dimanche 29 novembre 2020

Veillez




Ésaïe 63, 16 à 64, 7 ; Psaume 80 ; 1 Corinthiens 1, 3-9 ; Marc 13, 33-37

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Marc 13, 33-37
33  Prenez garde, veillez, car vous ne savez quand ce sera le moment.
34  Il en sera comme d’un homme qui part en voyage, laisse sa maison, donne pouvoir à ses serviteurs, à chacun sa tâche, et commande au portier de veiller.
35  Veillez donc, car vous ne savez quand viendra le maître de la maison, le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin ;
36  craignez qu’il n’arrive à l’improviste et ne vous trouve endormis.
37  Ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez.

*

Cette parabole est donnée au terme d’une prophétie culminant avec un avertissement — Mc 13, v. 14 : « Lorsque vous verrez l’abomination de la désolation établie là où elle ne doit pas être — que le lecteur fasse attention »… Une prophétie écrite — « que le lecteur comprenne ! » a précisé le texte — comme un avertissement pour des lecteurs.

« L’abomination de la désolation » renvoie à ce qui est écrit au livre de Daniel (ch. 9, 27 & 12, 11) à propos de la profanation du Temple. Signe et apogée de la catastrophe, une idole, « l’abomination de la désolation », au cœur du Temple — la citation dans l’Évangile de Marc concerne donc en premier lieu ce qui adviendra en 70 : moment de grande détresse, allant de l'installation dans le sanctuaire de symboles romains, idole dans le Temple, à sa destruction et à la dévastation de Jérusalem par Rome.

En Marc, comme en Matthieu et Luc, Jésus reprend ce que les prophètes annoncent à la veille de chaque tournant pour le peuple de Dieu, où l'on assiste à ce phénomène qui annonce la fin d’un temps : des idoles à la place du Dieu que l’on ne peut représenter ni nommer. C'est ce que le livre de Daniel appelle « l’abomination de la désolation », au cœur du Temple. Dans le texte de Marc, Jésus à son tour évoque cela, sans dire explicitement : « dans le Temple » — mais : « l’abomination de la désolation établie là où elle ne doit pas être » (v. 14). L’avertissement, qui évoque certes le Temple, peut ainsi être élargi. 

« L’abomination de la désolation ». Désolation. Voilà qui en ces temps d'isolement pandémique, rappelle un avertissement donné en 1951. Je cite : « Tandis que l’isolement intéresse uniquement le domaine politique de la vie, la désolation intéresse la vie humaine dans son tout. Le régime totalitaire comme toutes les tyrannies ne pourrait certainement pas exister sans détruire le domaine public de la vie, c’est-à-dire sans détruire, en isolant les hommes, leurs capacités politiques. Mais la domination totalitaire est un nouveau type de régime en cela qu’elle ne se contente pas de cet isolement et détruit également la vie privée », destruction appelée désolation par Hannah Arendt que je viens de citer (dans son ouvrage sur Les origines du totalitarisme). Or c'est face à la désolation, à « l’abomination de la désolation », que Jésus appelle à veiller. Le risque en effet est énorme, quand l'isolement semble devenu normal et glisse à la désolation, de voir s'instiller en ce monde les tentations et dérives autoritaires que craint et dénonce Hannah Arendt — qui donne décidément l'impression d'avoir perçu l'appel biblique à veiller et le rapport de cet appel avec la substitution d'une idole à Dieu dans le sanctuaire : « … l’expérience […] de l’isolement, écrit-elle, contredit si nettement la condition humaine de pluralité qu’elle devient vite intolérable et qu’il lui faut la compagnie de Dieu […] pour ne pas anéantir l’existence humaine. »

Idole en place de Dieu, voilà donc le cœur de la désolation. Veillez, a prévenu Jésus.

Si la détresse que signifie « l’abomination de la désolation », vaut pour le temps du Temple de Jérusalem, elle vaut aussi pour tous les temps qui suivent — le monde est dans la nuit, tandis qu’au cœur de l’avertissement brille la promesse de la délivrance : l’avènement du Fils de l’Homme qui est dans les cieux. Une délivrance à toute autre mesure que les délivrances qui se voient…

Lorsque « l’abomination de la désolation » est avérée, le monde semble comme vidé de la présence de Dieu, les cieux-mêmes sont ébranlés (Marc 13, 25). 70 s’annonce comme un de ces moments — un signe visant une autre dimension, où tout est remis en cause.

Ébranlement des puissances des cieux par la gravité de la violence subie — comme en 70, ou encore, comme l'histoire, et l'actualité, en réservent de terribles moments —, nous ayant déjà obligés à son comble à reconsidérer tout ce qu’on avait dit auparavant du monde et de Dieu… N'y a-t-il pas, selon les mots de ce collègue d'Hannah Arendt qu'est Hans Jonas, un autre concept de Dieu après Auschwitz ?

Quand la violence destructrice qui atteint jusqu’au signe de la présence de Dieu, le Temple, profané — l’idole « là où elle ne doit pas être » —, aujourd'hui on peut aussi penser à l'idole unique que l'on veut faire passer pour le Dieu unique en tuant en son nom ! Profanation du Temple que cela : « Vous êtes le Temple de Dieu », soulignent les Écritures (1 Corinthiens 3, 16 ; 6, 19). C’est là le vrai sanctuaire.

Au cœur de cette détresse, annonce Jésus, apparaît le signe du Fils de l’Homme, signe contradictoire, scellant la détresse d’un côté : « toutes les familles de la terre se frapperont la poitrine » , précise Matthieu (24, 30) ; ouvrant d’un autre côté, et par là-même, sur une délivrance radicalement nouvelle : promesse d’un monde nouveau…

*

Alors, par trois fois, en cette nuit d’absence du maître, parti en voyage en nous ayant confié ses biens — par trois fois, Jésus appelle à veiller, à rester éveillés.

1. La première fois il s’adresse à ses interlocuteurs et illustre ses paroles d’une petite parabole d’homme en voyage qui confie des tâches, et notamment au portier chargé, lui particulièrement, de veiller, ce qui fait d’ailleurs un quatrième appel à veiller, indirect celui-là, allusif, puisque adressé au portier.

2. La deuxième fois, Jésus reprend l’exhortation, mais il passe de l’histoire indirecte, à un « vous » introduit dans ce qui n’est donc plus simplement une parabole.

3. La troisième fois, il passe du “vous” au “tous”. Ce qui peut s’entendre dans premier temps comme les disciples auxquels il s’adresse et les disciples à venir qui entendront ou liront ces propos, c’est-à-dire, nous, ou bien ses contemporains d’un côté, et le reste du monde de l’autre, c’est-à-dire encore nous.

