Genèse 12.1-8 ; Psaume 33 ; 2 Timothée 1.8-10 ; Matthieu 17.1-9
2 Timothée 1, 8-10
Matthieu 17, 1-9
« Une grâce, qui nous avait été donnée avant les temps éternels dans le Christ Jésus. Elle a été manifestée maintenant par l’apparition de notre Sauveur, le Christ Jésus » (2 Timothée 1, 9b-10a).
N’est-ce pas là ce que nous enseigne la transfiguration ? L’apparition de notre Sauveur ! Le Christ éternel…
« Nul n’a jamais vu Dieu », souligne l’Évangile de Jean, qui précise : « Dieu Fils unique seul l’a fait connaître. » Serait-ce que l’on verrait, désormais ? Avoir « fait connaître Dieu » l’aurait-il rendu visible ? Dieu dévoilé dans sa Gloire : n’est-ce pas ce que signifie la rencontre de Jésus ressuscité ou, avant même le dimanche de Pâques, au jour de la Transfiguration ? Dieu serait-il devenu donc devenu comme visible, ou imaginable ? En effet, puisque, comme chrétiens, nous confessons avoir connu Dieu dans l’humanité du Christ, la gloire céleste du Fils de Dieu serait-elle donc devenue visible dans l’humanité du Christ ?
Mais ne serait-ce alors pas là la satisfaction d'une tentation immémoriale ? Voir Dieu. Déjà dans l’Exode, à Moïse : « fais-nous des dieux qui marchent devant nous » ! Cela ne correspond-il pas d’ailleurs à la tentation de Jésus lui-même, au désert : rendre Dieu visible en levant le voile de son humanité et en se montrant dans sa gloire céleste ? C’est bien le cœur de sa tentation ! « Montre-toi comme tu es, Fils éternel de Dieu ! » a dit le diable. Or, Jésus a résisté : quant à sa gloire, son ministère se déroulera dans le secret, dans l’anonymat.
La Transfiguration est alors le moment où trois disciples reçoivent le privilège de voir lever un instant ce secret de la gloire cachée de celui qui demeure dans l’éternité auprès du Père. Secret qui ne sera pleinement levé pour la foi des croyants qu’au dimanche de Pâques, et universellement lors de la Parousie.
Un dévoilement d’un instant qui nous dit dès lors que l’humanité de Jésus est l’humanité du Fils de Dieu, l’humanité en laquelle Dieu nous rencontre, l’humanité même de Dieu ! Et cette humanité-même, à laquelle Jésus n’a pas voulu renoncer, est au-delà de nos capacités de compréhension et de vision. On n'a pas prise sur lui, pas même sur son humanité.
Mais ça, c’est tout de même troublant, d’autant que cela bouleverse notre humanité propre. Où apparaît alors pour nous, la tentation, inverse en quelque sorte ; inverse, celle-là, à celle qu’a subie Jésus : avoir quand même prise sur lui ; connaître le Christ « selon la chair ». En d’autres termes, vouloir un Christ à notre mesure — contre ce qu’en dévoile la Transfiguration. Un Christ que nous continuerions à voir en quelque sorte, de nos yeux… Contre ce qu’en dévoile la Transfiguration !
« Nous ne connaissons plus selon la chair », nous avertit Paul selon sa foi au Ressuscité. C’est la même leçon que tire de la Transfiguration la seconde Épître de Pierre : « ce n’est pas en nous mettant à la traîne de fables sophistiquées que nous vous avons fait connaître la venue puissante de notre Seigneur Jésus Christ, mais pour l’avoir vu de nos yeux dans tout son éclat. Car il reçut de Dieu le Père honneur et gloire, quand la voix venue de la splendeur magnifique de Dieu lui dit : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir.” Et cette voix, nous-mêmes nous l’avons entendue venant du ciel quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. » (2 Pierre 1, 16-18).
Cela n’empêchera pas de voir prospérer ce désir récurrent d’un Christ « selon la chair ». C’est ainsi que les Christ à notre image vont foisonner. Un Christ accessible non seulement à nos yeux, mais jusqu’à l’analyse de nos laboratoires de recherche, voire de nos scalpels. Des chrétiens parmi les chercheurs se réjouissent même de trouver — disent-ils —, des traces nombreuses de ce qu'il est convenu d'appeler le « Jésus de l’Histoire » ; à partir desquelles « traces » se dessinent régulièrement des portraits et autres « biographies », distinctes des Évangiles, dans des ouvrages promis au statut de best-sellers, preuve que leur souci est aussi largement celui du grand public.
