dimanche 26 septembre 2021

"Ces petits qui croient"




Nombres 11, 25-29 ; Psaume 19 ; Jacques 5, 1-6 ; Marc 9, 38-48

Nombres 11, 25-29
25 Le SEIGNEUR descendit dans la nuée et lui parla ; il préleva un peu de l’esprit qui était en Moïse pour le donner aux soixante-dix anciens. Dès que l’esprit se posa sur eux, ils se mirent à prophétiser, mais ils ne continuèrent pas.
26 Deux hommes étaient restés dans le camp ; ils s’appelaient l’un Eldad, l’autre Médad ; l’esprit se posa sur eux — ils étaient en effet sur la liste, mais ils n’étaient pas sortis pour aller à la tente — et ils prophétisèrent dans le camp.
27 Un garçon courut avertir Moïse : "Eldad et Médad sont en train de prophétiser dans le camp !"
28 Josué, fils de Noun, qui était l’auxiliaire de Moïse depuis sa jeunesse, intervint : "Moïse, mon seigneur, arrête-les !"
29 Moïse répliqua : "Serais-tu jaloux pour moi ? Si seulement tout le peuple du SEIGNEUR devenait un peuple de prophètes sur qui le SEIGNEUR aurait mis son esprit !"

Jacques 5, 1-6
1 Alors, vous les riches, pleurez à grand bruit sur les malheurs qui vous attendent !
2 Votre richesse est pourrie, vos vêtements rongés des vers ;
3 votre or et votre argent rouillent, et leur rouille servira contre vous de témoignage, elle dévorera vos chairs comme un feu. Vous vous êtes constitué des réserves à la fin des temps !
4 Voyez le salaire des ouvriers qui ont fait la récolte dans vos champs : retenu par vous, il crie et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur Sabaoth.
5 Vous avez eu sur terre une vie de confort et de luxe, vous vous êtes repus au jour du carnage.
6 Vous avez condamné, vous avez assassiné le juste : il ne vous résiste pas.

Marc 9, 38-48 (TOB 2010)
38 Jean lui dit : « Maître, nous avons vu quelqu’un qui chassait les démons en ton nom et nous avons cherché à l’en empêcher parce qu’il ne nous suivait pas. »
39 Mais Jésus dit : « Ne l’empêchez pas, car il n’y a personne qui fasse un miracle en mon nom et puisse, aussitôt après, mal parler de moi.
40 Celui qui n’est pas contre nous est pour nous.
41 Quiconque vous donnera à boire un verre d’eau parce que vous appartenez au Christ, en vérité, je vous le déclare, il ne perdra pas sa récompense.
42 « Quiconque entraîne la chute d’un seul de ces petits qui croient, il vaut mieux pour lui qu’on lui attache au cou une grosse meule, et qu’on le jette à la mer.
43 Si ta main entraîne ta chute, coupe-la ; il vaut mieux que tu entres manchot dans la vie que d’aller avec tes deux mains dans la géhenne, dans le feu qui ne s’éteint pas [44].
45 Si ton pied entraîne ta chute, coupe-le ; il vaut mieux que tu entres estropié dans la vie que d’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne [46].
47 Et si ton œil entraîne ta chute, arrache-le ; il vaut mieux que tu entres borgne dans le Royaume de Dieu que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne,
48 où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas. »

*

L’attitude du disciple — tenter d’empêcher d’agir l’homme chassant les démons au nom de Jésus sans suivre Jésus et les siens — suite au rapport que vient d’en faire ce disciple, Jean, cette attitude décèle une forme plus ou moins subtile de ce que l’on peut appeler orgueil, orgueil spirituel, et sur lequel Jésus va nous faire mettre le doigt.

On a affaire, derrière cette attitude, à ce que le Moyen Âge appelait un péché capital — parlant ainsi de racines de péchés plutôt que de péchés nets et visibles. Racines qui habitent d’autant plus facilement en nous qu’elles sont précisément difficiles à percevoir.

Du type de la poutre qui aveugle notre œil et notre perspicacité, alors même que nous sommes habiles à nommer les péchés que cette même racine qui agit en nous fait éclore si visiblement chez autrui. Les péchés en question étaient, pour le Moyen Âge, la négligence (l’acédie), la gloutonnerie, la luxure, l’avarice, la colère et l’envie, et comme dans notre texte, l’orgueil.

