dimanche 25 décembre 2022

Noël nouvelle Création - Le Prologue de Jean, lecture de la Genèse




Jean 1, 1-18
1 Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
2 Elle était au commencement avec Dieu.
3 Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.
4 En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
5 La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.
6 Il y eut un homme envoyé de Dieu : son nom était Jean.
7 Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui.
8 Il n’était pas la lumière, mais il parut pour rendre témoignage à la lumière.
9 Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme.
10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue.
11 Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont point reçue.
12 Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu,
13 lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.
14 Et la parole est devenue chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.
15 Jean lui a rendu témoignage, et s’est écrié : C’est celui dont j’ai dit : Celui qui vient après moi m’a précédé, car il était avant moi.
16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce ;
17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.
18 Personne n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître.

*

(Textes du jour : Ésaïe 52.7-10 ; Psaume 98 ; Hébreux 1.1-6 ; Jean 1.1-18)

*

Au début du récit de la Genèse : « Dieu dit que la lumière soit, et la lumière fut » (Gn 1, 3)… En écho et relecture — « Au commencement était la Parole — "Dieu dit" —, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes »… Les hommes : versets 26-28 du récit de la Genèse, l’être humain, homme et femme, arrive comme au terme d'un projet divin…

« La vie était la lumière des hommes » : aux origines, la lumière, et presque au terme du récit… les êtres humains — Genèse 1, 26-28 : « Dieu dit : "Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance […]". Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, mâle et femelle il les créa. […] »

Une Création bouleversante, sur laquelle s'étonne le Psaume 8 :
3 Quand je contemple tes cieux, ouvrage de tes mains, La lune et les étoiles que tu as créées :
4 Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui ? Et le fils de l’homme, pour que tu prennes garde à lui ?
5 Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu, Et tu l’as couronné de gloire et de magnificence.

*

« Quand je contemple tes cieux » : c'est peu de le dire au temps du Psalmiste ! Aujourd'hui, on estime que l'univers observable compte quelques 2 000 milliards de galaxies, selon les études les plus récentes (si mes renseignements sont à jour), dont les galaxies dites « de masse significative », selon le vocabulaire consacré, contiennent chacune quelques centaines de milliards d’étoiles — les nombres avancés n’étant pas limitatifs…

L'univers dans son ensemble, dont l'extension réelle n'est pas connue, est susceptible de compter un nombre immensément plus grand de galaxies. Bref, quelques centaines de milliards de galaxies de masse significative sans compter les galaxies moins grandes, et donc plus difficilement observables, et les autres qui nous échappent !

Notre galaxie, la Voie lactée, une seule de ces 2 000 milliards de galaxies, a une extension de l'ordre de 100 000 années-lumière. C’est-à-dire que l’on perçoit les étoiles lointaines de notre seule galaxie comme elles étaient il y a 100 000 ans. Et notre galaxie est donc une seule de ces galaxies de quelques centaines de milliards d'étoiles.

Le soleil est une des centaines de milliards d’étoiles de cette galaxie, elle-même une parmi quelques centaines de milliards de galaxies semblables observables. Le soleil est donc l’étoile de notre système solaire, autour duquel tourne la terre — sur laquelle, fêtant Noël, nous nous questionnons sur tout cela aujourd’hui.

Lorsqu’on lit de nos jours : « Au commencement Dieu créa les cieux et la terre », on est renvoyé, en tout cas pour la partie visible « des cieux et de la terre », à cette dimension-là des choses. Voilà qui met les choses en perspective, et qui semble bien vertigineux en regard de nos préoccupations ! Troublant en un sens, car on pourrait se dire, en considérant ce que je viens d’essayer de résumer très brièvement, que tout ça est le fait du hasard, la vie terrestre un mini-bouillon de culture hasardeux dans l’univers.

*

… Mini-bouillon de culture débouchant sur une civilisation humaine. Puisque donc il y a une civilisation terrestre, et puisqu’on y parle de Dieu, à l’origine de tout ce qui existe et dévoilé comme tel aux êtres humains qui ont développé, outre une civilisation humaine, pas mal de réflexions sur ces questions, posons-nous, en toute humilité, la question de ce que nous faisons ici.

