne maîtrisons pas ce qui nous dépasse. Notre savoir, qui reste tâtonnant, n’a accès qu’à ce qui est à sa portée… ce qui n’est pas le cas de celui dont même le Nom nous échappe.</div>
<br /><br />
<div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 25.06.23<br />
<a href="https://docs.google.com/presentation/d/1oeeYJqHlPuUiMGyfA2TtEfe4hAB90_9rx39fU2pL1yw/edit?usp=sharing" target="_blank">Diaporama</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1SFglKLJ3hrLG7Nd_nD7RR-0gw8WtVv24Nik_ArHlPvM/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication, chants indiqués, Envoi et bénédiction</a>
</div>
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(Textes du jour : Jérémie 20, 10-13 ; Psaume 69 ; Romains 5, 12-15 ; Matthieu 10, 26-33)
<br /><br /><br />Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-60443879090544388602023-06-18T08:00:00.008+02:002023-06-18T10:00:06.849+02:00Aujourd’hui même<br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img alt="" border="0" data-original-height="420" data-original-width="580" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiJgugj2Wur6dxagSRtqY3lDgiEsDxrHVSZXhgG2jmNIvMUPX_VOx3-M0-y-OoM1g94pj7_H5U8s5vlmIgZ-cxn9Nwr1jeOn4V-ei38TU0UCj5BeNV7wG37qBrjqsb06eJEhCx-X4Ev1CMmDE2PmcrVOF7qzmldSE8Ar297fr0t5x1rslamdCdrmNwi/s600/you%20are%20here.jpg" width="580" /></div>
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<div style="text-align: justify;"><b>Matthieu 9, 36 - 10, 8</b>
<blockquote><div style="text-align: justify;"><i>36 Voyant les foules, Jésus fut pris de pitié pour elles, parce qu’elles étaient harassées et prostrées comme des brebis qui n’ont pas de berger.</i></div><i>
37 Alors il dit à ses disciples : "La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ;<br />
38 priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson."<br />
<br />
1 Ayant fait venir ses douze disciples, Jésus leur donna autorité sur les esprits impurs, pour qu’ils les chassent et qu’ils guérissent toute maladie et toute infirmité.<br />
[…]<br />
5 Ces douze, Jésus les envoya en mission avec les instructions suivantes: "Ne prenez pas le chemin des païens et n’entrez pas dans une ville de Samaritains ;<br />
6 allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël.<br />
7 En chemin, proclamez que le Règne des cieux s’est approché.<br />
8 Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement.</i></blockquote><br />
<b>Exode 19, 1-9 </b>
<blockquote><i>1 Le troisième mois après leur sortie du pays d’Egypte, aujourd’hui même, les fils d’Israël arrivèrent au désert du Sinaï.<br />
2 Ils partirent de Refidim, arrivèrent au désert du Sinaï et campèrent dans le désert. — Israël campa ici, face à la montagne,<br />
3 mais Moïse monta vers Dieu. Le SEIGNEUR l’appela de la montagne en disant: "Tu diras ceci à la maison de Jacob et tu transmettras cet enseignement aux fils d’Israël :<br />
4 Vous avez vu vous-mêmes ce que j’ai fait à l’Egypte, comment je vous ai portés sur des ailes d’aigle et vous ai fait arriver jusqu’à moi.<br />
5 Et maintenant, si vous entendez ma voix et gardez mon alliance, vous serez ma part personnelle parmi tous les peuples — puisque c’est à moi qu’appartient toute la terre — <br />
6 et vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte. Telles sont les paroles que tu diras aux fils d’Israël."<br />
7 Moïse vint ; il appela les anciens du peuple et leur exposa toutes ces paroles, ce que le SEIGNEUR lui avait ordonné.<br />
8 Tout le peuple répondit, unanime : "Tout ce que le SEIGNEUR a dit, nous le mettrons en pratique." Et Moïse rapporta au SEIGNEUR les paroles du peuple.<br />
9 Le SEIGNEUR dit à Moïse : "Voici, je vais arriver jusqu’à toi dans l’épaisseur de la nuée, afin que le peuple entende quand je parlerai avec toi et qu’en toi aussi, il mette sa foi à jamais." Et Moïse transmit au SEIGNEUR les paroles du peuple.
</i></blockquote><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
On est au troisième mois après l’Exode, c'est-à-dire, précise le texte, <i>« ce jour-ci »</i> et ici… Temps infime dans un espace infime.
<br /><br />
Espace infime… L’astronome Carl Sagan écrit (dans son livre <i>Un point bleu pâle</i> — référence à une photo prise par la sonde Voyager 1 du bout du système solaire où la Terre apparaît comme un point bleu pâle minuscule) : <i>“Pensez […] à ce point. C’est là. C’est notre foyer. C’est nous. Dessus, tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais existé, ont vécu leur vie. […] Pensez aux rivières de sang répandues par tous ces généraux et empereurs pour que, dans la gloire et le triomphe, ils puissent devenir momentanément les maîtres d’une fraction d’un point.”</i>
<br /><br />
La photo rend cette réalité frappante, cette réalité que l’on connaissait déjà : <i>“Je vis avec une précision hallucinante la Terre se réduire à un simple point, prendre pour ainsi dire les dimensions d'un zéro, et je compris, ce que je savais depuis toujours, qu'il était inutile et ridicule de s'agiter et de souffrir […] sur un espace aussi minuscule et aussi irréel”</i> (Emil Cioran, <i>Cahiers</i>, p. 71).
<br /><br />
Ce que l’on a toujours su, c’est que sur ce point insignifiant en regard de l’immensité incommensurable de l'univers, la seule sagesse est de refuser de ne pas aimer. Eh bien c’est ce que, dans un point si infime du temps qu’il se réduit à un simple instant, “ce jour-ci”, nous enseigne ce qui est révélé à Moïse.
<br /><br />
“Aujourd’hui même” (selon une autre traduction - tob) le peuple des enfants d’Israël arrive au désert du Sinaï pour recevoir la loi de Dieu. Aujourd’hui, nous voilà devant Dieu pour recevoir sa parole. Cet aujourd’hui nous concerne aussi.
<br /><br />
Aujourd’hui même, ici et maintenant. Le texte continue en effet ainsi : <i>« les enfants d’Israël arrivèrent au désert du Sinaï. Ils partirent de Refidim, arrivèrent au désert du Sinaï et campèrent dans le désert. — Israël campa </i>ici<i>, face à la montagne. »</i>
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Nous voilà donc, dans l'infime ici et maintenant de l'humanité, devant Dieu pour recevoir sa parole. Et comment est-ce que cela va se faire ? Israël campa ici, face à la montagne, mais Moïse monta vers Dieu. Porte-parole de Dieu. C’est ainsi que Dieu parle. Comment entendront-ils si personne ne prêche ? demande de même Paul aux Romains.
<br /><br />
Nous voilà donc ici et maintenant dans le désert où Dieu se révèle via des mots humains. Entendrons-nous sa voix ? Comment parle-t-il ? Ici, on est dans le mystère de la relation avec lui : <i>« Je vais arriver jusqu’à toi dans l’épaisseur de la nuée, afin que le peuple entende quand je parlerai avec toi »</i> — nous l’avons entendu. Ici, dans cette écoute, se constitue un peuple de prêtres.
<br /><br />
Avant d’en venir à cet aspect central des choses, un dernier mot sur la question du porte-parole, Moïse avant tout, mais aussi « le prophète comme lui » (Dt 18, 15 et 18) promis pour la suite des temps, à savoir — sans parler de la parole prophétique et créatrice devenue chair en Jésus qui vient naturellement avant tout — aussi tout vrai porte parole.
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Où, s’il n’est pas prescrit d’accepter n’importe quoi sous prétexte de titre reconnu, il est cependant préférable de ne pas chercher des poux dans la tête des porte-parole de Dieu. La parole de Dieu vient par des bouches humaines, avec tout ce qu’elles sont — à savoir, pas forcément parfaites ! Même s’il parle aussi de bien d’autres façons, ce que rappelle le Ps 19 (v. 1-4) : <i>« Les cieux racontent la gloire de Dieu, et l’étendue céleste annonce l’œuvre de ses mains. Le jour en donne instruction au jour, la nuit en donne connaissance à la nuit. Ce n’est pas un langage, ce ne sont pas des paroles, leur voix n’est pas entendue »</i>.
<br /><br />
Pareillement, dans notre texte de l’Exode, <i>“voici, je vais arriver jusqu’à toi dans l’épaisseur de la nuée, dit Dieu à Moïse”</i>. Cela concerne en premier lieu Moïse (<i>“afin que le peuple entende quand je parlerai avec toi et qu’en toi aussi, Moïse, il mette sa foi à jamais”</i>), comme dans l’Evangile que nous avons lu, cela concerne en premier lieu Israël (Mt 9, 5-6), auquel sont envoyés les douze dotés comme Moïse d'une autorité, attestée par des signes, que n'auront pas leurs successeurs.
<br /><br />
Car cela précisé — c’est aussi dans le texte —, venons-en à cet aspect du message : peuple de prêtres. <i>« Si vous entendez ma voix et gardez mon alliance, vous serez ma part personnelle parmi tous les peuples — puisque c’est à moi qu’appartient toute la terre — et vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte. »</i> Pour faire de ce grain de poussière un paradis.
<br /><br />
Notez bien : l’écoute de la parole de Dieu transmise par Moïse est essentielle, mais ce qui débouche sur la constitution d’un peuple de prêtre, c’est que cette écoute débouche sur la mise en œuvre de l’Alliance scellée : <i>« si vous entendez ma voix et gardez mon alliance »</i>. Parole prêchée et reçue. Cela vaut, rappelez-vous, ici et maintenant : vous, ici et maintenant, <i>« si vous entendez ma voix et gardez mon alliance, vous serez ma part parmi tous les peuples — puisque c’est à moi qu’appartient toute la terre — et vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte »</i>. Pour faire de ce grain de poussière un paradis.
<br /><br />
Où l’on découvre aussi le sens de l’élection d’Israël, puisque c’est de cela qu’il s’agit — à condition toutefois de bien s’entendre sur ce que cela signifie — : « l’élection » en question, qui nous concerne aussi — aujourd’hui même, ici et maintenant — n’a pas pour fonction de déboucher sur quelque auto-contemplation de soi par soi-même, individuel ou collectif ! Remarquez en effet la contradiction apparente : « vous serez ma part parmi tous les peuples — puisque c’est à moi qu’appartient toute la terre ». Toute la terre ou un peuple ? Mais,… les deux !
<br /><br />
Le peuple est appelé pour servir. Appelé pour tous les peuples parce que tous les peuples appartiennent à Dieu. Choisi par appel, pour servir. Cela concerne Israël au sens strict en premier lieu, premier peuple de Dieu. Cela concerne chacun de nous ici et maintenant si nous entendons sa voix. C’est le sens de cet ici et maintenant. C’est aussi ce que nous rappelle le texte de Matthieu (texte de l’Évangile de ce jour : Mt 9, 35 – 10, 8) sur l’envoi des disciples. Pour faire de ce grain de poussière un paradis.
<br /><br />
Voilà les choses posées. Dieu a libéré Israël, nous a libérés — <i>« je vous ai portés sur des ailes d’aigle et vous ai fait arriver jusqu’à moi »</i> — pour nous conduire au désert au pied de la montagne de la révélation d’où résonne sa parole — ici et maintenant.
<br /><br />
Voilà une parole transmise « dans l’épaisseur de la nuée » à Moïse, qui la communique au peuple par l’intermédiaire des « anciens du peuple » (v. 7). Et le peuple qui s’engage dans l’Alliance qui scelle cette parole est par là-même peuple pour les autres. C’est nous, ici et maintenant. On voit que Dieu procède par cercles pour accomplir son projet. Mt 9, 5-6 : “allez vers la maison d'Israël”, dit Jésus. Le cercle de la prophétie et de la parole transmise, puis le cercle qui la recevant l’accepte, la croit, et qui devient par là le cercle du sacerdoce universel des croyants, voués au reste des peuples, car toute la terre appartient au Seigneur.
<br /><br />
Le texte poursuit : <i>« Tout le peuple répondit, unanime : “Tout ce que le SEIGNEUR a dit, nous le mettrons en pratique.” »</i> Eh bien, cela, c’est ici et maintenant que cela nous est à nouveau proposé. Chacun d’entre nous est à présent face à Dieu, ici et maintenant. À nous de commencer à mettre son enseignement en pratique, pour enseigner, les baptisant, à toutes les nations à observer tout ce que je vous ai prescrit (Mt 28).
<br /><br />
<i>« Tout le peuple répondit, unanime: “Tout ce que le SEIGNEUR a dit, nous le mettrons en pratique.” Et Moïse rapporta au SEIGNEUR les paroles du peuple »</i>. C’est une prière de présentation devant Dieu de l’engagement du peuple… — Seigneur, tu as entendu la voix intérieure de chacun, ici et maintenant. Reçois notre engagement et sois-nous toi-même en aide.
<br /><br />
<b>Psaume 100</b> :
<blockquote><i>« Acclamez le SEIGNEUR, terre entière ;<br />
servez le SEIGNEUR avec joie ; entrez devant lui avec allégresse.<br />
Reconnaissez que le SEIGNEUR est Dieu. Il nous a faits et nous sommes à lui, son peuple et le troupeau de son pâturage.<br />
Entrez par ses portes en rendant grâce, dans ses parvis en le louant ; célébrez-le, bénissez son nom.<br />
Car le SEIGNEUR est bon : sa fidélité est pour toujours, et sa loyauté s’étend d’âge en âge. »</i></blockquote></div>
<br />
<div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 18.06.23<br />
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(Textes du jour : Exode 19, 1-9 ; Ps 100 ; Romains 5, 6-10 ; Matthieu 9, 36 - 10, 8)
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Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-64511933400082068572023-06-11T08:00:00.009+02:002023-06-12T06:46:09.296+02:00"Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle" !<br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img alt="" border="0" data-original-height="448" data-original-width="614" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgx63R1J5SiFnod1pwwAlLF9AlSBuW2xupBO0wb7sm_ErWvJ2xzWQyAGgDmeEJ07Ab7olLDlbV471Ze59cqqWK90RxROkbkh-dxqrfvNG5n7WYbrgpbMmRU-QYMQOERBdiQ1XQXH7Y_fMOe9JjMQ2_kRHSmYiacClGnlITE5_grxyscVGg2UHgsbJfR/s600/vigne.png" width="580" /></div>
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<div style="text-align: justify;">
<b>Deutéronome 8, 2-3</b>
<blockquote><i>2 Souviens-toi de tout le chemin que l’Éternel, ton Dieu, t’a fait faire pendant ces quarante années dans le désert, afin de t’humilier et de t’éprouver, pour savoir quelles étaient les dispositions de ton cœur et si tu garderais ou non ses commandements.<br />
3 Il t’a humilié, il t’a fait souffrir de la faim, et il t’a nourri de la manne, que tu ne connaissais pas et que n’avaient pas connue tes pères, afin de t’apprendre que l’homme ne vit pas de pain seulement, mais que l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche de l’Éternel.</i></blockquote>
<br />
<b>1 Corinthiens 10, 16-17</b>
<blockquote><i>16 La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion au sang de Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion au corps de Christ ?<br />
17 Puisqu’il y a un seul pain, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps ; car nous participons tous à un même pain.</i></blockquote>
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<b>Jean 6, 51-58</b><br />
<blockquote><i>51 « Je suis le pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité. Et le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. » <br />
52 Sur quoi, les Judéens se mirent à discuter violemment entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » <br />
53 Jésus leur dit alors : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas en vous la vie. <br />
54 Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. <br />
55 Car ma chair est vraie nourriture, et mon sang vraie boisson. <br />
56 Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. <br />
57 Et comme le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mangera vivra par moi. <br />
58 Tel est le pain qui est descendu du ciel : il est bien différent de celui que vos pères ont mangé ; ils sont morts, eux, mais celui qui mangera du pain que voici vivra pour l’éternité. »</i></blockquote><br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
<i>« Toutes les fois que vous mangez de ce pain et que vous buvez de cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne. »</i>, nous dit Paul (1 Co 11, 26) revenant, face aux désordres et aux écarts sociaux dans l’Église, sur son propos que nous avons lu : communion au corps et au sang du Christ. Un verset de Paul qui nous permet peut-être de comprendre le propos, sans cela aux allures cannibaliques, que nous venons de lire dans la bouche de Jésus, selon l’Évangile de Jean. Jésus parle de sa mort… Jusqu'à sa venue en gloire, ce n'est pas d'abord de sa résurrection que parle le partage du pain et du vin, mais de la mort de Jésus, en laquelle est la vie de celles et ceux qui en participent malgré tout selon l'explication de la multiplication des pains donnée ici.
<br /><br />
Le propos de Jésus est bien troublant ! On comprend la question qu’il suscite : <i>« comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »</i> Au fond que veut dire Jésus ? Cela s’inscrit bien sûr dans le discours donné au lendemain de la multiplication des pains de ce chapitre 6 ; ça en est le point culminant. Notons que les Judéens qui <i>« discutent violemment entre eux »</i> (v. 52) sont disciples de Jésus, comme cela apparaît juste après (v. 60 et 66). À traduire donc par Judéens et non juifs, ce qu'ils sont tous (ici Judéens est à entendre non pas au sens d'une anachronique appartenance nationale, mais au sens d'une obédience religieuse) : Jésus et tous ses disciples sont évidemment juifs, qu'ils soient Galiléens ou Judéens (pas au sens national mais obédientiel), et quelle que soit la réaction à son enseignement de ceux qui sont parmi ses disciples.<br />
<br />
Les gens avaient faim. De pain, en premier lieu. Jésus leur a donné du pain. Et ils ont à nouveau faim. Et lorsque Jésus veut les entraîner à la question de la vraie nourriture, ils ont bien compris. Ils ont suivi leur catéchisme. Ah oui, le pain du ciel, quoi ! On connaît : c’est l’histoire de la manne et de Moïse dans le désert. Car pour le judaïsme, il est traditionnel, comme pour le christianisme, que la manne, via sa fonction nutritive, signifie la nourriture de la Parole de Dieu. <br />
<br />
Accord apparent entre Jésus et ses interlocuteurs, jusqu’à ce que les choses se gâtent. Jusqu’à ce que l’on en vienne au cœur des choses, au moment où l'on bute en se scandalisant — et Jésus ne lésine pas sur les prétextes à scandale : apparemment, il se donne même tort, mettant, pour qui veut s’imaginer qu’il invite au cannibalisme, jusqu’au Lévitique contre lui (17, 10) : tu ne mangeras pas le sang. Tout pour être scandalisé ; en termes outranciers, qui entendent rendre le propos incontournable, Jésus nous renvoie chacun à nous-mêmes. De la manne des Pères aux pains multipliés de la veille, qui n’ont pas rassasié le cœur, un chemin de désert vers la délivrance. Chemin au désert, manne et pains multipliés, en route vers le Royaume espéré.<br />
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<div style="text-align: center;">*</div><br />
Voilà donc les auditeurs, disciples de Jésus, entre le pain abondant de la veille, dont ils veulent bien à nouveau se rassasier (ils sont revenus le lendemain pour cela) et le pain spirituel qui les renvoie au passé religieux, au temps du désert, au temps glorieux de la religion des ancêtres. <br />
<br />
Mais si c’était aujourd’hui qu’ils avaient faim, aujourd’hui que l'on a faim ? Une faim qu’on ignore, une faim que l'on n'a pas conçue. Et qui pourtant tenaille. Telle est la question de ce texte, la question qu’il nous pose aujourd’hui. Oui, nous aussi, nous aimerions bien n’avoir plus le souci du pain du lendemain ; plus le souci financier du lendemain. Et en outre, oui, nous aussi avons suivi le catéchisme et savons qu’il y a une vraie nourriture spirituelle qui a de tout temps fondé Israël et l’Église.<br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
« Oui, tout cela, on est au courant », ont-ils dit. <i>« Mais toi</i>, ont-ils dit aussi, <i>quel signe fais-tu donc, pour que nous voyions et que nous te croyions »? Quelle est ton œuvre »? Au désert, nos pères ont mangé la manne, ainsi qu’il est écrit »: Il leur a donné à manger un pain qui vient du ciel »</i> (v. 30-31). Et si c’était toujours la question » ? Donne-nous un signe…<br />
<br />
Mais, me direz-vous, n’est-ce pas à nouveau une histoire de cailles que tout cela ? Les cailles au désert quand le peuple voulait de la viande, viande de cailles que le peuple a reçues jusqu'au dégoût… Faudra-t-il encore du dégoût pour que l’on comprenne ? Si c’est du dégoût qu’il vous faut, vous allez être servis… <i>« Qui mange ma chair et boit mon sang »</i>… <br />
<br />
Ils voulaient des signes. Mais n'en ont-ils pas eu, n'en a-t-on pas eu ? Quoique… qu’ont-ils vu, qu’avons-nous vu, me direz-vous ? Qu’est ce que les yeux qui ne sont pas ceux de la foi ont vu d’autre que du passé ? Notre Dieu produit-il autre chose que du passé ? Hier, avec les concombres d’Égypte, la manne, les cailles, hier encore, la veille, avec la multiplication des pains. Hier aussi, nos pères ont été héroïques, ont eu une foi à renverser des montagnes, à faire des miracles… <br />
<br />
Oui notre Dieu a produit un passé glorieux. Des Moïse, des Élie. Des prophètes, des apôtres, des martyrs, quand tout semblait perdu. Oui notre Dieu est un puissant producteur de passé. Un passé qui nous porte jusqu’à aujourd’hui. <br />
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Mais aujourd’hui, quel signe pour que nous croyions ? <br />
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<div style="text-align: center;">*</div><br />
Nous sommes renvoyés chacune et chacun à nous-mêmes. N’avons-nous pas vu notre désir inassouvi ? Des pains, des concombres, des cailles, qui n'ont pas rassasié nos cœurs. Une histoire héroïque — mais est-elle achevée ? Est-on parvenu au Royaume au lendemain du dernier combat des prédicants du désert ?<br />
<br />
L'actualité nous rappelle régulièrement que ce n'est pas le cas. Certes les bases théoriques de jours heureux et fraternels sont posées : le cœur de la Loi biblique, sur la justice et sur l'amour du prochain, qui s'exprime aujourd'hui dans les Déclarations de Droit modernes qui en sont issues. Hélas comme au temps de l’Exode, ou au temps où Jésus est venu dans le monde, de nos jours aussi, cela reste théorique.
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La Parole de Dieu appelle à être vécue, à être mise en pratique, vécue dans la chair, incarnée. C’est ce que je suis venu faire, nous dit aujourd'hui Jésus, avant de nous dire de faire de même, précisant en reprenant l'enseignement de la Torah <i>« aimez-vous les uns les autres » : « comme je vous ai aimés. »</i> <br />
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C'est ce que signifie le partage qui se dit dans la multiplication des pains, et aussi, pour nous dans la sainte Cène, écho à une multiplication des pains présentée par Jésus comme <i>« ma chair à manger »</i>. C'est-à-dire Parole de Dieu partagée, qui ne nourrit que par sa mise en pratique, dans le concret de la chair.
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<div style="text-align: center;">*</div><br />
Nous en sommes tous là : quelque chose manque, quelque chose de l'ordre du concret, de la chair. Alors, au cœur de notre manque, Jésus nous dit qu'il donne sa chair pour la vie du monde ; en d’autres termes, il se dépouille de sa vie, s'identifie à toutes celles et tous ceux dont la vie est méprisée, volée par le mépris. Jésus nous rejoint, ployant sous la croix… Et il nous appelle à recevoir ce dépouillement, <i>« manger sa chair »</i>. Recevoir de son dépouillement, la parole, la promesse de notre propre dépouillement.<br />
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<div style="text-align: center;">*</div><br />
Alors prend place la promesse de la Résurrection, de nouveaux cieux et d'un nouvelle terre. <i>« Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour ». « C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie »</i>, expliquera-t-il à ce sujet.<br />
<br />
Dans le signe d'un monde enfin fraternel, la résurrection prend alors place comme récapitulation dans le Christ de ce que nous sommes vraiment, de ce que nous désirons vraiment, l’ignorerions-nous. Dans la résurrection du Christ, notre résurrection au dernier jour prend place dès aujourd’hui comme présentation de nos êtres vrais devant Dieu. Comme résolution et exaucement de nos désirs. Elle est résolution et récapitulation de la vérité de nos vies.<br />
<br />
C’est là la vérité profonde de la parole ou Jésus mène ses interlocuteurs, où Jésus nous mène : <i>« Qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité »</i>. C’est la parole par laquelle, mystérieusement, Jésus répond en vérité aujourd’hui à toutes nos demandes.</div><br />
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<div style="text-align: right;">R.P., Châtellerault, 11.06.23
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<a href="https://docs.google.com/document/d/1xWXvkZx27u9CgrHZpg2vAR1-MDF0zzrAL22ShGjfntg/edit?usp=sharing" target="_blank">Culte en entier</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1WQgW1MiUTLkd6PYvS-t-qXSj6MDqG-ZSOV93IyJumh0/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
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(Textes du jour : Deutéronome 8, 1-16 ; Psaume 147 ; 1 Corinthiens 10, 16-17 ; Jean 6, 51-58)<br />
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</div>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-20116021794919076072023-06-04T08:00:00.036+02:002023-06-04T18:49:28.657+02:00Comme Moïse éleva le serpent...<br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center; "><img title="Le serpent d’airain, par Gustave Doré" border="0" width="580" height="420" data-original-height="527" data-original-width="667" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjcQgaq6Gzc_WteDswdV1dJOvqsrQ-qEuq8jeyO1rT43s9HgMHPwxjHA4GvpugcwCCI7Z52FHLFgGwsODoPGKJReVNxcQWPTM0iJjsMYzSYC5dnokqjUp5s0eRCSzsWmIkSQI4q2YRL7VWHC1bz61fYiYUi0NtodoNiA_Qd3Bs_z8dkyYUUFgJ31Sxy/s667/Le%20serpent%20d%E2%80%99airain.%20Gustave%20Dor%C3%A9..jpeg"/></div>
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<div style="text-align: justify;"><b>Jean 3, 14-18</b>
<blockquote><i>14 Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé,<br>
15 afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle.<br>
16 Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais ait la vie éternelle.<br>
17 Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.<br>
18 Qui croit en lui n’est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.</i></blockquote>
<br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Une évocation de la figure sombre d’un serpent de bronze pour dire que <i>« Dieu a aimé le monde »</i>. Dans l’Évangile selon Jean, « le monde » — <i>cosmos</i> — est une notion généralement négative. C’est ce qui est illusoire, vain, superficiel (le mot a donné « cosmétique »). Un faux arrangement pour lequel Jésus dit ne pas prier lorsqu’il confie les siens au Père dans son discours d’adieu (Jean 17, 9). Non qu’il le dédaigne : il y envoie les siens !
<br /><br />
Car ce monde en souffrance, en proie à toutes les détresses, des guerres aux épidémies, des catastrophes écologiques à la haine, au racisme, à tant de fléaux, Dieu l’a tant aimé <i>« qu’il a donné son Fils unique »</i> ! — <i>« pour que le monde soit sauvé par lui »</i>. Il l’a chéri infiniment, ce monde blessé. Et cet amour du monde se traduit dans le don d’une présence, celle de son Fils, pour un salut qui advient par un simple acte de foi en lui — ce que Jésus vient d’illustrer par l’évocation de l’épisode du serpent de bronze que Moïse avait fait forger pour que quiconque le regarde après avoir été mordu par les serpents venimeux du désert de l’Exode, fût guéri.
<br /><br />
Il en est de même de sa crucifixion, vient de dire Jésus : une élévation sur une perche similaire à l’élévation sur une perche du serpent de bronze de Moïse. Le fait que Jésus s’identifie lui-même à cette figure sombre nous dit à quel point il nous rejoint dans nos zones les plus sombres ; disant par là que rien n’est jamais perdu pour personne. Le pire des psychopathes peut être touché dans ses profondeurs les plus sombres, peut y être rejoint et élevé par celui qui a rejoint les plus perdus, atteints jusqu’en leur âme par les serpents venimeux. De nos zones les plus sombres, descendu jusqu’au séjour des morts, il a été élevé à la croix, de sorte que quiconque lève son regard vers lui, croit en lui, ait la vie éternelle, soit sauvé d’une mort comme celle donnée par la morsure d’un serpent venimeux.
<br /><br />
Quiconque croit en lui, tel le serpent, élevé de la terre par la croix, a la vie éternelle de la même façon que quiconque regardait le serpent de Moïse était guéri des morsures des serpents. Où la croix, moment de ténèbres dressé vers la lumière, devient l’axe du monde nouveau et éternel. Où l’on retrouve et la Genèse et son commentaire par le Prologue de ce même Évangile de Jean, où le monde est créé dans la lumière de Dieu qui le fait sortir du chaos et des ténèbres.
<br /><br />
Quel est cet acte de foi qui reçoit la grâce de Dieu donnée en plénitude dans le signe du don de son Fils ? C’est juste le regard de foi qui, du cœur des ténèbres, du chaos, du péché et de la culpabilité, de la souffrance, bref de l’exil loin de Dieu — se tourne vers la lumière sans crainte, comme les pères au désert mordus par les serpents se tournaient vers le serpent de bronze dressé dans la lumière.
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Tel est l’acte de foi ouvert ici : au-delà de toute crainte qui préférerait rester plongée dans les ténèbres et le chaos, dans les œuvres mauvaises déjà absorbées par la mort — se tourner sans crainte vers celui de qui rayonne la lumière éternelle, par lequel le monde vient à son salut, vers celui qui, pendu au bois, élevé de la terre, fait resplendir la lumière en plénitude, en vie éternelle. La foi seule. La plénitude de la grâce y est donnée.
<br /><br />
Ainsi, <i>« Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. »</i> Il n’est ici pas besoin d’autre jugement que celui qui a déjà eu lieu : être dans les ténèbres, puis y rester pour n’être né qu’une fois, n’être né qu’à ces ténèbres. Mais en Christ élevé de la terre, le jugement, en quelque sorte s’inverse, devient délivrance par la venue à la lumière, la naissance à la lumière — n’oublions pas qu’on est dans le dialogue de Jésus avec Nicodème, venu de nuit, pour s’entendre annoncer la bonne nouvelle de la naissance d’en-haut. C’est ainsi que le Souffle saint, l’Esprit de Dieu, opère la naissance d’en-haut dans la foi au Fils de Dieu.
<br /><br />
On est passé au-delà du jugement de l’ancien monde. Ou plus exactement, ce tournant est le jugement de l’ancien monde, au-delà duquel on passe, par la seule foi en ce qui s’est accompli en Jésus. Le jugement relève d’un passé déjà jugé : qui croit en lui n’est pas jugé ; mais est passé de la mort à la vie, par la libération à l’égard du poids du mal, du péché, de la culpabilité, bref de la puissance de la mort, comme autant d’aboutissements du mal, qui retenaient le monde captif.
<br /><br />
Le don de Jésus est le passage de la mort à laquelle, on ne le sait que trop, est voué notre ancien monde, au monde de la résurrection : le monde nouveau et éternel qui prend place par la seule foi en ce qu’en sa mort, Jésus a mis fin à puissance de la mort. Il a partagé la mort qui est la nôtre pour nous faire accéder en sa résurrection à la vie de résurrection. Telle est la création nouvelle.
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Recevoir dans la foi le don de la vie de celui qui a partagé notre mort, c’est être passé au-delà du jugement, qui a eu lieu en lui, Jésus, sur sa croix.