Un tel péché d’en tête (tête : caput en latin d’où capital), ou racine (selon le mot de 1 Timothée 6, 10 : « l'amour de l'argent est une racine de tous les maux », ces maux dont le texte de Jacques 5, 1-6 que nous avons lu donne un échantillon !) — « racine », ce qui revient au même que « tête » : dans les deux cas, cela induit des ramifications —, un tel péché-racine, ou capital, n’est peut-être pas sans rapport avec les démons (dans le vocabulaire d’alors les divinités moyennes du paganisme) que chassait l’homme que le disciple voulait empêcher d’agir. Car c’est souvent le péché que l’on cultive, comme les païens cultivaient leurs petits dieux, leurs démons mignons.

Pour l’orgueil spirituel, c’est le péché que l’on cultive et encense sous la forme de la certitude, étayée de quelques points de repères bien fixés ; — ici la certitude d’avoir une meilleure place au club de Jésus.

De là à regarder de haut les mal-croyants, le pas est franchi facilement qui fait ignorer qu’il vaudrait mieux se jeter dans la mer pieds et poings liés que de bousculer si allègrement les tenants de la foi du charbonnier.

*

La tentation du contrôle des frontières du Royaume de Dieu guettait les disciples, et peut nous guetter aussi, à moins que nous ne nous croyions plus malins qu’eux, succombant doublement du coup au péché-racine d’orgueil.

Ne la connaissons-nous pas, la tentation de regarder de haut les mal-croyants, qui mêlent par exemple un peu de superstition, de New Age, de pseudo-bouddhisme de supermarché, si ce n’est de témoins-de-Jéhovisme, de sympathie pour les mœurs à la mode ou d'inimitié à leur encontre ; ou que sais-je encore, genre trop conservateurs dans leur conception du christianisme ou du culte, ou à l’inverse trop progressistes, ou autoproclamés tels ?

La liste n’est pas exhaustive, je vous laisse le soin de la compléter et d’imaginer tout de que vous voudrez remarquer autour de la foi de tel ou telle qui n’est pas vraiment dans la ligne — « ne nous suit pas » disait le disciple ; foi, j’allais dire, pas très catholique, ou d’une autre façon à l’heure ou être dans la ligne majoritaire est de ne plus croire, pas très rationnelle. Et nous voilà tentés d’empêcher tel ou telle d’agir. On n'est pas loin du verdict ironique de l’écrivain Emil Cioran notant que « le droit de supprimer tous ceux qui nous agacent devrait figurer en première place dans la constitution de la Cité idéale » (in De l'inconvénient d'être né).

À l'inverse : « Ne l’empêchez pas » d’agir en mon nom, répond Jésus. Façon de dire que l’Église n’est peut-être pas là uniquement où sans s’en rendre vraiment compte, elle prétend être la seule pleinement digne de ce nom — sachant que l'électron libre repéré par Jean n’est peut-être pas exempt non plus de cette tentation de se croire au-dessus du lot…

Et Jésus va très loin — trop loin peut-on penser, peut-être par provocation, — dans sa défense de « ces petits qui croient », des petits à la foi du charbonnier : plutôt que de les scandaliser, mieux vaut se noyer ; mieux vaut se couper la main, ou le pied, ou s’arracher l’œil — gestes qui sembleraient bien caractéristiques, précisément, de la foi du charbonnier.

Or, aussi farfelus, aussi mal venus quant à la foi, aussi évidemment réprouvés par le bon sens le plus élémentaire, ces gestes sont présentés par Jésus comme préférables à ce fameux bon sens qui en viendrait à négliger la graine, aussi peu dans la ligne, « il ne nous suivait pas », ou aussi peu éclairée et peu savante, ou aussi peu religieusement correcte soit-elle, de la plus insignifiante à nos yeux des démarches de foi.

*

Aussi, vu sous cet angle, la question de savoir si Jésus conseille de tels gestes est tout simplement absurde. Il y a peut-être même en fait ici une façon de la part de Jésus de prendre à leur propre assurance spirituelle ceux qui se pensent fort éclairés. Combien de disciples censément réfléchis, pour prendre comme conseils sérieux, mais à ne pas recevoir à la lettre mais plutôt « spirituellement », ces outrances évangéliques ! Et de nous expliquer donc que c’est spirituellement qu’il faut se couper la main, le pied, ou se crever l’œil !