*

Une tradition du judaïsme envisage qu’avant d’en venir à la Création que nous connaissons, avec des êtres humains qui travaillent, se reposent, s’agitent, se marient, procréent, etc., Dieu a fait une série d’essais finalement non-concluants. C’est parmi ces essais que certains modernes placent par exemple l’ère des dinosaures… On pourrait y voir aussi l'infini des galaxies, et leur point de départ dans le Big bang !…

Mais laissons les dinosaures et les galaxies, pour simplement poser la question des essais en question, en rapport non plus avec un lointain passé de notre planète, mais en rapport avec la dimension apparemment infiniment minuscule de celle-ci dans l’univers.

Dans l’hypothèse « essai », façon laboratoire de la Création, l’infiniment minuscule pourrait ne l’être pas tant que ça ! Une des avant-gardes d’un projet à l’échelle du projet de Dieu, scellé dans son Nom, plus vaste que l’univers. Selon la Bible, Dieu a toujours procédé comme ça. De l’infime… Un individu, un couple : Abraham et Sarah, d’où part une Alliance qui va emporter la Création, à commencer par être en bénédiction à une échelle plus que surprenante, bénédiction pour toutes les nations…

Et vint Jésus, d’abord cet enfant inconnu dans une obscure étable, cela dans une obscure province éloignée aux marges de l’Empire romain, ce moment de l’histoire infime de cette infime planète dans l'univers.

Et si l’expérience humaine — cette sorte de laboratoire — était de cet ordre, dans le projet de Dieu‭ ? — trouvant son aboutissement en cet enfant — qui, ressuscité, «‭ a reçu le Nom qui est au-dessus de tout nom‭ » (Ph 2, 9) — en qui la parole créatrice, la lumière des origines, nous rejoint — parole devenue chair. Où ce qui se vit de minuscule peut prendre une signification surprenante‭ ! Dévoilement de Dieu comme celui qui est autre, dans une gloire inaccessible, et qui est notre vis-à-vis — donné dans la plus humble des humilités.

*

… Avec, au terme de l’Évangile de Jean, une nouvelle reprise de la Genèse‭ : comme Adam recevait le souffle qui l’animait, le Ressuscité souffle sur ses disciples et leur dit‭ : «‭ recevez l’Esprit saint‭ » (Jn 20, 22). Après le v. 1 du Prologue reprenant la Genèse, «‭ au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu‭ », nous est donné, à nouveau en écho à la Genèse, le troisième terme du futur vocable «‭ Trinité‭ »…

C'est de cette façon que dans un coin infime de l’univers, est promis et donné à notre foi, dans un enfant naissant dans la plus humble des humilités, parole de lumière devenue chair, le dévoilement du projet à l’origine de l’univers : une nouvelle création, initiée à Noël, précédant la création des univers.


RP, Poitiers, Noël, 25/12/22
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samedi 24 décembre 2022

Noël côté Joseph, recevoir la Parole de lumière





Un rite comme celui auquel nous participons ce soir, une veillée de Noël, a pour fonction (c’est le sens des rites) de dessiner un espace, dans notre temps, qui nous permette de nous extraire de nos agitations et de nos vanités, et de nous axer sur l’essentiel ; qui n’est ni économique, ni commercial, ni politique… Nous axer sur ce que nous sommes devant Dieu. Un cadeau, même si nous en comprenons mal la valeur.

Un rite, comme celui que nous accomplissons en ce soir de Noël, n’est rien d’autre qu’une série de mots et de gestes, redisant un moment fondateur, qui au plan de l’efficacité et du rentable de nos sociétés ne sert à rien. Comme ceux qui comptaient en son temps ne trouvaient aucun intérêt consumériste, économique ou politique en cet enfant né ignoré des puissants, du roi ou de l’empereur.

Un rite est une façon de dessiner dans nos agitations et nos vanités la dimension de la sainteté, c’est-à-dire de la mise à part. Un cadeau, un moment à part, placé devant Dieu.