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Telle est l’immense nouvelle de ce verset central de l’Évangile : <i>« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle »</i>.</div>
<br /><br /><div style="text-align: right;">RP, Poitiers, Trinité, 4/06/23<br />
<a href="https://docs.google.com/presentation/d/14cqDFKWJzarNaCPm3or0myKirI1wbQ59z2VuY2G5xXw/edit?usp=sharing" target="_blank">Diaporama</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1h1b11B9umWZYfy0FilvEzXu0hNJJNFf_Y0jMjXOE0eQ/edit?usp=sharing" target="_blank">Culte en entier</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1OfX6YM5VI7yc9iS51I4JYF_ATTwBY1KSd70vCUZcZdM/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a></div>
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(Textes du jour : Exode 34, 4-9 ; Psaume 148 ; 2 Corinthiens 13, 11-13 ; Jean 3, 16-18)
<br><br><br>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-87727879613817911252023-05-28T08:00:00.016+02:002023-05-28T08:36:22.488+02:00"Jésus souffla sur eux"<div style="text-align: center;"><br />
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<img border="0" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgs_AwRIke10AbavRiR3_VZ7mS96rInHBzIaitzYJ5ikusRs2YoUtUX3UfLgfGf5tovItVu7dTIxTm_VUvhB284sO2i3ePvJ1SHnChsr7AyNuTFoQ2HoJoSFXdLzDE4mj_JAQHgm1ybF7qR9ZegKTYWHcWu_EGbQ89jEJENlzfoTdAHYDzQ9Xx8XCSK/s640/mer.jpg" width="580" /></div><br />
<div style="text-align: justify;">
<b>Actes 2, 1-6</b><br />
<blockquote><i>1 Lorsque arriva le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble en un même lieu. <br />
2 Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d'un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis. <br />
3 Des langues leur apparurent, qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres ; il s'en posa sur chacun d'eux. <br />
4 Ils furent tous remplis d'Esprit saint et se mirent à parler en d'autres langues, selon ce que l'Esprit leur donnait d'énoncer.<br />
5 Or des Juifs pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel habitaient Jérusalem.<br />
6 Au bruit qui se produisit, la multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. </i></blockquote><br />
<b>Jean 20, 19-23</b><br />
<blockquote><i>19 Le soir de ce même jour [dimanche de Pâques] qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Judéens, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d’eux et il leur dit : "La paix soit avec vous."<br />
20 Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie. <br />
21 Alors, à nouveau, Jésus leur dit : "La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie." <br />
22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : "Recevez l’Esprit Saint ; <br />
23 ceux pour qui vous remettez les péchés, ils leur ont été remis. Ceux pour qui vous les soumettez, ils leur ont été soumis."</i></blockquote>
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Aujourd'hui s'accomplit ce qu'annonçait Jean le Baptiste : je vous baptise d'eau, celui qui vient après moi et qui était avant moi est celui qui baptise d'Esprit saint. Ce que dit le Baptiste vaut aussi pour nos baptêmes d'eau. Le Christ seul peut donner l'Esprit que l'eau de nos baptêmes symbolise, comme pour les Samaritains d'Actes 8, 15-17 qui baptisés d'eau, vont recevoir l'Esprit saint, le souffle de Dieu que communique à ses disciples le Ressuscité soufflant sur eux.
<br /><br />
Notre texte nous ramène au soir du dimanche de Pâques, cinquante jours avant la fête de <i>Shavouoth</i>, Pentecôte. Les disciples sont enfermés : <i>« Par crainte des chefs judéens, les portes de la maison où ils se trouvaient étaient verrouillées »</i>. Puis ils vont passer de la crainte (des Judéens, de leurs chefs, de la part de ces Galiléens : pas des juifs ! — qu’ils sont eux-mêmes !) à la libération : <i>« Jésus vint, il se tint au milieu d’eux et il leur dit : "La paix soit avec vous." » </i><br />
<br />
C’est suite à cela qu’ils vont passer de la crainte à la libération ; c’est-à-dire à l'envoi : <i>« Jésus leur dit : "La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie." »</i> — Recevez l’Esprit Saint : et déliez ceux qui sont liés — cf. Mt 16, 19. Jésus souffla sur eux pour un envoi à toutes les nations, symbolisé au jour de Pentecôte par la louange dans les langues des nations…
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<br />
<i>« La paix soit avec vous »</i> — avec cette parole, le texte donne le comment du don de cette paix : par l’Esprit saint. Cet Esprit qui vient du Père, le Père l’envoie par Jésus ressuscité. Ici s’ouvre la porte de la liberté à laquelle nous sommes invités à notre tour. Et cette liberté est une question de pardon. Une traduction très courante veut que Jésus dise aux Apôtres : « ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » Comme si les Apôtres avaient pour mission de retenir captifs de leurs péchés certains de ceux à qui ils sont envoyés ! Les Apôtres sont envoyés pour communiquer la libération que Jésus vient de leur octroyer dans le don de l’Esprit saint. La communiquer abondamment. Pas la mégoter. <br />
<br />
Il se trouve qu’une tout autre traduction de cette parole est possible : <i>« ceux pour qui vous remettez les péchés, ils leur ont été remis. Ceux pour qui vous les soumettez, ils leur ont été soumis »</i>. Ce qui correspond à l’équivalent chez Matthieu, « délier » (délier les personnes et lier le péché). Voilà donc qui donne tout autre chose : remettre les péchés et les soumettre. Deux faces de la libération. Remettre les péchés, c’est pardonner, soumettre les péchés, c’est permettre de les dominer. <br />
<br />
Être libéré, donc, du fruit du péché. Et cela est en rapport étroit avec le pardon. Souvenez-vous de l’épisode de Caïn. Je lis, au livre de la Genèse, ch. 4, v. 6-8 : <i>« Le Seigneur dit à Caïn : "Pourquoi t’irrites-tu ? Et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu agis bien, ne le relèveras-tu pas ? Si tu n’agis pas bien, le péché, tapi à ta porte, te désire. Mais toi, domine-le." Caïn parla à son frère Abel et, lorsqu’ils furent aux champs, Caïn attaqua son frère et le tua. »</i> <br />
<br />
Le péché est tapi à ta porte… Mais toi, domine-le. On a entendu la suite, Caïn ne l’a pas dominé. Caïn n’a pas reçu le pardon, la rémission de ses péchés. Il jalousait son frère. Il n’a pas reçu le pardon, l’élargissement de son cœur et la capacité de pardonner. Il n’a pas reçu la capacité de soumettre le péché : le péché l’a vaincu, Caïn ne l’a pas dominé… N’ayant pas reconnu cette part sombre de lui-même.<br />
<br />
Et voici le fruit de l’Esprit saint, dans la promesse de Jésus aux Apôtres : <i>« ceux pour qui vous remettez les péchés, ils leur ont été remis. Ceux pour qui vous les soumettez, ils leur ont été soumis »</i>. Cela inclut la reconnaissance de la part sombre qui est en nous.<br />
<br />
Sans quoi, la puissance du péché, c’est la mort, affirme la Bible. Jésus a vaincu la mort. <i>« Il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie. »</i> <br />
<br />
Le Ressuscité qui a vaincu la mort a pouvoir sur tout. Il a pouvoir même sur le péché. Il ouvre même comme possible l’impossible commandement donné à Caïn : « domine sur le péché ». Impossible, Caïn n’ayant fait que projeter sur son frère la frustration qui l’habitait. <br />
<br />
Face à cela, le don de l'Esprit saint est aussi pénétration de tout ce qui fait notre être, jusqu'en ses zones d'ombre — pénétrant jusqu'aux profondeurs de Dieu, l'Esprit sonde tout en nous en dit Paul (1 Co 2, 10). Une pénétration empreinte de miséricorde, qui dit et promet que sa présence en nous nous révèle entièrement à nous-même et ainsi nous libère.<br />
<br />
La liberté étant que nos fautes nous sont pardonnées, l’Esprit saint nous les soumet en nous permettant de connaître ce qui est en nous. Jésus souffla sur eux. Les Apôtres libérés par l’Esprit deviennent, par leur liberté, libérateurs à leur tour. C’est la bonne nouvelle qui nous est à nouveau donnée en ce dimanche de Pentecôte. Jésus souffla sur eux : recevez l’Esprit saint. <br />
<br />
Percevons-nous son souffle aujourd’hui ? Dans ce souffle est la paix que donne Jésus, la paix de se savoir pleinement pardonné : vos péchés vous sont remis, l’Esprit saint vous les soumet. Vous n’avez pas même à vous venger pour quelque obscur désir ou jalousie, comme Caïn qui a été par là dominé. Vous n’avez que la liberté de vous savoir pardonnés, de savoir par là octroyer le pardon à votre tour.
<br />
<br />
C’est pourquoi l’Esprit saint prie en nous : Abba, Notre Père, pour l’accomplissement de cette demande : <i>« pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. »</i> Non pas que le pardon que nous octroyons soit la condition de notre propre pardon ! Mais la liberté qui est dans le fait d’être pardonnés nous libère du poids d’avoir à ne pas pardonner. Nous voilà donc devant le Christ, en ce dimanche de Pentecôte, le Christ ressuscité présent au milieu de nous, soufflant sur nous l’Esprit : recevez l’Esprit saint. <br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Jésus accomplit alors sa promesse (« il est préférable pour vous que je m’en aille, car alors vous recevrez l’Esprit saint qui m’anime »). Il accomplit sa promesse à travers ce geste : il souffle sur ses disciples en signe de ce qu’il leur donne l’Esprit saint, l’Esprit de Dieu son Père. Son geste est un signe, qui utilise le double sens du mot : souffle et esprit. L’Esprit qui est comme le vent, que l’on ne « voit », que l’on ne « sent » qu’à ses effets — ou plutôt dont ne voit, ne sent, que les effets.<br />
<br />
Comme pour une nouvelle création — Genèse 2, 7 — Dieu donne la vie à l’être humain en « insufflant dans ses narines le souffle de vie », c’est-à-dire l’Esprit de vie. Jésus reprend le geste de la Genèse à son compte, mettant en place une nouvelle création.
<br />
<br />
Cela commence par un envoi — Jean 20, 21 : <i>« Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »</i> Puis après eux à notre tour nous sommes envoyés en vue de l'accomplissement du projet de la création. Jésus passe le relais aux disciples puis à nous en nous donnant l’Esprit du Père qui l’a animé : <i>« comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ».</i>
</div><br />
<br />
<div style="text-align: right;">RP, Pentecôte, 28/05/23<br />
<a href="https://docs.google.com/presentation/d/1oVrda1KnI243tYXispLB3jjhgdLFbXMYvVytLvOVPK8/edit?usp=sharing" target="_blank">Diaporama</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1NzR3soYORppc1m7A5Q49Yg1yMeX1H478Re386zDVBnQ/edit?usp=sharing" target="_blank">Culte en entier</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1zhNp9RjqFzXvQOXF1IcI4b5HTVWvF_igNpBggfeb64s/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
<br />
<br />
<br />
(Textes du jour : Psaume 104 ; Actes 2, 1-11 ; 1 Corinthiens 12, 3b-7 & 12-13 ; Jean 20, 19-23)<br />
<br />
<br />
</div>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-71939419382577022952023-05-18T08:00:00.090+02:002023-05-18T09:22:34.431+02:00Ascension - Nouvelle absence, nouvelle présence<br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><img data-original-height="556" data-original-width="560" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh2wc-OFnZFOPfgGWJYoHBn8tUxtKntIe2S481GLlQ8VP70zKW5Feu8o7bYPtPJh1pPZ-kBenDi3bD02MXZhpXQwX32hIWX_mXi-e2obix8JeJIezs1PEb5Zbc_QLpQlJyYWQrEyrD__7s/w640-h635/image.png" width="580" /></div>
<br />
<div style="text-align: justify;"><b>Actes 1, 1-11</b>
<blockquote><i>1 J’avais consacré mon premier livre, Théophile, à tout ce que Jésus avait fait et enseigné, depuis le commencement<br />
2 jusqu’au jour où, après avoir donné, dans l’Esprit Saint, ses instructions aux apôtres qu’il avait choisis, il fut enlevé.<br />
3 C’est à eux qu’il s’était présenté vivant après sa passion : ils en avaient eu plus d’une preuve alors que, pendant quarante jours, il s’était fait voir d’eux et les avait entretenus du Règne de Dieu.<br />
4 Au cours d’un repas avec eux, il leur recommanda de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre la promesse du Père, "celle, dit-il, que vous avez entendue de ma bouche :<br />
5 Jean a bien donné le baptême d’eau, mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici quelques jours."<br />
6 Ils étaient donc réunis et lui avaient posé cette question : "Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le Royaume pour Israël ?"<br />
7 Il leur dit : "Vous n’avez pas à connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité ;<br />
8 mais vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre."<br />
9 A ces mots, sous leurs yeux, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs regards.<br />
10 Comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se trouvèrent à leur côté<br />
11 et leur dirent : "Gens de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel."</i></blockquote>
<br />
<b>Jean 17, 1-11</b><br />
<blockquote><i>1 […] Jésus leva les yeux au ciel et dit : "Père, l’heure est venue, glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie<br />
2 et que, selon le pouvoir sur toute chair que tu lui as donné, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés.<br />
3 Or la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.<br />
4 Je t’ai glorifié sur la terre, j’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire.<br />
5 Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi de cette gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde fût.<br />
6 "J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as tirés du monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés et ils ont observé ta parole.<br />
7 Ils savent maintenant que tout ce que tu m’as donné vient de toi,<br />
8 que les paroles que je leur ai données sont celles que tu m’as données. Ils les ont reçues, ils ont véritablement connu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé.<br />
9 Je prie pour eux ; je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés : ils sont à toi,<br />
10 et tout ce qui est à moi est à toi, comme tout ce qui est à toi est à moi, et j’ai été glorifié en eux.<br />
11 Désormais je ne suis plus dans le monde ; eux restent dans le monde, tandis que moi je vais à toi. Père saint, garde-les en ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous sommes un.</i></blockquote>
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Lorsque Jésus prie, on le sait, il se retire, comme il enseigne à ses disciples de le faire — <i>« quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret »</i> (Mt 6, 6). Ce chapitre 17 de l’Évangile de Jean est la seule prière de Jésus dite publiquement. Prière liturgique de sanctification de ses disciples, comme prière liturgique d'ouverture de la nouvelle Création, écho à la liturgie divine du récit de la première Création dans la Genèse. <i>« Car en lui, le Christ, ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles »</i> (Col 1, 16). À présent, dans cette prière, cela est révélé : c'est à la croix qui s'approche que le Fils, retiré à ses disciples, est glorifié.
<br /><br />
<i>« Père, l’heure est venue, glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie »</i> : dans cette glorification du Christ, son départ, qui est sa mort, sa crucifixion, se superpose à son Ascension. Apparaissent deux plans : au premier plan la croix et la mort, à l’arrière-plan, comme par transparence, l’Ascension.<br />
<br />
Dans l’Ascension comme dans la crucifixion, le Christ nous est <i>« enlevé »</i> (Actes 1, 2). <i>« Vous ne me verrez plus »</i>, disait Jésus de sa mort, puis <i>« encore un peu de temps et vous me verrez »</i>, disait-il de sa résurrection (Jean 16, 16). <i>« Vous ne me verrez plus » : « une nuée le déroba à leurs yeux »</i> (Actes 1, 9) ; <i>« puis vous me verrez encore »</i> : bientôt sa présence en gloire.<br />
<br />
L'Ascension, comme la mort, est tout d'abord la marque d'une absence, au cœur de la nouvelle Création inaugurée au dimanche de Pâques, dans le signe du tombeau vide, écho à l'absence de Dieu ressentie dans la première Création.
<br /><br />
Reprenons le récit de la Genèse…
<br /><br />
<b>Genèse 1, 1-4
</b>
<blockquote> <i>1 Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.<br />
2 La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux.<br />
3 Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut.<br />
4 Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres.</i></blockquote>
<b>Genèse 2, 2
</b><blockquote><i>2 Dieu acheva au septième jour son œuvre, qu’il avait faite : et il se reposa au septième jour de toute son œuvre, qu’il avait faite.
</i></blockquote>
<br />
La terre était informe et vide, littéralement <i>tohu-bohu</i>. Dieu est infini, il est présent partout. Ce qui fait qu'il n'y a en principe pas de place pour le monde. Alors Dieu s'est contracté, a créé en lui un espace, comme une femme en qui une place se crée pour laisser place à ce qui deviendra son enfant. Par des contractions, dans la douleur. Contraction : vous avez reconnu l’enseignement du judaïsme, <i>tsimtsoum</i> – le mot hébreu pour contraction.
<br /><br />
Écho en Romains 8, 18-24a : <i>« J’estime, écrit Paul, que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous. Car la Création attend avec impatience la révélation des enfants de Dieu : livrée au pouvoir du néant — non de son propre gré, mais par l’autorité de celui qui l’a livrée, elle garde l’espérance, car elle aussi sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons en effet : la Création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement. Elle n’est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance. »</i>
<br /><br />
Dieu s’est retiré pour nous laisser une place (ce que redit le v. 2 du ch. 2 de la Genèse), une place dans l'espérance. Nous pouvons donc advenir, le monde peut exister, mais — c'est à ce prix — Dieu n'est pas là où est le monde. D’où le désordre de ce monde — la menace de la nature, son dérèglement, qui sont dans ce <i>tohu-bohu</i>, et jusqu’à la violence qui y prend place. Parole de foi, bien sûr : là où la source du bon est en retrait, là est le mal. Il a fallu que Dieu se retire, avec tous les risques que cela suppose, pour que le monde soit. Le monde peut devenir lui-même, mais c'est au prix du manque de Dieu, et donc au prix du défaut de plénitude de protection. Telle est notre situation vis-à-vis de Dieu. Nous pouvons devenir nous-mêmes, puisqu'il s'est retiré, mais c'est au prix de son manque, avec ce que cela a de tragique.<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Alors Dieu, toutefois, a prévu une autre présence de lui-même, cachée, souffrante, nous accompagnant dans notre exil loin de lui, comme le souci et la prière des parents accompagne l'exil de l'enfant qui a voulu devenir sans eux.
<br /><br />
Élie Wiesel à Auschwitz, à la question : <i>« où est Dieu ? »</i> répondait, voyant un adolescent pendu par ses bourreaux : il est là, qui pend.
<br /><br />
C'est ce type de présence qui nous est donnée en Jésus-Christ. Une présence qui ne fait pas défaut mais qui n'empiète pas non plus : retrait, contraction. Au cœur de notre exil, il est là.
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Dans l’absence du Christ, à nous retiré par la Croix et l'Ascension, Dieu nous ouvrant la nouvelle Création nous a ouvert une autre présence.
<br /><br />
Comme Dieu créant le monde s'est retiré pour laisser la place au monde, pour que le monde puisse advenir ; comme, entré dans son repos, il s'est retiré pour que nous puissions être, le Christ s'en va pour que vienne l'Esprit qui nous fasse advenir, devenir nous-mêmes en Dieu.
<br /><br />
C'est en ce sens que le départ de Jésus est en relation précise avec la venue de l'Esprit : <i>« si je ne m'en vais pas</i>, disait Jésus,<i> l’Esprit Saint ne viendra pas »</i> (Jean 16, 7). C'est que le don de l'Esprit est présence de l'Absent, présence dans l'absence, par l'absence, et partage de sa vie.
<br />
</div>
<br /><br /><div style="text-align: right;">RP, Poitiers, Ascension, 18.05.2023
<br />
<a href="" target="_blank"></a><a href="https://docs.google.com/document/d/1k8PUb1-XFczYDYKmpbsfrwByj7kdEE-17zo_aSiyETM/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a></div>
<br /><br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-50671337343928870262023-05-14T08:00:00.189+02:002023-05-14T18:29:32.231+02:00Un autre Consolateur<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br />
</div><br />
<div style="text-align: center;"><img height="420px" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgxm6sv4SWURf2XPWY_2McpJsXruaRvyGzIthrB0hZPaPKgCDs9ElXVzpu3OHNAxNuibUWaH5mOPmz48Nz1d3aWl5Z1wTtL2kRqyx5wMhrp6LKcXd7lq_Hccvbl94R1bNKJXcaecuifWPXf43L-PPkelVCdHTbu2HoS58McpCNfsDR1RpDzMQO7P0cw/s640/paquerette.jpg" width="580" /></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<b>Jean 14, 15-21</b><br />
<blockquote><i>15 "Si vous m’aimez, vous observerez mes commandements ;<br />
16 moi, je prierai le Père : il vous donnera un autre Consolateur qui restera avec vous pour toujours.<br />
17 C’est lui l’Esprit de vérité, celui que le monde est incapable d’accueillir parce qu’il ne le voit pas et qu’il ne le connaît pas. Vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous et il est en vous.<br />
18 Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens à vous.<br />
19 Encore un peu, et le monde ne me verra plus ; vous, vous me verrez vivant et vous vivrez vous aussi.<br />
20 En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père et que vous êtes en moi et moi en vous.<br />
21 Qui a mes commandements et les observe m’aime ; et qui m’aime sera aimé de mon Père, je l’aimerai et je m'en ferai connaître."
</i></blockquote><br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
<i>« Oui, tout ce bien va s’opérer ; oui, cette régénération va s’accomplir ; nulle puissance sur la terre n'est en état de l'empêcher »</i>. Je viens de citer le révolutionnaire Camille Desmoulins. Il écrit cela en 1789. J'aurais pu citer quantité d’autres révolutionnaires. Ils ont tous ce mot constamment à la bouche : régénération, c’est-à-dire « re-naissance », « nouvelle naissance », concrètement : inscription de la loi dans les cœurs, sans laquelle la proclamation de la loi reste abstraite. Reprise de ce qu’annonçait le prophète Ézéchiel (ch. 36) : j'inscrirai ma loi au-dedans d’eux afin qu’ils suivent mes prescriptions.
<br /><br />
Avant de revenir à cela, venons-en à notre texte de l'Évangile de Jean, qui ne dit pas autre chose lorsqu'il parle de la relation de l'Esprit et des disciples.
<br /><br />
Jésus leur annonce : vous connaîtrez l'Esprit… parce que vous le connaissez déjà. Vous vivrez de l'Esprit parce que vous en vivez déjà ! C'est là rien d'autre que ce que ce que disent les v. 16-17 : « le Père vous donnera… l'Esprit de vérité… parce… vous le connaissez, parce qu'il demeure près de vous et qu'il sera (ou : parce qu'il est *) en vous »…
<br /><br />
L'Esprit vous est donné, à vous en qui il demeure. Étrange ? Donné à ceux, celles, avec qui il demeure déjà, contrairement au « monde », c’est à dire à « l’apparence » — que connote le mot employé, « cosmos », qui a donné « cosmétique » —, le monde apparent donc, qui lui ne peut pas le recevoir, parce que, pourtant aimé de Dieu (Jn 3, 16), il ne le connaît pas ; c’est-à-dire parce que tout cela lui reste extérieur, abstrait.
<br /><br />
Vit de l'Esprit — celui, celle, qui aime Jésus, et qui donc garde sa parole. Qui ne l'aime pas, c'est là ce qu'il appelle « le monde », ne garde pas ses paroles, est étranger donc à la vie de l'Esprit saint. Le rapport est étroit entre l'Esprit de Jésus et l'obéissance à sa parole, à ses préceptes (v. 21).
<br />
<br />
<br />
<i>Le don de l'Esprit</i><br />
<br />
Des préceptes, donnés extérieurement : <i>« aimez-vous les uns les autres »</i>, et leur concrétisation, leur inscription dans les cœurs.
<br /><br />
Où il est question de l'Alliance entre Dieu qui donne la loi et son peuple qui la reçoit en son cœur, Alliance renouvelée en Jésus-Christ ; et élargie par lui à toutes les nations. On peut le dire ainsi : l'Alliance, ou la Torah telle qu’elle s'inscrit dans les cœurs par le don de l'Esprit. C’est un des aspects connus des Prophètes et qui est dit à nouveau par le Christ à ses disciples.
<br /><br />
Ainsi, en Jésus Christ, Dieu dévoile l'universalité de la promesse et de l’Alliance. La promesse faite aux origines à Abraham s'étend à tous ceux et celles qui ont la foi d'Abraham, universellement proclamée par les témoins du Christ.
<br /><br />
L'Alliance est appelée à s'étendre jusqu’aux extrémités de la Terre, elle s'élargit à tous les peuples. Ce qui renvoie à l’enseignement biblique selon lequel, en deçà même de l'Alliance que Dieu scelle avec son peuple, son Esprit est présent à la Création du monde — <i>« il planait à la face des eaux »</i> dit la Genèse — porteur de la Parole par laquelle tout a été fait — porteur de la lumière qui éclaire tout être humain venant dans le monde (Jean 1, 9).
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
L'Alliance est ouverte à toutes les nations. Eh bien, c'est cela l'universalisme que retrouvent les révolutionnaires modernes, Anglais, Américains, puis Français, se réclamant de l’héritage biblique — voir la forme des tables de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : les tables de la Loi du Sinaï. Mais si cela n'est que sur des tables, où en est le vécu ? D’où la notion d'inscription de ces tables dans les cœurs, la notion de régénération.
<br /><br />
Il s’agit d’un renouveau de vie pour un vécu de l'Alliance dans la liberté, pas par contrainte. Le don de l'Esprit n'est point la rupture de l’Alliance d’Abraham et de Moïse, mais bien son renouvellement, dans toute sa profondeur, sa racine intérieure. La Loi biblique se déploie jusque dans ses extensions dans les Déclarations modernes, dont les cœurs sont appelés à vouloir les vivre, concrètement — selon la promesse qui se dévoile pour les disciples par l'Esprit du Père promis par Jésus.
<br />
<br />
<br />
<i>La vie de l'Esprit</i><br />
<br />
C'est là la racine, en quelque sorte, de la vie de l'Esprit, un souffle humble et discret, répandu abondamment, comme la semence de la parabole du semeur, image de l'effusion de la Parole et de l'Esprit. Et comme le large ensemencement du semeur ne préjuge en rien de la récolte, la semence de la Parole et de l'Esprit ne préjuge pas de la germination et de l'éclosion de son fruit.
<br><br>
C'est de celui que nous prions, Dieu, que dépend la suite des choses, que vienne le jour de la promesse de Jésus : <i>« vous recevrez l'Esprit de vérité parce que vous le connaissez, qu'il demeure en vous »</i>. Et voici comment nous savons que nous l'avons connu : c'est en gardant ses commandements (cf. 1 Jn 2, 3) — certes dans l’humilité de notre cheminement. Car la responsabilité qui ressort de notre liberté d'enfants de Dieu s'exerce dans l'humilité.
<br><br>
<i>« Celui qui dit : je l'ai connu et qui ne garde pas ses commandements est un menteur »</i>, dit la 1ère Épître de Jean (1 Jean 2, 4). Et son commandement est en ce cœur de la Loi : que nous nous aimions les uns les autres, <i>« pas en parole ni avec la langue, mais en action et en vérité »</i>, poursuit la même Épître (1 Jean 3, 18). Une parole qui n'est pas accompagnée d'actes est un mensonge. Voilà qui nous contraint tous à l'humilité : qui de nous prétendra le connaître ? Notre connaissance, à la mesure de notre amour, n'est jamais que partielle, embryonnaire. Notre participation à l'Esprit de Dieu, n'est jamais que prémisse, que participation à une promesse. C’est en cela que l’Esprit promis est aussi Consolateur, consolant notre manque, consolant le deuil des disciples alors que Jésus va mourir : <i>« je ne vous laisserai pas orphelins »</i> (Jn 14, 18).
<br><br>
C'est ainsi que, comme à des enfants, à chacune et chacun de nous s'adresse la promesse du Christ : <i>« vous recevrez l'Esprit »</i>. Comme des enfants, nous ne connaissons que partiellement, et c'est, seule, cette connaissance partielle, qui fonde notre espérance d'une plénitude toujours à venir, notre espérance de voir jaillir de nos cœurs les fleuves d'eau vive du Royaume éternel : <i>« qui croit en moi, annonce Jésus, des fleuves d'eau vive jailliront de son sein »</i> (Jean 7, 38). <i>« Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive »</i> (Jean 7, 37).
</div><br />
<br />
<div style="text-align: right;">R.P., Poitiers, 14.05.23<br />
<a href="https://docs.google.com/presentation/d/16dY8xYUD0EWsDp2qu5vVzatUuUuId4kHqB94kCUCjwI/edit?usp=sharing" target="_blank">Diaporama</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1D7fig8bM6qoGFEl9S2qZWcNt3YLofj9HzHdSnW8kjv0/edit?usp=sharing" target="_blank">Liturgie</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1MQpcijPjlOmjrtXgI0XN8mAJYmsJaFj75wmLDz-PRZw/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
<br />
</div>
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;"><b>*</b> Selon la <i>lectio difficilior</i> : "ὅτι παρ’ ὑμῖν μένει καὶ ἐν ὑμῖν ἐστιν." ("ἐστιν" / "estin" = "est", plutôt que "ἐσται" / "estaï" = "sera").</div><br />
<br />
(Textes du jour : Actes 8, 5-17 ; Ps 66 ; 1 P 3, 15-18 ; Jean 14, 15-21)
<br />
<br />
<br />Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-16653362474698976832023-05-07T08:00:00.008+02:002024-02-25T17:28:08.401+01:00"Croyez du moins à cause de ces œuvres"<br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img alt="" border="0" data-original-height="2048" data-original-width="3072" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhDMCsfZq0deKRDh3s16Hx_HmyUzrZkMXmbevMZtllcx0q2nvUZooqreT9Nmfllnp6-tWX_aIYL1TE_KyKy9bATUBPSKjjkSiiQ2_jtz__0A_1eI5hLMDmaCgRcQqb67wePNKGk0BEykENwIneJH8nScEgtXGYSgsnmx-gFONB2pzcOWSgf4A-XaRU0/s600/fleurs.jpg" width="580" /></div>
<br /><div style="text-align: justify;"><b>Jean 14, 1-12</b>
<blockquote><i>1 "Que votre cœur ne se trouble pas : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.<br />
2 Dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures : sinon vous aurais-je dit que j’allais vous préparer le lieu où vous serez ?<br />
3 Lorsque je serai allé vous le préparer, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, si bien que là où je suis, vous serez vous aussi.<br />
4 Quant au lieu où je vais, vous en savez le chemin."<br />
5 Thomas lui dit : "Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas, comment en connaîtrions-nous le chemin ?"<br />
6 Jésus lui dit : "Je suis le chemin et la vérité et la vie. Personne ne va au Père si ce n’est par moi.<br />
7 Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Dès à présent vous le connaissez et vous l’avez vu."<br />
8 Philippe lui dit : "Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit."<br />
9 Jésus lui dit : "Je suis avec vous depuis si longtemps, et cependant, Philippe, tu ne m’as pas reconnu ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Pourquoi dis-tu : Montre-nous le Père ?<br />
10 Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ! Au contraire, c’est le Père qui, demeurant en moi, accomplit ses propres œuvres.<br />
11 Croyez-moi, je suis dans le Père, et le Père est en moi ; et si vous ne croyez pas ma parole, croyez du moins à cause de ces œuvres.<br />
12 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera lui aussi les œuvres que je fais ; il en fera même de plus grandes, parce que je vais au Père.</i></blockquote><br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
<i>« Si vous ne croyez pas ma parole, croyez du moins à cause de ces œuvres. »</i> Qu'est-ce à dire ? Que Jésus a observé pleinement ce que son Père prescrit.
<br /><br />
Dans l’Évangile de Jean, il s'agit par œuvres non pas tant de miracles (ils sont appelés signes dans l’Évangile de Jean) que de l'observance de l'enseignement biblique, avec sa valeur pour la réparation du monde : <i>tikun ‘olam</i> en hébreu — dans le judaïsme observer le moindre précepte de la Torah c’est commencer à réparer le monde, ce monde abîmé : <i>tikun ‘olam</i>, réparation du monde. C’est là la volonté de Dieu, ses œuvres.
<br /><br />
La pleine observance des commandements qui est celle de Jésus est requise de nous aussi, qui nous voulons ses disciples : <i>« qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais »</i>, et même, précise Jésus, — pour la réparation du monde, mais en toute humilité (la pleine observance de Jésus n'est pas nôtre !) — <i>« il en fera de plus grandes, parce que je m’en vais au Père »</i> (Jn 14, 12).