À les en croire, l’humoriste Pierre Desproges aurait donc raison, lui qui commentant sa propre traduction approximative des Béatitudes : « heureux les simples d’esprit, heureux ceux qui souffrent », présentait le Paradis comme un club d’infirmes et d’estropiés…

Évidemment Jésus n’est pas en train de conseiller des mutilations à ses disciples faibles, comme en Matthieu 19, 12, il ne conseillait pas la castration, pas même spirituelle ! L’outrance, ici comme là, est pédagogique : façon de dire « à malin, malin et demi ». Nulle mutilation à envisager, et surtout pas (hélas l'actualité) mutilation policière, littérale, comme ceux qui croient agir au nom de Dieu en coupant la main des voleurs pour protéger de la tentation à coup de sabre ou de pierres à lapider ! Comme si ce n’était pas « du dedans, du cœur des hommes que sortent… les vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés », etc. (Marc 7, 21). C’est peut-être le risque de ce débouché redevenu contemporain de l’orgueil que Jésus veut prévenir… (Les lapidateurs et autres coupeurs de mains se croient naturellement meilleurs que leurs victimes !)

Il n’est ici nullement conseillé de se noyer ou de se mutiler — pas même « spirituellement » —, ni a fortiori de le faire à autrui ! Il est juste recommandé de ne pas se faire juge des maladresses, voire des hérésies d’autrui.

*

Jésus a jugé digne d’intérêt ce qu’on pourrait juger négligeable : il n’est pas jusqu’au simple verre d’eau offert par quiconque que Dieu n’approuve et ne juge digne de considération.

Dès lors, qui sait si, comme le publicain qui prie mal face au croyant pieux de la parabole (Luc 18, 9-14), mais qui se sait bien injuste, celui qui est justifié n’est pas précisément celui-là ?, à la foi pas claire, peu au clair dans ses devoirs religieux, mais qui, justement, n’a rien à exhiber devant Dieu, comme le publicain de la parabole.

*

Il n’est de vie devant Dieu que celle qui garde cette blessure d’âme qui la pousse à en appeler à sa miséricorde qu’il nous dévoile aujourd’hui en Jésus. Mais si la venue au Christ, la décision de le suivre, lui et ses apôtres, est désormais bien casée comme certificat de bon déroulement d’une vie religieuse correcte, peut-être est-il temps de se demander si les jours de notre maladresse, ou de notre foi de charbonnier de jeunesse, peut-être toujours actuelle si nous nous sentons toujours maladroits — n’étaient pas… moins ennuyeux. Ou peut-être, hypothèse finalement plus heureuse, peut-être suis-je au fond la croyante ou le croyant maladroit, mal-croyant, jusqu’à ne plus l’être, visé par le bon disciple s’il en est, Jean, mais accueilli par Jésus comme que je suis…

*

L’Esprit de Dieu souffle où il veut, et même où nous ne l’attendons pas. S’il est un homme doté de titres de légitimité ecclésiale, c’est bien Moïse : eh bien, il est le premier à se réjouir de ce qu’il n’est pas propriétaire de l’Esprit : « veuille Dieu que tout le peuple soit composé de prophètes » disait-il déjà à Josué (Nombres 11, 29).

C’est à nouveau ce que Jésus dit à ses disciples, et à chacun de nous : « l’Esprit souffle où il veut » (Jean 3, 8), pour que nous le recevions même là où on ne l’attendrait pas !


R.P., Poitiers, 26.09.2021
Prédication (version texte)


dimanche 19 septembre 2021

La Création dans l’espérance de sa délivrance




(Jérémie 11.18-20 ; Psaume 54 ; Jacques 3.16-4.3 ; Marc 9.30-37)

‭Genèse 1, 1-4
1 Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.‭
‭2 La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux.‭
3 Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut.‭
4 ‭Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres.‭
‭Genèse 2, 2
‭2 Dieu acheva au septième jour son œuvre, qu’il avait faite : et il se reposa au septième jour de toute son œuvre, qu’il avait faite.‭

*

La terre était informe et vide, littéralement tohu-bohu. Dieu est infini, il est présent partout. Ce qui fait qu'il n'y a en principe pas de place pour le monde. Alors Dieu s'est contracté, a créé en lui un espace, comme une femme en qui une place se crée pour laisser place à ce qui deviendra son enfant. Par des contractions, dans la douleur. Contraction : vous avez reconnu l’enseignement du judaïsme, tsimtsoum – le mot hébreu pour contraction.

Dieu, s’est retiré pour nous laisser une place (ce que redit le v. 2 du ch. 2 de la Genèse). Du coup nous pouvons advenir, le monde peut exister, mais – c'est à ce prix – Dieu n'est pas là où est le monde. D’où le désordre de ce monde – la menace de la nature, son dérèglement, sont dans ce tohu-bohu, et jusqu’à la violence qui y prend place. Parole de foi, bien sûr : là où la source du bon est en retrait, là est le mal. Il a fallu que Dieu se retire, avec tous les risques que cela suppose, pour que le monde soit. Le monde peut devenir lui-même, mais c'est au prix du manque de Dieu, et donc au prix du défaut de plénitude de protection. Telle est notre situation vis-à-vis de Dieu. Nous pouvons devenir nous-mêmes, puisqu'il s'est retiré, mais c'est au prix de son manque, avec tout le tragique que cela suppose.