Cela correspond au fond à cette leçon de Jésus : « vous n’êtes pas de ce monde… je vous donne ma paix, une paix que le monde ne connaît pas » — au-delà de toutes les agitations et les choses dites utiles. Que cette paix soit pour nous la paix de Noël, en ce bref espace de temps dessiné dans cette veillée de Noël…

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Jean 1, 1-18
‭1 Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.‭
‭2 Elle était au commencement avec Dieu.‭
‭3 Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.‭
4 ‭En elle était la vie, et la vie était la lumière des êtres humains.‭
‭5 La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.‭ […]
9 ‭Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout être humain.‭
‭10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue.‭ […]
‭12 Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu,‭
13 lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.‭
‭14 Et la parole est devenue chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.‭ […]
18 ‭Personne n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître.

Matthieu 1, 18-25
18 Voici comment arriva la naissance de Jésus-Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; avant leur union, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit saint.
19 Joseph, son mari, qui était juste et qui ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la répudier en secret.
20 Comme il y pensait, l'ange du Seigneur lui apparut en rêve et dit : Joseph, fils de David, n'aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme, car l'enfant qu'elle a conçu vient de l'Esprit saint ;
21 elle mettra au monde un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
22 Tout cela arriva afin que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par l'entremise du prophète :
23 "La vierge sera enceinte ; elle mettra au monde un fils et on l'appellera du nom d'Emmanuel", ce qui se traduit : Dieu avec nous.
24 À son réveil, Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme chez lui.
25 Mais il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eût mis au monde un fils, qu'il appela du nom de Jésus.

*

Mais enfin, comment s’appelle-t-il, ce petit : Jésus ou Emmanuel ? À l'époque, on sait que les prénoms ont un sens et on sait lequel : « le Seigneur sauve », pour le nom « Jésus » — et il sauve par sa présence avec nous — « Emmanuel, Dieu avec nous » ; selon la promesse de la bénédiction : « le Seigneur est avec toi ».

Joseph est un homme juste, nous dit Matthieu, homme de pardon, donc, comme le Joseph de la Genèse pardonnant à ses frères. Cet autre Joseph, celui de Marie, pardonne aussi… à qui ? Non pas à Marie : il croit la vision angélique qui la concerne. Il pardonne… à Dieu lui-même ! En adoptant Jésus.

Or le nom Jésus signifiant « le Seigneur sauve » ; il est lui-même en sa chair, la lumière et la Parole de Dieu, sa Parole « était la vie, et la vie était la lumière des hommes », notre vie éternelle, le projet de Dieu pour nous : « la parole est devenue chair, et elle a habité parmi nous ».

Eh bien, c’est cela que Joseph adopte en adoptant Jésus. Et c'est cela qu’il s’agit pour nous aussi d’adopter : le salut de Dieu, son projet pour nous, même dérangeant — pour que s’accomplisse la promesse selon laquelle Dieu sera avec nous : Emmanuel.

Pour cela, il nous appartient d’accepter à notre tour ce que Joseph a accepté : accepter que la réalité la plus importante de notre vie ne vienne pas de nous-mêmes (comme Jésus ne vient pas de lui), et même nous dérange, comme un enfant qui ne vient pas de nous. Le cadeau de Dieu n’est pas quelque chose que nous devons produire par nous-mêmes, il est à recevoir, à adopter comme Joseph adopte dans la foi l’enfant que porte Marie. Une réalité nouvelle qui nous surprend et nous dépasse, une réalité vivante que l’on ne peut connaître qu’en acceptant de la recevoir et de l’aimer : « Dieu avec nous ».

Joseph a dû accepter cette naissance. Nous avons du mal à adopter le salut de Dieu. Cela choque notre volonté naturelle, celle d’être, tout seuls, artisans de notre vie. Mais c’est vital. C’est déjà une bonne idée de placer son espérance, sa foi, en quelque chose de plus grand que soi-même. C’est déjà bien, par exemple, d’avoir foi en un idéal.

Mais plus que cela, en choisissant d’adopter cet enfant, Joseph reconnaît à Dieu sa place au-dessus de lui-même. Et il nous indique à l’avance que Jésus vient pour une mission inouïe : c'est lui qui sauvera son peuple.