Une fois : “vous”, veillez, avec illustration dans laquelle apparaît un portier chargé, lui, de veiller. Une deuxième fois, la parabole se confond avec l’exhortation; “Vous” deviennent chacun “portiers”. Une troisième fois, on passe à “tous” — tous portiers en quelque sorte. La petite parabole de l’homme parti en voyage laisse à penser qu’il y a plusieurs tâches.

Mais la tâche du portier est la plus importante, celle qu’il s’agit de rechercher, élargie à tous : veiller. 

Le départ du Maître, de Dieu, ou du Christ, n’est pas un départ en faux-semblant. Nous sommes dans la nuit — ce qui est signifié ici dès le départ par le fait que le Père seul sait, pas même les anges, ni même le Fils !

Voilà qui est ambivalent : en premier lieu c’est tragique. Nous voilà seuls en un monde dont l’Histoire nous montre chaque jour combien il est épouvantable.

Mais quand même : pourquoi donc est-il parti ? Un voyage !? Si on était chez Luc (19, 12), on le saurait : il est parti pour être investi de la royauté. Ici c’est tout de même un peu pareil : dans le temps de son exil, de son absence, c'est comme s'il ne régnait pas. Comme une absence réelle (soulignée par le jeûne eucharistique des jours pandémiques), comme une absence du Maître dont on sait les conséquences tragiques — que l'actualité, sanitaire, économique, militaire, policière, terroriste, vient nous rappeler, via son cortège de détresse, ici et ailleurs.

C’est que durant cette absence, autre chose, peut-être, règne en nos vies — peut-être même que son absence est en rapport avec le fait qu’il a été détrôné du lieu très saint de nos vies. Et peut-être que l’on ne sait pas cela, peut-être qu’on l’ignore, jusqu’au jour, où… « lorsque vous verrez l’abomination de la désolation établie là où elle ne doit pas être »« lorsque vous verrez » précise le texte. Un jour apparaît que quelque chose régnait au cœur de nos vies en l’absence du Maître sans que — jusque là — on s’en soit rendu compte.

Alors, « lorsque vous verrez l’abomination de la désolation établie là où elle ne doit pas être », c’est que le temps de la délivrance s’est approché…

*

Et c’est ici précisément que la bonne nouvelle intervient dans la prophétie donnée par Jésus. À ce moment précis, le jour de la délivrance est en vue. Un autre monde est possible parce qu’on a vu, enfin vu, l’abomination de la désolation installée où elle ne doit pas être…

Du coup, en percevant bien cela, voilà qu’on comprend mieux l’importance de la tâche du portier, de la vigilance : la vraie vie, la joie, est dans la présence du Maître, pas dans son absence, alors qu’il semble absent du cœur du Temple, du sanctuaire de nos vies, remplacé par une idole.

Voilà qui éclaire d’une lumière crue, et encore faible certes, comme celle d’une chandelle dans la nuit, première bougie de l'Avent, un aspect du tragique de notre vie agitée. Ce monde, nos vies en ce monde, sont fragiles et provisoires, la pandémie l'a rappelé à nos refus de l'inéluctable : nous sommes mortels. Voilà qui rend tellement souhaitable ce retour du maître, au cœur de nos vies.

Voilà que la vraie vie est de veiller. Il y a quelque chose à ne pas rater. « Vous ne savez pas quand ce sera le moment » disait Jésus au début de son exhortation. Ne vous endormez donc pas de ce sommeil qui consiste à s’imaginer que le temps de ce monde est éternel, et qu’on peut se comporter — d’une part, autrement qu’en gérant provisoire ; et par ailleurs qu’on peut se permettre de croire que ce train qu’on rate aujourd’hui repassera demain.

À nouveau, c’est aujourd’hui le jour du salut. C’est aujourd’hui que le bonheur passe à portée de main. Ce soir ? Cette nuit ? Demain matin ? C’est de cette façon étrange que vient le Royaume, que du cœur de l’absence, le Maître se fait présent au milieu de nous.


RP, Poitiers, 1er dimanche de l'Avent, 29/11/20


dimanche 22 novembre 2020

Christ caché et tout proche




Voir le culte de l'aumônerie du Centre pénitentiaire de Poitiers Vivonne, ICI.

Ézéchiel 34, 11-17 ; Ps 23 ; 1 Co 15, 20-28 ; Matthieu 25, 31-46 

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Ézéchiel 34, 11-17
11 Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je viens chercher moi-même mon troupeau pour en prendre soin.
12 De même qu’un berger prend soin de ses bêtes le jour où il se trouve au milieu d’un troupeau dispersé, ainsi je prendrai soin de mon troupeau ; je l’arracherai de tous les endroits où il a été dispersé un jour de brouillard et d’obscurité.
13 Je le ferai sortir d’entre les peuples, je le rassemblerai des différents pays et je l’amènerai sur sa terre ; je le ferai paître sur les montagnes d’Israël, dans le creux des vallées et dans tous les lieux habitables du pays.
14 Je le ferai paître dans un bon pâturage, son herbage sera sur les montagnes du haut pays d’Israël. C’est là qu’il pourra se coucher dans un bon herbage et paître un gras pâturage, sur les montagnes d’Israël.
15 Moi-même je ferai paître mon troupeau, moi-même le ferai coucher — oracle du Seigneur Dieu.
16 La bête perdue, je la chercherai ; celle qui se sera écartée, je la ferai revenir ; celle qui aura une patte cassée, je lui ferai un bandage ; la malade, je la fortifierai. Mais la bête grasse, la bête forte, je veillerai sur elle ; je ferai paître mon troupeau selon le droit.
17 Quant à vous, mon troupeau, ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs.

Matthieu 25, 31-46
31 Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, accompagné de tous les anges, alors il siégera sur son trône de gloire.
32 Devant lui seront rassemblées toutes les nations, et il séparera les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres.
33 Il placera les brebis à sa droite et les chèvres à sa gauche.
34 Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde.
35 Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ;
36 nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi. 37 Alors les justes lui répondront : Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te donner à boire ?
38 Quand nous est-il arrivé de te voir étranger et de te recueillir, nu et de te vêtir ?
39 Quand nous est-il arrivé de te voir malade ou en prison, et de venir à toi ?
40 Et le roi leur répondra : En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait !
41 Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : Allez-vous-en loin de moi, maudits, au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges.
42 Car j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire ; 43 j’étais un étranger et vous ne m’avez pas recueilli ; nu, et vous ne m’avez pas vêtu; malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.
44 Alors eux aussi répondront : Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé ou assoiffé, étranger ou nu, malade ou en prison, sans venir t’assister ?
45 Alors il leur répondra : En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait.
46 Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes à la vie éternelle.