Ainsi se distinguent la nature et la Création : la nature est le monde en devenir, en soif d’être, mais en défaut d'achèvement. Car la nature en souffrance est portée par la promesse qui est dans les formules « c’était bon, c’était très bon », qui apparaissent dans le récit de la Création.

C'est ainsi que le débat existe de savoir si la Création, le premier jour de la Création, est au v. 2 de Genèse 1, où au verset 3 : « Que la lumière soit ! Et la lumière fut... Jour 1. » Où le v. 2, le tohu-bohu, est alors le substrat posé par Dieu, les premiers éléments de la nature en projet de Création.

*

Jusqu’à la plénitude du projet, la question se pose : est-ce que cela valait le coup, pour un monde aussi douloureux ? Toujours est-il que nous sommes là, et qu'il nous appartient de faire avec… pour le mieux si possible. Responsabilité de contribuer à la paix, à la justice sociale, aujourd'hui dans l’urgence écologique.

Alors Dieu, toutefois, a prévu une autre présence de lui-même, cachée, souffrante, nous accompagnant dans notre exil loin de lui, comme le souci et la prière des parents accompagne l'exil de l'enfant qui a voulu devenir sans eux. Élie Wiesel à Auschwitz, à la question : « où est Dieu ? » répondait, voyant un adolescent pendu par ses bourreaux : il est là, qui pend. Où est Dieu ? Question qui occupe la réflexion des philosophes après Auschwitz (cf. Hans Jonas). Remarquons, avec le préfacier du livre d’Élie Wiesel, François Mauriac, que c'est ce type de présence qui nous est octroyée en Jésus-Christ. Une présence qui ne fait pas défaut mais qui n'empiète pas non plus : retrait, contraction. Au cœur de notre exil, il est là.

Mais en deçà de cela, esquisse du thème de la rédemption, ou de la réparation du monde, Tikkun ‘Olam en hébreu, perce peut-être quelque chose d’important concernant la question du risque de la Création, et notre part dans cette histoire-là, à commencer en notre temps, et sans doute en tous temps, par notre responsabilité écologique.

*

Cela en regard de tout devenir. Illustration : remontons avant notre naissance. Avant le passage à l’être. Le désir d’être qui débouche sur les contractions de la mère. Françoise Dolto nous enseigne que l’enfant est le produit de trois volontés. Celle de la mère et du père, certes, mais aussi la sienne propre. Il ne viendrait pas à l’être sans son désir propre de devenir !

Par analogie, il est possible de dire que la nature est advenue parce qu’elle l’a bien voulu ; nous, partie prenante de la nature, avons bien voulu cette contraction divine. Avant même d’être. Prière de la nature non encore advenue comme Création, qui a été émise et exaucée par le Dieu créateur, qui dans l’éternité a pensé la Création antécédemment à son devenir comme nature. La question face au mal et au chaos est de savoir si, comme nature, on a bien fait de vouloir être. Quoiqu’il en soit, c’est fait : le monde, l’univers, – la nature est là.

Nous voilà donc entre exil dans un chaos en devenir, et espérance de l’avènement de la Création réparée (Ro 8, 18-24a : « J’estime, dit Paul, que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous. Car la Création attend avec impatience la révélation des enfants de Dieu : livrée au pouvoir du néant – non de son propre gré, mais par l’autorité de celui qui l’a livrée, elle garde l’espérance, car elle aussi sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons en effet : la Création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement. Elle n’est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance. »).

En attendant, du cœur de la détresse et du chaos, on se demande si on a bien fait de prononcer cette prière devenue gémissement : « ne te hâte pas de prononcer une parole devant Dieu » dit l’Ecclésiaste. Peut-être Dieu transformera-t-il par un exaucement inattendu une prière maladroite ?

*

L’humain, comme partie de la nature, est pénétré du mal, et pourtant son rôle est de cultiver et garder « le jardin » (Gn 2, 15). Voilà une nature, d’abord tohu-bohu, que l’humain est appelé à relire comme Création, voulue comme telle par le Dieu bon, dans ce jardin qu'est appelée à devenir notre toute petite planète. Appelée à devenir l'espace et le laboratoire d'une Création nouvelle et éternelle.