Joseph, alors, a choisi : placer sa foi en Dieu, et faire passer ses propres aspirations après.

*

C'est ainsi que l’accomplissement de nos vies se fait quand nous sommes habités, transformés par la présence de Dieu. C’est pourquoi Jésus est Emmanuel, il nous sauve, selon son nom « le Seigneur sauve » en étant « Dieu avec nous ».

Celui qui est à l'origine de toutes choses — « ‭au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.‭ ‭Elle était au commencement avec Dieu.‭ ‭Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle » — celui qui est à l'origine de toutes choses vient dans notre propre histoire, pour faire grandir en nous une réalité nouvelle.

Cette transformation, cette nouvelle dimension de notre vie est au-delà des mots de notre quotidien.

Notre existence est faite pour être renouvelée par la présence permanente de la nouveauté de vie en Dieu, au cœur de nos réalités quotidiennes. La lumière qui vient à Noël est « la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout être humain.‭ »

La présence de Dieu dans notre vie ne remplace pas ce que nous sommes, elle l'élève à toute sa dignité. Et ce nous-même qui naît de la sorte est effectivement un être nouveau, mais c’est en même temps ce que nous sommes — pleinement, comme réalité nouvelle fondée en Dieu : « à tous ceux, toutes celles, qui l’ont reçue, qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu,‭ lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu ».


RP, Poitiers, Veillée de Noël, 24.12.22
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dimanche 18 décembre 2022

L’Avent, les Mages et le Père Noël




Matthieu 2, 1-12
1 Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des Mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem
2 et demandèrent : « Où est le roi des Judéens qui vient de naître ? Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage. »
3 À cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.
4 Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s’enquit auprès d’eux du lieu où le Messie devait naître.
5 « À Bethléem de Judée, lui dirent-ils, car c’est ce qui est écrit par le prophète :
6 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda : car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple. »
7 Alors Hérode fit appeler secrètement les Mages, se fit préciser par eux l’époque à laquelle l’astre apparaissait,
8 et les envoya à Bethléem en disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant ; et, quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que, moi aussi, j’aille lui rendre hommage. »
9 Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route ; et voici que l’astre, qu’ils avaient vu à l’Orient, avançait devant eux jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant.
10 À la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie.
11 Entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
12 Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d’Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin.

*

(Lectures du 11.12 : Ésaïe 35, 1-6 & 10 ; Psaume 146 ; Jacques 5, 7-10 ; Matthieu 11, 2-11
Lectures du 18.12 : Ésaïe 7, 10-16 ; Psaume 24 ; Romains 1, 1-7 ; Matthieu 1, 18-25)


L’Avent, c'est-à-dire « la venue », « l'arrivée », est cette période où l'on se souvient que l’on attend la venue de Jésus. On attend sa venue pour établir le Règne de paix promis par Dieu ; et on se souvient de la première attente de sa venue à Noël. On attendait Noël, le cadeau de Dieu à Noël. C'est ici que, plus tard, intervient le Père Noël — sans oublier, avant lui, les Mages. Jusqu'à aujourd'hui, en Espagne, ce sont eux qui apportent les cadeaux de Noël aux enfants. Comme, selon Matthieu, ils ont apporté des cadeaux à Jésus. Avant cela, ils ont été les hommes de l'attente, l'attente de la venue du Messie d'Israël. Ils sont témoins d'une longue attente.