*

Derrière cette parabole fameuse de Matthieu, il y a Ézéchiel (texte de ce jour : ch. 34, 11-17), parlant du retour d’exil et de la façon dont les choses se passent tandis que Dieu ramène à lui ses brebis exilées, humiliées, maltraitées.

Les deux réalités, le départ pour l’exil (exil pour Babylone suite à la chute de Jérusalem en 586 av. JC, mais surtout exil spirituel, loin de Dieu), puis le retour — c’est-à-dire le repentir —, donnent les deux faces d’un jugement, d’une séparation : ce que souligne Matthieu qui retient d’Ézéchiel cette dimension spirituelle : exil loin de Dieu — et qui étend le propos aux nations. L’exil a dévoilé qu’il y a des enfants d’Israël dispersés et cachés dans toutes les nations — déjà avec l’exil des dix tribus dorénavant dissoutes parmi les nations, qui a suivi la chute de Samarie en 722 av. JC.

Là où Ézéchiel parlait de l’Israël historique, Matthieu parle à présent des nations, pour dire la venue du règne de Dieu sur l’univers, sur toutes les nations.

*

L’appel, concernant toutes les nations, vaut aussi pour tous les temps. Où l’on retrouve le « veillez et priez », concernant alors non seulement le temps (« vous ne savez ni le jour ni l’heure »), mais concernant aussi le « comment ? » : sous quelle forme ? — : sous quelle figure le Fils de l’Homme se présente-t-il avant de se dévoiler ?

Nous ne savions pas que c’était sous cette figure-là, diront les justes ! On pense à Martin, devenu ermite de Ligugé, puis plus tard Martin de Tours, qui encore soldat ne savait pas qu’il partageait son manteau avec le Christ lorsqu’il le partageait avec un misérable (cela lui est révélé après).

« Venez, les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde ». Dans l’immédiat, ce Christ caché, le Fils de l’Homme, peut l’être dans les premiers disciples persécutés, les témoins du Christ, porteurs du Christ dispersés cachés et persécutés parmi les nations. Mais l’ignorance d’avoir accueilli Jésus (qui s’adresse ici à des croyants) nous contraint à entendre cela de façon plus large. Il est vraiment caché. Frappante, cette ignorance !

Le service du Christ caché peut être rendu par quiconque, comme l’induit le texte, même non-croyant — mieux : les justes ne sont pas conscients de l’être.

Où la spécificité des lecteurs de ce texte que nous sommes, spécificité remarquable ! — : nous sommes avertis, nous savons où peut se cacher le Fils de l’Homme — a des allures de privilège, certes, mais a aussi quelque chose de redoutable, sachant que ce qui caractérise le juste est précisément de ne pas savoir l’être ! « Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te donner à boire ?, etc. » (v. 37-39).

*

Allons donc un peu plus loin. Parce que jusque là, tout cela reste à la fois théorique et, au fond, culpabilisant. Théorique parce que l’on ne perçoit pas forcément jusqu’où mène cet accueil de quiconque en qui se cache le Christ. Culpabilisant parce qu’on perçoit vite, pour ne pas dire immédiatement, qu’on n’en a évidemment pas fait assez !

La progression dans le propos de Jésus le laisse bien apparaître : « j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi. »

On passe d’un besoin élémentaire : un sandwich, à des zones autrement inquiétantes. Et on comprend que ce n’est pas seulement de quelques euros, ni de nourriture, vêtements, abri, ou visite qu’il est question. Voilà une exigence divine d’empathie qui risque d’engager finalement tout l’être ! Et, la période que nous traversons nous le révèle, l’empathie exige de nous une sorte d’impossible, dans un engagement qui peut s’avérer contradictoire : être présent, proche, et ne pas être vecteur de contamination virale. Situation gênante, soulignée par notre situation sanitaire, qui vaut bien plus largement, en tout temps (comme l’exil, souligné par l’exil géographique, est une réalité bien plus profonde, la traversée du désert un désert intérieur).

*

Quand on sait que le signe énorme qui est dans le « c’est à moi que vous l’avez fait » est l’établissement en dignité infinie, l’établissement du prochain au statut de fils ou fille de Dieu (la tradition juive a une histoire parallèle concernant les femmes, à accueillir toutes comme la mère possible du Messie)… Quand on sait que c’est de cette dignité-là qu’il est question, s’est creusée une vaste question !… Qui ressemble fort à un jugement des nations !

Où il apparaît que ces paroles, « c’est à moi que vous ne l’avez pas fait », portent aussi (avec ce qu’elles exigent) la marque de l’impossibilité de leur réel accomplissement ; et c’est terrible. C’est ici que doit d’abord nous conduire ce texte, sous peine d’être ou un passage vers une fausse bonne conscience de qui penserait avoir assez fait, celle d’un orgueil inconscient ; ou au contraire un vrai poids : « Malheur à moi car je suis perdu : j’ai vu les exigences de Dieu, et je n’y ai pas satisfait. »

Si on en est là, le texte a déjà accompli un de ses offices. Nous conduire à la grâce : alors l’ange prit une braise sur l’autel, « il m’en toucha la bouche et dit : "dès lors que ceci a touché tes lèvres, ta faute est écartée, ton péché est effacé" » (Es 6) ; une grâce qui n’est pas à bon marché, une grâce qui engage. Quand on en est là, on n’a bien sûr pas résolu la question humaine sur laquelle débouche ce texte.

Pas plus que vous, je n’ai de recette, mais force est de constater que l’heure est proche, redoutable, l’heure de hurler notre impuissance devant Dieu. Où l’on entend tout à nouveau ces Psaumes chargés d’imprécations, tournant contre nous (cf. Mt 25, v. 46), qui troublent tant notre paix et que le Christ a pourtant priés — c’était ses prières !

Car avec son exigence de dignité, d’élévation au statut d’enfant de Dieu de quiconque, en qui se cache le Christ, notre texte a posé l’espérance urgente d’un autre monde, avec pour fondement l’amour, concret, du prochain, aujourd’hui réduit en esclavage — « j’ai entendu la voix des opprimés » dit Dieu au livre de l’Exode ; où l’exigence d’une Cité nouvelle, déjà, en signe, se dessine pour les disciples : « Si cherchant sa route, / Un peuple t’écoute, / Il vivra heureux ; / Il verra les signes / Qui déjà désignent / La Cité de Dieu. » (Ps 33)

Que nous dit alors l’Évangile aujourd’hui ? Il nous dit que si, certes, « vous aurez toujours les pauvres avec vous », tous les humiliés, et on en voit aujourd’hui tout le tragique, ce dont il s’agit, c’est quand même d’une dignité perdue, perdue déjà, sans doute, aux portes de l’Éden, premier exil, portes fermées par l’Ange à l’épée flamboyante, dignité rétablie pleinement dans le Christ ressuscité (1 Corinthiens 15, 20-28)… et caché en chacun des plus petits de ses frères et sœurs, en chacune et chacun de nous, de vous, de celles et ceux que nous côtoyons — une présence aimante propre à engloutir nos peurs, en son temps, ce temps tout proche, déjà là : « n’ayez crainte, je suis tout proche ».