Et voilà que l’homme, contre sa vocation, accentue le chaos, détruisant ce qui lui est confié, jusqu'au « temps de la destruction de ceux qui détruisent la terre » (selon l’Apocalypse – ch. 11, v. 18) ! Le défi de la nécessaire écologie est alors de retrouver la vocation humaine trahie.

Au-delà de la responsabilité commune de toutes et tous, croyants ou pas, pour stopper les dégâts avant qu’il ne soit trop tard, une place modeste des croyants dans l’écologie, au cœur de cette nature chaotique, et menacée, est alors de la porter devant Dieu. Relire la nature, dans la prière, comme promesse. Acte de foi en cette promesse. Cela concerne aussi notre relecture de la nature comme Création — postulant Créateur, reçu dans la foi comme le Dieu bon…

La détresse de la nature en attente de sa délivrance et de son accession à son statut de Création nouvelle nous conduit alors à l'humilité : nous avons tous et toutes failli par nos comportements. C’est un combat commun auquel nous sommes alors toutes et tous appelés, combat qui n’a rien de spécifique aux croyants, simplement appelés par leur vocation à élever à Dieu dans la prière, la nature et le monde confiés à l’humain, dans la plus grande humilité (ce retrait de nous-même), dont l’absence produit tant de divisions quand l’unité relève de l’urgence pour un combat à une toute autre mesure.

*

Marc 9, 33-35
33 [...] Jésus leur demandait : “De quoi discutiez-vous en chemin ?”
34 Mais ils se taisaient, car, en chemin, ils s’étaient querellés pour savoir qui était le plus grand.
35 Jésus s’assit et il appela les Douze ; il leur dit : “Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous.”


RP, Poitiers, 19.09.2021
Diaporama :: :: Prédication


dimanche 12 septembre 2021

"Sur cette pierre..."




Ésaïe 50, 5-9 ; Psaume 116 ; Jacques 2, 14-18 ; Marc 8, 27-35

Marc 8, 27-35

27 Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages voisins de Césarée de Philippe. En chemin, il interrogeait ses disciples : "Qui suis-je, au dire des hommes ?"
28 Ils lui dirent : "Jean le Baptiste ; pour d'autres, Élie ; pour d'autres, l'un des prophètes."
29 Et lui leur demandait : "Et vous, qui dites-vous que je suis ?" Prenant la parole, Pierre lui répond : "Tu es le Christ."
30 Et il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne.
31 Puis il commença à leur enseigner qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite.
32 Il tenait ouvertement ce langage. Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander.
33 Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, réprimanda Pierre ; il lui dit : "Retire-toi ! Derrière moi, Satan, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes."
34 Puis il fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit : "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive.
35 En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile, la sauvera.


*

C'est une des premières confessions de foi que ce « tu es le Christ » relevé dans trois évangiles et dans la 1ère épître de Pierre : la pierre, y lit-on, c’est le Christ. Et l' « apostolicité » (pour reprendre avec une confession de foi plus développée, le credo, le terme d' « Église apostolique ») — l' « apostolicité », c'est-à-dire la fidélité à l'enseignement selon lequel l'Église est fondée par les Apôtres — l' « apostolicité » de l'Église, donc, est sa fidélité au message des Apôtres avec en son cœur, cette pierre d'angle de l'Église : le Christ, et la confession qui la fonde — « tu es le Christ ». La pierre, le roc qu'est le Christ, selon 1 Pierre (ch. 2, v. 4-8), n'est pas Pierre — dont les évangiles soulignent qu’il reconnaît être loin d’être un roc ! A fortiori, en aucun cas n’est légitimée l’annexion de la succession de Pierre par le seul fait de résider dans une ville où il est peut-être mort, si c'est le cas !

Et si c'est le cas, s'il y est mort, c'est, justement, comme un esclave, à l'image de son maître crucifié : il n'a pas régné, ni comme un empereur, ni même comme un roi ou un chef quelconque, ni a fortiori comme chef militaire, ni à plus forte raison encore comme le plus absolutiste et donc le plus disqualifié des monarques se réclamant du plus humble — dans ce qu’on a appelé la chrétienté.

Pierre, à qui s’adresse Jésus dans ce texte (à lui évidemment et pas à de supposés « successeurs ») ; Pierre, venant de confesser le Messie, voudrait cependant pour son maître qu’au moins il ne connaisse pas une mort de scélérat !