Ces fameux Mages, prêtres lointains, venus d’Orient, le pays d’où se lève le soleil, amènent des cadeaux aux pieds du Messie biblique de Matthieu, aux pieds d'un enfant, cadeau lui-même, cadeau de Dieu (auquel répondent les cadeaux des Mages, disant sa royauté, sa prêtrise, sa mort : l’or, l'encens, la myrrhe) ; cadeau de Dieu né dans les ténèbres de l'humilité — la nuit, donc, dans le temps angélique —, les voilà bientôt sacrés rois, accomplissant les prophéties annonçant les rois de toutes les nations venant à Jérusalem, devenus ensuite trois Rois-Mages représentant les rois des trois continents d'alors, rois rayonnants de lumière, là où Matthieu les présentait comme des prêtres arrivant peut-être quelques deux ans après l’événement (ce pourquoi Hérode voulait voir disparaître les enfants de Bethléem jusqu'à deux ans) — ces prêtres, des savants dira-t-on bientôt, miraculeusement présents, grâce à leur science des étoiles, la nuit du 25 décembre -0001. Car on s’est mis à enseigner aussi que Jésus est né un 25 décembre. Mais, nous disent les savants, les successeurs des Mages en quelque sorte, le 25 décembre c'est impossible ! C'est juste une fête du Soleil, célébrant au solstice d'hiver le temps où les jours recommencent à grandir !

Dans l'Histoire, Jésus n'est peut-être pas né un 25 décembre. Mais si l'on est attentif, on peut percevoir qu'il est aussi une autre dimension. Les anges ont rempli les cieux de leur louange au jour de la naissance de Jésus. Et le temps des anges n'est pas le nôtre, il est entre le nôtre et celui de Dieu, où « mille ans sont comme un jour ». Si, en toute rigueur historienne, Jésus n'est sans doute pas né un 25 décembre, ne sont-ils pas éclairés de ce qu'il est des réalités au-delà des nôtres, ceux qui ont soupçonné les vérités de ce temps des anges, un temps dont le vrai signe dans notre temps est effectivement le 25 décembre. Ici le jour nouveau se lève, brillant d'une lumière dont on ne soupçonnait pas même l'existence, on passe des temps nocturnes de nos âmes aux temps solaires, au temps du soleil de justice, qui concerne tous les peuples, à commencer par celui des Mages, la Perse au départ, avant qu'il soit question de tous les continents.

Et voilà que l’on date à présent nos siècles à partir de sa naissance : le Messie de la Bible concerne bien aussi les nations lointaines. C'est vers lui, vers sa lumière, que sont venus les Mages, des nations d'Orient. C'est vers lui que se dresse l'arbre de Jessé, père de David roi d'Israël, comme l'arbre de toute la Création qui se dresse vers sa lumière qu'annonce l'étoile des Mages.

C'est là le sens de l'arbre de Noël. Un arbre qui se dresse vers la lumière annoncée par l'étoile, comme celui de la famille de Jessé, père de David et celui de toute la Création vers son salut.

Et le Père Noël, avec ses allures de gros lutin ? On a parlé de l’histoire des Mages, ces prêtres persans qui menaient des cadeaux aux pieds d'un enfant né dans les ténèbres de l'humilité — la nuit, donc, dans le temps angélique — pour couvrir de lumière jusqu'à sa Galilée dans la nuit.

Plus tard, l'enfant enseignera que les plus petits que nous croisons sont lui-même venu dans le secret. C'est de là, sans doute, que vient l’histoire selon laquelle un pasteur de l'Antiquité, Nicolas de Myre, comme disciple d'un enfant pauvre, aurait voulu soulager les enfants pauvres en leur faisant, en secret, des cadeaux qui allégeaient leur peine, comme les Mages offrant leurs dons à Jésus.

Plus tard encore, apparaîtra que dans cette histoire, Nicolas, devenu saint Nicolas, dévoilait sans le savoir des actions angéliques. Derrière saint Nicolas, un simple homme, s'ouvre le monde angélique, dévoilant lui-même la réalité de Dieu. Un ange est derrière saint Nicolas, comme derrière les Mages, étrangers en visite. Cet ange derrière saint Nicolas sera plus tard figuré sous les traits des anges nordiques, elfes et lutins. Après les Mages et saint Nicolas, c'est la figure du Père Noël, une figure angélique, l'ange du don gratuit.

Alors contrairement à ce que s'imaginent ceux qui sont lents à comprendre, ce que nous disent les Mages et leurs cadeaux, c'est que le Père Noël existe, manifestation angélique de l'art de donner dans le secret, de l'art de donner de la joie à ceux qui ressemblent au nouveau-né de Bethléem.