<br /><br />
Quelques citations de ce même Évangile : <i>« Les œuvres que le Père m’a donné d’accomplir, ces œuvres mêmes que je fais, témoignent de moi que c’est le Père qui m’a envoyé »</i> (Jn 5, 36). Ou : <i>« Les œuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi »</i> (Jn 10, 25). Ou encore : <i>« Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas. Mais si je les fais, quand même vous ne me croyez point, croyez à ces œuvres, afin que vous sachiez et reconnaissiez que le Père est en moi et que je suis dans le Père. »</i> (Jn 10, 37-38)
<br /><br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Rappelons-nous les circonstances de ce texte : Jésus va partir. Concrètement, il va mourir — pour la réparation du monde. À la veille de sa mort, il donne comme un testament à ses disciples. Une promesse de consolation pour les temps difficiles qu’ils auront à traverser jusqu’à la pleine réparation du monde, lors de la venue du Règne de Dieu. <br />
<br />
C'est en regard des temps difficiles qui s'annoncent jusque là que l'on trouve, comme consolation, ce texte très connu, le verset 6 — <i>« Je suis le chemin et la vérité et la vie. Personne ne va au Père si ce n’est par moi »</i>. Il n’est ainsi pas question ici de conversion à une religion, mais d'entrée dans l'intimité du Père — et cela dans le contexte du départ de Jésus : <i>« où je vais, vous en savez le chemin »</i> (v. 4). Voilà qui donne un tour particulier à ce verset. Par là, le disciple est appelé à venir, en Jésus, à une position semblable à celle qui est la sienne vis-à-vis du Père.<br />
<br />
<i>« Je suis le chemin et la vérité et la vie. Personne ne va au Père si ce n’est par moi. »</i> Voilà une parole qui ainsi, devient parole de consolation, qui annonce le Consolateur, l’Esprit de vérité, <i>« qui vous conduira dans toute la vérité »</i> — au-delà de tout ce que nous traversons de douleurs et de détresse. Car cela vaut au-delà des temps de persécutions comme celle que va traverser Jésus et bientôt ses disciples. D’autres épreuves sont en vue. Le disciple du Christ reçoit ainsi la promesse d’un Esprit, l’Esprit de Dieu, qui précède tous les temps et toutes les détresses, et qui ancre le disciple au-delà des faux-semblants dans une vérité indestructible. Voilà une consolation indicible, vrai chemin de Vie — Chemin, Vérité et Vie. <i>« Je suis le chemin et la vérité et la vie »</i>, promet Jésus.<br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Rappelons-nous que l'Évangile selon Jean débute par la présentation de la Parole éternelle, venue en Jésus Christ, qui demeure éternellement dans le sein du Père. Demeurer dans le sein du Père. Ce à quoi nous sommes appelés aussi. <i>« Il y a plusieurs demeures dans la maison du Père »</i> : c’est-à-dire que chaque disciple est appelé à vivre aussi lui-même, comme être unique, cette relation d'intimité avec Dieu qui est la Consolation de Jésus et celle des siens ; et cela dès aujourd’hui.<br />
<br />
Dans la présence de Dieu (« personne n'a jamais vu Dieu, le fils unique nous l'a — littéralement — raconté », Jn 1, 18. Il nous a redit cette invisibilité de Dieu), les particularités individuelles de chacune et chacun sont appelées à devenir autant de signes du Dieu invisible, à l'image de Jésus. C'est pourquoi (v. 12), celui qui croit en lui fait aussi les œuvres du Christ. Mieux, par l'accès à Dieu dévoilé par Jésus, dévoilé dans sa glorification à la croix par sa résurrection, les œuvres des disciples en sont même plus grandes que celles d'avant le dévoilement en Jésus de ce qui se peut savoir de Dieu. <br />
<br />
Cela parce que le dévoilement de Dieu en Jésus, scellé dans son départ, sa crucifixion, est attesté par sa résurrection : ici quand il parle de son retour — <i>« lorsque je serai allé vous préparer une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, si bien que là où je suis, vous serez vous aussi »</i> (v.3), — plutôt que de sa Parousie, de sa venue glorieuse, Jésus parle d’abord de sa résurrection. C'est là le retour qui suit son départ par la croix. Ce qui signifie que cette présence de ceux qui croient en la maison du Père ne renvoie pas tant à un après la fin des temps ou à un après la mort, qu'à un dès ici-bas. Ainsi, notre texte est immédiatement suivi par la promesse du don de l'Esprit saint. Car c’est bien ici bas que les disciples marchent dans le chemin de Vérité et de Vie — et c’est cela être disciple.<br />
<br />
Ce qui est donné à chacune et chacun dans sa résurrection, le fait qu'en Jésus se dévoile l'entrée dans l'intimité du Père est ce qui s'est alors manifesté dans le temps, sous la chair : en Jésus homme, Dieu s'est dit lui-même. Sa Parole est donnée, est devenue chair. Tout ce qui se peut savoir de Dieu est dévoilé à la connaissance des disciples. Il s'agit là d'une connaissance concrète, dans laquelle on entre pour y prendre part. Il n'est pas question que de connaissance en un sens purement théorique (la « vérité » comme discours), mais de l’entrée dans un vécu — la Vie, dans l'intimité du Père, dès ici-bas.<br />
<br />
Une telle nouvelle a de quoi étonner, sachant combien nous demeurons, en même temps, loin de nous-mêmes, dispersés. Mais c'est précisément là l'Évangile : il n'est d'entrée dans la vie du Père que par ce dévoilement. Et on sait que ce dévoilement est dans un cheminement qui débouche sur sa croix et par elle, sur la Vie.<br />
<br />
C'est en quoi Jésus est le Chemin, la Vérité et la Vie. Cette entrée dans l'intimité du Père qui se donne dans notre temps en Jésus, est le dévoilement du Dieu éternel. Par sa venue en chair, le Père se dévoile dans le Fils. Et l'éternité du Fils déborde infiniment sa stricte présence au temps. Lorsque dans le temps, Jésus parle ou agit, c'est le Père, qui dans l'éternité, est en train d'accomplir ses œuvres. Et en lui, cela vaut pour chacune et chacun de nous, cela donne à nos actions une portée éternelle. <br />
<br />
<i>« Il y a plusieurs demeures dans la maison du Père »</i>. Cela signifie qu'entrer par le Christ dans la maison de Dieu veut dire, non pas tomber dans un déficit de vie, mais devenir pleinement soi-même, comme le Christ n'est pas moins homme de par sa communauté de nature avec Dieu, mais est au contraire pleinement homme.<br />
<br />
Il y a là pour nous ouverture à une cessation des morcellements de nos vies ; l'intimité du Père et du Fils fonde dans l’Esprit saint la possibilité de rencontres vraies contre des vies désagrégées, atomisées, bardées de murs de désespoir. Vivre dans l'intimité de Dieu : devenir soi-même sous le regard du Père. Chemin de la rencontre du Père, manifestation de la vérité contre les masques, Jésus est aussi, et par là-même, la Vie. C’est la consolation qui nous est donnée par l’Esprit saint.<br />
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<div style="text-align: right;">RP, Châtellerault, 7.05.2023<br />
<a href="https://docs.google.com/document/d/1lmnfRrVtPaEq2Jc_6IF6uzAxDp4c7Wvekqif9S_oasU/edit?usp=sharing" target="_blank">Culte en entier</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1eqcd7OKZzqLGuLtCu4FjjPrKRCynG9jphwA3btJBPZs/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a></div>
<br /><br />
(Textes du jour : Actes 6, 1-7 ; Psaume 103 ; 1 Pierre 2, 4-10 ; Jean 14, 1-12)
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</div>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-62020466738558403802023-04-23T08:00:00.130+02:002023-04-23T16:34:26.763+02:00"Il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre les Écritures"<br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img alt="" border="0" data-original-height="1270" data-original-width="1610" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi9lr9gKQrBZvZh_ui99HXBis7qxO2iH74PBuULRc_6HXmDlLIEQ2EXigLdqfcQekZPkYvne7xELbn00WeKyZDBGkvHPMNEfOYRJnvQ-gxsefttAaouDIO2ksVzNNc2nWpSEToZYGlnWzu-uRCR2Iuc8u9aWqWA2d77uWb7o-IFfi-Pm4HZrSTcCBT8/s1610/mer.jpg" width="580" /></div>
<br /><div style="text-align: justify;"><b>Luc 24, 13-48</b>
<blockquote><i>13 Et voici que, ce même jour, deux d’entre [les disciples] se rendaient à un village du nom d’Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem.<br />
14 Ils parlaient entre eux de tous ces événements.<br />
15 Or, comme ils parlaient et discutaient ensemble, Jésus lui-même les rejoignit et fit route avec eux ;<br />
16 mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.<br />
17 Il leur dit : "Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ?" Alors ils s’arrêtèrent, l’air sombre.<br />
18 L’un d’eux, nommé Cléopas, lui répondit : "Tu es bien le seul à séjourner à Jérusalem qui n’ait pas appris ce qui s’y est passé ces jours-ci !" -<br />
19 "Quoi donc ?" leur dit-il. Ils lui répondirent : "Ce qui concerne Jésus de Nazareth, qui fut un prophète puissant en action et en parole devant Dieu et devant tout le peuple :<br />
20 comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort et l’ont crucifié ;<br />
21 et nous, nous espérions qu’il était celui qui allait délivrer Israël. Mais, en plus de tout cela, voici le troisième jour que ces faits se sont passés.<br />
22 Toutefois, quelques femmes qui sont des nôtres nous ont bouleversés : s’étant rendues de grand matin au tombeau<br />
23 et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire qu’elles ont même eu la vision d’anges qui le déclarent vivant.<br />
24 Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ce qu’ils ont trouvé était conforme à ce que les femmes avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu."<br />
25 Et lui leur dit : "esprits sans intelligence, cœurs lents à croire tout ce qu’ont déclaré les prophètes !<br />
26 Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela et qu’il entrât dans sa gloire ?"<br />
27 Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait.<br>
28 Ils approchèrent du village où ils se rendaient, et lui fit mine d’aller plus loin.<br />
29 Ils le pressèrent en disant : "Reste avec nous car le soir vient et la journée déjà est avancée." Et il entra pour rester avec eux.<br />
30 Or, quand il se fut mis à table avec eux, il prit le pain, prononça la bénédiction, le rompit et le leur donna.<br />
31 Alors leurs yeux furent ouverts et ils le reconnurent, puis il leur devint invisible.<br />
32 Et ils se dirent l’un à l’autre : "Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Écritures ?"<br />
33 A l’instant même, ils partirent et retournèrent à Jérusalem ; ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons,<br />
34 qui leur dirent : "C’est bien vrai ! Le Seigneur est ressuscité, et il est apparu à Simon."<br />
35 Et eux racontèrent ce qui s'était passé et comment ils l'avaient reconnu à la fraction du pain.<br />
36 Comme ils parlaient ainsi, Jésus fut au milieu d’eux et il leur dit : "La paix soit avec vous."<br />
37 Effrayés et remplis de crainte, ils pensaient voir un esprit.<br />
38 Et il leur dit : "Quel est ce trouble et pourquoi ces objections s’élèvent-elles dans vos cœurs ?<br />
39 Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi. Touchez-moi, regardez ; un esprit n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai."<br />
40 Et disant cela, il leur montra ses mains et ses pieds.<br />
41 Mais étant néanmoins incrédules, loin de la joie et ébahis, il leur dit : "Avez-vous ici de quoi manger ?"<br />
42 Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé.<br />
43 Il le prit et mangea sous leurs yeux.<br />
44 Puis il leur dit : "Voici les paroles que je vous ai adressées quand j’étais encore avec vous : il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes."<br />
45 Alors il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre les Écritures,<br />
46 et il leur dit : "C’est comme il a été écrit : le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour,<br />
47 et on prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.<br />
48 C’est vous qui en êtes les témoins."</i></blockquote>
<br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Les disciples d’Emmaüs étaient en deuil. Leur maître venait de mourir. D'une fête de joie gâchée de la sorte, la Pâque, ils repartaient abattus. Tellement abattus qu'ils ne se sont dans un premier temps que peu arrêtés à ce qu’ont dit les femmes revenant du tombeau, évoquant le relèvement de Jésus d'entre les morts…
<br /><br />
C’est que, pour reprendre l'expression de Jean 20, 9, <i>« ils n’avaient pas encore compris l’Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts. »</i> À présent, <i>« il leur ouvre l’intelligence pour comprendre les Écritures »</i> (Lc 24, 45), selon que, dit-il, <i>« il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes »</i> (v. 44) — c’est-à-dire la Bible hébraïque. De ce qui est écrit dans cette <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2022/10/quatre-bibles.html" target="_blank">première Bible</a>, citée en Luc dans le grec d’une <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2022/10/quatre-bibles.html" target="_blank">deuxième Bible</a>, la LXX, naît aujourd'hui une <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2022/10/quatre-bibles.html" target="_blank">troisième Bible</a>, notre Ancien Testament, dont la clef est la foi au Ressuscité, cœur du Nouveau Testament.
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Voici donc comment s’opère cette naissance. Le Ressuscité partage un repas avec les deux disciples : une rencontre effective, concrète — ce qu’il va préciser devant les autres disciples : ce n’est pas un esprit, mais lui en chair et en os. Le Ressuscité ne se rencontre que dans une expérience concrète. Et lorsque les disciples d’Emmaüs leur disent leur expérience, les autres perçoivent bien quelque chose, mais ils ne saisissent pas. Et lorsque le Christ leur apparaît… ils croient être devant un fantôme ! Cela nous semble aussi irrationnel qu’une résurrection ? Peut-être, mais au moins, un fantôme on sait ce que c’est — si l’on y croit. Et à l’époque, on y croit. C’est le monde des morts qui se manifeste, autrement que dans le rêve nocturne, mais de façon équivalente.
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Nous savons tous que l’on rencontre nos morts dans nos rêves. Le fantôme n’est jamais qu’une espèce particulière de ce type de rencontre. Inhabituelle, et par là effrayante. Les morts qui envahissent un instant le monde des vivants ; qui viennent un instant du monde de la nuit au monde du jour. Effrayant, cet effacement momentané des frontières des mondes. Et les disciples, croyant en être là concernant la présence de Jésus après le récit des pèlerins d’Emmaüs, sont effrayés.
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Effrayant, mais rassurant aussi — en ce sens que l’on n’est pas tout à fait dans l’inconnu. C’est dans l’ordre des choses : il y a des morts, il y a des vivants ; et parfois ils se croisent. Mais au fond, tout est à sa place. Les morts, et les vivants. Mais voilà que ce n’est pas à cela qu’ils ont affaire. C’est bien Jésus vivant qui est ici. Pas un fantôme, mais Jésus en chair et en os. C’est l’expression qu’emploie le texte : voyez et touchez : je suis en chair et en os, dit-il en leur montrant ses mains et ses pieds… On retrouve ici quelque chose qui ressemble à l’épisode de Thomas dans l’Évangile de Jean. À savoir : il manque quelque chose pour qu’ils croient. Quelque chose dont ont bénéficié les disciples d’Emmaüs. La rencontre. L’expérience de la rencontre dans le partage.
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Qu’il est difficile de reconnaître le Ressuscité ! D’autant plus difficile du cœur d'un tel abattement, qui en rajoute au fait qu'il est de tout temps difficile de le rencontrer en vérité, c’est-à-dire ne pas le confondre avec les images que nous nous en faisons, avec les a priori que nous avons sur lui. <i>« Ils n’avaient pas encore compris l’Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts. » </i>
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Le texte nous donne lui-même une indication pour que nous comprenions ce qui empêche les disciples de reconnaître le Ressuscité, leur maître, qu’ils ont côtoyé trois jours avant. Une difficulté qui est aussi la nôtre : ils ne comprennent pas les Écritures, qu’ils connaissent pourtant, et que l’inconnu avec eux, Jésus, leur explique — dit le texte. Ni l’un, ni l’autre ne comprend, ni ne reconnaît Jésus… Ni Cléopas, ni… Mais au fait, et l’autre ? Qui est-il ? Mais ma question est-elle la bonne ? Peut-être, mais pas sûr… Et s’il fallait demander : qui est-elle ?… Ainsi posée la question dévoile un a priori tel qu’il ne nous trouble même pas : nous sommes convaincus que le second disciple est un homme, ce que le texte ne dit pas ! Comme eux ne reçoivent pas ce que dit l’Écriture que l’inconnu leur explique.
<br /><br />
Quelque chose leur a échappé, de l’Écriture, et du Ressuscité ! Comme il nous échappe que le texte de Luc ne dit pas que le second disciple n’est pas forcément un homme ! Mieux, à bien y regarder, il suggère, en ne nommant pas le second disciple, que ce n’est pas le cas !
Voilà comment nous imposons au texte quelque chose qu’il ne dit pas, et qui nous empêche peut-être de voir de qui il s’agit ! L’autre disciple, pas nommé, pourrait avoir tout lieu d’être tout simplement Mme Cléopas — prénommée Marie selon l’Évangile de Jean (19, 25) ! — , qui invite Jésus à sa table… Un couple de disciples. Étrange ? Et pourtant, M. et Mme invitant Jésus chez eux… Quoi de bizarre ? Mais on n’y a pas pensé…
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Eh bien c’est un phénomène de ce genre, compréhension <i>a priori</i>, qui empêche les disciples de comprendre l'Écriture et de reconnaître Jésus ! Ils savent à quoi on doit s’attendre : à rien, concernant celui qui vient de mourir ! Il est mort ! Du coup, ils ne le voient pas, ils ne le reconnaissent pas… Et nous ? Comment imaginons-nous Jésus ? Rien qu’au plan physique… Cela juste pour illustrer la difficulté des disciples. Car la vraie difficulté n’est pas de l’ordre de l’apparence physique pour eux qui l’ont côtoyé : ils connaissaient son physique.
<br /><br />
Mais lorsque, ressuscité, il leur apparaît… ils ne le reconnaissent pas ! Le problème, qui vaut pour nous aussi bien que pour eux, est lié à l'abîme qui sépare le temps de l'éternité et qui rend le Ressuscité inaccessible à l'imagination des disciples comme à la nôtre.
<br /><br />
C’est le contact de l'éternité qui est incompréhensible, c’est ce contact qui nous trouble dans tout ce qui rompt l'ordre habituel des choses, et cela au plus haut point dans la résurrection — mais aussi, et ce n’est pas sans rapport, dans l’intimité avec Dieu qui nous conduit à changer nos regards sur autrui. Troublant contact avec la vérité de Dieu. Troublante résurrection. Trop troublante.
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Le choc de l’éternité a des conséquences bouleversantes. Des conséquences jusque sur notre quotidien et nos relations avec autrui… Et cela nous le pressentons. Et nous en avons peur ! Mais voilà que l'éternité nous envahit, déferle dans notre temps, depuis un dimanche de Pâques, dont on choisit aisément de ne pas en voir les conséquences.
<br /><br />
Aussi, le Ressuscité viendrait-il lui-même à nos côtés nous dévoiler son visage dans les Écritures, notre certitude confortable que tout est bien à sa place — l'éternité d'un côté, notre quotidien moyen de l'autre, — hurlerait dans son pesant silence à nos cœurs se consumant, qu'il s'agit surtout de ne pas voir. La terreur d'avoir à reconnaître le Ressuscité rejoint notre terreur de la grâce. La grâce est, dans sa gratuité, don d'intimité, et d'intimité avec Dieu, nécessairement terrorisante, mais ce faisant, elle est par là-même libération.
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Chose toujours surprenante ; qui ouvre sur ce qu’on ne soupçonnait pas. Lorsqu’on rencontre vraiment autrui, gratuitement, on est contraint de réviser ses propres jugements. Ainsi du Christ pour les disciples d’Emmaüs. On avait un point de vue sur lui. Limitatif. À la mesure de notre imagination, de ce que l’on considérait comme devant être un Messie (cf. Lc 24, 21). Lorsqu’il apparaît tel qu’il est, on ne le reconnaît donc pas : ah, s’il pouvait se montrer d'une façon qui ne nous surprenne pas ! Sous une forme connue, repérable, habituelle ! Mais ce n'est pas ce qu'il fait. Et lorsqu'il nous explique les Écritures sans avoir au préalable conforté nos repères, on ne l'écoute pas, on ne l'entend pas. Ce faisant, notre cœur ne brûle-t-il pas au-dedans de nous ?
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Et ce qui est vrai du Christ devient, en lui, vrai aussi de chacune et chacun de ceux qu’il nous donne de côtoyer et que l’on a pris l’habitude de regarder toujours comme d’habitude — ces frères et sœurs du Ressuscité, frères et sœurs dans l’espérance de leur résurrection, résurrection que nous affirmons, mais d’une façon qui risque toujours de ne rester qu’un mot… Les disciples d’Emmaüs regardaient l’inconnu comme on regarde habituellement ceux que nous côtoyons, à commencer par nos proches — et <i>a fortiori</i> des étrangers. Le Christ s'est montré en étranger à Emmaüs ; et puisque les disciples avaient pris l’habitude de regarder le Christ comme d’habitude, lorsqu’il se montre tel qu’il est au-delà de leurs regards appesantis par le sommeil de l’habitude, ils ne le reconnaissent pas.
<br /><br />
<i>“Notre cœur ne brûlait-il pas au-dedans de nous ?”</i> Mais n’est-ce pas déjà notre expérience à chacune et chacun au quotidien ? Notre cœur ne brûle-t-il pas au-dedans de nous quand nous côtoyons jour après jours des frères et sœurs du ressuscité, quand nous mangeons avec eux — partageant le pain —, quand ils nous parlent, et que nous n’entendons que ce que nous avons pris l’habitude de filtrer, que nous n’en voyons qu’un quotidien toujours le même, alors que nous avons devant nous, à côté de nous, un frère, une sœur du Ressuscité, promis à la même gloire, déjà présente, de façon cachée, en lui, en elle ?
<br /><br />
Notre cœur ne brûle-t-il pas au-dedans de nous quand nous ne reconnaissons pas l’image de Dieu dans celui ou celle, à côté de nous, que nous cantonnons dans les vieux jugements définitifs que nous avons pris l’habitude de porter sur lui, sur elle ? Au point que lorsque nous ne reconnaissons pas un prochain qui n’est encore que dans l’espérance de la résurrection que la parole de Dieu est en passe de faire germer en lui, nous le cantonnons dans ce chemin de dégradation et dans cette mort que Jésus a vaincues.
<br /><br />
Ressuscité, étant la résurrection même (Jn 11, 25), il a la puissance de transformer nos regards comme ceux des disciples d’Emmaüs. C'est au moment de la fraction du pain, moment de partage, d'intimité, que les disciples reconnaissent Jésus. Mais là la grâce est précédence silencieuse qui brise les terreurs, les craintes, les habitudes. L'établissement de cette intimité, terrorisante pour qui l'anticipe avant de la connaître, ou pour qui regarderait après coup la rupture qu'elle a provoquée, contemplation inévitablement vertigineuse face à un tel abîme ; — l'établissement de l'intimité se fait, contre toute attente, en douceur, contre toute attente et à la surprise du regard rétrospectif.
<br /><br />
C'est là l'étonnement de la grâce, qui brise, dans l'intimité qu’elle établit, toutes nos fausses certitudes. Pour les disciples d'Emmaüs, ils ont basculé, au cœur de leur temps envahi par le Ressuscité, dans l'éternité qui advient en lui. Pour nous aussi la présence du Ressuscité peut tout changer, change tout, dès aujourd'hui !
<br /><br /><br /><div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 23.04.23
<br>
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</div>
<br /><br />
(Textes du jour : Actes 2, 14-33 ; Psaume 16, 21-29 ; 1 Pierre 1, 17-21 ; Luc 24, 13-35)
<br /><br />
<br>
</div>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-3193506115529223782023-04-16T08:00:00.025+02:002023-04-16T16:25:18.584+02:00La libération par la foi à la résurrection
<br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center; "><img alt="" border="0" width="580" height="420" data-original-height="811" data-original-width="1080" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhw2Lc154LVDdt4GGgXZ15piWMxxbIu1pjShzC8RbKCt1nuxa7iCMqjs7gfF4MfC85mlCFdEJiEqwbPrYzPokvkajkGl9FjV6rS_0r2DbRlN7TBvGXRbBqD7MPBgw053QF1Cv2xGc-MPpyZapl3g7UX6FyWlu4tse4RaT50Cc4g72LK1Gn85dkN5Q4t/s1080/doigt.png"/></div>
<br />
<div style="text-align: justify;"><b>Jean 20, 19-31</b>
<blockquote><i>19 Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des chefs judéens, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d'eux et il leur dit : "La paix soit avec vous."<br />
20 Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie.<br />
21 Alors, à nouveau, Jésus leur dit : "La paix soit avec vous. Comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous envoie."<br />
22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : "Recevez l'Esprit Saint ;<br />
23 ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux pour qui vous les soumettrez, ils leur ont été soumis."<br />
24 Cependant Thomas, l'un des Douze, celui qu'on appelle Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint.<br />
25 Les autres disciples lui dirent donc : "Nous avons vu le Seigneur !" Mais il leur répondit : "Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n'enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n'enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas !"<br />
26 Or huit jours plus tard, les disciples étaient à nouveau réunis dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vint, toutes portes verrouillées, il se tint au milieu d'eux et leur dit : "La paix soit avec vous."<br />
27 Ensuite il dit à Thomas : "Avance ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d'être incrédule et deviens un homme de foi."<br />
28 Thomas lui répondit : "Mon Seigneur et mon Dieu."<br />
29 Jésus lui dit : "Parce que tu m’as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru."<br />
30 Jésus a opéré sous les yeux de ses disciples bien d’autres signes qui ne sont pas rapportés dans ce livre.<br />
31 Ceux-ci l’ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom.</i></blockquote>
<br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Le Ressuscité a consumé les puissances de la mort. En s’adressant à Thomas, il parle à chacune et chacun de nous, après s’être adressé à chacun des disciples : <i>« tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté »</i>. Des mots similaires sont rapportés par Luc (24, 39) : <i>« Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi. Touchez-moi, regardez ; un esprit n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai. »</i>
<br /><br />
Les Évangiles y insistent, comme pour souligner cette trop troublante résurrection de la chair que Jésus signe ici dans son corps ressuscité : <i>« un esprit n’a ni chair ni os »</i>. Scandale pour la raison. Même si la notion de la résurrection a des antécédents (cf. 1 Corinthiens 15), avant Pâques, dans la réflexion philosophique du judaïsme de même que dans le monde persan, notre raison, comme on le voit chez les philosophes d’Athènes au livre des Actes (17, 31 sq.), bute, scandalisée…
<br /><br />
<i>« Alors il leur ouvrit l’esprit, afin qu’ils comprennent les Écritures »</i> (Luc 24, 45), écho à <i>« ils n’avaient pas encore compris l’Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts »</i> (Jn 20, 9). Car c’est là comprendre les Écritures ! Là et pas en tournant autour des Écritures, en parlant à propos des Écritures, sans recevoir <i>ce</i> qu’elles nous disent…
<br /><br />
Scandale pour la raison, jusqu'à nous. D’où la tentation de « spiritualiser » tout cela… C’est contre cela que Jésus invite Thomas à toucher ses plaies. Comme dans Luc il y invite les douze — et avec eux, par leur intermédiaire, nous tous : heureux celles et ceux qui n’ont pas vu comme Thomas, et qui ont cru, pourtant. Notons que Thomas n’a pas eu besoin de toucher, et qu’il n’a pas cru ce qu’il a vu (pas besoin, il l’a vu !), mais il a cru parce qu’il a vu : il a cru ce qui est au-delà de ce qu’il voit, et qui le conduit à confesser : <i>« mon Seigneur et mon Dieu. »</i>
<br /><br />
Heureux celles et ceux qui sans avoir vu comme Thomas, ont cru, comme lui, que là, dans la présence réelle du Ressuscité, est le rachat de notre être de chair, de tout notre être. Notre vie ne se réalise, ne se concrétise, que dans notre histoire, dans nos rencontres, dans la trivialité du quotidien, bref, dans la chair ! Et c’est cela qui est racheté, radicalement et éternellement racheté au dimanche de Pâques.
<br /><br />
Le rachat dont il est question n’est pas l’accès à un statut d’esprit évanescent et fantomatique. C’est bien tout ce qui constitue notre être, notre histoire, l’expérience de nos rencontres et donc de nos sens, de notre chair, qui est racheté. Notre histoire qui a fait de nous, qui fait de nous, qui fera de nous, ce que nous sommes, cette réalité de nos vies uniques devant Dieu. C’est l’extraordinaire nouvelle qui nous est donnée par le Ressuscité : lui aussi, Fils unique et éternel de Dieu, advient à l’éternité qui est la sienne par le chemin de son histoire dans la chair : ses plaies-mêmes, qui ont marqué sa chair, sont constitutives de son être !
<br /><br />
… Signe que tous nos instants, ceux de Thomas, ceux des Apôtres, les nôtres, chacun de nos moments uniques dans l’éternité, est porteur de notre propre vocation à l’éternité ! Là est rien moins que le sens — éternel ! — de notre vie.
<br /><br />
Et là est la pleine libération, une libération qui concerne tout l’être, à savoir jusqu'à la chair, selon que la Parole est devenue chair (Jn 1, 14), libération que Jésus octroie aux disciples enfermés : <i>« les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées »</i>, par peur des autorités (v. 19)… Et… <i>« Jésus vint, il se tint au milieu d'eux et il leur dit : "La paix soit avec vous." Puis, leur ayant montré ses mains et son côté, à nouveau il leur dit : "La paix soit avec vous. Comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous envoie." Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : “Recevez l'Esprit Saint” »</i> (v. 20-22).
<br /><br />
Libération : <i>« Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie »</i> (Jn 20, 21). Pour une mission… C’est par les disciples et nous après eux, que le projet de la Création est appelé à être accompli. Jésus nous passe le relais — comme le Père s’est retiré dans son repos lors de la Création —, Jésus nous passe le relais en nous donnant l’Esprit du Père qui l’a animé : <i>« comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie »</i>. Et, écho de la Genèse, il souffle sur eux : <i>« Recevez l’Esprit Saint »</i>… et déliez ceux qui sont liés. Tel est l’envoi, la mission, pour une Création nouvelle — dont nous sommes les acteurs, à l’instar de Thomas qui, absent comme nous au dimanche de Pâques, est présent huit jours après Pâques — un dimanche comme aujourd'hui.
<br /><br />
Thomas est notre représentant, à nous qui n'avons pas vu et qui sommes appelés à entrer dans la Création nouvelle. Heureux celles et ceux qui sans avoir vu ont cru. Car rien ne se fait, en termes de Création nouvelle, renouvelée, sans un acte de foi en ce qui ne se voit pas, ne se voit pas encore à ce qui est, ou semble encore impossible.
<br /><br />
Or, à bien lire ce texte, la Création nouvelle — fruit de la foi, — est fondée sur le pardon : « déliez ceux qui sont liés » par la fatalité, par la mort qui menace, par leur culpabilité. À qui vous pardonnez, à qui vous remettez les péchés, ils leur ont été remis…
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Nouveau commencement. S’ouvre la porte de tous les possibles. Porte de liberté. Une liberté qui est bien une question de pardon — le pardon qui libère : <i>« ceux pour qui vous remettez les péchés, ils leur ont été remis. Ceux pour qui vous les soumettez, ils leur ont été soumis »</i> (plutôt que <i>« ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus »</i>, comme si les Apôtres avaient pour mission de retenir captifs de leurs péchés certains de ceux à qui ils sont envoyés !). La libération est en deux volets : pardon du péché, de tout ce qui rend captif, et soumission du péché qui rend captif, pour une libération totale, victoire sur tous les esclavages, pour une ouverture sur la domination sur le péché, promesse d'accomplissement de ce que n’a pu faire Caïn : <i>« domine sur le péché »</i> (Gn 4). Comme mort au péché à la croix pour une résurrection à la vie nouvelle.
<br /><br />
Voilà les Apôtres envoyés — et nous à leur suite — pour communiquer pleinement la libération que par sa résurrection, Jésus vient d'octroyer dans le don de l’Esprit saint.
<br /><br />
Envoyés pour communiquer la libération abondamment : <i>« ceux pour qui vous remettez les péchés, ils leur ont été remis. »</i> Et mieux : <i>« ceux pour qui vous les soumettez, ils leur ont été soumis. »</i> (Aspect qui relève de la promesse — 1 Jn 5, 18 : <i>« quiconque est né de Dieu ne pèche pas »</i> —, promesse puisqu’en deçà de ce pouvoir de l’Esprit sur le péché, nous savons que nous pécherons encore et que nous aurons encore besoin de recevoir et le pardon et la promesse, en recourant à l'avocat que nous avons auprès du Père).
<br /><br />
Car la libération passe par la reconnaissance de la part sombre qui est en nous. Sans quoi, la puissance du péché, c’est la mort, affirme la Bible. Mais le Ressuscité, qui a vaincu la mort, a pouvoir sur tout. Il a pouvoir même sur le péché.