Or que font-ils, ces biographes ? Comme tous les auteurs, mais ici par le détour par Jésus, ils parlent d’eux-mêmes. Et foisonnent les Christ, toujours au goût, à la mode du jour.
D’autres parmi les chercheurs, parmi les non-croyants ceux-là, ont en revanche pour projet de mettre en question le christianisme : eux aussi parlent d’eux-mêmes — et se réjouissent pour leur part qu’il y ait aussi peu de traces dans les Évangiles de ce Jésus dit « de l’Histoire » distinct du Christ de la foi. En fait, ce n'est pas qu'il y en a peu, c'est qu'il n’y en a pas, aucune qui ne se trouve hors des récits que nous avons !… Qui sont des évangiles.
Mais les traces d’un personnage historique, distinct des récits évangéliques ? Eh bien (hors quelque mention floue dans deux ou trois textes antiques), on n’en a donc pas, pas plus aujourd’hui qu'hier. Rien qui permette de faire un portrait !
« Nous ne connaissons plus selon la chair », écrit Paul — sous-entendu : depuis sa résurrection. Or, tous les textes évangéliques ont été écrits après la Résurrection. Paul n’a pas vu !… — mais, me direz-vous peut-être, Pierre, lui, a vu, il était là lors de la Transfiguration ; et la 2ème Épître de Pierre nous en parle (2 Pierre 1, 16-19) : quelle chance ! Va-t-il-nous décrire quelque chose, qui soit enfin vraiment crédible pour nos chercheurs ? Eh bien non ! Comme Paul, Pierre ne nous parlera pas de l’homme Jésus autrement que comme le Fils de Dieu venu en chair, existant dans l’Éternité, en dehors de l’Histoire, Histoire où il nous a rejoints, Fils de Dieu fait homme.
C’est cela que nous disent les récits de la Transfiguration, celui de Matthieu (ou de Marc ou Luc) ou celui de Pierre : ce Jésus que vous avez côtoyé n’est autre que le Fils éternel de Dieu. « Écoutez-le ». Écoutez-le aujourd’hui, précisera l’Épître de Pierre dans les Écritures : « nous avons la parole des prophètes qui est la solidité même ».
Revenons donc aux Prophètes, à la Loi et aux Prophètes. Ils ont désigné Jésus depuis le commencement. Voilà ce dont se souviennent Pierre et les Évangiles. La Loi et les Prophètes, à savoir Moïse et Élie dans le récit de la Transfiguration selon les Évangiles.
Le récit de la Transfiguration est profondément enraciné dans la mémoire du Sinaï (cf. Exode 24) : la montagne (Ex 24, 1 & 12-13), les six jours (Ex 24, 16), les trois personnes : Aaron, Nadav et Avihou (Ex 24, 1 & 9), la nuée et la voix (Ex 24, 15-17)… Derrière cette histoire, il y a le rappel du Sinaï où Moïse est médiateur de la Loi, la Torah. Et comme pour la Torah, ce qui est en bas renvoie à ce qui est en haut. Un tabernacle terrestre, ainsi le rappelle l’Épître aux Hébreux, signe d’un Tabernacle céleste contemplé par Moïse. En bas : trois disciples. En haut, trois figures célestes : Jésus, Moïse et Élie. Moïse et Élie, « la Loi et les Prophètes ». Entre les deux, le Fils de l’Homme qui est dans les cieux, en haut ; — et en bas, un projet de tabernacles, de tentes (selon que, Jn 1, 14, « il a “tabernaclé” parmi nous »).
Et au Sinaï qu’en est-il de ce qu’on voit ? — : une voix, une voix que le peuple voit : « vous avez vu la voix de Dieu », est-il dit au peuple au Sinaï. Et aussi, on peut le remarquer, la voix et la présence d’Élie orientent aussi vers l’attente du Messie à la fin des temps, selon le livre du Prophète Malachie. Les visions du Prophète Daniel sur la venue du Royaume. Plusieurs d’entre vous ne mourront pas avant d’avoir vu le Royaume disait Jésus juste avant la Transfiguration. Alors, qu’ont retenu finalement les trois disciples ? Pas grand chose à voir. Une Parole : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. Écoutez-le ! »…
Et quant à la vision proprement dite, le récit de l’épisode marque rien moins qu’un embarras : blancheur éclatante, comme la lumière, et puis bonheur. Pour fixer leur bonheur, comme si c’était possible, les disciples n’ont d’autre idée que de dresser des tentes ! Et pourquoi pas : on peut imaginer qu’ils pensent aux tabernacles de la fête du même nom — référence à l’Exode (cf. aussi Jean 1, 14 cit. supra : « il a “tabernaclé” parmi nous »). Mais la présence du Fils de Dieu ne se fixe pas.