Et derrière cette figure angélique, il y a, comme les anges présents à Noël le proclament au plus haut des cieux, la présence du don suprême, le grand cadeau de Dieu par lequel la paix vient sur la terre aux humains au bénéfice de sa bienveillance, — don de Dieu réconciliant le monde de la Bible et celui des nations, le cadeau par lequel il prouve définitivement son amour envers nous.


RP, 3e et 4e dimanches de l'Avent
Poitiers 11/12/22 — Liturgie
Châtellerault 18/12/22 — Culte en entier
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dimanche 4 décembre 2022

‭"Je répandrai sur vous une eau pure" (Ez 36, 25)




Ésaïe 11, 1-10 ; Psaume 72 ; Romains 15, 4-9 ; Matthieu 3, 1-12

Matthieu 3, 1-12
1  En ces jours-là paraît Jean le Baptiste, proclamant dans le désert de Judée :
2  "Repentez-vous : le Règne des cieux s’est approché !"
3  C’est lui dont avait parlé le prophète Ésaïe quand il disait : "Une voix crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.
4  Jean avait un vêtement de poil de chameau et une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
5  Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui ;
6  ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés.
7  Comme il voyait beaucoup de Pharisiens et de Sadducéens venir à son baptême, il leur dit : "Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ?
8  Produisez donc du fruit qui témoigne de votre repentance ;
9  et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : Nous avons pour père Abraham. Car je vous le dis, des pierres que voici, Dieu peut susciter des enfants à Abraham.
10  Déjà la hache est prête à attaquer la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu.
11  "Moi, je vous baptise dans l’eau en vue de la repentance ; mais celui qui vient après moi est plus fort que moi : je ne suis pas digne de lui ôter ses sandales ; lui, il vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.
12  Il a sa pelle à vanner à la main, il va nettoyer son aire et recueillir son blé dans le grenier ; mais la bale, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas."

*

Mais pourquoi donc Jean le Baptiste traite-t-il d’ « engeance de vipères » des gens qui ont l’humilité de venir se faire baptiser par lui ? Ne semble-t-il pas leur reprocher cette démarche visant à faire éviter à ceux qui s’y plient ce qu’il appelle « la colère à venir » ? — « Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui » Et cela pour se faire traiter d' « engeance de vipères » ! Les prédicateurs sauraient donc désormais donc ce qu'il leur reste à faire pour remplir les temples ?… Car les foules accourent auprès de Jean…

Matthieu a pris soin, Marc aussi, de donner ce détail : Jean était « vêtu de poils de chameau et avait une ceinture de cuir autour des reins ; et se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage » !… Est-ce en rapport avec ce que les foules accourent ?…

Allons un peu plus avant — Malachie 4, 5 (3, 23) : « Voici : moi-même je vous enverrai le prophète Élie avant la venue du jour du SEIGNEUR, Jour grand et redoutable. »

Au temps du Baptiste, on attend le jour du Seigneur, veille et inauguration d'une ère où l'enfant jouera avec la vipère et le loup avec l’agneau (És 11), mais — « avant la venue de ce jour du SEIGNEUR, grand et redoutable je vous enverrai le prophète Élie »