Allez ! Peut-être même espère-t-il même pour lui un règne de roi ! — il vient de dire qu’il est le Christ, le Messie, le roi, donc. Lui qui voudrait donc pour son maître au moins autre chose qu’une mort ignoble, et pourquoi pas ce qui lui revient, le règne des rois — plutôt que cette mort —, lui, Pierre, se fait tout de même pour cela traiter de satan !

Cela parce que Pierre — lui-même — a donc dérapé ! On n’en est pourtant pas encore aux exorbitances qui se réclameront de lui !

Et Jésus d'en appeler à la croix par laquelle seule on peut le suivre ! Et jamais par la force militaire — par laquelle, entre autres, Pierre voudrait le défendre. Il n'y a pas de christianisme politico-militaire.

Il convient de le rappeler au jour où, oxymore, une religion politique, l'islam politique, commet les horreurs dont nous inonde l'actualité — entre l'Afghanistan, les 20 ans du 11/09/2001 et le procès des terroristes du 13/11/2015.

C'est bien d'une confession de foi qu'il s'agit, ici la foi de Pierre, foi en ce qui ne se voit pas, et donc humilité, pas projet de domination du monde !, quelle que soit par ailleurs la foi ou la conception du monde que l'on fait sienne. Lorsque Lénine professe ce qu'il appelle le matérialisme philosophique, donc athée, basé sur sa conviction que, je le cite, « la matière est l'unique réalité objective existant en dehors de notre conscience », il en déduit une conception philosophique, voire théologique, du fondement du monde, philosophique et donc discutable, comme toutes nos conceptions du monde, ce que ses successeurs oublieront en considérant les non-athées comme irrationnels, voire dérangés psychiquement : là les successeurs de Lénine feront preuve d'une cruelle limitation intellectuelle (ne pas pouvoir concevoir que d'autres puissent voir le monde autrement), outrepassant l'humilité requise. Lorsque les fanatiques de l'islam considèrent que leur façon de concevoir le divin doit s'imposer à tous, ils font la même chose, en pire (les femmes afghanes n’ont pas gagné au change !). On est vingt ans après le 11 septembre où des fanatiques débordant de haine ont porté sans le savoir un coup fatal… à l'islam.

La chrétienté croyant s'appuyer sur Pierre a mal échappé à cette tentation, en ignorant que c'est d'une confession de foi qu'il s'agit dans les mots de Pierre, et donc d'humilité. Jésus, nous dit le texte, « fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit : "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive" » (Mc 8, 34). Humilité. Et comme Simon de Cyrène aidait Jésus à porter sa croix (Mc 15, 21), il nous appartient de prendre notre part de celle à qui elle est aujourd'hui si durement imposée à nombre des témoins de la justice de Dieu qui n'est pas celle des hommes, des hommes prétendraient-ils en imposer au monde au nom de Dieu d'affreuses caricatures. Le Royaume de Dieu n'est pas de ce monde.

Pour l’heure, « il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne » (v. 30). De quoi s'agit-il ? Pierre vient de reconnaître en lui le Messie — le « Christ » selon le mot grec choisi ici et qui indique l’universalité de la position messianique de Jésus. « Il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne » (v. 30). Jésus a-t-il peur pour lui-même, redoute-t-il les menaces que feraient peser sur lui la diffusion d'une telle nouvelle ? Il n'en est rien : Jésus est à la veille de sa dernière montée à Jérusalem et le verset suivant, suite auquel il rabroue Pierre, convainc qu'il en sait l'issue. Il l'annonce à ses disciples : il sera mis à mort, et n'a pas l'intention d'y échapper ; et il invitera les disciples à sa suite.

Alors pourquoi ce secret sur ce que vient confesser Pierre ? — qu’il est le Christ. C'est qu'il est des mots, comme celui-là, qui sont chargés de préjugés et de passion. Des mots qui, ce faisant, déforment dans les bouches coupables de méchanceté, ou simplement d'inconscience, ce qu'ils étaient chargés de signifier.

« Tu es le Christ », dit Pierre. À dessein sans doute — pour bien marquer que la fonction messianique est plus large que ce que voudraient certains — on a donc le terme en grec, « Christ », traduction étrangère de l’hébreu ou araméen « Messie ».

Jésus est bien le Messie d'un Royaume universel. Voilà aussi pourquoi il refuse de voir publier sa messianité. Il a suffisamment de difficultés comme ça avec les quiproquos incessants ; inutile d'en rajouter — en l’occurrence avec les Romains. Et on sait que ce sera bien le motif de sa crucifixion : concurrence avec César — car les crucifieurs « n’ont de roi que César » ! — qui se verra bientôt doté du pouvoir militaire d’étendre la foi. Par l’épée ! Comme si c’était possible !