<br /><br />
Telle est la parole de liberté, parole de pardon qui met fin à la crainte et nous envoie à notre tour avec la paix de Dieu — <i>« La paix soit avec vous »</i> — qui nous est donnée dans ce souffle de l’Esprit saint : <i>« la paix soit avec vous »</i>, dit le Ressuscité une deuxième fois. Malgré la crainte qui est au début du texte et qui maintient les disciples derrière des portes verrouillées — malgré la crainte et le refus qu’elle porte, crainte que Jésus doit encore et encore apaiser : <i>« La paix soit avec vous »</i> — dit-il une troisième fois…
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Cette parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur : elle n'est pas dans le tombeau — vide. Elle n'est pas non plus aux extrémités du monde pour qu'on dise <i>« qui ira la chercher pour nous »</i> — dès lors qu'elle est prononcée, elle est <i>« près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur »</i>, dit le Deutéronome, repris par Paul. Aux extrémités de la terre, les disciples y sont donc envoyés pour qu'elle habite tous les lieux et tous les temps, emplir tout à nouveau la terre et les cieux. Trois fois, aux lendemains du sortir du tombeau, à la face du ciel, pour tous les horizons de la terre, retentit jusqu’à nous la parole donnée par le Ressuscité : « La paix soit avec vous. »
<br /><br /><br /><div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 16.04.23<br>
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</div><br /><br />
(Textes du jour : Actes 2, 42-47 ; Psaume 118, 17-29 ; 1 P 1, 3-9 ; Jean 20, 19-31)
<br /><br />
<br>
</div>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-1906908565802253112023-04-09T08:00:00.072+02:002023-05-10T10:43:02.081+02:00“Ils n’avaient pas encore compris l’Écriture…”<br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img alt="" border="0" data-original-height="1074" data-original-width="1414" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEioazcm2bXH0DWvSRTXCRvNPd-O9Ckv22igvaCOiDAtt8nZxgjSygeY57XywmwnfQGwNm7-tgq9ogXveJvIypI0AI3NdAbLfNk4O0WJIHzLqAbHJgyVbyx4EcEhyEcQSZvI5nIH9YHiPL3ISK32o2wT_vlZogoVp__8x5iL9XsdxkV2jZA9MzFlMX62/s1414/Vendredi%20Saint.png" width="580" /></div>
<br /><div style="text-align: justify;"><b>Jean 20, 1-9</b>
<blockquote><i>1 Le premier jour de la semaine, à l’aube, alors qu’il faisait encore sombre, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau. <br />
2 Elle court, rejoint Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l’a mis. » <br />
3 Alors Pierre sortit, ainsi que l’autre disciple, et ils allèrent au tombeau.<br />
4 Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. <br />
5 Il se penche et voit les bandelettes qui étaient posées là. Toutefois il n’entra pas. <br />
6 Arrive, à son tour, Simon-Pierre qui le suivait ; il entre dans le tombeau et considère les bandelettes posées là <br />
7 et le linge qui avait recouvert la tête ; celui-ci n’avait pas été déposé avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre endroit. <br />
8 C'est alors que l’autre disciple, celui qui était arrivé le premier, entra à son tour dans le tombeau ; il vit et il crut. <br />
9 En effet, ils n’avaient pas encore compris l’Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts.</i> </blockquote>
<br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
<i>« Ils n’avaient pas encore compris l’Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts »</i>. Pourquoi n’avaient-ils pas compris ? La raison de fond pourrait bien être : parce que comprendre coûtera tout !… Car les Évangiles, dont celui de Jean que nous avons lu, suggèrent bien que ne pas comprendre est finalement le fait d’un aveuglement — selon un choix, « préférer les ténèbres » (Jean 3, 19). Se pose alors une question préalable : celle des motifs qu’on se donne pour ne pas comprendre ? Aujourd’hui, on répondrait : c’est parce que la science nous dit que la résurrection est impossible. Est d’ordre scientifique ce qui est reproductible en laboratoire. Ce qui s’est passé au dimanche de Pâques n’est pas reproductible en laboratoire… Alors ce qu’en disent les Écritures…
<br /><br />
Sauf que ce que constate Marie de Magdala est d'un tout autre ordre que celui auquel accède la science, tout comme ce que voit et croit l'autre disciple. Ici on entre dans l’impossible. Notre science s'arrête, comme le disciple, à l'entrée du tombeau. Ici, notre raison n'a accès qu'à des paraboles, comme autant de bandelettes laissées là.
<br /><br />
Une de ces paraboles, une illustration, est celle du papillon. La résurrection nous semble impossible ? Les disciples en sont naturellement là. Une chenille peut-elle voler ? Non évidemment… Mais elle devient papillon ! Les chenilles subissent une métamorphose impressionnante. Leur cycle de vie comporte quatre stades : œuf, chenille, chrysalide, puis papillon. Les chenilles muent plusieurs fois avant de passer au stade de papillon.
<br /><br />
Chez l’homme, on connaît trois stades : le stade fœtal, puis notre stade, puis la tombe. Point final. Pour la chenille, dans sa « tombe », le sarcophage du cocon, les choses bougent… C’est là une illustration, puisque les chenilles, elles, ne meurent pas en devenant papillons…
<br /><br />
Ainsi, en suivant la science, on peut ne pas recevoir la parabole de la chenille se réveillant papillon… Et, en conséquence, tournant autour du pot d’un réveil de Jésus d’entre les morts qui devrait se contenter d'être une métaphore symbolisant une forme d’ « espérance malgré tout », on reste confronté à la question que nous pose l'Écriture. <i>« Ils n’avaient pas encore compris l’Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts ».</i>
<br /><br />
Allons toutefois un peu plus loin, pour voir de quel angle, irréfutable, nous parle la science, et de quel angle elle ne nous parle pas.
<br /><br />
Aujourd’hui, la science nous dit par exemple — depuis plusieurs années par les rapports du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) — que les dégâts dus au réchauffement climatique sont déjà irréversibles. Il faut changer tout de suite. Que fait-on sachant cela ? Rien… quelle que soit la raison ou l’absence de raison de ce rien !…
<br /><br />
Que dit la science concernant notre vie et notre mort ? Au fond, l’histoire de la pensée le montre : on s’en fiche ! On ne retient de la science que ce qui vient conforter nos a priori et nos positions. Au sujet de la menace climatique, comme de tout le reste, y compris la vie et la mort, dont on est pourtant si curieux…
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
<i>« Ils n’avaient pas encore compris l’Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts »</i>. Reprenons. Pourquoi cette incompréhension de l’Écriture ? Si c’était aujourd'hui on pourrait dire ici aussi : ils se préoccupaient de questions scientifiques — et donc, concernant les Écritures : datation des textes, les auteurs sont-ils bien ceux que l’on croit ? Etc.
<br /><br />
À l'époque, cet aspect des choses n’était pas à l’ordre du jour, mais en commun avec cela, de tout temps, on cherche tout — autour de l’Écriture, sauf ce que <i>dit</i> l'Écriture, qui trouble tant… La question est la même : pourquoi n'avaient-ils pas compris ? Parce que cela coûte le dépassement de ce que nous croyions jusque là, et précisément de ce que nous croyions de nous. Parce que cela coûte tout. Aussi, on pratique la fuite en avant.
<br /><br />
Aujourd’hui à nos façons dites scientifiques, à l’époque pour d'autres motifs, mais au fond, il s'agit avant tout, hier comme aujourd’hui et en tout temps, de surtout ne pas comprendre, et pour cela on s’appuie sur des prétextes, par exemple intitulés « science », en faisant mine de penser la résurrection comme ce qu’elle n’est pas.
<br /><br />
La résurrection est quelque chose dont la science ne parle pas, ni au sens de science des textes — ni au sens de reproductible en laboratoire… La résurrection des morts dans l'Écriture est tout autre chose. Et la résurrection du Christ, que l'Écriture donne comme réelle, est tout autre chose.
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
On menaçait les premiers chrétiens de brûler leur corps pour empêcher leur résurrection (les Romains avaient remarqué cet aspect de leur foi). Leur être, notre être, serait-il dans ce qui en nous est consumable par le feu ? Si oui, dans quelle partie précisément de ce que l’on menaçait de brûler ? Quelle partie précisément de notre être devrait-on redouter de voir brûler ? Quelle partie échapperait à la puissance divine de résurrection ? Tel os essentiel ? Tel pivot de la structure de nos corps ? Quelle partie serait plus constitutive de nos êtres que telle autre ? Aujourd’hui, nous dirions notre cerveau — c’est tout de même le siège de notre pensée, dit-on de nos jours. Antan, ça pouvait être ailleurs, comme le cœur, devenu ensuite une simple pompe.
<br /><br />
On sait pourtant que les premiers chrétiens avaient appris à ne pas redouter de telles menaces… Les martyrs brûlés ont-ils plus perdu de leur être que ceux qui sont morts âgés et de leur belle mort ? Non évidemment. Nous savons en outre (à nouveau la science) que toutes nos cellules sont renouvelées en un an. Nous ne sommes plus, physiquement, ce que nous étions l’an dernier.
<br /><br />
Ce qui constitue notre être réel est plus profond… plus profond que nos profondeurs propres, que notre pensée, que notre mémoire. Nos êtres s’ancrent dans l’éternité de la mémoire de Dieu — seul éternel.
<br /><br />
Comprendre cela, comprendre ce que disent les Écritures, libère de tout, comme pour un nouvel Exode de la Pâque hors de l’esclavage, hors de l’esclavage du péché et de la mort. Cela libère de tout, et pour cela, ça coûte tout ! C’est là ce qui est au cœur de ce qui empêche de comprendre les Écritures, et c’est ce que scelle la foi du dimanche de Pâques.
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Voilà donc notre enveloppe temporelle dont nous nous dépouillons au jour le jour de son vieillissement ; une enveloppe déjà entrée dans la mort, qui s’use, qui se dégrade de jour en jour ; jusqu’au moment où il faudra la quitter comme un vêtement qui a fait son temps.
<br /><br />
Et voilà ce qui apparaît dans la clarté du dimanche de Pâques : le Christ a été relevé d’entre les morts. Et pour qu’on ne s’y trompe pas, le corps, de toute façon, n’est pas là. Ce corps, cette enveloppe, qu’il a dépouillée à la croix.
<br /><br />
Le relèvement du Christ d’entre les morts au dimanche de Pâques nous arrache à tout ce qui est vain, nous libère de tout ce qui est vain, à commencer par nos querelles et préoccupations d’égos ou aussi nos prétextes savants, dépouillés à la croix du Ressuscité.
<br /><br />
Pour nous, il a dépouillé le corps temporel, provisoire, douloureux, et il a été relevé d’entre les morts. Et pour que cela apparaisse dans toute sa clarté, le tombeau est vide : la pierre en a été ôtée pour que nous ne restions pas autour du tombeau. Il n’est pas au tombeau. Aussi — pour les disciples comme pour nous — vous n’êtes pas appelés à y être non plus. Parce que ce qui vaut pour le Christ, et c’est là que son relèvement d’entre les morts est aussi un dévoilement de ce que disent les Écritures, une révélation ; ce qui vaut pour lui, vaut, en lui, aussi pour nous.
<br /><br />
Notre vrai être n’est pas dans la dépouille de nos corps, pas plus que dans notre pensée ou dans notre mémoire propres, et surtout pas dans la vanité de nos égos, mais caché avec le Christ, en Dieu (cf. Colossiens 3, 3).
<br /><br />
Ce qui ne rend pas nos corps provisoires insignifiants. Ils sont la manifestation visible de ce que nous sommes de façon cachée. Et ils sont le lieu de la solidarité. Le corps que le Christ s’est vu tisser dans le sein de sa mère manifeste dans notre temps ce qu’il est définitivement devant Dieu — et qui nous apparaît dans sa résurrection. Il est un autre niveau de réalité, celui qui apparaît dans la résurrection. Or nous en sommes aussi, à notre tour, en Christ. C’est cet autre niveau qu’il nous faut rechercher, pour y fonder notre vécu dans le provisoire. C’est à ce niveau de réalité-là qu’est notre vrai être. Vivre de la résurrection du Christ éternel, pour marcher vivants dès aujourd’hui sur les routes du provisoire.
<br /><br /><br /><div style="text-align: right;">RP, Châtellerault, Pâques, 9.04.23
<br />
<a href="https://docs.google.com/document/d/16Z-0vYxMGjhsBL6CzNC5_EuoPkUom2EoOUBfEvdY19Q/edit?usp=sharing" target="_blank">Culte en entier</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1-lb0xj2TWL3UQaPdrLIqaxJqVS_rmsm9xe6bwQPC-Ec/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
</div><br /><br />
(Textes du jour : Actes 10.34-43 ; Psaume 118.1-16 ; 1 Co 5.6-8 ; Jean 20.1-9)
<br />
<br /><br />
</div>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-14532682342915055252023-04-07T18:33:00.002+02:002023-04-24T10:35:13.895+02:00Des ténèbres sur toute la terre<br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img alt="" border="0" data-original-height="720" data-original-width="1080" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj2k3IIoHtGhF7u2slSyWh4Ie_uLc0KJJUJ0FQ41upN4iullpQIz_GESlRzdCWoYSF_zJOo99Dja7HdVxdPkgKfxu_-6mb8MV9NRyaq3SXZu184J2iHsmVMRQXuV2KTEPPxta_4IjUd9nZ9Q_3gND26GMZ2k_lp7aIWvQ-aY_fAp-CXfBB2DoBdFU7j/s1080/lune.jpg" width="580" /></div>
<br /><div style="text-align: justify;"><b>Matthieu 27, 1-61</b>
<blockquote><i>[…] 39 Les passants l’insultaient, hochant la tête<br />
40 et disant : « Toi qui détruis le sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es le Fils de Dieu, et descends de la croix ! »<br />
41 De même, avec les scribes et les anciens, les grands prêtres se moquaient :<br />
42 « Il en a sauvé d’autres et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est Roi d’Israël, qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui !<br />
43 Il a mis en Dieu sa confiance, que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime, car il a dit : “Je suis Fils de Dieu !” »<br />
44 Même les bandits crucifiés avec lui l’injuriaient de la même manière.<br />
45 A partir de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusqu’à trois heures.<br />µ
46 Vers trois heures, Jésus s’écria d’une voix forte : « Eli, Eli, lema sabaqthani », c’est-à-dire « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »<br />
47 Certains de ceux qui étaient là disaient, en l’entendant : « Le voilà qui appelle Élie ! »<br />
48 Aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il imbiba de vinaigre ; et, la fixant au bout d’un roseau, il lui présenta à boire.<br />
49 Les autres dirent : « Attends ! Voyons si Élie va venir le sauver. »<br />
50 Mais Jésus, criant de nouveau d’une voix forte, rendit l’esprit.<br />
51 Et voici que le voile du sanctuaire se déchira en deux du haut en bas ; la terre trembla, les rochers se fendirent ;<br />
52 les tombeaux s’ouvrirent, les corps de nombreux saints défunts ressuscitèrent :<br />
53 sortis des tombeaux, après sa résurrection, ils entrèrent dans la ville sainte et apparurent à un grand nombre de gens.<br />
54 A la vue du tremblement de terre et de ce qui arrivait, le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus furent saisis d’une grande crainte et dirent : « Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu. »</i></blockquote>
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Un tissu de malentendus. Des ignorants en train de se moquer — personne ne comprend : il prie le Psaume 22, on croit qu’il appelle Élie — ; des signes du monde éternel en train d'entrer dans l'histoire. Signes à la fois terrifiants et merveilleux : le voile du Temple se déchire, la terre tremble, des résurrections…
<br /><br />
Et en premier lieu, <i>« des ténèbres sur toute la terre »</i> (Mt 27, 45).
<br /><br />
Comme le dit le Psaume 2, en arrière-plan de la relecture par les disciples de la condamnation à mort de leur maître, <i>« tous se sont ligués contre le Messie »</i> — tous, de toutes les nations ; cela, au jour de la crucifixion, sans vraiment s'en rendre compte. Ainsi les responsables de la Judée, censés être les représentants d'une nation farouchement opposée à la domination romaine, se montrent comme étant fort proches des Romains !
<br /><br />
Le conflit tourne autour de la crainte de ceux qui ont des positions élevées face à l'espérance que suscite Jésus, qui commence à être jugée trop dangereuse — <i>« s'il continue les Romains vont nous détruire »</i>, avertissait le chef du Temple Caïphe (en Jean 11, 48). Et finalement, les responsables religieux parviendront à retourner une part suffisante du peuple à propos de celui qui est en fait porteur de quelque chose de bien plus grand que les trop faibles espérances du peuple.
<br /><br />
Quelques versets plus haut — Matthieu 26, 63-65 —,
<blockquote><i>[…] le grand pontife, prenant la parole, lui dit : Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu.<br />
Jésus lui répondit : Tu l’as dit. De plus, je vous le déclare, vous verrez désormais le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel.<br />
Alors le grand pontife déchira ses vêtements, disant : Il a blasphémé ! Qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Voici, vous venez d’entendre son blasphème.</i></blockquote>
Les chefs du Temple ont invoqué ce prétexte pour livrer Jésus : le « <a href="https://rolpoup1.blogspot.com/2015/03/il-blaspheme.html" target="_blank">blasphème</a> » : il s'est identifié au Fils de l'Homme du livre de Daniel. Or le Fils de l'Homme est un être céleste, image éternelle de Dieu.
<br /><br />
Les sadducéens, que sont les chefs du Temple d’alors, ne croient probablement pas à ce « Fils de l'Homme », être céleste qui existe avant que le monde soit, auquel le peuple, lui, croit. Et pourtant lorsque Jésus s'applique à lui-même la citation de Daniel (ch. 7, v. 13) sur le Fils de l'Homme, le grand pontife crie au blasphème.
<br /><br />
Comme quoi les sadducéens et les partisans du roi Hérode, proches des Romains, et adversaires privilégiés de Jésus, peuvent fort bien s'accommoder de la croyance populaire, qui n'est sans doute pas la leur, au Fils de l'Homme céleste et éternel. Car voilà que cet être céleste devient concret, en Jésus ; la chose peut devenir dangereuse, surtout si ce Jésus rassemble les espérances du peuple ; ce dont les Romains pourraient s'inquiéter.
<br /><br />
Le Fils de l'Homme est une figure céleste ! Or ce Jésus en train de comparaître n'a vraiment pas l'apparence du héros céleste, image éternelle de Dieu : il est au contraire humilié, méprisé, apparemment impuissant. Bientôt crucifié, sa prétention au titre divin de Fils de l'Homme peut bien sembler blasphématoire : ce prétendu céleste Fils de l'Homme n'a pas fière allure ! Crucifié, même les passants se moquent, même les bandits crucifiés avec lui l'injurient !
<br /><br />
Curieux retournement, portant l'écho de la tentation au désert (Mt 4, 6). Même évocation du Psaume 91 : <i>« que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime, car il a dit : “Je suis Fils de Dieu !” »</i> (Mt 27, 43 / cf. Ps 91, 14).
<br /><br />
Lui se taira, n'admettant aucune compromission : surtout pas avec les Romains et leurs partisans au pouvoir, mais pas non plus avec ceux qui veulent renverser les Romains par la force, nombreux sans doute parmi le peuple.
<br /><br />
<div style="text-align: center;"><i>*</i></div><br />
La crainte est bien celle qu'exprimait le grand pontife Caïphe, selon Jean (11, 48) : <i>« s'il continue les Romains vont nous détruire »</i>. On le leur livrera donc. Selon une série de malentendus et d’incompréhensions… D'où l'attitude de Pilate. Sa femme rêve, lui ne comprend pas : <i>« qu'as-tu fait, que les tiens te livrent à moi ? » — « Moi je ne suis pas Judéen… vous avez votre Loi</i>, etc. » Sous-entendu : « réglez donc cela entre vous ! »
<br /><br />
Le problème que pose Jésus est renforcé par son silence devant ce Pilate perplexe : son Règne n'est pas de ce monde. Et ce n'est pas par la force, mais par l'Esprit de Dieu qu'il sera instauré. Pour l'heure, lorsque le Christ, <i>« lumière du monde »</i> (Jean 9, 5), est exclu du monde, c'est le monde et celui qui le séduit, le diable, qui est jeté hors de sa lumière : <i>« il y eut des ténèbres sur toute la terre »</i>.
<br /><br />
Lorsque le monde de la vanité, de l'apparence et des pouvoirs passagers s'imagine réduire à l'impuissance celui dont il cloue les mains et les pieds, il ignore tout de ce qui est en train de se passer : Dieu est en train de révéler qui est Jésus par cette crucifixion.
<br /><br />
Lorsque la lumière du monde est élevée de la terre (Jn 12, 32), la terre entre dans les ténèbres. Alors Dieu fait éclater la Vérité. Mieux que Pilate au procès, le centurion entrevoit cela et en conçoit de la crainte : <i>« Il était vraiment le Fils de Dieu »</i> (Mt 27, 54). Au milieu des moqueries, Dieu se révèle. C'est là, là seulement qu'il ne peut qu'être. La vraie justice, fût-elle voilée dans les sarcasmes — là est la puissance de Dieu.
<br /><br /><div style="text-align: center;"><i>*</i></div><br />
Il est celui qui est qui était et qui vient, celui-là même qui a versé son sang, et voici que, Fils de l'Homme contemplé par Daniel, il vient sur les nuées (Apocalypse 1, 5-8).
<br /><br />
Car son sang versé, c’est-à-dire sa mort, est, par sa résurrection, la source de notre salut, de notre accès à l’éternité — dans le vrai sens de ce que, selon Matthieu, a dit le peuple : <i>« Nous prenons son sang sur nous et sur nos enfants ! »</i> (27, 25). Ultime et affreux malentendu débouchant, celui-là, sur la lecture historique antisémite de ces mots de la foule… Celui qui meurt entend-il autre chose qu’une prière en vue du salut, cachée dans ces mots dits devant lui ? Ultime malentendu — la foule ne sait pas le sens profond de ses mots —, une demande de bénédiction de Dieu sous le sang versé pour que nous ayons la vie. Bénédiction et non pas malédiction !
<br /><br />
Il nous est ainsi montré étrangement infiniment proche, jusqu’à la mort, jusqu’à son sang versé, lui qui est le Fils de l'Homme dans les cieux, demeurant avec Dieu avant la fondation du monde — nous appelant à notre tour à faire nôtres les mots du peuple : <i>« Nous prenons son sang sur nous et sur nos enfants ! »</i> Car là, dans son sang versé, est le salut du monde. Que telle soit notre prière, la prière de notre salut : <i>« son sang sur nous et sur nos enfants ! »</i>
<br /><br /><br /><div style="text-align: right;">RP, Poitiers, Vendredi saint, 7.04.23
<br />
<a href="https://docs.google.com/presentation/d/1wNf_AzADyBd57SZSISvkNKLIFwX29-7EuengJPKNVHs/edit?usp=sharing" target="_blank">Diaporama</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1AhRaIt6tzKhUrWNvBYPuoL8tqGWWNGECac7sNoVKaJU/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
</div>
<br />
<br /><br /><div style="text-align: center;"><iframe allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" allowfullscreen="" frameborder="0" height="300" src="https://www.youtube.com/embed/bhQ8JNKGbNU" title="Bach - Choral - Jesu, deine Liebeswunden" width="580"></iframe></div>
<br /><br />
</div>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-59405051629411061292023-04-02T08:00:00.075+02:002023-04-10T16:15:00.297+02:00“Hosanna”<br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="654" data-original-width="922" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiMa3CT09ubQym2rLn9F1YYeeTjWtJnD8wlCm1lJmeaEeIppQdhjTIdWX4gRcRqEhQizlnRO6I8J-ZO-9fnerX1c640Tfrk0ZLTrsZ4mMAOC4SBMfLPD4v05QlIdxW84eZZZsipiNF5-SqRBvjG0-sKzIHQlLyj1oWrTugpnhQEE9ek5UOHHZYb2Szy/s922/Screenshot%202023-03-26%2017.52.30.png" title="Mont Morija" width="580" /></div>
<br /><div style="text-align: justify;"><b>Matthieu 21, 1-11</b>
<blockquote><i>1 Lorsqu’ils approchèrent de Jérusalem et arrivèrent près de Bethphagé, au mont des Oliviers, alors Jésus envoya deux disciples<br />
2 en leur disant : "Allez au village qui est devant vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et un ânon avec elle ; détachez-la et amenez-les-moi.<br />
3 Et si quelqu’un vous dit quelque chose, vous répondrez : Le Seigneur en a besoin, et il les laissera aller tout de suite."<br />
4 Cela est arrivé pour que s’accomplisse ce qu’a dit le prophète :<br />
5 Dites à la fille de Sion : Voici que ton roi vient à toi, humble et monté sur une ânesse et sur un ânon, le petit d’une bête de somme.<br />
6 Les disciples s’en allèrent et, comme Jésus le leur avait prescrit,<br />
7 ils amenèrent l’ânesse et l’ânon ; puis ils disposèrent sur eux leurs vêtements, et Jésus s’assit dessus.<br />
8 Le peuple, en foule, étendit ses vêtements sur la route ; certains coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route.<br />
9 Les foules qui marchaient devant lui et celles qui le suivaient, criaient : "Hosanna au Fils de David ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! Hosanna au plus haut des cieux !"<br />
10 Quand Jésus entra dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi : "Qui est-ce ?" disait-on ;<br />
11 et les foules répondaient : "C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée."</i></blockquote>
<br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
<i>Hosanna</i> ! C’est l’acclamation de la foule lorsque Jésus entre en procession royale à Jérusalem. <i>Hosanna</i> : reprise du v. 25 du Ps 118, dit traditionnellement, rameaux en mains, lors de la fête de Souccoth — célébrée en septembre-octobre. (<i>« Hosanna »</i>, qui vient du grec, dérive de l’hébreu <i>« Hochi’ah na’ »</i> — <i>« Hoshanna »</i> : sauve, maintenant.) Si le mot <i>Hosanna</i> est devenu une exclamation de joie et de bienvenue, à l’origine c'est une supplique : <i>« Sauve maintenant »</i>, sauve tout de suite, dans l’instant présent, dès cet instant, sauve ce temps, sauve notre temps.
<br /><br />
Cela peut être assez proche de l’appel des Épîtres (aux Éphésiens 5, 16 ; ou aux Colossiens 4, 5) à <i>« racheter le temps »</i>. En ce sens, cela suppose qu’il y a un autre temps, où <i>« mille ans sont comme un jour »</i> (Ps 90), d’où se « rachète » le temps, comme on sort quelqu’un d’un fleuve. <i>« Béni soit celui qui vient »</i> parmi nous… depuis le <i>« plus haut des cieux »</i>, depuis hors du fleuve de ce temps. Où l’on trouve ce sens à « <i>Hoshanna</i> » : le Royaume à venir est aussi présent — de façon cachée, maintenant, <i>« au milieu de nous »</i>. Manifeste-le, rends-le présent, demande-t-on à Jésus. « <i>Hoshanna</i> (du) <i>plus haut des cieux</i> »… <i>« Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient »</i> à la rencontre de Jérusalem, à notre rencontre, dans notre temps.
<br /><br />
Notre temps, notre maintenant, est appelé à être sauvé, racheté — car notre temps se corrompt, contrairement au temps éternel inauguré ici-bas dans la résurrection du Christ selon le temps céleste où un jour est comme mille ans et où mille ans sont comme un jour (2 Pierre 3, 8).
<br /><br />
L’Écriture nous invite à revêtir en Jésus Christ l’incorruptibilité où le temps cesse d’être perte. Un peu comme devant Jésus, aux Rameaux, on dépouillait ses vêtements du temps pour revêtir le Christ du <i>« plus haut des cieux »</i>. Le temps, notre temps, est celui de l’exil hors de l’éternité. Ce temps, celui de notre monde, qui dès lors <i>« est tout entier au pouvoir du Malin »</i> (1 Jean 5, 19).
<br /><br />
Là, on est au cœur du quiproquo des Rameaux. Les foules attendent sans doute une délivrance — à l’égard de l’oppression romaine —, mais qui les laissera, elles l’ignorent, dans ce temps de ténèbres, le nôtre, où <i>« le monde entier est au pouvoir du Malin »</i> — car après Rome, il y en aura d'autres, autant de signes d'une oppression plus fondamentale. Tant que ce monde dure c’est de cette autre oppression, qui porte les oppressions du temps, qu’il s’agit d’être sauvé (cf. Mt 21, 5 / Zacharie 9, 9).
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Or <a href="https://rolpoup2.blogspot.com/2021/03/un-royaume-lenvers.html" target="_blank">qui a accompli cela</a> ? Celui à qui la foule le demande à ce moment-là. Mais la foule ne sait pas exactement ce qu’elle demande — comme Abraham, quand il commence sa montée du mont Morija ne sait pas. Il ne sait pas encore qu'il s'agit de retrouver Isaac en vérité, et non plus tel qu'Abraham le maintenait sous son pouvoir. La foule ne sait pas que celui qu’elle acclame comme un roi temporel devra être sacrifié comme tel, pour rayonner de sa vérité éternelle.
<br /><br />
Alors le temps est racheté. Voilà la parole surgie de la foule agitée, de la foule en fête, parole silencieuse derrière les mots, mais qui retentira au dimanche de Pâques en écho de l’éternité dans laquelle est fondé le salut de celles et ceux qui sont dans le temps.
</div>
<br /><br /><div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 2/04/23<br />
<a href="https://docs.google.com/presentation/d/189-oih5j6LeemHPQuAKoQXgcwFljrbPbmZhKb0Cx044/edit?usp=sharing" target="_blank">Diaporama</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1Dt8HZrMr4j3HKE72kMFSLqk_AGB1g2LkZeKvE5bXLYE/edit?usp=sharing" target="_blank">Culte en entier</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1_YJZpDQ5fJoFjO6ekBgUv7KAPnDV0hSFbBzq8NaOGo8/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
</div><br /><br />
(Textes du jour : Ésaïe 50.4-7 ; Psaume 22 ; Philippiens 2.6-11 ; Matthieu 21.1-11)
<br /><br /><br />
<br>
<div style="text-align: center;"><iframe allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" allowfullscreen="" frameborder="0" height="300" src="https://www.youtube.com/embed/f1BLiB0UtcA" title="Bach - Messe in h-moll BWV 232 - Osanna in excelsis" width="580"></iframe></div>
<br /><br />Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-59021332928775599492023-03-26T08:00:00.058+02:002023-03-26T12:36:17.325+02:00Graine de moutarde<br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="349" data-original-width="559" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhDpBiSGuUpQDKtntFD3aNzIBv4eDuhqdrQh4o7zPdYyaZd0wHLzjMoYHKgU2LCNIVKrKo5ncfaRqPyjiyqQB2z8GgD3cTJl5kkOO4fKMgPsdA11MSa7AlxtkarWsf87CNvet2FL68YqkzWjjzTjTkRJ3aP-IEWL8MUtW8OSerVrj2isa0HauLe3uy-/s600/Klimt_TreeofLife.jpg" title="Gustav Klimt - L'arbre de vie" width="580" /></div>
<br /><div style="text-align: justify;"><b>Marc 4, 30-34</b>
<blockquote><i>30 […] « À quoi comparerons-nous le Royaume de Dieu ? Avec quelle parabole en parlerons-nous ?<br>
31 Il est comme une graine de moutarde ; quand on la sème dans la terre, elle est la plus petite de toutes les graines du pays. <br />
32 Mais quand on l'a semée, elle monte et devient la plus grande de toutes les plantes du jardin. Elle pousse des branches si grandes que les oiseaux du ciel font leurs nids à son ombre. »<br />
33 Jésus donnait son enseignement en utilisant beaucoup de paraboles de ce genre, selon ce que ses auditeurs étaient capables de comprendre. <br />
34 Il ne leur parlait pas sans paraboles ; mais il expliquait tout à ses disciples quand il était seul avec eux.</i></blockquote>
<br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Le Royaume de Dieu est comme une graine de moutarde. Équivalent du thème de la naissance d’en haut dans l’Évangile de Jean (ch. 3), mais invitant à aller plus loin : naître, mais aussi grandir. D’une autre façon, le prophète Ésaïe nous dit (ch. 55) : quand elle est semée, <i>« ma Parole</i> — apparemment insignifiante — <i>ne retourne pas vers moi sans avoir agi »</i>. Autant de façons de dire que ce qui se passe nous échappe et ne dépend pas de nous.
<br /><br />
C’est que la parole de Dieu, et ce qui la fait grandir, en nous et pour le monde, son souffle, son Esprit, précèdent ce qui arrive, précèdent même la foi. Et cela nous fait perdre tout pouvoir sur les choses et sur nous. Le Royaume de Dieu, la graine devenue grande plante où les oiseaux viennent faire leurs nids, vient par l’effet d’une parole sur laquelle et sur les conséquences de laquelle nous n’avons aucun pouvoir.
<br /><br />
Autrement dit, nous sommes appelés à nous abandonner avec confiance, à laisser tout ce que nous croyons savoir sur Dieu, tous nos préjugés, pour le laisser agir et faire grandir en nous ce que sa parole y sème, jusqu’à ce que cela s’étende pour tous. Cela peut se traduire de toutes sortes de façon, y compris un appel au ministère — à l’heure où manquent les pasteurs de paroisses.