Les disciples se trouvent en présence de celui qui manifestement vient du ciel, qui provient d’au-delà de l’Histoire et dont la Loi et les Prophètes ont parlé et parlent encore, celui auquel toute l’Histoire biblique, de Moïse, les commencements, à Élie, celui qui vient à la fin, ne cesse de renvoyer ; celui qui est au-delà de l’Histoire du commencement jusqu’à la fin, et qui est en ces jours au milieu d’eux, dans leur histoire. Il ne nous est pas donné pas d’autre Jésus de l’Histoire que celui-là.
Ce Jésus-là n’est autre que le Ressuscité. C’est ce qu’ont compris les disciples, plus tard. C’est bien le Ressuscité qui leur est apparu ce jour-là, avant même la crucifixion, celui qui demeure dans le sein du Père dans toute l’Éternité, celui en qui vient le Royaume ; qu’ils ont donc contemplé dans la Gloire avant même leur mort. Et on a retenu la voix qui a retenti : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. Écoutez-le ! ». Écoutez ce que Dieu vous dit par lui. Déjà le Royaume est à l’intérieur de vous…
Voici donc ce qu’il nous reste à nous de l’apparition aux trois disciples : il nous reste plénitude de la grâce apparue qui est dans cette parole : « celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. Écoutez-le ! »
2 Timothée 1, 8-10
8 N’aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur et n’aie pas honte de moi, prisonnier pour lui. Mais souffre avec moi pour l’Évangile, comptant sur la puissance de Dieu,
9 qui nous a sauvés et appelés par un saint appel, non en vertu de nos œuvres, mais en vertu de son propre dessein et de sa grâce. Cette grâce, qui nous avait été donnée avant les temps éternels dans le Christ Jésus,
10 a été manifestée maintenant par l’apparition de notre Sauveur, le Christ Jésus. C’est lui qui a détruit la mort et fait briller la vie et l’immortalité par l’Évangile.
Matthieu 17, 1-9
1 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et les emmène à l’écart sur une haute montagne.
2 Il fut transfiguré devant eux : son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs comme la lumière.
3 Et voici que leur apparurent Moïse et Élie qui s’entretenaient avec lui.
4 Intervenant, Pierre dit à Jésus : "Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Élie."
5 Comme il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les recouvrit. Et voici que, de la nuée, une voix disait : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. Écoutez-le !"
6 En entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre, saisis d’une grande crainte.
7 Jésus s’approcha, il les toucha et dit : "Relevez-vous! soyez sans crainte!"
8 Levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus, lui seul.
9 Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre: "Ne dites mot à personne de ce qui s’est fait voir de vous, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité des morts."
*
« Une grâce, qui nous avait été donnée avant les temps éternels dans le Christ Jésus. Elle a été manifestée maintenant par l’apparition de notre Sauveur, le Christ Jésus » (2 Timothée 1, 9b-10a).
N’est-ce pas là ce que nous enseigne la transfiguration ? L’apparition de notre Sauveur ! Le Christ éternel…
« Nul n’a jamais vu Dieu », souligne l’Évangile de Jean, qui précise : « Dieu Fils unique seul l’a fait connaître. » Serait-ce que l’on verrait, désormais ? Avoir « fait connaître Dieu » l’aurait-il rendu visible ? Dieu dévoilé dans sa Gloire : n’est-ce pas ce que signifie la rencontre de Jésus ressuscité ou, avant même le dimanche de Pâques, au jour de la Transfiguration ? Dieu serait-il devenu donc devenu comme visible, ou imaginable ? En effet, puisque, comme chrétiens, nous confessons avoir connu Dieu dans l’humanité du Christ, la gloire céleste du Fils de Dieu serait-elle donc devenue visible dans l’humanité du Christ ?
Mais ne serait-ce alors pas là la satisfaction d'une tentation immémoriale ? Voir Dieu. Déjà dans l’Exode, à Moïse : « fais-nous des dieux qui marchent devant nous » ! Cela ne correspond-il pas d’ailleurs à la tentation de Jésus lui-même, au désert : rendre Dieu visible en levant le voile de son humanité et en se montrant dans sa gloire céleste ? C’est bien le cœur de sa tentation ! « Montre-toi comme tu es, Fils éternel de Dieu ! » a dit le diable. Or, Jésus a résisté : quant à sa gloire, son ministère se déroulera dans le secret, dans l’anonymat.