Quant à Jésus, nulle crainte dans sa prudence. Il le sait : sa fidélité au message universel de l'amour de Dieu lui vaudra la mort, et la fera risquer à quiconque lui sera fidèle. Jésus invite alors les siens, son peuple, même au cœur des quolibets, à n'avoir pas honte de ses paroles, celles de l'amour de Dieu pour tous les hommes et femmes. Nulle crainte dans son refus de cette publicité-là. Encore une fois, ce n’est pas qu’il cherche en évitant ce quiproquo à éviter sa crucifixion — mais que l’on ne se méprenne pas sur la nature de son règne !

Ce que d’aucuns considéreront — prétexte pour sa mort — comme concurrence avec César, est insoutenable ! C’est comparer un limaçon fût-il empereur de l’univers — le fût-il même infailliblement — à celui dont le nom est au-dessus de tout nom (même s’il ne paie pas de mine aux yeux de l’empereur prétendu de l’Univers, César, de ses sbires et autres dispensateurs de courbettes — même si c’est lui qui se présente comme « un ver et non un homme »).

C’est ce genre de comparaison qui ne sont pas à la mesure qu’il s’agit de fuir. C’est la confusion qui pourrait naître de la diffusion du terme « Christ » que Jésus veut éviter. Bref, si « Christ » ne veut dire, comme on risque de l’entendre, que concurrent de César — eh bien, traiter Jésus de Christ, en ce seul petit sens, relève de la diffamation !


*

Il est le Christ, roi de l’Univers en un sens d’une toute autre ampleur, qui réduit les palais de César au rang d’une tanière. Cela dit, il est « Christ », comme, selon sa foi, le confesse Pierre, roi de l’Univers. Oui. En un sens qui est que le Nom imprononçable se dévoile ici en son porte-parole comme étant effectivement insaisissable au point que le règne de son représentant ne peut qu’être tu à son tour.

Il en résulte que le Christ n’est la propriété d’aucun peuple, d’aucune Église. Il est le Fils de Dieu, le sauveur de l’univers — et c’est pourquoi, « qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile, la sauvera. » C’est de la sorte qu’il nous appelle à venir à lui — qui que nous soyons, et comme nous sommes — aujourd’hui, maintenant !…


R.P., Poitiers, 12.09.21
Diaporama :: :: Liturgie :: :: Prédication





dimanche 5 septembre 2021

"Des eaux jailliront dans le désert"





Ésaïe 35, 4-7 ; Psaume 146 ; Jacques 2, 1-5 ; Marc 7, 31-37

Ésaïe 35, 4-7
4 Dites à ceux qui ont le cœur troublé : Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c'est la vengeance qui vient, la rétribution de Dieu.
Il vient lui-même vous sauver.
5 Alors, les yeux des aveugles verront et les oreilles des sourds s'ouvriront.
6 Alors, le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie.
Des eaux jailliront dans le désert, des torrents dans la steppe.
7 La terre brûlante se changera en lac, la région de la soif en sources jaillissantes.
Dans le repaire où gîte le chacal, l'herbe deviendra roseau et papyrus.

Marc 7, 31-37
31 Jésus quitta le territoire de Tyr et revint par Sidon vers la mer de Galilée en traversant le territoire de la Décapole.
32 On lui amène un sourd qui, de plus, parlait difficilement et on le supplie de lui imposer la main.
33 Le prenant loin de la foule, à l'écart, Jésus lui mit les doigts dans les oreilles, cracha et lui toucha la langue.
34 Puis, levant son regard vers le ciel, il soupira. Et il lui dit : "Ephphata", c'est-à-dire : "Ouvre-toi."
35 Aussitôt ses oreilles s'ouvrirent, sa langue se délia, et il parlait correctement.
36 Jésus leur recommanda de n'en parler à personne : mais plus il le leur recommandait, plus ceux-ci le proclamaient.
37 Ils étaient très impressionnés et ils disaient : "Il a bien fait toutes choses ; il fait entendre les sourds et parler les muets."

*

« Des eaux jailliront dans le désert, des torrents dans la steppe », annonce le livre du prophète Ésaïe (35, 6), proclamant l'espérance d'un jaillissement de vie dans la venue du Royaume et la fin de l’exil loin de Dieu.

Cette effusion, ce jaillissement, est donné là comme signe de nouveauté de vie. C’est la promesse au peuple qui dépérit dans l’exil loin de Dieu : « Dieu vient lui-même vous sauver. Alors, les yeux des aveugles verront et les oreilles des sourds s'ouvriront. Alors, le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. Des eaux jailliront dans le désert, des torrents dans la steppe » (Ésaïe 35, 4-6).