<br /><br />
Tout comme le vent, l’Esprit souffle où il veut (Jn 3, 8), tout comme on ne peut pas naître par la force de la volonté, personne ne peut préjuger du fruit d’une semence ni expliquer la raison finale de sa germination, qui est au-delà de nos volontés et de nos refus. <i>« C’est pourquoi, […] recevez avec douceur la parole qui a été plantée en vous, et qui peut sauver vos âmes. »</i> (Jacques 1, 21)
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Que nous dit au fond cette image parlant de graine minuscule devenant une grande plante ? Que le salut du monde, notre salut, <i>« ne vient pas de façon à frapper les regards »</i> — la graine est si petite ! — ; qu’on ne fait avancer le Royaume ni par nos soucis, ni par nos enthousiasmes ; qu’il n’a rien à voir avec tout ce que nous prétendrions en construire à force de forcer les choses.
<br /><br />
Cela nous conduit au cœur de l’Évangile, la bonne nouvelle de la foi, de la confiance seule. Elle est de l’ordre de la semence à recevoir de la seule écoute de la Parole de Dieu… à même de fructifier en abondance. C’est la seule façon qu’a proposée Dieu de faire venir son Royaume. En le forçant, on le gâche. Vous connaissez peut-être la tradition qui consiste à faire pousser des lentilles dans une assiette. Cela se faisait quand j'étais enfant : il s’agissait de mettre quelques lentilles dans une assiette, de les couvrir de coton imbibé d’eau, et les lentilles germaient, jusqu’à ce que poussent leur jolies tiges vertes. Tentation énorme : tirer sur la petite tige, ou juste soulever le coton pour voir où ça en était, avec du coup, le risque de gâcher la germination…
<br /><br />
Il s’agit simplement d’être ouvert à la Parole de Dieu avec cette confiance : <i>« Comme descend la pluie ou la neige, du haut des cieux, et comme elle ne retourne pas là-haut sans avoir saturé la terre, sans l’avoir fait enfanter et bourgeonner, sans avoir donné semence au semeur et nourriture à celui qui mange, ainsi se comporte ma Parole du moment qu’elle sort de ma bouche : elle ne retourne pas vers moi sans résultat, sans avoir exécuté ce qui me plaît et fait aboutir ce pour quoi je l’ai envoyée. »</i> (Ésaïe 55, 10-11)
<br /><br />
La parole de Dieu ne retourne pas à lui sans avoir fait ce pourquoi elle a été envoyée, ce qui nous invite à la modestie : c’est Dieu qui agit par sa parole. De même la parabole de la graine de moutarde, invite à la plus grande humilité de chacune et chacun, et aussi à la plus grande humilité de l’Église. Si l’on est attentif à ce texte de l’Évangile, il est clair que le grain de moutarde ne devient pas Église mais Royaume. Une plante immense qui évoque l’arbre de vie qui germe et croît pour la guérison des nations.
<br /><br />
Apocalypse 22, 1-2 : <i>« [L’ange] me montra un fleuve d’eau de la vie, limpide comme du cristal, qui sortait du trône de Dieu et de l’agneau. Au milieu de la place de la ville et sur les deux bords du fleuve, il y avait un arbre de vie, produisant douze fois des fruits, rendant son fruit chaque mois, et dont les feuilles servaient à la guérison des nations. »</i>
<br /><br />
L’Église, et nous-mêmes, ne sommes que pour répandre en la mettant en acte cette semence qui est la parole de Dieu, et qui produit son fruit, qui n’est pas limitée à l’Église, mais qui est pour le Royaume, dont les feuilles sont pour la guérison des nations qui viennent s’y abriter comme les oiseaux, et qui grandit jusque là de la seule puissance de Dieu !
<br /><br />
<i>« Moi, le Seigneur, j’ai parlé, et j’agirai. »</i> (Ézéchiel 17, 24)</div>
<br /><br /><div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 26/03/23<br>
<a href="https://docs.google.com/document/d/1ZI2nyAeJzIP0WAMLdPuC8blk-kqmyL5PSNvhELm7MfM/edit?usp=sharing" target="_blank">Liturgie</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1xTTklbGvh0e36KdFlzMge4pLBwVAGqOZ0VQ5_Kf9uqA/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
</div><br />
<br>
(Textes du jour : Ézéchiel 37, 12-14 ; Psaume 130 ; Romains 8, 8-11 ; Jean 11, 1-45)
<br />
<br><br>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-19862720493719595612023-03-19T08:00:00.035+01:002024-01-14T09:26:06.432+01:00"Pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui !"<br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img alt="" border="0" data-original-height="500" data-original-width="625" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgO82X2dvpJ5EijC9SGyxjink1MlHTxwgVPt3shye7GauSNvsOGFbCTz7Zx2FntyABTuNrmnmmCxxxdtdw_PorRIaC5Tn79aqYvK0edPZKR3dxqKNpqc0ZQkJF1IhfzmZYu3mit7UcOsQR8p1txiuWMEPNLImOUGVzl1fSHJJkskS9k-RdQbKNfvZ2A/s625/mer.jpg" width="580" /></div>
<br />
<div style="text-align: justify;"><b>Jean 9</b>
<blockquote><i>1 En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance.<br />
2 Ses disciples lui posèrent cette question : "Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ?"<br />
3 Jésus répondit : "Ni lui, ni ses parents. Mais pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui !<br />
4 Tant qu’il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé : la nuit vient où personne ne peut travailler ;<br />
5 aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde."<br />
6 Ayant ainsi parlé, Jésus cracha à terre, fit de la boue avec la salive et l’appliqua sur les yeux de l’aveugle ;<br />
7 et il lui dit : "Va te laver au bassin de Siloé" — ce qui signifie Envoyé. L’aveugle y alla, il se lava et, à son retour, il voyait.<br /> […]<br />
35 Jésus […] lui dit : "Crois-tu, toi, au Fils de l’homme ?"<br />
36 Et lui de répondre : "Qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ?"<br />
37 Jésus lui dit : "Eh bien ! Tu l’as vu, c’est celui qui te parle."<br />
38 L’homme dit : "Je crois, Seigneur" et il se prosterna devant lui.<br />
39 Et Jésus dit alors : "C’est pour un jugement que je suis venu dans le monde, pour que ceux qui ne voyaient pas voient, et que ceux qui voyaient deviennent aveugles."</i></blockquote>
<br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Les disciples voulaient savoir si c'est parce que lui a péché ou parce que ses parents ont péché que l'homme — qui au fond nous représente tous — est né aveugle. Ce serait lui qui aurait péché ? Avant de naître ?… Puisqu’il est <i>né</i> aveugle ! Selon une légende juive, l'enfant connaît, avant de naître, tous les secrets de la Torah, tous les mystères du monde. À la naissance, un ange lui ferme du doigt la bouche pour qu'il oublie tout ce qu'il sait. Le petit sillon qu'on a sous le nez est la marque du doigt de l'ange. Alors, l'homme — qui nous représente tous —, aurait-il péché avant de naître ?… Comment savoir après le passage du doigt de l’ange !? Alors ses parents ? La réponse de Jésus sera : là n'est pas la question.
<br /><br />
Pas de raisons qui puissent expliquer l'infirmité, la maladie, la souffrance, bref, toutes les formes de l’inconvénient d’être né. La souffrance de l’aveugle est incompréhensible. Il n'y a pas à chercher d'explication morale, par le péché collectif (ses parents) ou personnel (lui-même). Il n'est pas de raisons non plus qui expliqueraient sa guérison : l'accomplissement en cet homme des œuvres de Dieu (v. 3) n'explique pas plus le pourquoi de la grâce que sa souffrance ne trouve d'explication dans une faute — ou autre chose de ce genre. L'aveugle-né le sait bien : il est au bénéfice d'une guérison qui ne peut que lui arracher un « pourquoi moi ? » Il se contentera de constater <i>« j'étais aveugle, maintenant je vois »</i> (v. 25).
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Dès l'abord, Jésus soulignait sa cécité par la « méthode » choisie pour guérir l'aveugle : il commence par lui couvrir les yeux de boue. Pour le moins peu clair !
<br /><br />
S'il avait voulu insister sur l'aveuglement, il ne s'y serait pas pris autrement : les yeux pleins de boue… Mais en même temps, le geste rappelle la Genèse, l'homme fait de la terre. Car c'est un acte de création que va opérer Jésus en créant la vue de l'aveugle, en commençant par lui recouvrir les yeux de boue.
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Puis il l'envoie se laver, au bassin de Siloé, c’est-à-dire de l'Envoyé (il faut comprendre au <i>mikvé</i> de Siloé — équivalent, dans le judaïsme, de ce qu’on appellerait « baptistère »).
<br /><br />
Le texte a tenu à donner le nom du bassin rituel, <i>Siloé</i>, et à le traduire : <i>Envoyé</i>. Double signification du terme Envoyé/Siloé : concernant Jésus, et, avec l’homme, nous… <i>« Tant qu’il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé »</i>. Il <i><b>nous</b></i> faut travailler aux œuvres de Dieu. Reprise de : <i>« pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui ! »</i> Dans l’Évangile de Jean, il s'agit par œuvres non pas tant de miracles (ils sont appelés signes dans l’Évangile de Jean) que de l'observance de l'enseignement biblique, avec sa valeur pour la réparation du monde : <i>tikun ‘olam</i> en hébreu — dans le judaïsme observer le moindre précepte de la Torah c’est commencer à réparer le monde, ce monde abîmé : <i>tikun ‘olam</i>, réparation du monde. C’est là la volonté de Dieu, ses œuvres — c’est là ce qui est appelé à se manifester dans l’homme aveugle.
<br /><br />
Quelques citations de ce même Évangile : <i>« Les œuvres que le Père m’a donné d’accomplir, ces œuvres mêmes que je fais, témoignent de moi que c’est le Père qui m’a envoyé »</i> (Jn 5, 36). Ou : <i>« Les œuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi »</i> (Jn 10, 25). Ou encore : <i>« Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas. Mais si je les fais, quand même vous ne me croyez point, croyez à ces œuvres, afin que vous sachiez et reconnaissiez que le Père est en moi et que je suis dans le Père. »</i> (Jn 10, 37-38)
<br /><br />
Jésus a observé pleinement ce que son Père prescrit, pleine observance requise de nous aussi, qui nous voulons ses disciples : <i>« qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais »</i>, et même, précise Jésus, — pour la réparation du monde — <i>« il en fera de plus grandes, parce que je m’en vais au Père »</i> (Jn 14, 12). Pour la réparation du monde, et en toute humilité (la pleine observance de Jésus n'est pas nôtre !), pas comme de vains coups d'éclat.
<br /><br />
Ainsi, <i>« tant qu’il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé »</i>. L’Envoyé est d’abord Jésus… <i>« Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »</i> Mais en lui, sont envoyés aussi celles et ceux qui le suivent : <i>« vous êtes la lumière du monde »</i> (Mt 5, 14). Pour cela, dit-il à l’aveugle, va te laver au <i>mikvé</i> de l’Envoyé.
<br /><br />
En d’autres termes, en celui qui est l’Envoyé, Jésus, nous sommes aussi envoyés, comme lui, pour accomplir, certes à notre humble mesure, ce que prescrit celui qui a envoyé Jésus, qui nous envoie à notre tour : <i>« comme le père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie »</i>, dira le Ressuscité à ses disciples (Jn 20, 21).
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
La question <i>« Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ? »</i> renvoie à deux approches communes dans le judaïsme d’alors : l’idée est que nous provenons du monde divin — « en Adam », l'humain primordial, ou « avec Adam ». En Adam : est-ce ses parents qui ont péché ? Avec Adam, est-ce l’aveugle lui-même — avant de naître ?
<br /><br />
Autrement dit, d’une façon ou d’une autre nous sommes, dans nos vies temporelles et blessées, comme en exil, en exil loin de Dieu, appelés à revenir : « nous venons de lui — et il nous appelle à lui ». Revenir à lui comme par une nouvelle création — <i>« si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création »</i> (2 Co 5, 17) —, création comme reprise de celle de Genèse, avec la poussière du sol, cette glaise façonnée par la parole divine.
<br /><br />
La salive divine de la bouche de celui qui parle la parole créatrice devenue chair en lui (cf. Jn 1, 14) fait à nouveau cette glaise avec laquelle il crée à nouveau — aujourd'hui l'organe de la lumière, la vue —, cela passant par le lavement au bassin de Siloé, l’Envoyé, pour devenir dans le souffle de l'Esprit. Le Ressuscité soufflera sur ses disciples : <i>« recevez l'Esprit saint »</i> (Jn 20, 22), comme à la première création. Nous voilà ainsi à notre tour envoyés avec l’aveugle — pour découvrir que notre exil en ce monde est appelé à être mission pour ce monde : <i>« Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes œuvres, que Dieu a préparées d’avance, afin que nous les pratiquions »</i> (Ep 2, 10).
<br /><br />
Jésus vient en ce monde d'auprès du Père qui l’envoie pour accomplir une œuvre faite d'obéissance à son commandement, obéissance jusqu’à la mort, la mort de la croix. Nous devenons en lui des envoyés à notre tour pour accomplir à notre tour, même à notre faible mesure, ce que prescrit le Père, ses œuvres, tant qu’il fait jour — dans le temps bref qui nous est imparti. Ce qui peut être accompli quand il fait jour ne peut plus l’être lorsque la nuit de ce monde rend aveugles les yeux de notre esprit…
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Bienheureux celles et ceux dont la relation avec Dieu est d’être guidés en aveugles par sa seule promesse, partant en aveugles vers sa <i>« lumière inaccessible, que nul homme n’a vu ni ne peut voir »</i> (1 Ti 6, 16). Bienheureux celles et ceux dont la promesse de Dieu a couvert les yeux de la boue de la création nouvelle, les plaçant sur le chemin de Siloé, le chemin de l'Envoyé de lumière, lumière du monde.
<br /><br />
C'est là le jugement que porte Jésus dans le monde : que ceux qui voient deviennent aveugles, afin de voir, car il n'est pas de lumière suffisante dans nos sagesses, par lesquelles nous prétendons voir, fût-ce notre sagesse religieuse : Dieu ne les a-t-il pas frappées de folie (1 Co 1, 20) ?
<br /><br />
Tel est le jugement : <i>« que ceux qui ne voient pas voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »</i> Alors apparaît le sens de notre présence en ce monde qui est aussi fait de douleurs incompréhensibles, comme d’être aveugle-né : nous sommes envoyés à notre tour, par l'Envoyé de lumière, lumière du monde (Jn 9, 5), pour que, tant que dure le jour, quelque chose de lui soit manifesté en nous, lumière du monde à notre tour (Mt 5, 14). Notre exil dans un monde de souffrance et de nuit devient mission, envoi. <i>« pour que les œuvres de Dieu soient manifestées</i> […]. <i>Tant qu’il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé</i>, dit Jésus : <i>la nuit vient où personne ne peut travailler. »</i>
<br /><br /><br /><div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 19/03/23
<br />
<a href="https://docs.google.com/presentation/d/1nXEytdxIcpLA7g6S_8azKRqSl-sPwF8sDU9Os1o4ASg/edit?usp=sharing" target="_blank">Diaporama</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1wIph8pgnoLfelYHkuTvVVWYwO-wjl9TTnwAjao3K5z0/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
</div><br /><br />
(Textes du jour : 1 Samuel 16, 1-13 ; Psaume 23 ; Éphésiens 5, 8-14 ; Jean 9, 1-41)
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<br /><br /></div>
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-71771174099214080142023-03-12T08:00:00.044+01:002023-03-12T09:36:06.626+01:00La Samaritaine — séduite par Dieu<br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img alt="" border="0" data-original-height="367" data-original-width="500" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgf9o1moekjnUWgSXwESsXg_zcVKo5zvO4pHjPIn1xFx30z1yBT17WUhSc3Iv9j29nplS7VZGP7TDLYQf9OyYJp-GBQD2dKKLfWTOHwy_RLTrYIljsdkKlMEt1L29Fqn1IogXIS62QYT4oXl8ZQDTALQNr3eZEgqG5ze_6KrhFr7n_LNr6DP6kO55no/s600/rose.jpg" width="580" /></div>
<br />
<div style="text-align: justify;"><b>Jean 4, 5-42 </b>
<blockquote><i>5 C’est ainsi qu’il parvint dans une ville de Samarie appelée Sychar, non loin de la terre donnée par Jacob à son fils Joseph,<br />
6 là même où se trouve le puits de Jacob. Fatigué du chemin, Jésus était assis tout simplement au bord du puits. C’était environ la sixième heure.<br />
7 Arrive une femme de Samarie pour puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. »<br />
8 Ses disciples, en effet, étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger.<br />
9 Mais cette femme, cette Samaritaine, lui dit : « Comment ? Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une femme, une Samaritaine ? » Les Juifs, en effet, n'ont pas de relations avec les Samaritains.<br />
10 Jésus lui répondit : « Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive. »<br />
11 La femme lui dit : « Seigneur, tu n’as pas même un seau et le puits est profond ; d’où la tiens-tu donc, cette eau vive ?<br />
12 Serais-tu plus grand, toi, que notre père Jacob qui nous a donné le puits et qui, lui-même, y a bu ainsi que ses fils et ses bêtes ? »<br />
13 Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau-ci aura encore soif ;<br />
14 mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; au contraire, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle. »<br />
15 La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi cette eau pour que je n’aie plus soif et que je n’aie plus à venir puiser ici. »<br />
16 Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari et reviens ici. »<br />
17 La femme lui répondit : « Je n’ai pas de mari. » Jésus lui dit : « Tu dis bien : “Je n’ai pas de mari” ;<br />
18 tu en as eu cinq et l’homme que tu as maintenant n’est pas ton mari. En cela tu as dit vrai. »<br />
19 – « Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es un prophète.<br />
20 Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous affirmez qu’à Jérusalem se trouve le lieu où il faut adorer. »<br />
21 Jésus lui dit : « Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père.<br />
22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs.<br />
23 Mais l’heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père.<br />
24 Dieu est esprit et c’est pourquoi ceux qui l’adorent doivent adorer en esprit et en vérité. »<br />
25 La femme lui dit : « Je sais qu’un Messie doit venir – celui qu’on appelle Christ. Lorsqu’il viendra, il nous annoncera toutes choses. »<br />
26 Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. »<br />
27 Sur quoi les disciples arrivèrent. Ils s’étonnaient que Jésus parlât avec une femme ; cependant personne ne lui dit « Que cherches-tu ? » ou « Pourquoi lui parles-tu ? »<br />
28 La femme alors, abandonnant sa cruche, s’en fut à la ville et dit aux gens :<br />
29 « Venez donc voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? »<br />
30 Ils sortirent de la ville et allèrent vers lui.<br />
31 Entre-temps, les disciples le pressaient : « Rabbi, mange donc. »<br />
32 Mais il leur dit : « J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas. »<br />
33 Sur quoi les disciples se dirent entre eux : « Quelqu’un lui aurait-il donné à manger ? »<br />
34 Jésus leur dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre.<br />
35 Ne dites-vous pas vous-mêmes : “Encore quatre mois et viendra la moisson” ? Mais moi je vous dis : levez les yeux et regardez ; déjà les champs sont blancs pour la moisson !<br />
36 Déjà le moissonneur reçoit son salaire et amasse du fruit pour la vie éternelle, si bien que celui qui sème et celui qui moissonne se réjouissent ensemble.<br />
37 Car en ceci le proverbe est vrai, qui dit : “L’un sème, l’autre moissonne.”<br />
38 Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucune peine ; d’autres ont peiné et vous avez pénétré dans ce qui leur a coûté tant de peine. »<br />
39 Beaucoup de Samaritains de cette ville avaient cru en lui à cause de la parole de la femme qui attestait : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. »<br />
40 Aussi, lorsqu’ils furent arrivés près de lui, les Samaritains le prièrent de demeurer parmi eux. Et il y demeura deux jours.<br />
41 Bien plus nombreux encore furent ceux qui crurent à cause de sa parole à lui ;<br />
42 et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus seulement à cause de tes dires que nous croyons ; nous l’avons entendu nous-mêmes et nous savons qu’il est vraiment le Sauveur du monde. »</i></blockquote>
<br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Il est une dimension pour le moins étonnante de la relation entre Dieu et nous, révélée dans le Cantique des Cantiques : la dimension de la séduction, de la séduction réciproque !
<br /><br />
C'est cela que pourrait nous dévoiler la rencontre de Jésus et de la femme samaritaine, comme une des expressions du Cantique, selon une lecture qu’il est difficile d’éviter si l'on tient compte des circonstances, pour le moins étranges, de cette conversation. Comme les disciples n'ont pas manqué de le remarquer (v. 27) — avec une gêne qui ne les quittera pas de tout le repas qui suivra l’épisode —, il est pour le moins incongru — à l'époque —, pour ne pas dire inconvenant, qu'un homme et une femme seuls tiennent conversation ensemble.
<br /><br />
On a souvent remarqué ce côté bizarre de l'affaire, mais en en tirant peu ou pas conséquences quant au sens de cette rencontre. Jésus ne ferait qu'érafler légèrement les conventions. Mais, quand ce ne serait que cela, ça ne changerait rien au fait : il n'est pas indifférent, et pas sans ambiguïté, d'érafler ces conventions-là. D'autant moins indifférent que, loin de se détourner de celui qui a tout pour lui apparaître comme au moins “impoli”, la femme se prête au jeu !
<br /><br />
Jeu dont elle sait le sens antique, et qui correspond à ce qui a tout d’une autre convention : dans la Bible, un dialogue au bord d'un puits a tout d'une entrée en matière à visée matrimoniale (cf. Gn 24, 14, à propos de Rébecca, la future épouse d'Isaac ; cf. Ex 2, 15-20, la rencontre de Moïse et de Séphora, sa future femme,…). Jeu qui va donc s’avérer être un jeu de séduction.
<br /><br />
Tel est le décor de notre texte, Dieu s'y montrant comme dans un rapport de séduction avec nous. Car, il est peut-être question d'autre chose que d'un simple échange de bons services du genre : "je te demande de l'eau de puits pour t'offrir de l'eau de vie de l’Evangile en échange". Le dialogue qui nous est rapporté ici pourrait bien aller plus loin.
<br /><br />
Dès l'abord, donc, on est dans l'étrange : dans le cadre culturel de la Méditerranée antique, Jésus s'adresse à une femme, seule (v. 7-8). Jésus a peut-être soif, mais il n'est pas complètement naïf : il s'agit d'une femme, seule ! Et à cela, les disciples achopperont (v. 27).
<br /><br />
La Samaritaine n'est pas naïve non plus. Et voilà qu'elle lui répond ! Elle pourrait, ou devrait, l'ignorer, ou lui dire : "attention, je vais crier". Mais rien de tout cela, elle lui parle de leur appartenance ethno-religieuse différente (v. 9). En d'autres termes, elle lui dit : "mais dis donc, tu es Juif, moi Samaritaine ! Est-tu bien raisonnable ?" car, comme le texte le rappelle, il n'est pas habituel qu'il y ait des relations entre Juifs et Samaritains. Autrement dit, ce genre-là de contacts homme-femme ne débouche pas sur un mariage… La Samaritaine le sait ; mais la question qu'on ne peut alors que se poser en entendant cette question, c'est : et entre un homme et une femme, c'est habituel cette discussion ? Elle connaît, évidemment, la réponse à cette question, qu'elle ne pose pas, et pour cause : elle a choisi de poursuivre le dialogue. Autrement dit, l'audace de Jésus, loin de l'effrayer, semble ne pas lui déplaire. L'ambiance est à l'ambiguïté.
<br /><br />
Et Jésus a perçu, sans doute dès l'abord, cette dimension, cette ouverture de cette femme à sa personne. Et, surprise, il poursuit, lui aussi sur la voie de l'ambiguïté. Il lui promet de l'eau vive (v. 10), parole à double sens, on l'a de tout temps remarqué, désignant l'Esprit.
Double sens… voire triple, si l'on tient compte de ce qui ne peut pas ne pas entrer d'une façon ou d'une autre dans la compréhension de la Samaritaine. Car compte tenu de l'ambiance, il est un autre sens dont — Jésus le sait bien — elle ne peut que croire qu'il est sous-entendu : "avec moi, que de joie, que de nouveauté, autre chose que ta vie routinière" — proposition d’une aventure qui pourrait aller loin. Il n'est pas jusqu'à l'allusion au don de Dieu, qui ne soit porteuse d'ambiguïté : ça ne peut sonner aux oreilles de cette femme habituée à des relations instables avec les hommes que comme une promesse miraculeuse de bonheur fidèle. Langage à double, voire triple sens, on est décidément bien dans l'atmosphère d'un jeu de séduction.
<br /><br />
Et la Samaritaine de poursuivre, insinuante (v. 11-12) : "Ho ho, tu es bien sûr de toi… D'où aurais-tu cette… 'eau vive' ?" Et de référer aux grands ancêtres Jacob et compagnie, et à leurs troupeaux. Ces grands ancêtres qui justement, rencontraient leur femme autour de ce puits, façon de dire : "j'ai bien perçu l'ambiguïté de ton propos".
<br /><br />
Et Jésus d'en rajouter encore dans l'ambiguïté (v. 13-14) : "tu n'auras plus soif jusque dans la vie éternelle", ce que la Samaritaine ne peut qu'être tentée d'entendre : "avec moi, tu seras comblée pour toujours".
<br /><br />
Alors, elle poursuit sur la voie de l'ironie (v. 15) : "donne-moi de cette eau." Sous-entendu : "comme tu y vas !"
<br /><br />
Et là, Jésus, comme pour assurer ses arrières (v. 16) : "va chercher ton mari et reviens". Sous-entendu, pour la Samaritaine : il est encore temps de s'arrêter là, si tu n'es pas libre. Et la femme, fort intéressée, commet une… petite omission (v. 17) : "je n'ai pas de mari". En d'autres termes : "je suis toute à toi".
<br /><br />
Et Jésus, qui est tout au long au fait du jeu auquel il participe — et sérieusement, mais à un tout autre niveau de séduction —, Jésus ayant bien saisi la psychologie de la femme (v. 17-18) : "tu as eu cinq maris… et celui que tu as là n'est pas ton mari", c’est-à-dire, au-delà du possible double sens (les cinq livres du Pentateuque samaritain) : "tu ne sais pas trop ce que tu veux en matière d'hommes : tu cherches le prince charmant ça et là".
<br /><br />
La femme (v. 19) : "je vois que tu me saisis bien. Trop fin, tu dois être quelque prophète. Oui c'est vrai, je suis comme tu dis. Mais avec toi, j'ai le bon : c'est toi, le prince charmant". Et de faire allusion aux jolies histoires, comme celle de Ruth et Boaz (v. 20) : "je suis Samaritaine, tu es Juif, mais à toi de me dire quel est le vrai culte. Ton peuple sera mon peuple, ton Dieu sera mon Dieu (Ruth 1, 16), c’est-à-dire : je te suivrai partout, où tu iras j’irai, jusqu’à destination, enfin fidèle comme une ombre".
<br /><br />
Et Jésus débouche alors sur le point culminant de la séduction (v. 21-24) : "ici, c'est Dieu qui te séduit, c'est Dieu que tu séduis, ce Dieu qui se fait connaître à Jérusalem : or, il n'y a ici plus que relation vraie, entre Dieu et son aimé, intime, en esprit et vérité, au-delà du rite où il se dit (v. 22). La brèche qui s'opère entre nous, est celle de la séduction entre Dieu et toi, entre toi et Dieu."
<br /><br />
Et on découvre là le troisième niveau d'ambiguïté du dialogue de séduction auquel on vient d'assister. C'est celui auquel le vit Jésus, pris lui aussi dans la séduction, mais à un plan immédiatement sublimé. Pas question de mariage bien sûr, et à plus forte raison d’adultère.
<br /><br />
Et dans sa fine aptitude à saisir les discours dédoublés, ébréchés par la séduction, la Samaritaine accède à ce plan sublimé, et glisse alors sa question sur le Messie (v. 25). Jésus dévoile alors qu'en lui se révèle le Dieu séduit et le Dieu qui séduit ; qu'il est un réel désir de Dieu pour son aimé, qu'à un plan sublimé, il y a ici réelle séduction réciproque. Une histoire de séduction avec ses différents niveaux. Ici le niveau habituel et son extension céleste !
<br /><br />
Ce qui n’en trouble pas moins fortement les disciples (v. 27-34), durant tous les versets qui suivent. Ils ont, bien sûr, saisi l'ambiguïté ; et à demi-mot, laissent paraître le malaise causé par une question qu'ils n'ont pas osé poser à Jésus : "que faisais-tu avec cette femme ?"
<br /><br />
Alors, Jésus en vient à cette question que les disciples n’ont pas osé poser — "quelqu'un lui aura apporté à manger" (v. 33) — (v. 32) : "J'ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas". Jésus répond ainsi (v. 34 sq) : il accomplit la volonté de Dieu. Volonté ambiguë comme un dialogue au bord d'un puits avec une femme : elle conduit chez ces suspects Samaritains, et elle y conduira les disciples (v. 38), à travers une histoire de séduction entre Dieu et un peuple qui s'est dite dans le dialogue de Jésus et de la femme de Samarie.
<br /><br />
Moment de séduction entre Dieu et un peuple… Avec cette question : qu'en est-il de la relation de séduction entre Dieu et nous ? Si Dieu nous a séduits, qu'est-ce que son regard a saisi, opéré en nous ? Qu'est-ce qui l'a séduit en nous ? Rappelons-nous Jérémie (ch. 20) : tu m’as séduit, Seigneur ! Et nous l'avons perçu dans ce dialogue avec la la Samaritaine — c’est le Cantique des Cantiques qui s’est dessiné pour nous : <i>“Je suis à mon bien-aimé et c'est moi qu'il désire”</i> (Ct 7, 11).
<br /><br />
Sachant qu’<i>“il nous a aimés le premier”</i> (1 Jn 4, 19).</div>
<br /><br /><div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 12/03/23<br />
<a href="https://docs.google.com/presentation/d/17f1EWBGuruUNMiDxocxWAbLpkaiN6TiQru2MLxu_SBI/edit?usp=sharing" target="_blank">Diaporama</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1B3IUw-xx1G3E-JF6gO-flqX5uRxQqRir2x_2hpUFqWo/edit?usp=sharing" target="_blank">Culte en entier</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1XBvaDY1ScGv7UrNF2ptq78trx5VNhD0xmHs0o7Xs5lc/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
</div><br /><br />
(Textes du jour : Exode 17, 3-7 ; Psaume 95 ; Romains 5, 1-8 ; Jean 4, 5-42)
<br /><br /><br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-56598005438590283512023-03-05T08:00:00.085+01:002023-03-05T08:40:02.111+01:00La transfiguration, la pleine observance et nos petits commencements<div style="text-align: center;"><br />
<br />
<img height="420px" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEii_uAGQ-xFuq5xrxlTtrFsr9bMkB88YVmYORNHHEHTThLJSo96zP4iRfnU4vqRCkpdmJRbdkS9C2AVa03ezRZrpdJo0xaI7mW3uMz16CMl14HQ2siTpqGsa8V8FwctqF9BP4uFlcoYtxSRFkR59Y8KaCcqUKuD0sCKG7dczqgticuUQ5HyYY7921pB/s600/Photo%20Davi%20Barbosa.jpg" title="Photo : Davi Barbosa" width="580px" /></div><br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-weight: bold;">Matthieu 17, 1-9</span><br />
<blockquote><span style="font-style: italic;">1 Six jours après [leur avoir annoncé : “quelques-uns de ceux qui sont ici ne mourront point, qu’ils n’aient vu le Fils de l’homme venir dans son règne” (Mt 16, 28)], Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et les emmène à l’écart sur une haute montagne.<br />
2 Il fut transfiguré devant eux : son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs comme la lumière.<br />
3 Et voici que leur apparurent Moïse et Élie qui s’entretenaient avec lui.<br />
4 Intervenant, Pierre dit à Jésus : "Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Élie."<br />
5 Comme il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les recouvrit. Et voici que, de la nuée, une voix disait : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. Écoutez-le !"<br />
6 En entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre, saisis d’une grande crainte.<br />
7 Jésus s’approcha, il les toucha et dit : "Relevez-vous! soyez sans crainte!"<br />
8 Levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus, lui seul.<br />
9 Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre: "Ne dites mot à personne de ce qui s’est fait voir de vous, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité des morts."</span></blockquote><div style="text-align: center;">*</div><br />
Qu'est-ce qui apparaît de Jésus dans sa transfiguration, ce moment où trois disciples reçoivent le privilège de voir lever un instant le secret de la gloire cachée de celui qui demeure dans l’éternité auprès du Père ? Qu'est-ce qui apparaît en regard de Moïse et Élie, figures de la Loi et des Prophètes ?<br />
<br />
Qu'est-ce qui sous-tend ce secret qui ne sera pleinement levé pour la foi des croyants qu’au dimanche de Pâques ?<br />
<br />
Souvenez-vous : Jésus affirmait en ce même Évangile selon Matthieu : <i>« Ne pensez pas que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abroger, mais accomplir »</i> (Mt 5, 17) — ce qui ne veut pas dire « mettre un terme à », mais, littéralement « observer pleinement ».