RP, 22.11.20 (culte virtuel) 


dimanche 15 novembre 2020

Dans un temps provisoire




Proverbes 31, 10-31 ; Psaume 128 ; 1 Thessaloniciens 5, 1-6 ; Matthieu 25, 14-30

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Matthieu 25, 14-30
14 "Il en va comme d’un homme qui, partant en voyage, appela ses serviteurs et leur confia ses biens.
15 A l’un il remit cinq talents, à un autre deux, à un autre un seul, à chacun selon ses capacités ; puis il partit. Aussitôt
16 celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla les faire valoir et en gagna cinq autres.
17 De même celui des deux talents en gagna deux autres.
18 Mais celui qui n’en avait reçu qu’un s’en alla creuser un trou dans la terre et y cacha l’argent de son maître.
19 Longtemps après, arrive le maître de ces serviteurs, et il règle ses comptes avec eux.
20 Celui qui avait reçu les cinq talents s’avança et en présenta cinq autres, en disant : Maître, tu m’avais confié cinq talents ; voici cinq autres talents que j’ai gagnés.
21 Son maître lui dit : C’est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur beaucoup je t’établirai ; viens te réjouir avec ton maître.
22 Celui des deux talents s’avança à son tour et dit : Maître, tu m’avais confié deux talents ; voici deux autres talents que j’ai gagnés.
23 Son maître lui dit : C’est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur beaucoup je t’établirai ; viens te réjouir avec ton maître.
24 S’avançant à son tour, celui qui avait reçu un seul talent dit : Maître, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes où tu n’as pas semé, tu ramasses où tu n’as pas répandu ;
25 par peur, je suis allé cacher ton talent dans la terre : le voici, tu as ton bien.
26 Mais son maître lui répondit : Mauvais serviteur, timoré ! Tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé et que je ramasse où je n’ai rien répandu.
27 Il te fallait donc placer mon argent chez les banquiers : à mon retour, j’aurais recouvré mon bien avec un intérêt.
28 Retirez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui a les dix talents.
29 Car à tout homme qui a, l’on donnera et il sera dans la surabondance ; mais à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré.
30 Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres du dehors : là seront les pleurs et les grincements de dents.

*

Le maître s'est éloigné. Les serviteurs sont seuls. Dans ce temps d'absence, n'ayez pas peur. C'est un des enseignements importants de notre parabole, dite « des talents ».

Hors la Présence (i.e. « Parousie ») du Maître, les serviteurs demeurent — nous demeurons — dans ce temps intermédiaire, dans le provisoire. Mais la tentation, alors que le Maître semble tarder, est de finir par s'imaginer que ce provisoire est du définitif. Alors on s'endort, comme si ce monde ne devait pas passer. C'est en tout cas ce que l'on est tenté d'imaginer, ce qu'est tenté d'imaginer le mauvais serviteur… jusqu'au retour du maître.

Si l'on n'est pas dans le provisoire, si l'on est dans le définitif, alors, effectivement les dons qui nous sont faits peuvent ne l'être que pour notre bien propre et définitif. Alors on peut s'imaginer que les talents qui sont les nôtres sont destinés à être préservés, mis de côté.

« Talent ». Voilà un mot qui a eu du succès, grâce à notre parabole. « Avoir du talent » : à quoi vous fait penser cette expression ? Être doué. À l'époque biblique le mot signifie, au sens littéral, avoir de l’argent : un talent équivaut à peu près, si j’ai bien compris, à 800 euros.

Autant dire que le maître laisse à ses serviteurs un certain pécule, qui effectivement est l'image de nos dons, de nos capacités.

Or nous sommes dans un temps intermédiaire, et passé un certain délai, passé un temps qui peut prendre fin d'un moment à l'autre, les talents qui nous sont confiés ne servent plus à rien. « Votre or rouille » dit l’Epître de Jacques, qui sait très bien qu’en termes chimiques, ce n’est pas le cas !

Lors de la crise économique de 1929, le fameux krash de Wall Street, effondrement mondial des valeurs boursières, l'argent s'est mis à perdre sa valeur de façon hémorragique. Rien — aujourd'hui on est bien placé pour le savoir à nouveau —, rien n'empêche que cela se reproduise. L'argent peut se mettre très rapidement à ne valoir plus rien. Le papier à avoir la valeur du papier. Un billet de cent euros à ne valoir pas plus que son équivalent papier.

Voilà qui permet de saisir pourquoi il est dit mauvais serviteur. Parce qu'il donne à son maître du papier, ou, à l'époque, du métal. Thésauriser, sans plus, revient à faire tout bonnement comme lui. Mais me direz-vous, comment ne pas le comprendre ? On ne sait jamais, avec la crise… les temps sont durs… que sera le lendemain ? etc. C'est là que s'esquisse ce sens de la parabole : n'ayez pas peur ! La figure de ce mauvais serviteur de la parabole devient alors une façon de nous encourager. Ne faites pas comme lui, n'ayez pas peur.

Rendre au maître le papier, ou les talents qu'il nous a confiés, comme si le temps de leur valeur devait ne jamais cesser, revient à le voler, tout simplement. En ce sens qu'il nous a confié quelque chose doté d'une valeur provisoire, mais réelle en ce temps provisoire, valeur qui consiste en ce temps intermédiaire tout simplement en un pouvoir de transformation, de développement et d'enrichissement via l’investissement pour l’embellissement du monde, et voilà que nous lui rendons ce qui dans le temps nouveau et éternel n'est que du papier, avec seule valeur celle du papier — prétendant en plus que de toute façon avec la richesse qui est la sienne, peu lui importe, il peut donner valeur infinie à du papier. Cela revient simplement à gaspiller ses talents, qui auraient pu produire et multiplier.

C'est comme un enfant à qui vous confieriez des barres de pâte à modeler en lui laissant le soin d'en faire des figurines en vue de la préparation de la fête de Noël, par exemple, et qui vous rendrait les barres intactes, vous disant qu'il sait bien que vous êtes capables de toute façon de faire des figurines vous-mêmes, aussi bien avec une autre matière que de la pâte à modeler, alors… à quoi bon, — d'autant plus qu'il sait qu'il est maladroit et qu'il craint que vous ne jugiez sévèrement son œuvre ou qu'il ait gâché la pâte. Cela comme s'il considérait la pâte à modeler comme plus précieuse que le projet que vous aviez en vue.