La Transfiguration est alors le moment où trois disciples reçoivent le privilège de voir lever un instant ce secret de la gloire cachée de celui qui demeure dans l’éternité auprès du Père. Secret qui ne sera pleinement levé pour la foi des croyants qu’au dimanche de Pâques, et universellement lors de la Parousie.
Un dévoilement d’un instant qui nous dit dès lors que l’humanité de Jésus est l’humanité du Fils de Dieu, l’humanité en laquelle Dieu nous rencontre, l’humanité même de Dieu ! Et cette humanité-même, à laquelle Jésus n’a pas voulu renoncer, est au-delà de nos capacités de compréhension et de vision. On n'a pas prise sur lui, pas même sur son humanité.
Mais ça, c’est tout de même troublant, d’autant que cela bouleverse notre humanité propre. Où apparaît alors pour nous, la tentation, inverse en quelque sorte ; inverse, celle-là, à celle qu’a subie Jésus : avoir quand même prise sur lui ; connaître le Christ « selon la chair ». En d’autres termes, vouloir un Christ à notre mesure — contre ce qu’en dévoile la Transfiguration. Un Christ que nous continuerions à voir en quelque sorte, de nos yeux… Contre ce qu’en dévoile la Transfiguration !
« Nous ne connaissons plus selon la chair », nous avertit Paul selon sa foi au Ressuscité. C’est la même leçon que tire de la Transfiguration la seconde Épître de Pierre : « ce n’est pas en nous mettant à la traîne de fables sophistiquées que nous vous avons fait connaître la venue puissante de notre Seigneur Jésus Christ, mais pour l’avoir vu de nos yeux dans tout son éclat. Car il reçut de Dieu le Père honneur et gloire, quand la voix venue de la splendeur magnifique de Dieu lui dit : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir.” Et cette voix, nous-mêmes nous l’avons entendue venant du ciel quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. » (2 Pierre 1, 16-18).
Cela n’empêchera pas de voir prospérer ce désir récurrent d’un Christ « selon la chair ». C’est ainsi que les Christ à notre image vont foisonner. Un Christ accessible non seulement à nos yeux, mais jusqu’à l’analyse de nos laboratoires de recherche, voire de nos scalpels. Des chrétiens parmi les chercheurs se réjouissent même de trouver — disent-ils —, des traces nombreuses de ce qu'il est convenu d'appeler le « Jésus de l’Histoire » ; à partir desquelles « traces » se dessinent régulièrement des portraits et autres « biographies », distinctes des Évangiles, dans des ouvrages promis au statut de best-sellers, preuve que leur souci est aussi largement celui du grand public.
Or que font-ils, ces biographes ? Comme tous les auteurs, mais ici par le détour par Jésus, ils parlent d’eux-mêmes. Et foisonnent les Christ, toujours au goût, à la mode du jour.
D’autres parmi les chercheurs, parmi les non-croyants ceux-là, ont en revanche pour projet de mettre en question le christianisme : eux aussi parlent d’eux-mêmes — et se réjouissent pour leur part qu’il y ait aussi peu de traces dans les Évangiles de ce Jésus dit « de l’Histoire » distinct du Christ de la foi. En fait, ce n'est pas qu'il y en a peu, c'est qu'il n’y en a pas, aucune qui ne se trouve hors des récits que nous avons !… Qui sont des évangiles.
Mais les traces d’un personnage historique, distinct des récits évangéliques ? Eh bien (hors quelque mention floue dans deux ou trois textes antiques), on n’en a donc pas, pas plus aujourd’hui qu'hier. Rien qui permette de faire un portrait !
« Nous ne connaissons plus selon la chair », écrit Paul — sous-entendu : depuis sa résurrection. Or, tous les textes évangéliques ont été écrits après la Résurrection. Paul n’a pas vu !… — mais, me direz-vous peut-être, Pierre, lui, a vu, il était là lors de la Transfiguration ; et la 2ème Épître de Pierre nous en parle (2 Pierre 1, 16-19) : quelle chance ! Va-t-il-nous décrire quelque chose, qui soit enfin vraiment crédible pour nos chercheurs ? Eh bien non ! Comme Paul, Pierre ne nous parlera pas de l’homme Jésus autrement que comme le Fils de Dieu venu en chair, existant dans l’Éternité, en dehors de l’Histoire, Histoire où il nous a rejoints, Fils de Dieu fait homme.