<br /><br />
Aujourd'hui, entouré de Moïse et d'Élie, la Loi et les Prophètes, c'est-à-dire la Bible, est dévoilé celui qui observe pleinement. L’Évangile de Jean, où l'on n'a pas de récit de la Transfiguration, étant en quelque sorte un récit de Transfiguration en soi, dit les choses ainsi : <i>« les œuvres que le Père m’a donné d’accomplir, ces œuvres mêmes que je fais, témoignent de moi que c’est le Père qui m’a envoyé »</i> (Jn 5, 36), ou encore : <i>« Les œuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi »</i> (Jn 10, 25). <i>« Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas. Mais si je les fais, quand même vous ne me croyez point, croyez à ces œuvres, afin que vous sachiez et reconnaissiez que le Père est en moi et que je suis dans le Père. »</i> (Jn 10, 37-38)
<br /><br />
C'est peut-être là le cœur du mystère du Christ, ce mystère dont nous parle son apparition dans la gloire : observer pleinement ce que son Père prescrit, pleine observance requise de nous aussi, qui nous voulons ses disciples : <i>« qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais »</i>, et même, précise Jésus, <i>« il en fera de plus grandes, parce que je m’en vais au Père »</i> (Jn 14, 12). C'est bien de l'observance de l'enseignement biblique qu'il s'agit, de l'observance de la Loi et des Prophètes, pas de miracles (appelés <i>signes</i> dans l’Évangile de Jean, pas <i>œuvres</i>). Il s'agit de quelque chose qui en principe est à notre portée — <i>« Ce commandement que je te prescris aujourd'hui n'est certainement point au-dessus de tes forces et hors de ta portée. Il n'est pas dans le ciel, pour que tu dises : Qui montera pour nous au ciel et nous l'ira chercher, qui nous le fera entendre, afin que nous le mettions en pratique ? »</i> dit le Deutéronome (Dt 30, 11-12). Or un l'a mis en pratique, l'a observé pleinement. C'est ce dont témoignent la Loi et les Prophètes, Moïse et Élie. Et voilà que, malgré cela, nous observons chichement, mal et peu, ce qui nous est prescrit. C'est là le mystère du Christ : lui, homme comme nous, a observé pleinement. Cela pour nous, en nos petits commencements. Ainsi, <i>« Écoutez-le ! »</i> (v. 5.)
<br /><br />
<div style="text-align: center;">*</div><br /><i>« Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du temps »</i> promettra le Ressuscité (Matthieu 28, 20), celui qui est allé au Père, celui qui dans sa transfiguration se montre aujourd'hui à ses disciples, avant même sa mort, comme le Ressuscité… Alors se réalisera ce que Pierre, Jean et Jacques ont perçu en un éclair, lors de la transfiguration de Jésus.<br />
<br />
Message surprenant que ce dévoilement d’un instant dont ils bénéficient, et qui nous dit dès lors que l’humanité, que Jésus a assumée, est au-delà de nos capacités de compréhension et <i>a fortiori</i> de vision, car la transfiguration de Jésus homme nous parle aussi de la réalité cachée de chacune et chacun de nous, en nos petits commencements.<br />
<br />
Impossible, dès lors que le dévoilement de la transfiguration a eu lieu, de penser — sous prétexte que Jésus a assumé une réelle humanité — que nous aurions prise sur lui, que son humanité serait à la mesure de nos conceptions.<br />
<br />
Or ce dévoilement est là comme un don qui vaut pour chacune et chacun, dotés d’une valeur qui relève de l’infini, et que l’apparence ne fait que voiler. Combien de fois ne dénonçons-nous pas les erreurs des autres — nous aurions fait mieux ! —, manquant ainsi l'être réel et éternel de toutes et tous. Comme la maladresse apparente des disciples parlant de « tentes » ne fait que voiler derrière le même mot « tente » son sens éternel : « tabernacle ».<br />
<br />
C’est ce qui sera dévoilé au dimanche de Pâques, pour un tout nouveau retentissement de la promesse du Royaume — <span style="font-style: italic;">« Je vous le dis en vérité, quelques-uns de ceux qui sont ici ne mourront point, qu’ils n’aient vu le Fils de l’homme venir dans son règne. »</span> disait Jésus quelques jours avant sa transfiguration (Matthieu 16, 28).<br />
<br />
Ainsi, désormais, <span style="font-style: italic;">« du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu ; fondez vos pensées en haut, non sur la terre. Vous êtes morts, en effet, et votre vie est cachée avec le Christ, en Dieu. Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire »</span> (Colossiens 3, 1-4).<br />
<br />
Lorsque au matin de Pâques, les femmes ont reçu ce signe : « le corps n’était pas là » ; le signe est chargé de cette promesse — qui retentit jusqu’à nous : <i>« je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du temps »</i>.<br />
<br />
C’est, depuis la nuée du mont de la transfiguration, une percée de ce jour d’éternité qui nous est donnée dans l’expérience des disciples :<br />
<br />
2 Pierre 1, 16-18 :<br />
<span style="font-style: italic;">16 Nous vous avons fait connaître la venue puissante de notre Seigneur Jésus Christ, pour l'avoir vu de nos yeux dans tout son éclat.</span><span style="font-style: italic;"><br />
17 Car il reçut de Dieu le Père honneur et gloire, quand la voix venue de la splendeur magnifique de Dieu lui dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu'il m'a plu de choisir. »</span><span style="font-style: italic;"><br />
18 Et cette voix, nous-mêmes nous l'avons entendue venant du ciel quand nous étions avec lui sur la montagne sainte.</span><br />
<br />
<span style="font-style: italic;">« Je vous le dis en vérité, quelques-uns de ceux qui sont ici ne mourront point, qu’ils n’aient vu le Fils de l’homme venir dans son règne. »</span> (Matthieu 16, 28). Cette promesse donnée par Jésus une semaine avant sa transfiguration vaut à présent pour quiconque la reçoit de la foi au Ressuscité, présent avec nous jusqu’à la fin du temps.</div><br />
<br />
<div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 5.03.23<br />
<a href="https://docs.google.com/presentation/d/1vtU_g1F5b13ISZJlBnPcQx3Ep_qdfi0NbjZ-Xc3tzYc/edit?usp=sharing" target="_blank">Diaporama</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1XMBVmfSvoOA_LjfPxtAguIZl3OIChoXRx-4XZgz0nUE/edit?usp=sharing" target="_blank">Culte en entier</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1eso4XtgUTlUi0cv6k7zn755rU3AeMWq5PHg2I-AkNro/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a></div>
<br />
<br />Textes dy jour : Genèse 12.1-4 ; Psaume 33 ; 2 Timothée 1.8-10 ; Matthieu 17.1-9)<br />
<br /><br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-45949127639718463222023-02-19T08:00:00.070+01:002023-04-09T17:18:27.137+02:00“Vous avez entendu qu'il a été dit…” <br /><br />
<div class="separator" style="text-align: center;"><img border="0" data-original-height="379" data-original-width="500" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEguhBgCA0JHQuqgxrWehHUXJV_8KfTU6ktBD9f8zDEL4cXIqz7iuu9fH4CFVYMhxZebVYExmTpQBnMU9uBUDsTQrLOhzfnNZJNL05DQa2Ht1PtDPb3Dl7GQqf-oD-ZdtLj8iYHg5brY-tdJ2vexAXHnuF5X41TkEjcRXqtfSXfcAK6hQT1gal0yUIrV/s600/Peter%20Schmidt.jpg" title="photo Peter Schmidt" width="580" /></div>
<br />
<div style="text-align: justify;"><b>Matthieu 5, 38-48</b>
<blockquote><i>38 Vous avez entendu qu'il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent.<br />
39 Mais moi, je vous dis de ne pas vous opposer au mauvais. Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre.<br />
40 Si quelqu'un veut te faire un procès pour te prendre ta tunique, laisse-lui aussi ton vêtement.<br />
41 Si quelqu'un te réquisitionne pour faire un mille, fais-en deux avec lui.<br />
42 Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut t'emprunter quelque chose.<br />
43 Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.<br />
44 Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent.<br />
45 Alors vous serez fils de votre Père qui est dans les cieux, car il fait lever son soleil sur les mauvais et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes.<br />
46 En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les collecteurs des taxes eux-mêmes n'en font-ils pas autant ?<br />
47 Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Les nations mêmes n'en font-elles pas autant ?<br />
48 Vous serez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait.</i></blockquote>
<br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
<i>« Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. » — « Tu aimeras ton prochain »</i> est une citation du Lévitique (19, 18) que nous avons entendu (texte du jour), parlant d’un prochain qu’il est toujours tentant de limiter à ses proches en considérant que le prochain n’est pas le lointain, entraînant l’interprétation erronée que certains font de plus ou moins bonne foi, interprétation erronée que Jésus résume ici ironiquement avec la formule <i>« tu haïras ton ennemi. »</i> Et voilà qu’on en est venu à ne plus percevoir l’ironie de Jésus et à croire que c’était l’enseignement de la Bible que Jésus viendrait corriger ! Non, il s'agit d’aimer pas seulement ceux qui nous aiment comme cela se fait dans toutes les nations ! Contre cela, c’est précisément à l'enseignement biblique — et on va voir à quel point — que Jésus nous ramène, contre une interprétation faussée, et dangereuse, qui débouche sur violence et guerres.
<br /><br />
<i>Violence et guerres</i> — parlant de : <i>la Bible, l'Histoire et nous</i>… C’est le thème de nos études bibliques de cette année, nous conduisant à des moments de violence terrible au point d’ouvrir jusqu’à la question : est-ce une bonne chose que cette Création, celle de l’homme en particulier ? — l’homme dont Dieu s’est repenti de l’avoir créé (Gn 6, 6) ! Au plus aigu, l'atroce épisode relaté en <a href="https://rolpoup.blogspot.com/2023/02/juges-de-lesperance-au-chaos-depecage.html" target="_blank">Juges 19 que nous avons étudié ce mois-ci</a> — je le résume : une femme, dont on ne sait pas le nom, violée à mort collectivement avant d’être démembrée. Ce récit ancien qui résonne tant avec notre actualité nous pose cruellement la question : cette Création valait-elle le coup ?
<br /><br />
Il se trouve, hasard de l’actualité, qu’au temps de notre étude de ce texte, accompagnée par le travail exégétique de Patricia Verissimo Sacilotto, avec nous pour sa préparation au ministère, d’autres candidats au ministère, américains ceux-là, viennent d’être confrontés au même texte, d'après <a href="https://docs.google.com/document/d/1sVZaZt_E_bkbyW4w9vF7sEklBNkLMMm96Jpv82y2rCw/edit?usp=sharing" target="_blank">un article que nous a communiqué Philippe Cousson</a>…
On y apprend que pour un examen exégétique proposé aux candidats à l'ordination dans l'Église presbytérienne des États-Unis, lesdits candidats étaient invités à analyser Juges 19. Ce choix de ce qui est l'équivalent de notre commission des ministères a conduit à de nombreuses critiques ainsi qu'à une demande d’excuses, dans une pétition formulée en ces termes : <i>"Bien qu'il soit vital pour les pasteurs d'être capables d'interpréter, d'enseigner et de prêcher à partir des Écritures, les histoires qui présentent une violence extrême et une violence sexuelle causent du tort à la fois aux candidats et aux lecteurs"</i>.
<br /><br />
Voilà qui dit bien l'embarras que peuvent causer des textes bibliques relatant des atrocités anciennes, mais que l'on pourrait pourtant aussi bien retrouver dans l’actualité (il suffit d'ouvrir un journal). Question : on cache, sous un voile pudique ? (ici la violence inouïe, horrible, contre une femme) ou on réfléchit ? Je ne suis pas venu abolir la Loi ou les Prophètes, vient de dire Jésus (v. 17). Or le livre des Juges est le 2e livre des Prophètes…
<br /><br />
Il se trouve que le chapître 19 de Juges est suivi par le chapitre 20, relatant la suite : une guerre civile qui débouche sur le quasi-génocide de la tribu des violeurs assassins. Le découpage en morceaux de la femme violée à mort par des membres de la tribu de Benjamin a en effet été effectué par son conjoint, qui envoie un morceau à chacune des autres tribus, en guise de message : voilà ce qu’on a fait dans la tribu de Benjamin. L’horreur débouche alors sur une guerre civile vengeresse (vengeance que le récit de l’horreur nous donne à comprendre). Le déséquilibre du nombre, 11 contre 1, débouche sur une presque extermination de la tribu des coupables !
<br /><br />
Voilà un exemple de texte qu’il s'agit surtout de ne pas négliger, même et surtout parce qu’il est choquant. Il nous permet de percevoir pourquoi Jésus tire de la Bible la leçon qu’il donne aujourd’hui : aimez vos ennemis, même les pires d’entre eux. Ils ont le visage de l’humanité.
Primo Levi le disait de ses bourreaux d’Auschwitz : hélas, ils ne sont pas des monstres, ils sont de la même humanité que les autres, comme ceux de la tribu de Benjamin dans l’atroce épisode biblique de Juges 19. Ce n’est pas leur aspect horrible qu’il s'agit d'aimer, mais leur humanité défigurée sous l’horreur.
<br /><br />
<i>« Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. »</i> De même qu’au temps des Juges, au jour où Jésus prononce ces paroles, le pays est colonisé ; par les Romains cette fois, qui ont alors tous les droits (discréditant tout droit). Il semble normal de plutôt les haïr, de vouloir se venger de toutes les exactions dont ils sont les auteurs. Rappelons quelques aspects de l'oppression romaine, que sous-entend notre texte. Par exemple, les Romains occupants pouvaient réquisitionner les populations pour telle ou telle tâche (ainsi les <i>« mille pas »</i> en question au v. 41). Pratique courante de la réquisition en temps de domination.
<br /><br />
Les humiliations n'étaient pas rares, face auxquelles les dominés étaient impuissants (<i>« si l’on te gifle »</i>…) ; humiliations et spoliations, face auxquelles on n'avait de recours que devant l'ennemi lui-même, avec ses tribunaux, structurellement injustes pour les opprimés ! Et ça ne vaut pas que pour le cas de l’oppression romaine. Le monde n'a pas cessé d'être, pour les plus humbles, structurellement injuste. Le jour n'est pas venu où est réalisée la parole de la justice, de l'équité annoncée par Paul — <i>« ni juif, ni grec ; ni esclave ni libre ; ni homme et femme »</i> (Ga 3, 28), quand on est dans un monde injuste de domination suprémaciste et masculiniste ! Et dans un monde injuste, il risque fort d'être mal venu de se plaindre d'être spolié devant une justice aux mains de l'ennemi, qui n'a aucune raison d'être impartiale. Paul ne dira pas autre chose en mettant en garde contre ce qu'il appelle les plaidoiries devant les païens (1 Co 5).
<br /><br />
Or, le texte biblique <i>« œil pour œil, dent pour dent »</i> concerne la juste rétribution requise, il concerne l'équité dont doit faire preuve un juge honnête.
Il ne s'agit évidemment pas dans le <i>« œil pour œil, dent pour dent »</i> biblique d’arracher un œil. Pas question de <i>vendetta</i>, même restreinte ! Il s’agit de justice rétributive où la tradition juive a appris à lire une ouverture vers ce qui finira par mettre en question jusqu'à la peine de mort : un tribunal qui mettrait en œuvre une peine de mort tous les 70 ans serait criminel, dit le Talmud. <i>« Œil pour œil, dent pour dent »</i> ne concerne donc, <i>a fortiori</i>, pas la vengeance personnelle. Mais une juste justice.
<br /><br />
Or, on est en un temps où la justice est forcément suspecte, parce que dominée par un ennemi considérablement plus puissant. La sagesse consiste alors au minimum à faire le gros dos ; et pour les plus sages, qui ne veulent pas ajouter l'amertume à leur domination, à se confier en Dieu, seul juste juge, plutôt que de cultiver le ressentiment.
<br /><br />
Mieux : vivre déjà le Royaume, en anticipation. Le Royaume : il s'agit de ces jours où il n'y a plus d'ennemis, mais des prochains — plus <i>« ni juif, ni grec ; ni esclave ni libre ; ni homme et femme »</i>. Savoir déjà découvrir dans les mesquineries des oppresseurs des signes de leur immense faiblesse, des signes de leur insécurité chronique, de leur besoin de réconfort ! Savoir par là les désarmer par une force intérieure qu'ils ne soupçonnent même pas, mais qui finit toujours par se concrétiser : c'est de la sorte que le Royaume espéré commence à se déployer, que les choses commencent à changer.
<br /><br />
C'est ainsi que Jésus invite à redécouvrir le sens des préceptes de la Torah. Des préceptes qui ainsi redécouverts, sont la Loi du Royaume, qu'il s'agit de vivre dès à présent !
<br /><br />
Fait écho à Jésus la parole de l'Apôtre Paul citant le livre des Proverbes : <i>« ne vous vengez pas vous-mêmes, mais laissez agir la colère »</i>. La victoire qui s'annonce, victoire sur tous les oppresseurs, n'est pas le fruit du ressentiment et du désir de vengeance.
Elle est le produit de la promesse de Dieu, Dieu juste à qui il s'agit de remettre l'exercice de la vengeance. Il s'agit de se décharger sur lui de tout ressentiment qui ne pourrait que nous ronger.
<br /><br />
Quant à la réalisation de la promesse, elle advient par la mise en pratique, dès aujourd'hui, de la Loi du Royaume.
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Il ne reste que cette possibilité. <i>« Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait »</i>, dit Jésus, évoquant le Lévitique (ch. 19, v. 2) : <i>« vous serez saints car je suis saint, dit le Seigneur »</i> (texte du jour, même chapître que celui sur l’amour du prochain). La « perfection » en question ne consiste pas en un état tel qu'il nous arracherait à notre humanité et à ses faiblesses, mais en une visée sérieusement poursuivie, qui se traduit en l'imitation, dans le cadre de nos limitations, de Dieu faisant pleuvoir, ou se lever le soleil, sur tous, <i>« sur les justes et sur les injustes. »</i>
<br /><br />
C'est élever à la dignité de frère et de sœur du Christ que d'imiter Dieu en imitant le Christ se faisant le prochain du blessé du bord du chemin — blessé jusqu’en son sens oblitéré de la justice, comme le Romain oppresseur, qui se croit témoin de l’ordre et de la paix : <i>« Pax romana »</i>, clame-t-il en pratiquant l’injustice, en blessé de la justice.
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
Car, Jésus ne l'ignore pas — il en mourra —, l’injustice demeure en ce monde jusqu’au jour de son Règne…
<br /><br />
Avec une question terrible : en attendant, où est Dieu dans ce monde injuste et violent ? Où est-il en attendant que son Règne vienne ?
<br /><br />
On connaît la remarque d’Elie Wiesel à Auschwitz : il est avec cet adolescent pendu par les nazis… Écho au serviteur souffrant du livre d’Ésaïe et, pour les chrétiens, à sa présence dans le Crucifié ; et — peut-être est-ce le message silencieux de Juges 19 —, ce Dieu dont on ne saurait prononcer le Nom au-dessus de tout nom est dans la souffrance de la femme anonyme… Dieu rachetant en pleurant, en s’identifiant à elle, ce monde dont il a jugé que sa possibilité était préférable aux ténèbres du non-être. Ce monde de douleur appelé encore aujourd’hui à une vie par laquelle un seul instant de lumière est chargé de la possibilité d’un <i>Oui</i> quand même… </div>
<br /><br />
<div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 19/02/23<br />
<a href="https://docs.google.com/presentation/d/1ZSnIrQrQDte2CMFl6J5EAk4ZLX_EMRyA4LPD-Wl41ok/edit?usp=sharing" target="_blank">Diaporama</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1CGxnHpsMmJ9gJascLXQmIBN_e1rrQVHVeDjtbBHFDOw/edit?usp=sharing" target="_blank">Culte en entier</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1KUuVX5LCp5-ZKqPq3GNLqj4KK2yWMY2JoLwRQkCU3aA/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a></div>
<br />
<br />
(Textes du jour : Lévitique 19, 1-2 & 17-18 ; Psaume 103 ; 1 Co 3, 16-23 ; Matthieu 5, 38-48)
<br /><br /><br />
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-48291901922792573372023-02-12T07:47:00.427+01:002023-02-12T07:47:00.204+01:00Observer pleinement<div style="text-align: center;">
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<img alt="© Talika Photography (détail)" border="0" data-original-height="379" data-original-width="500" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgkdj_Q-6sKe1q9suoLyJT2tt0vH2cizeyEtJ4DMnWZS1z6aQ0_0zoKTKL8WlCRroSRWg2iocqeNN9IvaRJu4Er6H4GQ6T7ddX-tXiiqAym2Jh1uXlxKxKOOcM9ym0dtKXokCIQhEhKwPmOF0szSXXOit10QFkm4EhSO4nPTAyN4KkEKA5hHJz3XAQh/s600/Talika%20Photography.jpg" width="580" /></div>
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<div style="text-align: justify;">
<b>Matthieu 5, 17-37</b> <br />
<blockquote>
<i>17 « N’allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abroger, mais accomplir. <br />
18 Car, en vérité je vous le déclare, avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l’i ne passera de la loi, que tout ne soit arrivé. <br />
19 Dès lors celui qui transgressera un seul de ces plus petits commandements et enseignera aux hommes à faire de même sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux ; au contraire, celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le Royaume des cieux. <br />
20 Car je vous le dis : si votre justice ne surpasse pas celle des [meilleurs, à savoir] scribes et pharisiens, non, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux.<br />
21 « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre ; celui qui commettra un meurtre en répondra au tribunal. <br />
22 Et moi, je vous le dis : quiconque se met en colère contre son frère en répondra au tribunal ; celui qui dira à son frère : "Raqa", "Vaurien", sera passible du Sanhédrin ; celui qui dira : “Fou” sera passible de la géhenne de feu. <br />
23 Quand donc tu vas présenter ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, <br />
24 laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; viens alors présenter ton offrande. <br />
25 Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire, tant que tu es encore en chemin avec lui, de peur que cet adversaire ne te livre au juge, le juge au gendarme, et que tu ne sois jeté en prison. <br />
26 En vérité, je te le déclare : tu n’en sortiras pas tant que tu n’auras pas payé jusqu’au dernier centime.<br />
27 « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’adultère. <br />
28 Et moi, je vous dis : quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà, dans son cœur, commis l’adultère avec elle.<br />
29 « Si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi : car il est préférable pour toi que périsse un seul de tes membres et que ton corps tout entier ne soit pas jeté dans la géhenne. <br />
30 Et si ta main droite entraîne ta chute, coupe-la et jette-la loin de toi : car il est préférable pour toi que périsse un seul de tes membres et que ton corps tout entier ne s’en aille pas dans la géhenne.<br />
31 « D’autre part il a été dit : Si quelqu’un répudie sa femme, qu’il lui remette un certificat de répudiation [à savoir de renvoi – qui n’est pas le divorce moderne].<br />
32 Et moi, je vous dis : quiconque renvoie sa femme – sauf en cas d’union illégale [à savoir si elle est déjà adultère] – la pousse à l’adultère ; et [donc] si quelqu’un épouse une femme ainsi renvoyée, il est [de facto, lui aussi] adultère.<br />
33 « Vous avez encore appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras pas, mais tu t’acquitteras envers le Seigneur de tes serments. <br />
34 Et moi, je vous dis de ne pas jurer du tout : ni par le ciel car c’est le trône de Dieu,
<br />
35 ni par la terre car c’est l’escabeau de ses pieds, ni par Jérusalem car c’est la Ville du grand Roi.<br />
36 Ne jure pas non plus par ta tête, car tu ne peux en rendre un seul cheveu blanc ou noir. <br />
37 Quand vous parlez, dites “Oui” ou “Non” : tout le reste vient du Malin.</i></blockquote>
<br />
<div style="text-align: center;">
*</div>
<br />
<i>« N’allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abroger, mais accomplir »</i> — ce qui ne veut pas dire « mettre un terme à », mais, littéralement « observer pleinement ».<br />
<br />
Ce propos de Jésus doit être reçu comme une clef d'interprétation de son comportement, de son rapport aux commandements — <i>« qui violera l'un de ces plus petits commandements et qui enseignera aux gens à faire de même sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux »</i>. Il est une façon de lire les Évangiles qui revient à faire de Jésus lui-même un de ces plus petits dans le royaume. Un seul exemple, parlant de ce qui pourrait être considéré comme étant des plus petits commandements : lors de la controverse sur le rite du lavement de mains, en Marc 7, on tient trop souvent à ce que Jésus ait aboli la distinction entre nourritures pures et impures. Et on confond, jusque dans plusieurs traductions, Jésus et les latrines, lesquelles, dit-il, « purifient tout ». Les latrines, pas lui ! qui déclarerait tout pur, discréditant ainsi son autorité — là où il ne dit rien d'autre que ce qui est au fond un classique : les rites alimentaires et les rites de purification sont légitimes mais ils ne sont pas une fin en soi, ils sont signe de la nécessité de la pureté intérieure.
<br /><br />
Je cite le maître du judaïsme Moïse Maïmonide (XIIe s.), qui ne dit pas autre chose :<i> « La pureté des habits et du corps en se lavant et en enlevant la sueur et la saleté constitue aussi une des raisons de la loi, mais si c’est lié avec la pureté des actes, et avec un cœur libéré des principes inférieurs et des mauvaises habitudes. Il serait extrêmement mal pour quelqu’un de s’efforcer de laver son apparence extérieure en se lavant et en nettoyant ses vêtements tout en étant voluptueux et sans retenue dans les aliments et la luxure… Ils paraissent propres à l’extérieur mais leurs cœurs se soumettent à leurs désirs et à la jouissance corporelle, et ceci est contraire à l’Esprit de la Torah. Car l’objectif principal de la Torah est [d’enseigner à l’homme] de diminuer ses désirs, et de laver son apparence extérieure après qu’il a purifié son cœur. Ceux qui lavent leurs corps et nettoient leurs vêtements tandis qu’ils restent sales de leurs mauvaises actions et [de leurs mauvais] principes, sont décrits par Shlomo (Salomon) comme : "une génération pure à ses propres yeux et qui n’est pas lavée de son ordure une génération,… que ses yeux sont hautains, et ses paupières élevées !" (Proverbes 20, 12-13) »</i> (Maïmonide, <i>Guide des égarés</i>, XXXIII).
<br /><br />
Observer pleinement. L'exigence de Jésus est radicale. Les scribes et les pharisiens étaient d'une rigueur morale exemplaire. Et Jésus souligne pour ses disciples, pour nous, que c'est encore insuffisant. C'est à une visée de perfection qu'il ouvre (cf. v. 48), ce qui nous réduit tous à une profonde humilité : nous ne sommes évidemment pas plus à la hauteur que ces exemples de fidélité que sont les scribes et les pharisiens. Nous n'avons de recours, comme eux, que la grâce, ce qui ne rend pas l'exigence de Jésus facultative !
<br /><br />
Car si Jésus s’annonce comme celui par qui vient le Règne de Dieu dans l’observance de la Loi jusqu’en son cœur, il ne saurait en abolir le principe, sans lequel il n’y a pas de Règne de Dieu. <i>« Que ton Règne vienne »</i>, i. e. <i>« que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel »</i>. Ta volonté, à savoir l'observance de tes préceptes. Sans cette observance, pas de Règne de Dieu, ou « des cieux », selon la façon que l’on a alors, et que Jésus ne remet pas en question, d’employer des figures de style pour ne pas prononcer à tout bout de champ le Nom qui est au-dessus de tout nom — pour ne pas, selon les termes de la Torah, prononcer ce Nom en vain. <br />
<br />
Laissez donc au-dessus de toute représentation le Nom qui est au dessus de tout nom, ne l’utilisant pas vainement, rappelle Jésus, même pas pour jurer — jurer ni par son Nom, ni même par le ciel, ce mot qu’on emploie pour désigner celui qui est au-dessus de tout nom — ni même par la terre, devenant comme son marchepied, ni encore par Jérusalem, ville de son Envoyé royal. Plutôt que jurer, c'est-à-dire d'instrumentaliser le nom de Dieu, soyez seulement d’être vrais et sincères, « oui » ou « non ».<br />
<br />
En tout cela, c’est bien de la question de notre libération dans l’instauration du Royaume qu’il s’agit, et de la réception de la Loi comme Évangile. Y a-t-il libération plus entière que dans une prise au sérieux radicale de la Loi ? Jésus a parlé de la convoitise concernant l’adultère — pouvant aller, dit-il, jusqu’à <a href="https://rolpoup.blogspot.com/2022/12/le-cantique-des-cantiques-un-reve-dans.html" target="_blank">briser ce que Dieu a uni</a>. Et qu'on n'aille pas dire : "je n'ai jamais fait cela, j'ai toujours été monogame". Ah bon ? jamais regardé quiconque avec convoitise ? Or qu’est-ce que la convoitise sinon un esclavage perpétuel ? Et qu’en est-il du désir de meurtre, ou de vengeance, ou du besoin permanent de se justifier et de contourner la vérité d’une parole droite ? Ni abolition ni antithèse dans le <i>« moi je vous dis »</i>. Jésus nous ramène au cœur véritable de la libération. Écouter, et entendre la Parole de Dieu. <br />
<br />
<i>« Je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t'ai libéré de l'esclavage »</i>. L’Évangile est toujours un ordre qui libère, un ordre qui ne libère que si on le met en pratique. Sa parole, celle de la Torah, ne libère que si on la prend au sérieux, si on y obéit, si on la prend radicalement au sérieux. Elle est un ordre qui met en marche… Si on ne se laisse pas envahir par la colère et la rumination du meurtre, si on se s’abandonne pas à la convoitise de ce qui ne nous est pas donné, au désir de vengeance, ou à de toujours fausses imageries sur Dieu. <br />
<br />
Cette loi ne sera pas abolie, c’est toujours la même, même si certains aspects comme mœurs politiques ou rites et cérémonies, que Jésus, fils d'Israël, observait, peuvent varier d’un peuple à un autre ; ou d’un temps à un autre : ainsi après la destruction du Temple, les aspects du rite qui y sont liés deviennent inapplicables. Ils seront réorganisés de façons diverses. C’est l’origine de la séparation de deux rites, le rite talmudique et le rite chrétien. Mais la Loi, elle, en son cœur, n’est nullement abolie. Elle est la fin de l’esclavage, la norme de la liberté : la Loi est ainsi l’Évangile de notre libération.<br />
<br />
Mais allons plus loin : là où il s’avère qu’accomplir la Loi ne l’abolit pas ! Contrairement à la tentation commune qui revient à considérer que Jésus ayant accompli, i. e. observé pleinement la Loi, jusqu’en son cœur, il n’y aurait plus depuis à l’observer ! — introduisant de la sorte subrepticement l’idée d’abolition de fait sous le terme d’accomplissement. <br />
<br />
Certes, on l’a dit, certains aspects, comme les rites et cérémonies, varient selon les lieux, les époques et les circonstances. Ainsi, on ne pratique pas aujourd’hui de sacrifices d’animaux dans le Temple de Jérusalem — de toute façon détruit. <i>A fortiori</i>, laisse là ton offrande pour vivre ce qu'elle signifie en termes de réconciliation avec autrui. Cela vaut pour tout précepte en son aspect cérémoniel — lié à des temps, des lieux, des traditions. Par exemple, dans le christianisme ou les traditions qui en sont issues, les façons chrétiennes de comprendre et de célébrer la sainte Cène ou comprendre et d’administrer le baptême sont variables. <br />
<br />
Variable aussi l’organisation de la vie de la cité, selon les temps et les lieux. Par exemple, les régimes politiques et les formes de gouvernements varient selon les époques et les pays. Autre exemple, les sanctions de justice : quelle sanction pour telle faute, mettons aujourd’hui les abus sexuels ? Sanctionnés dans l’Antiquité d’une façon qui n’est pas la nôtre, il n’est pas question pour autant d’en abolir interdiction et sanction. <br />
<br />
Autant d'aspects, cérémonies, organisation de la justice et de la cité toujours à l’ordre du jour, mais variables dans leur application selon les lieux et les temps. <br />
<br />
Mais l’aspect moral, comme norme idéale, comme visée de perfection que Jésus rappelle avec force dans ce texte, n’est pas sujet aux variations culturelles. L’aspect moral peut être considéré comme se déployant en vertus. Accomplir la Loi, comme Jésus le fait, n’est donc pas l’abolir par la petite porte. Accomplir, c’est tout simplement observer, observer pleinement, jusqu’au cœur ; à la lettre, jusqu’en la plus petite lettre : la Loi demeure tant que dure le monde, étant en son cœur la bonne nouvelle, l'Évangile de notre libération — selon la première parole du Décalogue : <i>« Je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai libéré de l’esclavage »</i>, de tout esclavage, jusqu’à l’esclavage du péché et de la mort ! Choisi donc la vie, nous enjoint le texte du Deutéronome proposé aussi aujourd’hui.