Ou encore un poète à qui l’on confierait les lettres de l’alphabet et qui les rendrait telles quelles, après les avoir soigneusement rangées dans un classeur. On peut donner nombre d’exemples. Quant à chacun de nous, quel est le matériau donné aux capacités qui sont les nôtres ?

Pour revenir à l'image financière, l'attitude du mauvais serviteur — que l’on retrouve dans la figure de celui qui rend son papier où est marqué cent euros, ou l’enfant sa barre de pâte à modeler, le poète ses lettres, etc. —, revient à avoir préféré l'idolâtrie de ce qui passe à la foi en Dieu qui peut donner et ôter valeur à ce qui passe.

*

Ayant fait le détour actualisé de la lettre de la parabole, on comprend bien ce qu'il en est des serviteurs fidèles dont elle parle. Ils n'ont pas cru que le temps intermédiaire était définitif, c'est-à-dire qu'ils ont cru vraiment au retour du maître, qui s'avère ici avoir lieu pourtant « longtemps après » (v. 19).

Ils n'ont donc idolâtré ni le temps intermédiaire, ni ses valeurs, pourtant fondées sur le pouvoir de Dieu. Y a-t-il plus grand manque de gratitude envers un bienfaiteur que de le confondre avec ses bienfaits ? Y a-t-il plus grande tristesse que de n'être aimé que pour son argent et ses biens ? — au point de donner à son bienfaiteur la valeur du papier qu'il nous confie… papier bien digne d'être enterré, caché dans un trou.

Les bons serviteurs ont clairement distingué le maître et ses talents, et ont donc été à même de faire valoir ses talents, comme on doit faire de toute chose provisoire. Le provisoire est fait pour circuler, fructifier, sinon il pourrit, comme toutes les idoles — ce provisoire qui se prend pour du définitif.

En sachant que le maître seul est de l'Éternité, les bons serviteurs se sont mis en mesure de vraiment le servir dans le provisoire, et même de devenir aptes à le servir dans le temps nouveau qui se met en place, préparant sa venue… On pourrait peut-être dire tout simplement : ils se sont mis en mesure de le louer. Car que sont ces grandes choses-là que le maître leur confie, sachant qu'ils ont su gérer les choses provisoires ? En tout cas, sachant qu'ils ne confondent pas le maître avec ses dons, ils ont prouvé leur aptitude à le louer en vérité.

Remarquons aussi un détail non-négligeable : les bons serviteurs sont dès le départ du maître, doués de plus de talents, comme ayant plus de capacités à les recevoir. Comme quoi, gérer convenablement ce que nous confie le maître est lié à un terreau, qui se cultive aussi. À nous de cultiver notre nature, chose de ce temps de façon à y devenir de bons gestionnaires. À nous de veiller dans les plus petites choses. Suis-je idolâtre de Mammon, suis-je arrêté par quelque peur ou prétendue peur de mal faire ? Autant de manques de capacité à gérer les talents que le maître nous confie, qu'il s'agit de corriger, où il s'agit de s'interroger.

Et si nous tenons à ne pas nous remettre en question, à demeurer dans la peur, avec une fausse vision d'un maître-fouettard, alors cette parabole nous dit : n'ayez pas peur ! Et déjà, n'enterrons pas nos maigres talents ; et si d'autres les font fructifier — dans la parabole l'image de la banque : prêter la pâte à modeler à quelqu'un d'autre qui en fera quelque chose — soyons-en reconnaissants !

Reste quand même, et c'est encore mieux, la possibilité de nous en remettre avec confiance au Maître, lui demandant de nous aider à développer nos capacités, car ce sont là des choses du temps, pour devenir de bons gestionnaires des talents d'éternité qu'il entend nous confier.

Et n'ayons pas peur de nous lancer, de nous salir les mains à cette pâte graisseuse, pour voir naître entre nos doigts poisseux les premiers fruits du Royaume promis. Car il ne s’agit pas de rester les yeux levés vers le ciel de celui qui s’est comme absenté, mais de se tourner vers le monde pour l’enrichir des talents que nous a confiés celui dont on attend la venue…


RP, 15.11.20 (culte virtuel)


dimanche 8 novembre 2020

Lampes & huile





Proverbes 8, 12-20 & 32-36 ; Psaume 63 ; 1 Thess 4, 13-18 ; Matthieu 25, 1-13 

En PDF : culte en entier :: :: Prédication
En audio : lecture de l’Évangile et prédication ici :


Matthieu 25, 1-13
1 Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent à la rencontre de l’époux.
2 Cinq d’entre elles étaient folles, et cinq sages.
3 Les folles, en prenant leurs lampes, ne prirent point d’huile avec elles ;
4 mais les sages prirent, avec leurs lampes, de l’huile dans des vases.
5 Comme l’époux tardait, toutes s’assoupirent et s’endormirent.
6 Au milieu de la nuit, on cria : Voici l’époux, allez à sa rencontre !
7 Alors toutes ces vierges se réveillèrent, et préparèrent leurs lampes.
8 Les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.
9 Les sages répondirent : Non ; il n’y en aurait pas assez pour nous et pour vous ; allez plutôt chez ceux qui en vendent, et achetez-en pour vous.
10 Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva ; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée.
11 Plus tard, les autres vierges vinrent, et dirent : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous.
12 Mais il répondit : Je vous le dis en vérité, je ne vous connais pas.
13 Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l’heure.


Le contexte n’en laisse pas de doute : c’est un appel à la vigilance, que cette parabole, en vue de la terrible « heure où quiconque vous fera mourir croira rendre un culte à Dieu », selon les mots de Jésus (Jean 16, 2) — vous serez pourchassés jusque dans les lieux de culte, a-t-il averti (ibid.). La parabole des dix vierges renvoie à la toujours actuelle réalité de cet avertissement de Jésus : elle concerne la menace de la violence et de la persécution, des guerres et des haines, comme n’en laissent aucun doute les propos qui la précèdent immédiatement :

« On vous livrera aux tourments, et l’on vous fera mourir ; et vous serez haïs de toutes les nations, à cause de mon nom. Alors aussi plusieurs succomberont, et ils se trahiront, se haïront les uns les autres » (Mt 24, 9-10)

Il en sera comme « dans les jours qui précédèrent le déluge, [où] les hommes mangeaient et buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; et ils ne se doutèrent de rien, jusqu’à ce que le déluge vînt et les emportât tous »… (Mt 24, 37-39)

« Quel est donc, poursuit Jésus, le serviteur fidèle et prudent, que son maître a établi sur ses gens, pour leur donner la nourriture au temps convenable ? Heureux ce serviteur, que son maître, à son arrivée, trouvera faisant ainsi ! Je vous le dis en vérité, il l’établira sur tous ses biens. Mais, si c’est un méchant serviteur, qui dise en lui-même : Mon maître tarde à venir, s’il se met à battre ses compagnons, s’il mange et boit avec les ivrognes, le maître de ce serviteur viendra le jour où il ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas »… (Mt 24, 45-50)