« Jean était vêtu de poils de chameau et portait une ceinture de cuir autour des reins ». Pour les connaisseurs de la Bible de l’époque, un tel détail n’est pas sans écho. C’est à cela précisément que se reconnaît le prophète Élie dans le 2ème Livre des Rois : 2 R 1, 2-8 :
2 [Le Roi] Akhazias tomba du balcon de sa chambre haute à Samarie et se blessa grièvement. Il envoya des messagers en leur disant : "Allez consulter Baal-Zeboub, le dieu d’Eqrôn, pour savoir si je me remettrai de mes blessures !"
3 Alors l’ange du SEIGNEUR parla à Élie le Tishbite : "Lève-toi! Monte à la rencontre des messagers du roi de Samarie et dis-leur : N’y a-t-il pas de Dieu en Israël, que vous alliez consulter Baal-Zeboub, le dieu d’Eqrôn ?
4 C’est pourquoi, ainsi parle le SEIGNEUR : Le lit sur lequel tu es monté, tu n’en descendras pas, car tu mourras certainement. Et Élie s’en alla.
5 Les messagers revinrent auprès du roi, qui leur dit : "Pourquoi êtes-vous revenus ?"
6 Ils lui répondirent : "Un homme est monté à notre rencontre et nous a dit : Allez, retournez auprès du roi qui vous a envoyés et dites-lui : Ainsi parle le SEIGNEUR : N’y a-t-il pas de Dieu en Israël que tu envoies consulter Baal-Zeboub, le dieu d’Eqrôn ? C’est pourquoi, le lit sur lequel tu es monté, tu n’en descendras pas, car tu mourras certainement.
7 Le roi leur dit : "Comment était cet homme qui est monté à votre rencontre et qui vous a dit ces paroles ?"
8 Ils lui répondirent : "C’était un homme qui portait un vêtement de poils et un pagne de peau autour des reins." Alors il dit : "C’est Élie le Tishbite !"

Élie. C’est bien Élie que représente dans le Nouveau Testament Jean le Baptiste et son message. Jésus le dira explicitement un peu plus loin (cf. Matthieu 17, 10-13). Voilà pourquoi les foules accourent ! Ici s’annonce le Royaume, en des termes souvent… tonnants comme chez tous les prophètes ; et pour un avènement toujours surprenant. Et des termes qui, quoique surprenants, souvent menaçants, valent pourtant, au fond, consolation. Les évangiles ne présentent-ils pas ce Jean impétueux comme la voix de la consolation annoncée par le livre du prophète Ésaïe ? — ch. 40 :
1 Consolez, consolez mon peuple, Dit votre Dieu.
2 Parlez au cœur de Jérusalem et criez-lui Que son combat est terminé, Qu’elle est graciée de sa faute, Qu’elle a reçu de la main du SEIGNEUR Au double de tous ses péchés.
3 Une voix crie dans le désert : Ouvrez le chemin du SEIGNEUR, Nivelez dans la steppe Une route pour notre Dieu.
4 Que toute vallée soit élevée, Que toute montagne et toute colline soient abaissées ! Que les reliefs se changent en terrain plat Et les escarpements en vallon !

C'est bien ce que prêche Jean en guise de consolation : un appel au repentir ; cela non sans avoir traité au passage ceux qui viennent à lui d' « engeance de vipères » !

Voilà un prophète qui a bien mauvais caractère, peut-on penser ! Après tout c’est bien lui qui prêche ce repentir. C’est lui qui invite les foules à venir confesser leurs péchés en se faisant baptiser, laver, d’urgence, avant le jugement ! C’est lui qui souligne qu’il n’y a pas d’alternative : sans retour sur soi pour un retour vers Dieu, bref sans repentance, il n’est d’avenir que mortifère, que repli individuel, collectif ou communautaire sur un passé dont on ne fait que regretter qu’il soit passé : « nous avons Abraham pour père »… Un passé glorieux ! « Engeance de vipères » réplique Jean.

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Le judaïsme connaît déjà, avant Jean, une pratique du baptême, et cela jusqu’à aujourd’hui. Il s'agit d'un lavement rituel, symbole de purification. On va pour cela au miqvé (ce que les évangiles appellent des piscines, comme par ex. celle de Siloé). On y va, entre autres, lorsqu’une famille non-juive vient au judaïsme : outre la circoncision des mâles, tous : hommes, femmes et enfants, passent par ce rite qui signifie que leur passage à la religion d’Abraham et de Moïse porte la purification de cette famille, par son exode, comme celui d’Abraham — de la Chaldée, terre de Babylone, vers la promesse — ; ou celui de Moïse et de son peuple — de l'esclavage à la liberté, — exode qui se terminait chaque fois par la traversée du Jourdain — où Jean baptise. Le baptême, le lavement familial, est alors le rappel de cette traversée du Jourdain.