<br /><br />
<b>Deutéronome 30, 15-20</b> <br />
<blockquote>
<i>15 Vois, j'ai placé aujourd'hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur. <br />
16 Ce que je t'ordonne aujourd'hui, c'est d'aimer le Seigneur, ton Dieu, de suivre ses voies et d'observer ses commandements, ses prescriptions et ses règles, afin que tu vives et que tu fructifies, et que le Seigneur, ton Dieu, te bénisse […]. <br />
17 Mais si ton cœur se détourne, si tu n'écoutes pas et si tu te laisses entraîner à te prosterner devant des idoles et à les servir, <br />
18 je vous le dis aujourd'hui, vous disparaîtrez […]. <br />
19 J'en prends aujourd'hui à témoin contre vous le ciel et la terre : j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et les tiens, <br />
20 en aimant le Seigneur, ton Dieu, en l'écoutant et en t'attachant à lui : c'est lui qui est ta vie, la longueur de tes jours […].</i></blockquote>
</div>
<br />
<br />
<div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 12/02/23
<br />
<a href="https://docs.google.com/presentation/d/14Xn1VZ1ZRclGtj9A4f35lhbyF-VYfKahkdm_lXrF1CI/edit?usp=sharing" target="_blank">Diaporama</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1vVJ9tCGbcSfM-2hTWpKa65Nf4pQEeM53yraIczdlxOg/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
</div>
<br />
<br />
(Textes du jour : Deutéronome 30, 15-20 ; Psaume 119, 1-32 ; 1 Co 2, 6-10 ; Matthieu 5, 17-37)<br />
<br /><br />Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-47648537870797067142023-01-29T08:00:00.035+01:002023-01-29T08:00:00.187+01:00Les Béatitudes. Dans la reconnaissance du don de Dieu<br /><br /><div style="text-align: center;"><img height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjKZzHsZg9asAOwXNaYyBFDq2C2CfnsqPKZwYflgsLgVyJWs0ThGmakK6NGeX9n5BBPJoChAD6P5ENiSiVkHLTDwl44aPVJJl_GOldD9fLI_J_nDEqjmy0CiVFQqVDF82pU-JEWRh07ls7bJdwXrmOOevn9XdLoo23C4TpJuIDCi1MDa3w5vo0_YZyC/s600/brume.jpg" width="580" /></div>
<br /><div style="text-align: justify;">
<b>Matthieu 5, 1-12</b>
<blockquote><i>1 À la vue des foules, Jésus monta dans la montagne.<br />
Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.<br />
2 Et, prenant la parole, il les enseignait :<br />
3 « Heureux les pauvres de cœur car le Royaume des cieux est à eux.<br />
4 Heureux les doux car ils auront la terre en partage.<br />
5 Heureux ceux qui pleurent car ils seront consolés.<br />
6 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice car ils seront rassasiés.<br />
7 Heureux les miséricordieux car il leur sera fait miséricorde.<br />
8 Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu.<br />
9 Heureux ceux qui font œuvre de paix car ils seront appelés fils de Dieu.<br />
10 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice car le Royaume des cieux est à eux.<br />
11 Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, que l’on vous persécute et que l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi.<br />
12 Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ; c’est ainsi en effet qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.</i><i> »</i></blockquote>
<br>
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Les Béatitudes introduisent dans l’Évangile de Matthieu le Sermon sur Montagne (ch. 5-7), où Jésus nous livre sa lecture de la Bible, désignée sous l'expression <i>la Loi et les Prophètes</i>, nous rappelant : <i>« Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour observer pleinement »</i> (Mt 5, 17) — cette Loi qui se résume au commandement d'amour pour Dieu (Dt 6, 4-5) qui se traduit comme amour du prochain (Lv 19-18 / 1 Jn 4, 20).
<br /><br />
La Loi se trouve ainsi au cœur du Nouveau Testament, Loi qui est la même que celle de la Bible hébraïque ; et par ailleurs l’Évangile, comme bonne nouvelle de la libération, se trouve aussi dans la Bible hébraïque. Sous un certain angle l’Évangile est la Loi elle-même, loi de liberté et de grâce. Jésus annonce le Règne de Dieu, ou « des cieux » — selon le respect de la Torah qui enseigne de ne pas prononcer le Nom en vain.
<br /><br />
Des Béatitudes à l'appel à bâtir sur le roc de l'enseignement reçu des Écritures, dont <i>« pas un trait de lettre ne passera »</i> (Mt 5, 18), Jésus nous conduit au cœur du message de libération et de grâce qui retentit comme parole d’Éternité que le temps ne saurait éroder : <i>« le ciel et la terre passeront, la Parole de Dieu subsiste au-delà du temps »</i> (cf. Mt 24, 35 ; És 40, 8).
<br /><br />
<i>« Heureux »</i>, le mot des Béatitudes reprend le premier mot des Psaumes (premier livre de la troisième partie de la Bible après la Loi et les Prophètes), Psaumes dans le judaïsme comme la relecture priante de la Torah et dont le <i>Notre Père</i>, que l'on trouve au cœur du Sermon sur la montagne, est un résumé, — le premier mot des Psaumes, au Psaume 1, <i>« heureux »</i>, parle du bonheur de vivre de la Loi, la Torah :
<br />
<blockquote><i>1 Heureux <br />
[…]<br />
2 qui se plaît à la loi du Seigneur<br />
et la médite jour et nuit !<br />
3 Il est comme un arbre planté près des ruisseaux :<br />
il donne du fruit en sa saison<br />
et son feuillage ne se flétrit pas ;<br />
il réussit tout ce qu’il fait.<br /></i></blockquote>
<br />
Il s'agit bien là d'observance de la Loi, précisément dans sa racine intérieure, quand plus rien de ce qu'elle promet ne se voit. Alors, le bonheur — selon ce sens du mot béatitude — est comme l’ouverture cachée derrière nos échecs et nos défaites ; en écho à la parole du prophète Zacharie (ch. 4, v. 6) : <i>« ce n’est ni par la puissance ni par la force, mais c’est par mon esprit, dit l’Éternel »</i>. La puissance et la force échouent toujours à faire advenir le Règne de Dieu comme règne du bonheur : il ne vient pas par la puissance des pouvoirs et des conquêtes, dont l'échec ne se compense pas non plus par la force désespérée (qui glisse à la terreur !). Cela est au cœur des Béatitudes. <i>« Heureux ceux qui font œuvre de paix car ils seront appelés fils de Dieu. » — « Heureux les doux car ils auront la terre en partage. »</i> Le bonheur comme face cachée de nos impasses lorsqu’elles sont reconnues. Cela à l’encontre de l'apparence… qui fascine. </div><div style="text-align: justify;"><br />
Alors, selon les quelques versets qui suivent les Béatitudes, nous pouvons devenir sel de la terre, qui lui donne du goût et la préserve de se corrompre ; et lumière du monde, qui rayonne depuis l'être intérieur de qui y scelle l'enseignement de la Parole de vie.
<br /><br />
Nous voilà, en d’autres termes, appelés à la douceur, non à la contrainte (<i>"heureux les doux car ils auront la terre en partage"</i>) ; et appelés à la profondeur intérieure, non à la superficialité. Refuser les copies superficielles de la vie, qui voudraient que le bonheur ne soit nulle part ailleurs que dans ce qui impressionne, la force comme l’aisance matérielle avec son rassasiement, les réjouissances (mais <i>"heureux ceux qui pleurent"</i>), la considération que nous porte autrui (mais <i>"heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte"</i>). Jésus enseigne que le bonheur est à peu près le contraire. Tout ce qui impressionne n'est que clinquant et qui s'y fie rate le bonheur. Ce n’est pas qu'il faille souhaiter la pauvreté, la faim, le deuil, et d'être rejeté et haï !… Mais c’est pourtant pas loin de là que demeure, de façon cachée, la source du bonheur (v. 11-12)…
<br /><br />
Où la richesse devient masque de malheur (<i>"Heureux ceux qui ont un esprit de pauvreté"</i>), où les fêtes dans les jours sombres sont une façon d’engloutir dans le bruit le manque et la soif de vérité. Où elles deviennent comme des cris étouffés de détresse secrète, cris de la faim de lumière, de présence, de justice (<i>"heureux ceux qui ont faim et soif de la justice"</i>). Où elles ne sont plus que signes éclatants de solitude, comme des masques carnavalesques de larmes près de jaillir… Et le désir d'être bien vu une lâcheté paralysant au fond des cœurs les paroles et les gestes de vérité, cette envie qui tenaille d'être enfin vrais ! Face à cela est cet étrange bonheur que proclame Jésus ! Un bonheur au-delà des apparences qui est de vivre dans l'intériorité l’enseignement biblique — au mépris de la violence, qui relève aussi de la vanité.
<br /><br />
Ce faisant, si on est très proche des Psaumes, comme le Psaume 1, on l'a vu, on est très proche aussi de l'Ecclésiaste, qui conclut son discours par <i>« crains Dieu et observe ses commandements, c'est là tout l'homme »</i> (Ecc 12, 13), le cœur des commandements consistant à aimer autrui, en se mettant à sa place. Quant à l'Ecclésiaste, dont on retrouve bien des accents dans le Sermon sur la montagne, il nous permet de ne pas recevoir le bonheur des Béatitudes comme un bonheur d'arrière-monde qui serait le lot futur de ceux qui décideraient de ne pas vivre dans le temps ! Au contraire, <i>"heureux les cœurs purs car ils verront Dieu"</i> — dans le miroir même de la vie, la récompense donnée étant de vivre dans la présence de Dieu. Aujourd'hui, dit le Deutéronome, choisis la vie !
<br /><br />
Ainsi, Ecclésiaste 5, 18-20 :
<blockquote><i>18 Voici ce que j’ai vu : c’est une chose bonne et belle de manger et de boire, et de jouir du bien-être au milieu de tout le travail qu’on fait sous le soleil, pendant le nombre des jours de vie que Dieu a donnés ; c’est là ta part.<br />
19 Mais, si Dieu a donné à quelqu’un des richesses et des biens, s’il l’a rendu maître d’en manger, d’en prendre sa part, et de se réjouir au milieu de son travail, c’est là un don de Dieu.<br />
20 […] parce que Dieu répand la joie dans son cœur.</i></blockquote>
<br />
Chez l'Ecclésiaste, ce qui permet en tout temps la perception de ce bonheur est la conscience du don de Dieu.
<br /><br />
Ecclésiaste 6, 2 : <i>« Il y a tel à qui Dieu a donné des richesses, des biens, et de la gloire, et qui ne manque pour son âme de rien de ce qu’il désire, mais que Dieu ne laisse pas maître d’en jouir, car c’est un autre qui en jouira. C’est là une vanité et un mal grave. »</i>
<br /><br />
Face à cette vanité, qui reste vanité quoiqu'il en soit, s'offre la conscience reconnaissante du don de Dieu. Là est la racine du bonheur, bref, les Béatitudes…
<br /><br /><div style="text-align: center;">*</div><br />
<i>« Crains Dieu et observe ses commandements, c'est là tout l'homme »</i>.
<br /><br />
Cela vaut pour tout commandement en son aspect cérémoniel — aussi bien que comme règle morale.
<br /><br />
L’aspect cérémoniel parle du sens du culte : dessiner la dimension verticale de nos vies, la dimension de la relation avec Dieu, qui occupe fortement les quatre premières paroles du Décalogue. Car la dimension verticale de nos vies se dessine pour nous <i>via</i> des rites et des cérémonies, que ces rites soient chrétiens, juifs, ou autres : musulmans, hindous, etc. Il se trouve que pour Jésus, ce sont des rites juifs, ceux de la Torah. C’est aussi le cas dans le Nouveau Testament pour le rituel chrétien qui en est issu. Notre culte s’ancre sur celui d’Israël que pratiquait Jésus. Sous cet angle, l’observance de la Loi de Moïse pour les chrétiens est le fait d’Israël : l’observance juive vivante. Le christianisme des nations sans ce vis-à-vis serait tout simplement bancal. Cela nous conduit à réaliser la nature relationnelle du christianisme.
<br /><br />
Quant à l’aspect moral, comme norme idéale, comme visée de perfection — au-delà du Décalogue, il se résume à la deuxième partie du « double commandement » d’aimer le Seigneur et son prochain ; i.e. <i>« ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse</i> (Hillel) / <i>fais à autrui ce que tu voudrais qu'il te fasse</i> (Jésus) » — (<i>"Heureux les miséricordieux"</i>) ; cet aspect de la Loi n’est pas sujet aux variations culturelles, même si son application s’adapte aux circonstances. Il concerne donc toutes et tous, au-delà du temps de l'Israël biblique.
<br /><br />
En son cœur, contre l'ambiance de mort qui empuantit notre actualité, on retrouve le <i>« tu choisiras la vie »</i> du Deutéronome, se déployant en injonctions comme <i>« lève-toi et marche »</i>, commandement adressé par Pierre au paralytique dans les Actes des Apôtres ; ou, en Jean 11 : <i>« sors de ta tombe »</i>, commandement adressé par Jésus à Lazare, autant d’applications du fameux <i>« va pour toi »</i> (<i>lekh lekha</i>) commandement adressé dans la Genèse à Abraham — et donc <i>« tu choisiras la vie »</i>, l’injonction libératrice que donne le Deutéronome. Heureux celui, celle, qui entre ainsi dans la vie du Royaume des cieux, ancré au plus intime de l'être intérieur.
</div>
<br /><br />
<div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 29/01/23<br />
<a href="https://docs.google.com/presentation/d/15uRFAMMgtuM5j9qrgvLgqqC0nE5x9dG2bFu0wGXn7JQ/edit?usp=sharing" target="_blank">Diaporama</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1YcmzFGt7Zsykd0FnyaLjN3nBUK0DkZ-aCVNRSLhee48/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)
</a><br />
<br />
<br />
</div>
<noembed>(Textes du jour : Sophonie 2.3 & 3.11-13 ; Psaume 125 ; 1 Corinthiens 1.26-31 ; Matthieu 5.1-12)
<br /><br /><br></noembed>
Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-1994636972154726152023-01-22T08:00:00.143+01:002023-01-22T10:12:43.528+01:00Pêcheurs d'hommes<div style="text-align: center;"><br />
<br />
<img height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEixxuiP_aiT4rVPBoOM_5MtOhzRE06FQp3Ru6_7WY-vUn7MGLLvvvoRwNVt183F3D2l-l-xmq-E8xWtZ-ITbS602cmmKq541vxcmVXgoDvUzLEc2fc86J1bUcb85LgfOoL397uFjRUYxwWpUn0F2s8U7ygh6wdJ1kYwdUGxaOfi-2t_Cv7gB6SvJFKs/s640/sunset.jpg" width="580" /></div><br />
<div style="text-align: justify;">
<b>Matthieu 4, 12-23</b>
<blockquote><i>12 Ayant appris que Jean avait été livré, Jésus se retira en Galilée. <br />
13 Puis, abandonnant Nazara, il vint habiter à Capharnaüm, au bord de la mer, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali, <br />
14 pour que s’accomplisse ce qu’avait dit le prophète Ésaïe : <br />
15 Terre de Zabulon, terre de Nephtali,<br />
route de la mer,<br />
pays au-delà du Jourdain,<br />
Galilée des Nations !<br />
16 Le peuple qui se trouvait dans les ténèbres<br />
a vu une grande lumière ;<br />
pour ceux qui se trouvaient dans le sombre pays de la mort,<br />
une lumière s’est levée.<br />
17 À partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : « Convertissez-vous : le Règne des cieux s’est approché. »<br />
18 Comme il marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon appelé Pierre et André, son frère, en train de jeter le filet dans la mer : c’étaient des pêcheurs. <br />
19 Il leur dit : « Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » <br />
20 Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent. <br />
21 Avançant encore, il vit deux autres frères : Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, dans leur barque, avec Zébédée leur père, en train d’arranger leurs filets. Il les appela.<br />
22 Laissant aussitôt leur barque et leur père, ils le suivirent.<br />
23 Puis, parcourant toute la Galilée, il enseignait dans leurs synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Règne et guérissait toute maladie et toute infirmité parmi le peuple.</i></blockquote>
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
« Pêcheurs d'hommes » — un jeu de mots pour ces pêcheurs de poissons. Un jeu de mot qui dit peut-être beaucoup. Les poissons, on les retire de la mer où ils ne se noient pas ! En repêcher les hommes, si on prend l'image en son sens strict, c'est les sauver de la noyade… Et si c'était bien là la vocation de disciples ?
<br /><br />
Voilà des petits artisans de la pêche dont on apprend qu'ils « laissèrent les filets et suivirent Jésus ». Est-ce que la pêche n'est plus ce qu'elle était ? Est-ce que les entreprises des frères Pierre et André et celle des Zébédée & Co battent de l'aile ? — Que voulez-vous, c'est la crise ! De toute façon la pêche est un travail difficile, et qui rapporte peu. Alors après tout pourquoi ne pas tenter autre chose, et en ces temps sombres — et pourquoi pas au service de Jésus ? Après tout, vu les difficultés des temps, on n'a rien à perdre. Là au moins, pas de chômage. Et si on ne gagne peut-être pas des cents et des mille, qu'est-ce qu'on rigole !<br />
<br />
C'est sans compter sans la radicalité de la rupture entre leur vie quotidienne et la vocation chrétienne ! Radicalité qui nous concerne aussi et sans laquelle il n'y a pas de vraie relation avec le Christ vivant. Pierre et André, Jacques et Jean, sont en train de pêcher. Ils exercent leur activité habituelle. C'est leur gagne-pain. <i>« Suivez-moi</i>, dit Jésus, <i>et je vous ferai pêcheurs d'hommes »</i>. À travers ce jeu de mot est introduite une rupture après laquelle plus rien ne sera comme avant : aussitôt, laissant filets et barques, <i>« ils le suivirent »</i>.<br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Nous sommes en Galilée, cette Galilée dont le Ressuscité dira à la fin de ce même évangile de Matthieu qu'il y précède les disciples. Si le ministère de Jésus est inauguré de façon officielle en Judée, par son baptême auprès de Jean, le véritable départ a lieu en Galilée. Et Matthieu y insiste de façon suffisante, à l'appui d'Ésaïe, pour que ce ne soit pas indifférent. La Galilée est réputée être une terre à la foi douteuse aux yeux des Judéens, qui ont le Temple, le centre religieux, la bonne doctrine, etc. <br />
<br />
En ces temps de prière pour l’unité, il n’est pas dépourvu de sens de considérer cela. Chacun d’entre nous considère volontiers être de la bonne façon de croire et de vivre la foi, réputant volontiers les autres d’être dans une sorte de semi-pénombre spirituelle. <br />
<br />
Eh bien, comme Jésus a surpris en recrutant ses disciples dans le camp douteux, celui de la Galilée des païens, plongée dans la nuit, selon Ésaïe, comme les poissons au fond de son lac, lui, Jésus, qui est toujours le même, est toujours en passe de nous surprendre en portant un regard plus favorable qu’on ne le voudrait sur ceux qui nous paraissent à nous un peu douteux, ou héritiers d’un passé douteux. Jésus est devenu l’un d’eux, Galiléen. Dieu est toujours en situation de faire toutes choses nouvelles. <br />
<br />
Des textes comme celui d’aujourd’hui, qui insistent tant sur l’importance de la Galilée, terre juive elle aussi, comme la Judée, font qu’il faut voir dans ces tensions au cœur des Évangiles, aussi des tensions régionales, voire quelque peu régionalistes, concernant des revendications de primauté d’un lieu sur l’autre, d’une pratique religieuse sur l’autre, etc. Trois tendances régionales se font concurrence alors, celle de la Judée, celle de la Galilée, celle de la Samarie. La mieux vue, parce que celle de la capitale, avec son Temple superbe, est celle de la Judée, qui a donné son nom finalement à tous les autres, au point qu’à l’étranger, hors d’Israël, on appelle tout le monde des Juifs — nom, au sens strict et originel, des habitants de la Judée — distinguant mal entre les Judéens et les Galiléens, voire autres Samaritains. <br />
<br />
Or, comme l’Évangile s’est largement répandu hors des frontières d’Israël, on en est venu à prendre des querelles régionales internes pour une opposition de Jésus contre les juifs en général, même d'hors de la Judée. Et puisque le courant pharisien était si important dans les tendances religieuses juives, on est est venu à confondre le tout : Jésus considéré contre tous ceux-là, les chrétiens feront de même. Ça en serait presque à se demander si Jésus était juif lui-même ! Ce méli-mélo s’estompe si on perçoit bien les tensions régionales internes, non pas entre juifs et chrétiens, qui n’existent pas encore, mais — sans compter les Samaritains — entre Judéens et Galiléens.<br />
<br />
Et voilà que Jésus offre à ces Galiléens à moitié dans la nuit — à l'appui de la citation que fait Matthieu d'Ésaïe <i>« le peuple qui marche dans les ténèbres »</i> — la primeur de son message : c’est comme si demain, les choses importantes cessaient de se passer à Paris, alors qu’à l’étranger, on a parfois l’habitude de confondre la capitale avec la France en général. Voilà qui aurait un petit parfum de querelles régionalistes. Et pour le dire d’une autre façon, en termes plus religieux, il est opportun de penser à cela en ces temps de prière pour l’unité : Dieu peut toujours nous surprendre en appelant les Galiléens avant nous…<br />
<br />
Peuple probablement en outre complexé face à ceux qui sont en vue, peuple de Galilée que Jésus prend en affection, n’ignorant pas que dans les temps de crise, il se retournera éventuellement contre lui — cela à l'appui de complexes d'infériorité, et en mal de soulagement des ressentiments qui en naissent. <br />
<br />
Jésus n’en comprend pas moins leurs difficultés, apportant autant que possible ce qu’ainsi ils n’auront pas besoin d’aller chercher ailleurs. <i>« Tu brises aujourd'hui le joug de l'oppression qui pèse sur ton peuple, la barre qui écrase ses épaules, le bâton dont on le frappe »</i> (És 9, 3). Ce faisant Jésus court le risque qui fait que cela se retournera contre lui. Son message n’est pas dans les illusions auxquelles on succombe si facilement. Son message, lumière éblouissante, est chargé d’une croix : la vie qu'offre Jésus n’est pas cette auberge espagnole où chacun amène tous ses désirs et les voit enfin comblés. <br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Les ténèbres de la Galilée d'Ésaïe rappelées lors de la vocation des disciples valent pour quiconque est appelé par Dieu. C'est au cœur de notre Galilée, de nos ténèbres, que Jésus nous précède — aveuglés face à sa lumière éblouissante, aussi. Luther le dit ainsi : <i>« Dieu m’a poussé de l’avant comme une mule à qui l’on aurait bandé les yeux […]. C’est ainsi que j’ai été poussé en dépit de moi au ministère d’enseignement et de prédication ; mais si j’avais su ce que je sais maintenant [l’opposition que cela me vaut], c’est à peine si dix chevaux auraient pu m’y pousser. C’est ainsi que se plaignent aussi Moïse et Jérémie d’avoir été trompés. »</i> (<i>Propos de table</i>, cité par Volz dans son <i>Commentaire</i>, p. 208.)<br />
<br />
Luther évoque Jérémie, qui s'épanche devant Dieu en disant : <i>« Tu m'as séduit, Seigneur, Et je me suis laissé séduire ; tu m'as saisi et tu as vaincu. Et je suis chaque jour en dérision, tout le monde se moque de moi. »</i> (Jér 20 v. 7.)<br />
<br />
On imagine combien Pierre, André, Jacques, qui aujourd’hui quittent leur barque, tous trois morts martyrs, peuvent faire leurs de telles paroles à la fin de leur vie.<br />
<br />
En fait, la paix, la vraie paix qu’amène Jésus est une paix que le monde ne connaît pas, un bien-être qui n’est pas forcément celui de voir tout réussir à tous les plans. Une joie qui est celle de savoir que l’on a répondu à l’appel de la vérité. C’est là le bonheur, le salaire nouveau des disciples qui abandonnent tout pour lui, pas comme on abandonne tout pour un « gourou ». Aucune illusion : demain ne sera pas facile. C'est aussi cela être disciple. Demain, il faudra encore manger à la sueur de son front, mais une route est commencée, qui mène, via la croix, à la vraie vie, au Royaume, qui s’accomplira dans la Résurrection.
<br />
<br />
Cela via la croix, où, dit le Psaume 69 relu comme annonçant la croix, on est plongé dans des eaux qui <i>« viennent jusqu'à la gorge »</i> (v. 2). Vocation de disciples appelés à être pêcheurs d'hommes, en annonçant celui qui les a rejoints, qui nous a rejoints jusqu'au fond des abîmes où nous aurions été engloutis… Il n'est pas d'émergence dans la lumière de la résurrection, d'émergence à la vie qui ne soit repêchage depuis l'abîme de la croix.
<br /><br />
Ce qu’écrira bien plus tard un grand témoin de Jésus du Moyen Âge, Thomas A Kempis, dans son livre <i>L’imitation de Jésus-Christ</i> en ces termes : <i>« Jésus trouve beaucoup de personnes désirant son royaume céleste, mais peu partageant sa croix ; beaucoup souhaitant ses consolations, mais peu aimant ses douleurs. Beaucoup de compagnons de sa table, mais peu de son abstinence. Tous désirent se réjouir avec lui, mais peu veulent souffrir quelque chose pour lui. Beaucoup suivent Jésus jusqu’à la fraction du pain, mais peu jusqu’à boire la coupe de sa passion. Beaucoup admirent ses miracles, mais peu recherchent l’ignominie de sa croix. Beaucoup admirent Jésus tant que l’adversité n’arrive pas…
<br />
« Ceux qui aiment Jésus pour lui-même […] le bénissent en toute épreuve et dans l’angoisse du cœur comme dans la plus grande joie. Et ne voulût-il jamais les consoler, ils le loueraient néanmoins toujours et toujours lui rendraient grâces.