Et juste à la suite de ces mots… « Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges »… Notre texte de ce jour… 

« Vous serez haïs à cause de mon nom » (Mt 24, 9) — « qui vous fera mourir croira rendre un culte à Dieu » (Jn 16, 2). Avertissement on ne peut plus clair. On ne peut plus clair aussi le fait que cela surprend toujours. Une imminence telle qu’elle déconcerte toujours. « Veillez donc », a dit Jésus à ses disciples — « ayez de l’huile pour vos lampes ». C’est toujours inattendu, d’autant que les victimes n’ont rien fait pour endurer cela ! — « haïs à cause de mon nom », ce nom signe d’humilité et de justice…

*

La fermeture de la porte de la salle de noces ressemble alors à celle de la porte de l’arche de Noé que Jésus vient d’évoquer — tandis que dans la nuit fait rage la violence. Non que celles des vierges (demoiselles d’honneur et non polygamie : dans la polygamie, on n'épouse pas dix femmes en même temps ! L'épouse de cette noce est la Dame élue — de 2 Jn 1 —, l’Église) — non, donc, que celles des demoiselles d’honneur qui sont pourvues d’huile soient épargnées de la violence du temps, mais elles bénéficient d’un secret, celui des fioles d’huile : cela arrive à cause de la justice, ou « à cause du nom », celui du témoin et porteur de justice — « heureux les persécutés pour la justice » (Mt 5, 10). C’est là le secret que livre Jésus, secret intime comme l’huile de la parabole qui ne peut être partagée — « allez donc plutôt chez les marchands » — ; secret qui révèle de façon éminemment intime dans ce qui arrive de façon inéluctable un sens inattendu.

Cela concerne certes d’abord le temps de Jésus… mais on peut aussi dérouler les cas à travers les temps ultérieurs. Le serviteur humble dérange toujours autant. La soif de justice pose toujours problème, avec cette constante : elle est perçue comme menace politique, comme liée à des options politico-militaires, auxquelles pourtant elle ne peut rien : celles de tels ou tels acteurs puissants ou violents. Mais, et ils l’ignorent, en réalité les victimes sont persécutées « pour la justice », « à cause du nom » comme signe de justice en marche, dévoilé par Jésus : bien que ça n’ait jamais été officiellement parce que les persécutés sont assoiffés de justice (Mt 5, 6) qu’ils sont torturés ou tués, mais pour des prétextes à côté. De nos jours comme antan, des prétextes mis en scène dans les mensonges éhontés d’une propagande éhontée pour mettre des innocents en cibles… Comme pris dans des rouages auxquels ils ne peuvent rien… 

Quatre grands référents schématiques de la violence contre les témoins du serviteur souffrant :

Antiquité, l’Empire romain : les disciples sont persécutés parce qu’ils sont jugés subversifs quant aux autorités impériales, ce dont ils se défendent. N’empêche, ils sont jugés dérangeants quant à leur façon de vivre leur foi.
Moyen Âge, très nombreux sont ceux qui sont persécutés… par l’Église au pouvoir cette fois, ou les califats (selon la rive de la Méditerranée) ! Motif : hérétiques, subversifs aux yeux du pouvoir.
XXe siècle, les totalitarismes jugent ceux qu’ils persécutent subversifs, ou agents de l’ennemi, et comme au Moyen Âge hérétiques par rapport au dogme (qui n’est certes plus le même — ici c'est la vulgate de « la race » des nazis ou celle du matérialisme soviétique). 
XXIe siècle, on connaît l’actualité… 

« À cause de mon nom », « à cause de la justice », a averti Jésus… Au-delà des questions idéologiques, des prétextes religieux ou dogmatiques, allant du dogme nazi au XXe siècle à l’idéologie islamiste de nos jours — la déstabilisation, la division, la guerre, surtout civile, ont toujours pour conséquence la prise à partie des minorités, des plus humbles, à l’image du serviteur souffrant. « À cause de mon nom ».

Au Moyen Âge le rapport de force Orient-Occident était à peu près l’inverse de ce qu’il est aujourd’hui. La chrétienté était sous la menace de la puissance supérieure de l’Orient musulman. Menace qui a cessé en 1571 lors de la défaite ottomane à la bataille de Lépante, après laquelle le rapport de force a fini par s’inverser. Auparavant, l’Occident se sentant menacé avait opté pour la ligne de défense de la Croisade. Or, que se passe-t-il alors en Europe lorsqu’une Croisade s’ébranle ? On commence par pourchasser les supposés « infidèles » locaux, les juifs. 

Aujourd’hui le rapport de force est inversé. Le monde musulman est sous la menace de puissances militaires incommensurablement plus fortes. Certains en son sein, rongés de ressentiment, se vengent donc de façons diverses, prétendant « venger le prophète » (comme s'il en avait besoin !), jusque par des crimes atroces — visant le cœur spirituel de ceux qu’ils attaquent : l’instruction (M. Paty), la prière (dans la basilique de Nice), visant les plus faibles en tête : les victimes sont témoins malgré elles, leur enseignement et leurs prières étant donc des armes plus redoutables que les bombes et les couteaux.

Au fond, va-t-on leur reprocher !, cela ne leur arrive pas pour rien : ils n’ont qu’à enseigner selon le bon dogme et prier selon le bon rite — « haïs à cause de mon nom » de témoin humilié, a averti Jésus…

Ainsi, puisqu’ils ne sont officiellement pas réellement menacés pour ce qu’ils sont, mais pour ce qu’ils représentent de ce fait, on susurre que ce qui leur arrive est… un peu de leur faute ! (N’entend-on pas suggérer discrètement que les persécutés devraient mieux se tenir, avec des propos plus religieusement corrects, ou plus modérés !)


L’avertissement de Jésus vaut bien en tout temps, pas seulement au premier siècle ! Où l’on retrouve nos dix vierges et leurs lampes à huile ! Huile symbole de la sagesse cachée qui fait défaut à la moitié d’entre elles, huile symbole de l’Esprit prophétique qui semble manquer cruellement au temps où il serait le plus utile. Au temps où pullulent les prophètes en manque d’huile qui clament « paix, paix, et il n’y a point de paix » (Jérémie 6, 14)… tandis que les prophètes de malheur — les Jérémie — se voient montrer du doigt.