C’est cela que nous disent les récits de la Transfiguration, celui de Matthieu (ou de Marc ou Luc) ou celui de Pierre : ce Jésus que vous avez côtoyé n’est autre que le Fils éternel de Dieu. « Écoutez-le ». Écoutez-le aujourd’hui, précisera l’Épître de Pierre dans les Écritures : « nous avons la parole des prophètes qui est la solidité même ».
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Revenons donc aux Prophètes, à la Loi et aux Prophètes. Ils ont désigné Jésus depuis le commencement. Voilà ce dont se souviennent Pierre et les Évangiles. La Loi et les Prophètes, à savoir Moïse et Élie dans le récit de la Transfiguration selon les Évangiles.
Le récit de la Transfiguration est profondément enraciné dans la mémoire du Sinaï (cf. Exode 24) : la montagne (Ex 24, 1 & 12-13), les six jours (Ex 24, 16), les trois personnes : Aaron, Nadav et Avihou (Ex 24, 1 & 9), la nuée et la voix (Ex 24, 15-17)… Derrière cette histoire, il y a le rappel du Sinaï où Moïse est médiateur de la Loi, la Torah. Et comme pour la Torah, ce qui est en bas renvoie à ce qui est en haut. Un tabernacle terrestre, ainsi le rappelle l’Épître aux Hébreux, signe d’un Tabernacle céleste contemplé par Moïse. En bas : trois disciples. En haut, trois figures célestes : Jésus, Moïse et Élie. Moïse et Élie, « la Loi et les Prophètes ». Entre les deux, le Fils de l’Homme qui est dans les cieux, en haut ; — et en bas, un projet de tabernacles, de tentes (selon que, Jn 1, 14, « il a “tabernaclé” parmi nous »).
Et au Sinaï qu’en est-il de ce qu’on voit ? — : une voix, une voix que le peuple voit : « vous avez vu la voix de Dieu », est-il dit au peuple au Sinaï. Et aussi, on peut le remarquer, la voix et la présence d’Élie orientent aussi vers l’attente du Messie à la fin des temps, selon le livre du Prophète Malachie. Les visions du Prophète Daniel sur la venue du Royaume. Plusieurs d’entre vous ne mourront pas avant d’avoir vu le Royaume disait Jésus juste avant la Transfiguration. Alors, qu’ont retenu finalement les trois disciples ? Pas grand chose à voir. Une Parole : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. Écoutez-le ! »…
Et quant à la vision proprement dite, le récit de l’épisode marque rien moins qu’un embarras : blancheur éclatante, comme la lumière, et puis bonheur. Pour fixer leur bonheur, comme si c’était possible, les disciples n’ont d’autre idée que de dresser des tentes ! Et pourquoi pas : on peut imaginer qu’ils pensent aux tabernacles de la fête du même nom — référence à l’Exode (cf. aussi Jean 1, 14 cit. supra : « il a “tabernaclé” parmi nous »). Mais la présence du Fils de Dieu ne se fixe pas.
Les disciples se trouvent en présence de celui qui manifestement vient du ciel, qui provient d’au-delà de l’Histoire et dont la Loi et les Prophètes ont parlé et parlent encore, celui auquel toute l’Histoire biblique, de Moïse, les commencements, à Élie, celui qui vient à la fin, ne cesse de renvoyer ; celui qui est au-delà de l’Histoire du commencement jusqu’à la fin, et qui est en ces jours au milieu d’eux, dans leur histoire. Il ne nous est pas donné pas d’autre Jésus de l’Histoire que celui-là.
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Ce Jésus-là n’est autre que le Ressuscité. C’est ce qu’ont compris les disciples, plus tard. C’est bien le Ressuscité qui leur est apparu ce jour-là, avant même la crucifixion, celui qui demeure dans le sein du Père dans toute l’Éternité, celui en qui vient le Royaume ; qu’ils ont donc contemplé dans la Gloire avant même leur mort. Et on a retenu la voix qui a retenti : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. Écoutez-le ! ». Écoutez ce que Dieu vous dit par lui. Déjà le Royaume est à l’intérieur de vous…
Voici donc ce qu’il nous reste à nous de l’apparition aux trois disciples : il nous reste plénitude de la grâce apparue qui est dans cette parole : « celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. Écoutez-le ! »
RP, Poitiers, 09/03/14
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