<br />
« Donne-moi, Seigneur, de savoir ce que je dois savoir, d’aimer ce que je dois aimer, d’estimer ce qui est précieux devant toi et de blâmer ce qui est vil à tes yeux. Ne me laisse pas juger d’après les dehors que l’œil aperçoit, ni prononcer sur le rapport des hommes peu sensés ; mais fais-moi discerner avec justesse les choses sensibles et les choses spirituelles, et chercher surtout et toujours ton bon plaisir »</i>.<br />
<br /><br />
<div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 22/01/23<br />
<a href="https://docs.google.com/document/d/1lNTEAkGJX1idP1MiCYC6WyEf67GAd70coOpNL9r-x4A/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
<br>
(<a href="https://unitedeschretiens.fr/semaine-de-priere-pour-unite-chretiens/" target="_blank">Semaine de prière pour l'unité des chrétiens</a>)
</div>
<br />
<br />
(Textes du jour : Ésaïe 8, 23-9, 4 ; Psaume 27 ; 1 Corinthiens 1, 10-17 ; Matthieu 4, 12-23)<br />
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</div>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-49909527105736726132023-01-15T08:00:00.095+01:002023-01-15T09:49:00.605+01:00S'effacer...<div style="text-align: center;"><br />
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<img data-original-height="710" data-original-width="1126" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj9fAE_-MWBew2lGDNCl9oQP_Ks2s9BMcN8fZpqJL5TWJ2d75oTWwxQ617p_vcs8YPPqyaqLG1kWfn_QhvKTWAL6R1WMBr12D0BG-MEKzAee5as61-w13yXaO8NXplapKwTbykmQsLo8-zdPVbMpRgmjLE7wZxQu-YwAhmxVtak9gu1-7yIrLz9lUxb/s600/croix-huguenote-001.jpg" width="580" /></div><br />
<div style="text-align: justify;">
<b>Jean 1, 29-34</b><br />
<blockquote><i>29 Le lendemain, il voit Jésus qui vient vers lui et il dit : "Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.<br />
30 C’est de lui que j’ai dit: Après moi vient un homme qui m’a devancé, parce que, avant moi, il était.<br />
31 Moi-même, je ne le connaissais pas, mais c’est en vue de sa manifestation à Israël que je suis venu baptiser dans l’eau."<br />
32 Et Jean porta son témoignage en disant : "J’ai vu l’Esprit, tel une colombe, descendre du ciel et demeurer sur lui.<br />
33 Et je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, c’est lui qui m’a dit : Celui sur lequel tu verras l’Esprit descendre et demeurer sur lui, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint.<br />
34 Et moi j’ai vu et j’atteste qu’il est, lui, le Fils de Dieu."<br />
</i></blockquote><br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
(Textes du jour : Ésaïe 49, 3-6 ; Psaume 40 ; 1 Co 1, 1-3 ; Jean 1, 29-34)<br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Du temps de l'Avent au baptême de Jésus, la figure de Jean le Baptiste est dans les Évangiles celle d'un homme qui s'efface, qui se met en retrait devant celui qui l'a précédé, celui qui est plus grand que lui, celui qui donne un autre sens à son baptême…
<br /><br />
Voici qu’aujourd'hui il se présente devant Jean. C'est celui dont il affirme : <i>« C’est de lui que j’ai dit : Après moi vient un homme qui m’a devancé, parce que, avant moi, il était. »</i> (v. 30). C'est le rôle de Jean : témoigner d’un plus grand que lui. Un témoin. Comme un témoin planté dans le sable du désert apparaît avant la lumière, avant qu’on ne perçoive la source de la lumière, mais la lumière l’a précédé. Il n’apparaît qu’en contraste à une lumière qui le déborde infiniment, et qu’on ne voit pas en elle-même parce qu’elle éblouit. Le témoin renvoie à elle. Mais sans lumière, il ne serait jamais apparu. Invisible dans les ténèbres. <i>« Il vient après moi, mais il était avant moi »</i>, dit Jean de Jésus.<br />
<br />
Là est toute la mission et la prédication du prophète : s’abaisser, être simple ombre, pour faire apparaître la lumière. Qui s’abaisse jusqu’à jouer son vrai rôle d’ombre-témoin est signe du Christ ; mais qui s’élève, s’exalte et se prétend lumineux, brillant, exalte sa piété, son savoir, sa beauté, sa richesse, ses titres — autant de pâles loupiotes en regard de la lumière de celui qui est lumière — qui s'élève cherche donc nécessairement à vivre dans les ténèbres pour mettre en relief cela, qui ne se voit pas dans la lumière : si une faible loupiote doit briller, il lui faut du sombre, il ne faut pas qu’elle soit allumée en plein jour…<br />
<br />
Jean a choisi : s’effacer ; plus que briller, être l’ombre, pour vivre dans la lumière, être l’ombre de la lumière, l’ombre qui dévoile la lumière. <br />
<br />
Si la prédication de Jean et son baptême sont l’ombre de la lumière, à combien plus forte raison nos paroles et nos gestes à nous. C’est le baptême spirituel, administré de façon invisible, Esprit soufflé par le Christ, qui sauve — et point les bains et autres ablutions que seules peuvent administrer les hommes. Comme le dit Jean de lui-même, nous n’avons de pouvoir que celui de répandre de l’eau, pas de communiquer l’Esprit. Ainsi, ce ne sont point nos paroles et nos gestes symboliques, aussi pertinents seraient-ils, qui sont vérité — mais c’est la Parole éternelle seule, créatrice de l’univers, cette Parole devenue chair, Jésus, qui peut sauver.<br />
<br />
C’est ainsi qu’à présent le témoin Jean, le Baptiste, nous présente Jésus comme l’homme de l’humilité, <i>« l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde »</i>, réminiscence de l’humilité du serviteur du Livre d’Ésaïe en cette section du Livre d’Ésaïe que nous appelons « Chants du Serviteur ». Un Serviteur que le Baptiste et les témoins du Nouveau Testament reconnaissent en Jésus, désigné à présent comme <i>« l'Agneau de Dieu »</i>.<br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
<i>« Agneau de Dieu »</i>. À cette formule, à l’époque, se superposent des correspondances, essentiellement liées à la Pâque. Cette simple formule de Jean, <i>« l'Agneau de Dieu »</i> signifie alors beaucoup de choses. La signification première étant l’agneau de la fête de la Pâque, l'agneau que l’on mange en famille en se souvenant que sa mort a évité au peuple la mort que subissaient les gens de Pharaon.<br />
<br />
Jésus à son tour rappellera l’utilisation de cette parole lors de la commémoration de son dernier repas. À l’instar de l’agneau, il fait don de soi, solidaire de tous les autres. C'est en s'identifiant au peuple pécheur, que Jésus apparaît comme <i>« agneau de Dieu qui enlève le péché du monde »</i> — qui donc délivre de la mort comme lors de l'Exode. Où l’on retrouve le Serviteur du Livre d'Ésaïe. <br />
<br />
C'est comme un être faible (És 49, 4) au sein d'un peuple opprimé, affaibli, sans force, que le Serviteur du livre d'Ésaïe reçoit de la faveur de Dieu, qui est sa force (v. 5), l'investiture qui en fait son porte-parole jusqu'aux extrémités de la Terre (És 49, 5-6). Un agneau… C'est ce Serviteur-là dont Ésaïe 42 nous disait qu'il n'élève pas la voix, qu'il ne brise pas le roseau blessé, figure qui annonce le ministère de Jésus. Au-delà d’Ésaïe se dessine donc bien l’Agneau de l’Exode auquel Ésaïe renvoie ; ainsi, par-delà l’Exode, qu’à Isaac, le fils d’Abraham au moment de sa ligature demandant : où est l'agneau ? Autant de figures de faiblesse, d’humilité.<br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
… Tout comme l'humilité de Jésus nous rejoint jusqu'à la douleur de sa mort : il nous rejoint jusqu'aux sinuosités de nos égarements, par quoi il nous garantit que rien ne peut nous séparer de l'amour de Dieu (Romains 8, 38-39), pas même nos propres tortuosités. Il <i>« enlève le péché du monde »</i>.<br />
<br />
On est bien alors dans une relecture d'Ésaïe 53 : <i>« il enlève le péché du monde »</i>. Ésaïe 53 : un homme est mis en cause, persécuté, exécuté… Quel délit présumé ? Qu’est-ce qui a mené à la situation qui voit le Serviteur du livre d’Ésaïe subir la violence persécutrice ? Ésaïe l’ignore ! Aucun acte d’accusation, pas de procès verbal. La cause, le prétexte de la mise à mort du Serviteur n’ont manifestement pas d’importance ici ! C’est un prétexte, précisément !<br />
<br />
De même qui est ce Serviteur souffrant ?… Il y a eu de nombreux débats pour savoir de qui il s’agit, sans que l'on parvienne à trancher… Voilà un texte apparemment difficilement compréhensible : sauf à le prendre comme parole — poétique — dévoilant autre chose. Au-delà de l’enracinement historique, que le texte ne donne pas, ce qui est dévoilé là est un phénomène humain, universellement humain…<br />
<br />
On connaît la lecture que René Girard a faite du phénomène universel du sacrifice, et la particularité de la reprise de ce phénomène dans la tradition biblique : toute querelle est le dévoilement d’une imitation les uns des autres dans la convoitise de ce qui est jugé désirable : tous désirent la même chose et cela finit invariablement en conflit. Entre temps, l’objet de la querelle initiale a été oublié, tandis que les rivalités se sont propagées. Le conflit s’est généralisé en <i>« guerre de tous contre tous » — « crise mimétique »</i> dit René Girard.<br />
<br />
Comment cette crise peut-elle se résoudre, comment la paix peut-elle revenir ? Ici, les hommes ont trouvé <i>« l'idée »</i> d'un <i>« bouc émissaire »</i> (le terme réfère à l'animal expulsé au désert chargé symboliquement des péchés du peuple selon Lévitique 16) : au paroxysme de la crise, du conflit de tous contre tous se produit éventuellement un <i>« mécanisme victimaire »</i>, mécanisme salvateur : le conflit généralisé se transforme en un tous contre un (ou une minorité), qui n'a d'ailleurs même pas de rapport avec le problème de départ !<br />
<br />
L’élimination de la victime éteint le désir de violence qui pouvait animer chacun juste avant que celle-ci ne meure. Le groupe — <i>« nous »</i> (v. 2-6) — retrouve alors son calme via « le châtiment qui nous donne la paix » (És 53, v. 5). Cela <i>« nous »</i> concerne (le nombre de <i>« nous »</i> dans les versets 2 à 6). La victime apparaît alors comme fondement de la crise et comme auteur de la paix retrouvée — par une sorte de « plus jamais ça ».<br />
<br />
La caractéristique de la Bible est de révéler que la victime est innocente, ce qu’ignorent les mythes des autres traditions. On est au cœur d’Ésaïe 53 : le persécuté est innocent (v. 6). On comprend dès lors pourquoi les chrétiens ont vu là la figure du Christ, qui n’a sans doute pas manqué de méditer lui-même la profonde leçon d’Ésaïe 53 : la violence est vaincue quand la victime ne joue pas le jeu. <i>« Agneau de Dieu »</i>, qui comme tel, <i>« enlève le péché du monde »</i>, en le dévoilant comme péché : accuser et condamner l'innocent !<br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
L' <i>« Agneau de Dieu »</i>, <i>innocent</i>, nous a rejoints, devant Jean <i>« baptisant en vue de la repentance »</i>, jusqu'à nos repentirs et jusqu'à nos prières. Il nous rejoint jusqu'à nos prières avec tout ce qu'elles peuvent avoir de tortueux, mesquin ou commerçant ; ou au mieux ce qu'elles peuvent avoir de marqué par ce que nous sommes. Le Christ n'a-t-il pas fait siens les Psaumes d'hommes chargés de faiblesses, de désirs de vengeance et d'auto-justifications ? Et c'est pour cela que nous louons Dieu avec les Psaumes, ces Psaumes qui nous ressemblent.<br />
<br />
Jésus nous rejoint dans les faiblesses qui sont les nôtres, et élève par sa mort, dans les eaux de cet autre baptême, qui <i>« lui viennent jusqu'à la gorge »</i> (Ps 69, 2), ces prières de nos faiblesses jusqu'à la gloire de la filiation éternelle. Il nous rejoint, aux pieds du Baptiste, jusque dans nos repentirs, accomplissant toute justice. Et moi j’ai vu et j’atteste qu’il est, lui, le Fils de Dieu, peut dire le Baptiste.<br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Jean, le plus grand des prophètes, en dira Jésus, a su la grandeur du Royaume de Dieu qui se manifeste devant lui en Jésus. La grâce précédant l'univers, devançant les prophètes, qui se présente aujourd'hui, en Jésus Christ — <i>« il était avant moi »</i> —, est plus grande que nos désespoirs. C'est là ce que voient ces premiers disciples que nous présente l'Évangile de Jean : ils voient où Jésus demeure (Jean 1, 39). Dès avant que le monde fût, il demeure dans le sein du Père, d'où il répand la grâce et la vérité.<br />
<br />
C’est tout le sens de ce propos étrange : <i>« Un homme qui m’a devancé, parce que, avant moi, il était. Moi-même, je ne le connaissais pas »</i>. Jean s'efface devant un homme qui vient d’auprès de Dieu en qui il demeure dans toute l’éternité, et qui de la gloire éternelle, s'efface en venant nous rejoindre au cœur de nos réalités, même les plus désespérantes.
<br />
<br />
C'est là l'Agneau de Dieu, le Serviteur humilié, qui ainsi, enlève le péché du monde.</div><br />
<br />
<div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 15/01/23<br />
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<br />
<br />
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</div>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-44670710672778801042023-01-08T08:00:00.033+01:002023-01-08T08:00:00.194+01:00Lumière du monde<div style="text-align: center;"><br />
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<img border="0" data-original-height="472" data-original-width="640" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjeJfRwTsatGTrqPGBAJi_6-IFl71Tc_F5R7jmqR0pmETql4wJopuMNZWTWKCnMu7cHU2P_fVHBkJeGhJuXNQXvPKqPGrZIr50w4NrBiHQARdV9VH1i9kf_yCd-f44rO6u8pKgUuDDlaDPHXYHmZ-U953EGsvx3OO_eOIaWNpWAz8Uf0JkrOZ-MOPd-/s600/lumi%C3%A8re.jpg" width="580" /></div><br />
<br>
<div style="text-align: justify;">
<b>Ésaïe 60, 1-6</b><br />
<blockquote><i>1 Lève-toi, brille, car ta lumière paraît,<br />
Et la gloire du Seigneur se lève sur toi.<br />
2 Car voici que les ténèbres couvrent la terre<br />
Et l’obscurité les peuples ;<br />
Mais sur toi le Seigneur se lève,<br />
Sur toi sa gloire apparaît.<br />
3 Des nations marcheront à ta lumière<br />
Et des rois à la clarté de ton aurore.<br />
4 Porte tes yeux alentour et regarde :<br />
Tous ils se rassemblent,<br />
Ils viennent vers toi ;<br />
Tes fils arrivent de loin,<br />
Et tes filles sont portées sur les bras.<br />
5 A cette vue tu seras radieuse,<br />
Ton cœur bondira et se dilatera,<br />
Quand les richesses seront détournées de la mer vers toi,<br />
Quand les ressources des nations viendront vers toi.<br />
6 Tu seras couverte d'une foule de chameaux,<br />
Ainsi que de dromadaires de Madian et d’Épha ;<br />
Ils viendront tous de Saba ;<br />
Ils porteront de l’or et de l’encens<br />
Et annonceront les louanges du Seigneur.</i></blockquote><br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
(Textes du jour : Ésaïe 60, 1-6 ; Psaume 72 ; Ep 3, 2-3a & 5-6 ; Matthieu 2, 1-12)
<br /><br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Toutes choses ont commencé ainsi : dans une Parole qui fait venir le monde des ténèbres à la lumière — <i>« que la lumière soit, et la lumière fut »</i> ; Parole créatrice qui a fait naître le chaos de 13, 8 milliards d’années pour le jour de la Parole prononcée dans la lumière créatrice ; une Parole qui résonne dans le temps du récit de la Genèse selon la tradition juive il y a 5783 ans.<br />
<br />
Et à nouveau, comme reprise, la promesse d’Ésaïe (ch. 9, v. 1) : <br />
<blockquote><i>Le peuple qui marchait dans les ténèbres<br />
voit une grande lumière.<br />
Sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre,<br />
une lumière resplendit.</i></blockquote>Ce texte lu à Noël nous rappelle que cette même Parole qui fait sortir la vie des ténèbres est à nouveau au recommencement de toute chose. Car le monde, qui n’est pas pleinement sorti de la nuit, est appelé à renaître, à accéder à sa plénitude en paraissant en pleine lumière. Alors, <i>« Lève-toi, brille, car ta lumière paraît ».</i><br />
<br />
C’est cette lumière que nous célébrons, qui nous est donnée comme la vraie lumière qui éclaire tout être humain venant dans le monde.
<br />
<br />
Un monde extrait des ténèbres qui précèdent cette Parole illuminatrice. Ésaïe 9, 1 & 5 :<br />
<blockquote><i>Le peuple qui marchait dans les ténèbres<br />
voit une grande lumière.<br />
Sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre,<br />
une lumière resplendit.<br />
[…]<br />
Car un enfant nous est né,<br />
un fils nous est donné.</i></blockquote><br />
Reprise — <b>Matthieu 2, 1-9</b><br />
<blockquote><i>1 Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des Mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem<br />
2 et demandèrent : "Où est le roi des Judéens qui vient de naître ? Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage."<br />
3 À cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.<br />
4 Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s’enquit auprès d’eux du lieu où le Messie devait naître.<br />
5 "À Bethléem de Judée, lui dirent-ils, car c’est ce qui est écrit par le prophète :<br />
6 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda : car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple."<br />
7 Alors Hérode fit appeler secrètement les Mages, se fit préciser par eux l’époque à laquelle l’astre apparaissait,<br />
8 et les envoya à Bethléem en disant : "Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant ; et, quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que, moi aussi, j’aille lui rendre hommage."<br />
9 Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route ; et voici que l’astre, qu'ils avaient vu à l’Orient, avançait devant eux jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant.</i></blockquote><br />
Voilà donc que se présentent les fameux Mages venus d’Orient (Matthieu 2, 1-12). Les voilà bientôt sacrés rois (en regard d’Ésaïe 60 que nous avons lu, ou du Psaume 72, Psaume de ce jour, etc.), trois rois représentant les trois continents d’alors (Afrique, Asie, Europe), là où Matthieu les présentait comme des sortes de prêtres de la religion mazdéenne d'alors, la religion des Mages. Selon la prophétie d’Ésaïe, le Messie biblique concerne aussi les païens / les nations.<br />
<br />
Les nations comme son peuple s’originent en la Parole créatrice qui est <i>« la lumière du monde »</i> (Jean 8, 12), avant la lumière naturelle (Jean 1, 9-10). Lorsqu'elle s'exprime, la lumière apparaît : <i>« Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière fut »</i> (Genèse 1, 3). Cette vraie lumière est la lumière spirituelle dans laquelle le monde prend forme.<br />
<br />
Cette lumière nous est donnée comme celle de Noël, ici symbolisée dans un astre se levant à l’Orient. Le déroulement ultérieur de la création est le développement de l’illumination donnée à Noël, illumination du monde pour sa sortie du chaos et des ténèbres. Les choses s’ordonnent en se distinguant, en se séparant : ainsi en premier, dit la Genèse, le jour d’avec la nuit.<br />
<br />
C’est cette même Parole qui nous fait venir à l’être qui peut aussi nous faire venir à la vie de Dieu, à la vie éternelle, pourvu que nous l’accueillions. Car le monde, dès lors qu’il ne reçoit pas cette Parole par laquelle il existe, est dans les ténèbres, selon que c’est cette Parole qui sépare la lumière des ténèbres.<br />
<br />
Cette Parole de lumière est venue à Noël, comme petit enfant, de sorte que nous puissions l’accueillir le plus simplement… Donnant, à qui l’accueille, le pouvoir de devenir enfant de Dieu. Autant de porteurs de cette Parole qui fait venir à la vie, lesquels ne sont pas nés de la chair, mais de Dieu. Recevoir la Parole qui fait advenir à la vie dans l’éternité.<br />
<br />
Face à cela, les ténèbres naturelles sont le signe qu’il est une seule limite au déploiement de la lumière. Ne pas l’accueillir. Mais que de possibilités s’ouvrent au contraire par cet accueil : le pouvoir de devenir enfants de Dieu, par l’accueil, dans la foi, de cette Parole et de sa lumière. C'est là le vrai cadeau de Noël.<br />
<br />
<b>Matthieu 2, 10-11</b><br />
<blockquote><i>10 À la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie.<br />
11 Entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe.</i></blockquote><br />
Que cette Parole, dont nous célébrons la naissance en Marie il y a deux mille ans, Parole éternelle qui nous a créés, promise à une souveraineté sans fin, Parole éternelle qui nous illumine — naisse en chacun de nous pour nous rendre féconds en Dieu.<br />
<br />
<b>Ésaïe 60, 1-3</b><br />
<blockquote><i>1 Lève-toi, brille, car ta lumière paraît, Et la gloire du Seigneur se lève sur toi.<br />
2 Car voici que les ténèbres couvrent la terre Et l'obscurité les peuples ;<br />
Mais sur toi le Seigneur se lève, Sur toi sa gloire apparaît.<br />
3 Des nations marcheront à ta lumière Et des rois à la clarté de ton aurore.</i></blockquote><br />
Que cette Parole fasse germer en nous la grâce de l’accueillir d’où qu’elle vienne ; de ne pas endurcir notre cœur lorsque nous l’entendons où nous ne l’attendrions pas ; car Dieu a pour habitude de déguiser ses anges, comme il a déguisé Marie et Joseph en étrangers que l’on n’a pas su accueillir. Accueillir la Parole créatrice, illuminatrice, source de la vie nouvelle. Cette Parole nous est donnée comme le Fils unique de Dieu, « Prince de la paix » en qui demeure pour nous le pouvoir de devenir enfants de Dieu. <br />
<br />
<b>Matthieu 2, 12</b><br />
<blockquote><i>Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d’Hérode, les Mages se retirèrent dans leur pays par un autre chemin.</i></blockquote></div><br />
<br />
<div style="text-align: right;">RP, Poitiers, 8/01/2023<br />
<a href="https://docs.google.com/document/d/1vstJee-5ZYqZR9TnyrzNXgyO0H9GkQ8CqH3SHrdeUes/edit?usp=sharing" target="_blank">Culte en entier</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/19WwYO_cI1qKcvFtfsaf8NDotLNA-5hvVMJOmM2hMiAI/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
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</div>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-5169576409152961882023-01-01T08:00:00.052+01:002023-01-01T18:05:24.942+01:00 Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! Paix sur la terre<div style="text-align: justify;"><br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><img height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjNNOif6Nm_QCLNjlh3nett_9PjBWLx2qD-eKJE69pn_DrUVMWFt3vDT_0nQae5n2ERPjgVnMSAl_DwKsnWukbsb9FYUcBrpmHp9j9YsPcsCUdag163RAuucCrHdCbOWbKbbpPlv64sXMcvnR2MO2s3BZrf_JjS8qlG90oRsQrC1Y8KqIPVeoUTzXc3/s1131/f8fc8fb_225196677-Leemage.fsn0827.jpg" title="Illustration du Paradis de Dante par Gustave Doré (détail)" width="580" /></div>
<br />
<br />
<b>Nombres 6, 24-26</b>
<blockquote><i>Que le Seigneur te bénisse et te garde !<br />
Que le Seigneur fasse rayonner sur toi son visage et t’accorde sa grâce !<br />
Que le Seigneur porte sur toi son regard et te donne la paix !</i><br />
</blockquote><br />
<b>Luc 2, 13-21</b> <br />
<blockquote><i>13 Et soudain il se joignit à l’ange [qui vient d'annoncer aux bergers la naissance du Christ] une multitude de l’armée céleste, qui louait Dieu et disait :<br />
14 "Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien-aimés."<br />
15 Lorsque les anges se furent éloignés d’eux vers le ciel, les bergers se dirent les uns aux autres : Allons donc jusqu’à Bethléem, et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître.<br />
16 Ils y allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph, et le nouveau-né dans la crèche.<br />
17 Après l’avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été dit au sujet de ce petit enfant.<br />
18 Tous ceux qui les entendirent furent dans l’étonnement de ce que leur disaient les bergers.<br />
19 Marie conservait toutes ces choses, et les repassait dans son cœur.<br />
20 Et les bergers s’en retournèrent en glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, conformément à ce qui leur avait été dit.<br />
21 Quand le huitième jour fut accompli, il fut circoncis et fut appelé Jésus, du nom indiqué par l’ange avant sa conception.</i></blockquote><br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
(Lectures du jour : Nombres 6, 22-27 ; Psaume 67 ; Galates 4, 4-7 ; Luc 2, 16-21)
<br /><br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
<i>« Gloire à Dieu au plus haut des cieux »</i> ont chanté les anges — <i>« multitude de l’armée céleste »</i> (v. 13-14). Il s’est passé là quelque chose d’extraordinaire, qui fait chanter toute la Création visible et invisible.<br />
<br />
D’un côté toute la puissance — la Création et ses fondements célestes, les armées célestes ; de l’autre l’humilité de la crèche où naît le souverain de toutes ces armées célestes. <br />
<br />
Les armées célestes viennent de se joindre à l’ange annonciateur, bouleversant mystère propre à terroriser les bergers. Un ange, même annonciateur d’une bonne nouvelle, est toujours impressionnant. Alors, quand s’y joint toute la <i>« multitude de l’armée céleste »</i>…<br />
<br />
Mais voilà donc que la chose essentielle, celle qu’ils chantent là, s’est passée à Bethléem, s’est passée dans l’humilité, et concerne celui qui vaut que toutes les puissances de .la Création y joignent leur louange.<br />
<br />
Cela concerne les bergers, et nous concerne avec eux. Cela aussi les anges le clament ! C’est le deuxième aspect de leur chant de louange : <i>« paix sur la terre parmi les hommes au bénéfice de sa bienveillance »</i>(v. 14) <br />
<br />
La paix de Dieu, sa bienveillance accordée en plénitude, et signifiée ici dans la banalité que porte l’apparence de l’enfant pour qui s’élève la louange de toute la Création, cette paix se donne à expérimenter dans la bienveillance qui en découle parmi les hommes, puis depuis les hommes qui deviennent par leur bienveillance autant de signes de ce que la bienveillance divine est effectivement octroyée — et qu’elle se répand.<br />
<br />
Là est tout le contraste que nous donne ce chant de louange angélique entre la puissance divine dans la Création, la magnificence du Créateur, et son effacement dans l’enfant en lequel il vient à nous.<br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
À ce moment le récit entre dans toute son humilité, sa simplicité, ce que nous savons communément nous figurer : <i>« Marie, Joseph, et le nouveau-né dans la crèche »</i> (v. 16). Mais là est tout le salut ! <i>« Après l’avoir vu, les bergers racontèrent ce qui leur avait été dit au sujet de ce petit enfant »</i> (v. 17). Rien de plus à dire ! <br />
<br />
Qu’à s’étonner, comme l’ont fait les auditeurs des bergers (v. 18), et à méditer, comme la mère de l’enfant : <i>« Marie conservait toutes ces choses, et les repassait dans son cœur »</i> (v. 19). Et reprendre nos chemins avec les bergers qui « s’en retournèrent en glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, conformément à ce qui leur avait été dit » (v. 20).<br />
<br />
L’enfant, lui aussi, poursuit sa route d’humilité, chemin de tous les humains, chemin de ceux de son peuple. Déjà ses parents le mènent sur ce chemin et le présentent à sa circoncision : <i>« quand le huitième jour fut accompli, il fut circoncis et fut appelé Jésus, du nom indiqué par l’ange avant sa conception »</i> (v. 21).<br />
<br />
Signe extraordinaire à nouveau de ce qu’en lui est le salut des nations, — salut qui selon les promesses des prophètes, découle de Jérusalem (où va se poursuivre le récit), ville, en cet espace romain des nations, du peuple de la circoncision, Cité des origines et demain Cité céleste. Ce signe est en ce que l’Église, qui rassemble les nations autour de cet enfant, datera ses années, non pas du jour de sa naissance, mais du jour de sa circoncision : nous avons fêté sa naissance il y a huit jours. Aujourd’hui, 1er jour de l’année nouvelle, est commémoration de sa circoncision.<br />
<br />
Le Créateur tout-puissant célébré par les armées célestes a bien répandu sa bienveillance, depuis le cœur de Jérusalem, envers toutes les nations, pour que comme en cascades cette bienveillance qui jaillit de la crèche de l’enfant jusqu’en sa résurrection, se répande désormais parmi les hommes et les femmes ce monde et par les hommes et les femmes de ce monde.<br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Et cela se donne dans ce simple dévoilement : <i>« Christ, Dieu et homme, ne fait qu’une seule personne. Si je veux trouver Dieu, je vais le chercher dans l’humanité du Christ. Aussi, quand nous réfléchissons à Dieu, nous faut-il perdre de vue l’espace et le temps, car Notre-Seigneur Dieu, notre créateur est infiniment plus haut que l’espace, le temps et la création. »</i> J’ai cité Martin Luther (<i>Propos de Table</i>, Aubier 1992, p. 204).<br />
<br />
Dans l’espace et le temps, il a donné ce signe de sa présence aux bergers, puis par eux à tous : l’humanité du Christ.<br />
<br />
<i>« Les bergers s’en retournèrent en glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu »</i> (Luc 2, 20)… Que ce chemin des bergers soit celui qui s’ouvre dès à présent pour chacun de vous et de ceux qui vous sont chers… Ce sont les vœux que je formule pour chacune et chacun de vous pour 2023…</div><br />
<br />
<div style="text-align: right;">R.P. Châtellerault, 01.01.23<br />
<a href="https://docs.google.com/document/d/1D9P5D762J24Zs36KVDnx-I_zSH8H_fqNpbmFz0vPbHY/edit?usp=sharing" target="_blank">Culte en entier</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/18zgTv4516a5n6blep1sNX1v-_V8rakl_Nbqz2L5AXLY/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
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<br />
<br />
</div>Roland Poupinhttp://www.blogger.com/profile/02135611251205466793noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4539293390001197219.post-30861005968395909632022-12-25T08:00:00.144+01:002022-12-25T18:57:24.888+01:00Noël nouvelle Création - Le Prologue de Jean, lecture de la Genèse<div style="text-align: center;"><br />
<br />
<img border="0" height="420" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh1nHH4CYTso3zSwq9ThghCEEqakFRXj8CQT4ZEGxNr6VHG7HbTUM1XJsqiE4ABRAe-StpWz3grkJ5__6yyAJW9gcOpAyvXW-6dbUU0T_3LXi6LxRBY8W0iQ1dZBQEGkyDjbzEeu0A0cH_8xliKhZVvhv2v53RfeZlSTYamIdW907Vf5tjWXyfLxU2d/s600/boul.jpg" width="580" /></div>
<br />
<b>Jean 1, 1-18</b><br />
<blockquote><i>1 Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.<br />
2 Elle était au commencement avec Dieu.<br />
3 Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.<br />
4 En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.<br />
5 La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.<br />
6 Il y eut un homme envoyé de Dieu : son nom était Jean.<br />
7 Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui.<br />
8 Il n’était pas la lumière, mais il parut pour rendre témoignage à la lumière.<br />
9 Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme.<br />
10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue.<br />
11 Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont point reçue.<br />
12 Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu,<br />
13 lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.<br />
14 Et la parole est devenue chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.<br />
15 Jean lui a rendu témoignage, et s’est écrié : C’est celui dont j’ai dit : Celui qui vient après moi m’a précédé, car il était avant moi.<br />
16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce ;<br />
17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.<br />
18 Personne n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître.</i></blockquote><br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
<div style="text-align: justify;">(Textes du jour : Ésaïe 52.7-10 ; Psaume 98 ; Hébreux 1.1-6 ; Jean 1.1-18)<br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Au début du récit de la Genèse : <i>« Dieu dit que la lumière soit, et la lumière fut »</i> (Gn 1, 3)… En écho et relecture — <i>« Au commencement était la Parole — "Dieu dit" —, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes »</i>… Les hommes : versets 26-28 du récit de la Genèse, l’être humain, homme et femme, arrive comme au terme d'un projet divin… <br />
<br />
<i>« La vie était la lumière des hommes »</i> : aux origines, la lumière, et presque au terme du récit… les êtres humains — Genèse 1, 26-28 : <i>« Dieu dit : "Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance […]". Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, mâle et femelle il les créa. […] »</i><br />
<br />
Une Création bouleversante, sur laquelle s'étonne le Psaume 8 :<br />
<blockquote><i>3 Quand je contemple tes cieux, ouvrage de tes mains, La lune et les étoiles que tu as créées :<br />
4 Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui ? Et le fils de l’homme, pour que tu prennes garde à lui ?<br />
5 Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu, Et tu l’as couronné de gloire et de magnificence.</i></blockquote>
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
<i>« Quand je contemple tes cieux »</i> : c'est peu de le dire au temps du Psalmiste ! Aujourd'hui, on estime que l'univers observable compte quelques 2 000 milliards de galaxies, selon les études les plus récentes (si mes renseignements sont à jour), dont les galaxies dites « de masse significative », selon le vocabulaire consacré, contiennent chacune quelques centaines de milliards d’étoiles — les nombres avancés n’étant pas limitatifs…
<br />
<br />
L'univers dans son ensemble, dont l'extension réelle n'est pas connue, est susceptible de compter un nombre immensément plus grand de galaxies. Bref, quelques centaines de milliards de galaxies de masse significative sans compter les galaxies moins grandes, et donc plus difficilement observables, et les autres qui nous échappent !
<br />
<br />
Notre galaxie, la Voie lactée, une seule de ces 2 000 milliards de galaxies, a une extension de l'ordre de 100 000 années-lumière. C’est-à-dire que l’on perçoit les étoiles lointaines de notre seule galaxie comme elles étaient il y a 100 000 ans. Et notre galaxie est donc une seule de ces galaxies de quelques centaines de milliards d'étoiles.
<br />
<br />
Le soleil est une des centaines de milliards d’étoiles de cette galaxie, elle-même une parmi quelques centaines de milliards de galaxies semblables observables. Le soleil est donc l’étoile de notre système solaire, autour duquel tourne la terre — sur laquelle, fêtant Noël, nous nous questionnons sur tout cela aujourd’hui.<br />
<br />
Lorsqu’on lit de nos jours : <i>« Au commencement Dieu créa les cieux et la terre »</i>, on est renvoyé, en tout cas pour la partie visible « des cieux et de la terre », à cette dimension-là des choses. Voilà qui met les choses en perspective, et qui semble bien vertigineux en regard de nos préoccupations ! Troublant en un sens, car on pourrait se dire, en considérant ce que je viens d’essayer de résumer très brièvement, que tout ça est le fait du hasard, la vie terrestre un mini-bouillon de culture hasardeux dans l’univers. <br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
… Mini-bouillon de culture débouchant sur une civilisation humaine. Puisque donc il y a une civilisation terrestre, et puisqu’on y parle de Dieu, à l’origine de tout ce qui existe et dévoilé comme tel aux êtres humains qui ont développé, outre une civilisation humaine, pas mal de réflexions sur ces questions, posons-nous, en toute humilité, la question de ce que nous faisons ici.<br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
Une tradition du judaïsme envisage qu’avant d’en venir à la Création que nous connaissons, avec des êtres humains qui travaillent, se reposent, s’agitent, se marient, procréent, etc., Dieu a fait une série d’essais finalement non-concluants. C’est parmi ces essais que certains modernes placent par exemple l’ère des dinosaures… On pourrait y voir aussi l'infini des galaxies, et leur point de départ dans le Big bang !… <br />
<br />
Mais laissons les dinosaures et les galaxies, pour simplement poser la question des essais en question, en rapport non plus avec un lointain passé de notre planète, mais en rapport avec la dimension apparemment infiniment minuscule de celle-ci dans l’univers.<br />
<br />
Dans l’hypothèse « essai », façon laboratoire de la Création, l’infiniment minuscule pourrait ne l’être pas tant que ça ! Une des avant-gardes d’un projet à l’échelle du projet de Dieu, scellé dans son Nom, plus vaste que l’univers. Selon la Bible, Dieu a toujours procédé comme ça. De l’infime… Un individu, un couple : Abraham et Sarah, d’où part une Alliance qui va emporter la Création, à commencer par être en bénédiction à une échelle plus que surprenante, bénédiction pour toutes les nations… <br />
<br />
Et vint Jésus, d’abord cet enfant inconnu dans une obscure étable, cela dans une obscure province éloignée aux marges de l’Empire romain, ce moment de l’histoire infime de cette infime planète dans l'univers.<br />
<br />
Et si l’expérience humaine — cette sorte de laboratoire — était de cet ordre, dans le projet de Dieu ? — trouvant son aboutissement en cet enfant — qui, ressuscité, <i>« a reçu le Nom qui est au-dessus de tout nom »</i> (Ph 2, 9) — en qui la parole créatrice, la lumière des origines, nous rejoint — parole devenue chair. Où ce qui se vit de minuscule peut prendre une signification surprenante ! Dévoilement de Dieu comme celui qui est autre, dans une gloire inaccessible, et qui est notre vis-à-vis — donné dans la plus humble des humilités.
<br />
<br />
<div style="text-align: center;">*</div><br />
… Avec, au terme de l’Évangile de Jean, une nouvelle reprise de la Genèse : comme Adam recevait le souffle qui l’animait, le Ressuscité souffle sur ses disciples et leur dit : <i>« recevez l’Esprit saint »</i> (Jn 20, 22). Après le v. 1 du Prologue reprenant la Genèse, <i>« au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu »</i>, nous est donné, à nouveau en écho à la Genèse, le troisième terme du futur vocable « Trinité »…
<br /><br />
C'est de cette façon que dans un coin infime de l’univers, est promis et donné à notre foi, dans un enfant naissant dans la plus humble des humilités, parole de lumière devenue chair, le dévoilement du projet à l’origine de l’univers : une nouvelle création, initiée à Noël, précédant la création des univers.
</div><br />
<br />
<div style="text-align: right;">RP, Poitiers, Noël, 25/12/22<br />
<a href="https://docs.google.com/presentation/d/1Mg4dGFNPlLUQgsR7wkLDokje7n8OKOqOBOwTdnlkuTU/edit?usp=sharing" target="_blank">Diaporama</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1g8TSNDM8yOem36r69QVDd166jS5kPQBI0xWCA1V-Nds/edit?usp=sharing" target="_blank">Culte en entier</a> :: :: <a href="https://docs.google.com/document/d/1OeY2nFe6fvwr5YCpk09VMG8lP3YQMvv9ybusd_iNWZ8/edit?usp=sharing" target="_blank">Prédication (format imprimable)</a>
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