Jusqu’à quand ? Jusqu’au jour où la violence fondra sur vous, vient d’annoncer Jésus au ch. 24 de Matthieu, qui précède notre parabole, annonçant le jour où l’huile manque irrémédiablement et où les portes se ferment sur la douleur qui a déjà atteint d’autres, jusque là souvent dans notre indifférence de vierges folles. Il est alors toutefois toujours temps de troquer l’huile malodorante des sous-sols ensanglantés pour l’huile de l’Esprit prophétique qui aujourd’hui encore nous appelle à la prière et au témoignage. Bref de se réveiller, et de faire œuvre de paix et de solidarité, de refuser d’entrer dans la violence et la haine de ceux qui ne cherchent qu’à détruire et diviser (diviser : de la même étymologie, en grec, que le mot diable) — provoquer division et guerre civile. Ce qui aujourd’hui, jusqu’à présent, ne marche pas ! Signe de la présence de cette huile mystérieuse.

L’Esprit que symbolise l’huile donne de savoir que quand un membre est éprouvé, tout le corps souffre (cf. Paul, 1 Co 12). Nos frères et sœurs en humanité violentés au loin comme ici, c’est nous, c’est notre corps — leur cri est déjà le cri dans la nuit qui retentit à nos oreilles de vierges ayant toutes, sages comme folles selon la parabole, sombré dans le sommeil.

Ce cri dans la nuit est l’avertissement du pasteur Niemöller au temps du nazisme :
« Lorsqu'ils sont venus chercher les communistes,
Je me suis tu, je n'étais pas communiste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les syndicalistes,
Je me suis tu, je n'étais pas syndicaliste.
Lorsqu'ils sont venus chercher les juifs,
Je me suis tu, je n'étais pas juif.
Puis ils sont venus me chercher,
Et il ne restait plus personne pour protester. »

… Ils ont attaqué ceux du bout du monde, ils sont venus attaquer ceux qui habitaient moins loin, puis, de proche en proche, tout près — et il n’y aurait plus d’huile ?…

Cette huile de l’Esprit de vigilance requise, en écho au texte de Martin Niemöller, par le cri retentissant dans la nuit, celui du pasteur M.-L. King : « ce qui m'effraie, ce n'est pas l'oppression des méchants ; c'est l'indifférence des bons » (façon de manque d’huile). L’huile : la vigilance, la prière, le témoignage, ont une portée que l’on ne soupçonne pas, d’où, même si elle est invisible, l’importance humble de « veiller et prier » (Mt 26, 41) — en se sachant un même corps avec toutes les victimes de la violence et de la haine.


RP, 8.11.20 (culte virtuel)


dimanche 1 novembre 2020

Béatitudes




Apocalypse 7, 2-14 ; Psaume 24 ; 1 Jean 3, 1-3 ; Matthieu 5, 1-12 

Matthieu 5, 1-12
1 À la vue des foules, Jésus monta dans la montagne.
Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
2 Et, prenant la parole, il les enseignait :
3 « Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux.
4 Heureux les doux : ils auront la terre en partage.
5 Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés.
6 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés.
7 Heureux les miséricordieux : il leur sera fait miséricorde.
8 Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu.
9 Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu.
10 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux.
11 Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, que l’on vous persécute et que l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi.
12 Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ; c’est ainsi en effet qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.


Dans le Sermon sur Montagne — Matthieu 5-7 —, Jésus nous livre sa lecture de la Loi donnée au Sinaï, en nous rappelant : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour observer pleinement » (Mt 5, 17) — cette Loi qui se résume à un commandement d'amour pour Dieu qui ne se traduit que comme amour du prochain (1 Jn 4, 20).

Introduite en Matthieu par les Béatitudes, la Loi se trouve ainsi au cœur du Nouveau Testament, Loi qui est la même que celle de la Bible hébraïque ; et par ailleurs l’Évangile, comme bonne nouvelle de la libération, se trouve aussi dans la Bible hébraïque. Sous un certain angle l’Évangile est la Loi elle-même, loi de liberté et de grâce. Jésus annonce le Règne de Dieu, ou « des cieux » — selon le respect de la Torah qui enseigne de ne pas prononcer le Nom en vain.

Des Béatitudes à l'appel à bâtir sur le roc de l'enseignement reçu des Écritures, dont « pas un trait de lettre ne passera » (Mt 5, 18), Jésus nous conduit au cœur du message de libération et de grâce qui retentit comme parole d’Éternité que le temps ne saurait éroder : « le ciel et la terre passeront, la Parole de Dieu subsiste au-delà du temps » (cf. Mt 24, 35 ; Es 40, 8).

« Heureux », le mot des Béatitudes reprend le premier mot des Psaumes, perçus dans le judaïsme comme la relecture priante de la Torah et dont le Notre Père, que l'on trouve au cœur du Sermon sur la montagne, est un résumé, — le premier mot des Psaumes, le premier mot du Psaume 1, « heureux », parle du bonheur de vivre de la Loi, la Torah :
1 Heureux
[…]
2 qui se plaît à la loi du Seigneur
et la médite jour et nuit !
3 Il est comme un arbre planté près des ruisseaux :
il donne du fruit en sa saison
et son feuillage ne se flétrit pas ;
il réussit tout ce qu’il fait.

Il s'agit bien là d'observance de la Loi, précisément dans sa racine intérieure, quand plus rien de ce qu'elle promet ne se voit. Alors, le bonheur — selon ce sens du mot béatitude — est comme l’ouverture cachée derrière nos échecs et nos défaites ; en écho à la parole du prophète Zacharie (ch. 4, v. 6) : « ce n’est ni par la puissance ni par la force, mais c’est par mon esprit, dit l’Éternel ». La puissance et la force échouent toujours à faire advenir le Règne de Dieu comme règne du bonheur : il ne vient pas par la puissance des pouvoirs et des conquêtes, dont l'échec ne se compense pas non plus par la force désespérée (qui glisse à la terreur !). Cela est au cœur des Béatitudes. « Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu. » — « Heureux les doux : ils auront la terre en partage. » Le bonheur comme face cachée de nos impasses lorsqu’elles sont reconnues. Cela à l’encontre de l'apparence… qui fascine. 

Alors, selon les quelques versets qui suivent les Béatitudes, nous pouvons devenir sel de la terre, qui lui donne du goût et la préserve de se corrompre ; et lumière du monde, qui rayonne depuis l'être intérieur de qui y scelle l'enseignement de la Parole de vie.