Car le repentir est dans la Bible le mouvement par lequel Dieu fait revenir le peuple. Pour « repentir », ou « repentance », on pourrait aussi dire « retour ». Et historiquement, il s'agit d’abord du retour d'exil. Parmi les textes sur lesquels Jean a pu fonder son baptême, on trouve par exemple Ézéchiel ch. 36, 24-27, annonçant le retour du peuple exilé à Babylone. On y lit que c’est Dieu qui prend l’initiative de faire revenir son peuple d’exil en le sanctifiant par une « aspersion d’eau pure » et une effusion de son Esprit. Il est important de remarquer que la grâce de Dieu précède le retour du peuple. Alors le retour a vraiment lieu.

Le baptême qui accompagne la prédication de Jean le Baptiste relève bien du rite du miqvé, et pour tous. Jean, selon le Nouveau Testament, proclame l’urgence et la nécessité de la repentance, de faire retour — techouva en hébreu —, « changer d’intelligence » selon le terme grec du Nouveau Testament (metanoïa). En français : le repentir, ou la conversion.

En son cœur le baptême de Jean rappelle alors que tous, quelles que soient nos origines ou notre passé, y compris religieux, fût-il authentiquement de l’ascendance d’Abraham, « le père de l’Alliance » — ou de quelque autre grand ancêtre ou peuple au passé glorieux, fût-ce de galériens pour la foi, tous avons besoin de faire retour à Dieu.

Nous avons tous quelque participation à la tortuosité commune — « engeance de vipères » dit Jean. Où il faut remarquer l’humilité des pharisiens qui viennent à Jean. Car il reste quand même de leur geste, se faire laver, que leur baptême marque une véritable humilité, dans la confession de son indignité. Et quand on se confesse indigne, on ne se sent pas si fier que l’on ose poser des exigences. On demande si des fois il serait possible…

Et là Jean prononce la parole de la grâce et de la consolation, et la promesse de l’Esprit qui est octroyé de façon invisible et préalablement même, par celui qui en est porteur, le Messie, Jésus. Cela, donc, non sans avoir au préalable traité d’abord le candidat, pour qu’il ne s’imagine pas être exempt d’une réelle repentance, d’ « engeance de vipères ».

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Il est toujours temps de produire du fruit de repentance, tout de suite. Pour cela, il faut recourir à la grâce, au don gratuit de Dieu, par la foi, en fonction d'une désespérance de soi-même dans l'exil loin de Dieu. Tout cela est désespérant ? Il n’y a un recours : demander grâce. C’est la demande du baptême. Cela se fonde sur la prise au sérieux de la Loi de Dieu, qui révèle la culpabilité ; et met le doigt ce qu'est cet exil dont Dieu promet la fin dans le Messie.

C'est là la fonction du précurseur Jean le Baptiste sur lequel ce temps de l'Avent nous invite à méditer : la justice sera établie, « les collines abaissées et les vallées comblées » ; c’est-à-dire : les fiers seront humiliés et les humbles seront relevés. La Loi est l'instrument de cette justice : qui la transgresse connaît le jugement dont l'exil est déjà l'expression. Or, tous la transgressent : « engeance de vipères » dit Jean le Baptiste à ces enfants d'Abraham. Dans sa vigueur, ces paroles indélicates soulignent qu'il n'y a ni excuse, ni exception face à cette exigence de prise au sérieux de la Loi, c’est-à-dire de repentir.

On retrouve bien là l’œuvre de Jean relative au repentir et au baptême, ainsi que l'annonce que le prophète fait de l’œuvre du Messie qui « baptisera d'Esprit ». Dieu y précède tout mouvement. Le temps définitif de ce retour d'exil, de cet exode hors du péché est le temps du Messie, le temps du Royaume. C'est ce temps que prépare Jean, et qu'annonce Jésus… temps de paix de réconciliation — « Je vous enverrai Élie, le prophète — annonçait Malachie (4, 5-6) —, avant que le jour du Seigneur arrive, Ce jour grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères à leurs enfants, et le cœur des enfants à leurs pères ». Temps où s'ouvre tout grand la promesse du jour où la vipère joue avec le nourrisson (Ésaïe 11, 1-10).


RP, 2e dimanche de l'Avent, Poitiers 4/12/22
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