Nous voilà, en d’autres termes, appelés à la douceur, non à la contrainte ; et appelés à la profondeur intérieure, non à la superficialité. Refuser les copies superficielles de la vie, qui voudraient que le bonheur ne soit nulle part ailleurs que dans ce qui impressionne, la force comme l’aisance matérielle avec son rassasiement, les réjouissances, la considération que nous porte autrui. Jésus enseigne que le bonheur est à peu près le contraire. Tout ce qui impressionne n'est que clinquant et qui s'y fie rate le bonheur. Ce n’est pas qu'il faille souhaiter la pauvreté, la faim, le deuil, et d'être rejeté et haï !… Mais c’est pourtant pas loin de là que demeure, de façon cachée, la source du bonheur (v. 11-12)…

Où la richesse devient masque de malheur, où les fêtes dans les jours sombres sont une façon d’engloutir dans le bruit le manque et la soif de vérité. Où elles deviennent comme des cris étouffés de détresse secrète, cris de la faim de lumière, de présence, de justice. Où elles ne sont plus que signes éclatants de solitude, comme des masques carnavalesques de larmes prêtes à jaillir… Et le désir d'être bien vu une lâcheté paralysant au fond des cœurs les paroles et les gestes de vérité, cette envie qui tenaille d'être enfin vrais ! Face à cela est cet étrange bonheur que proclame Jésus ! Un bonheur au-delà des apparences qui est de vivre dans l'intériorité l’enseignement biblique — au mépris de la violence, qui relève aussi de la vanité.

Ce faisant, si on est très proche des Psaumes, comme le Psaume 1, on l'a vu, on est très proche aussi de l'Ecclésiaste, qui conclut son discours par « crains Dieu et observe ses commandements, c'est là tout l'homme » (Ecc 12, 13), le cœur des commandements consistant à aimer autrui, en se mettant à sa place (pensons aux enfants de cette femme assassinée dans la basilique de Nice). Quant à l'Ecclésiaste, dont on retrouve bien des accents dans le Sermon sur la montagne, il nous permet de ne pas recevoir le bonheur des Béatitudes comme un bonheur d'arrière-monde qui serait le lot futur de ceux qui décideraient de ne pas vivre dans le temps ! Au contraire, comme dit le Deutéronome, choisis la vie !

Ainsi, Ecclésiaste 5, 18-20 :
18 Voici ce que j’ai vu : c’est une chose bonne et belle de manger et de boire, et de jouir du bien-être au milieu de tout le travail qu’on fait sous le soleil, pendant le nombre des jours de vie que Dieu a donnés ; c’est là ta part.
19 Mais, si Dieu a donné à quelqu’un des richesses et des biens, s’il l’a rendu maître d’en manger, d’en prendre sa part, et de se réjouir au milieu de son travail, c’est là un don de Dieu.
20 […] parce que Dieu répand la joie dans son cœur.

Chez l'Ecclésiaste, ce qui permet en tout temps la perception de ce bonheur est la conscience du don de Dieu.

Ecclésiaste 6, 2 : « Il y a tel à qui Dieu a donné des richesses, des biens, et de la gloire, et qui ne manque pour son âme de rien de ce qu’il désire, mais que Dieu ne laisse pas maître d’en jouir, car c’est un autre qui en jouira. C’est là une vanité et un mal grave. »

Face à cette vanité, qui reste vanité quoiqu'il en soit, s'offre la conscience reconnaissante du don de Dieu. Là est la racine du bonheur, bref, les Béatitudes…

*

« Crains Dieu et observe ses commandements, c'est là tout l'homme ». Mais, me direz-vous peut-être, jusqu'à quel point ? Le commandement d'amour n'est-il pas un peu vague, peu concret, voire guimauve ? Quid des plus petits préceptes de la Loi biblique soulignés aussi par Jésus (Mt 5, 19) pour que les choses soient assez concrètes ?

Où il faut parler de ces trois aspects de la Loi biblique : l’aspect moral, l’aspect cérémoniel et l’aspect judiciaire. L’aspect cérémoniel (les cérémonies religieuses bibliques) et l’aspect judiciaire (pour la gestion de la vie le la Cité), sont donnés, quant à leur lettre, comme correspondant à un temps et à une civilisation donnée. Ils peuvent varier dans leur pratique selon les circonstances. Pour l’aspect judiciaire : par exemple les formes de gouvernements, qui sont variables selon les lieux et les temps. Quant à l’aspect cérémoniel, par exemple on ne pratique pas aujourd’hui de sacrifices d’animaux dans le Temple de Jérusalem — de toute façon détruit (sacrifices correspondant pourtant à des préceptes cérémoniels). Cela vaut pour tout commandement en son aspect cérémoniel — lié à des temps, des lieux, des traditions culturelles, comme pour l'aspect judiciaire.

*

Cela dit, l’aspect cérémoniel de la Loi est essentiel, comme fondement céleste. C’est le sens du culte : dessiner la dimension verticale de nos vies, la dimension de la relation avec Dieu, qui occupe fortement les quatre premières paroles du Décalogue. Car la dimension verticale de nos vies se dessine pour nous via des rites et des cérémonies, que ces rites soient chrétiens, juifs, ou autres : musulmans, hindous, etc. Il se trouve que pour Jésus, ce sont des rites juifs, ceux de la Torah. C’est aussi le cas dans le Nouveau Testament pour le rituel chrétien qui en est issu. Notre culte s’ancre sur celui d’Israël que pratiquait Jésus. Sous cet angle, l’observance de la Loi de Moïse pour les chrétiens est le fait d’Israël : l’observance juive vivante. Le christianisme des nations sans ce vis-à-vis serait tout simplement bancal. Cela nous conduit à réaliser la nature relationnelle du christianisme : sa nature est d’être en relation, en premier lieu en vis-à-vis du rituel juif, puis des diverses institutions des diverses cités terrestres, institutions politiques, symboliques, scolaires, etc.

*

Quant à l’aspect moral, comme norme idéale, comme visée de perfection — qui au-delà du Décalogue, se résume au « double commandement » : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton être et ton prochain comme toi-même » ; i.e. « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse (Hillel) / fais à autrui ce que tu voudrais qu'il te fasse (Jésus) » — ; cet aspect de la Loi n’est pas sujet aux variations culturelles, même si son application s’adapte aux circonstances. Il concerne donc toutes et tous, au-delà du temps de l'Israël biblique.

En son cœur, contre l'ambiance de mort qui empuantit notre actualité — entre pandémie et terrorisme —, on retrouve le « tu choisiras la vie » du Deutéronome, se déployant en injonctions comme « lève-toi et marche », commandement adressé par Pierre au paralytique dans les Actes des Apôtres ; ou, en Jean 11 : « sors de ta tombe », commandement adressé par Jésus à Lazare, autant d’applications du fameux « va pour toi » (lekh lekha) commandement adressé dans la Genèse à Abraham — et donc « tu choisiras la vie », l’injonction libératrice que donne le Deutéronome. Heureux celui, celle, qui entre ainsi dans la vie du Royaume des cieux, ancré au plus intime de l'être intérieur.


RP, Châtellerault, 1/11/20
En PDF : culte en entier :: :: Prédication
(Cf. ici, la prédication donnée à Poitiers)