Une promesse dont Jésus vient rappeler, par un geste, que son accomplissement est proche, toujours proche : « Ephphata : ouvre-toi », dit-il au sourd, à celui qui n’a pas la parole.

La reprise par notre texte de la langue dans laquelle Jésus prononce ces paroles n'est pas indifférente. C’est une parole de Création qui nous est donnée, et qui est ainsi soulignée. « Ephphata, Ouvre-toi » : derrière l'ouverture du sourd-muet, ou sourd-bègue, vers le monde extérieur, c'est aussi l'ouverture vers le Royaume promis par Ésaïe qui est annoncée.

Ouverture, comme un commencement, comme on nomme « Ouverture » le début d'une œuvre musicale ou littéraire. Ephphata : une nouvelle étape, un nouveau chapitre, une nouvelle Création : au récit de la Création de la Genèse : « Dieu vit que cela était bon » — ici : Jésus « a bien fait toutes choses » (v.37). Une nouvelle naissance s'ordonne pour le sourd-muet, ou le sourd-bègue, comme l’on peut traduire, qui devient ainsi, lui incapable de s’exprimer jusque là, comme notre porte-parole, le témoin du Royaume qui nous est promis, et que porte Jésus. Ouverture, comme une naissance, comme dans le jaillissement de l’eau du désert d’Ésaïe, signe de naissance spirituelle.

Les textes d'aujourd'hui ont affaire à la même chose : la dignité, ce qui ouvre ; et ce qui lui porte atteinte, qui ferme. Que ce soit la maladie, l'infirmité ou la pauvreté. L'anti-Création ; l’anti-Royaume.

Le prophète Ésaïe promet un Royaume, une Création enfin achevée, d'où sont bannies toutes les atteintes à la dignité. Il n'y a pas d'autre Royaume de Dieu que celui-là.

« Dites à ceux qui ont le cœur troublé : Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c'est la vengeance qui vient, la rétribution de Dieu. [Une vengeance qui est qu’] Il vient lui-même vous sauver. Alors, les yeux des aveugles verront et les oreilles des sourds s'ouvriront. Alors, le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. Des eaux jailliront dans le désert, des torrents dans la steppe. » (És 35, 4-6).

C'est donc à ce texte que renvoie Jésus guérissant le sourd-muet : « les oreilles des sourds s'ouvriront […] la bouche du muet criera de joie ». Nouvel acte de Création, ses doigts creusent les oreilles, sa salive anime la langue figée : bref, la glaise s’anime du souffle de Dieu qui la façonne.

*

Le pouvoir de Jésus, dans sa parole et ses gestes, n’est peut-être pas où l’on croit. Les dispositions les plus humbles peuvent être les plus remarquables dans le Royaume. Ici s’ouvre un carrefour tout aussi remarquable : ce qui ouvre vers le Royaume n’est pas ce qui brille et qui ouvre toutes les autres portes (avec pour symbole la richesse et l’or pour symbole à son tour de sa brillance). Or, quant au Royaume, ce qui brille peut fermer. Les dons propres à ouvrir sont anodins aux yeux aveugles à la Vérité. Jésus demande le silence après son miracle : le côté spectaculaire peut fermer là où lui, entend ouvrir.

Ce qui ouvre est ce qui établit en dignité, qui dévoile la dignité cachée, jamais ce qui écrase. Contre toutes les pauvretés, tous les mépris — y compris, mais pas seulement, la pauvreté en argent, qui bien sûr vaut à sa victime le mépris. Si, comme Jésus, méprisé, le pauvre par excellence (« celui, dit la Bible, qui pour nous s'est fait pauvre, de riche qu'il était »); si, tout comme ce Jésus est le prince du Royaume, le Royaume est destiné aux pauvres aux yeux du monde, il nous appartient à tous d'ouvrir les yeux et de savoir que la dignité n'est pas dans le clinquant, dans ce qui se voit ou qui ambitionne d’exiger des égards.

La dignité est dans la considération que Dieu porte — cela sur les plus apparemment misérables : le sourd-muet, l’aveugle-né, le pauvre en esprit.

*

Appel à se convertir à la vraie dignité, qui est celle que nous confère Dieu, dans cette considération, ce contact — « Jésus lui mit les doigts dans les oreilles, cracha et lui toucha la langue » ; ce contact qui nous relève, et que ne sait pas offrir le monde des vanités ; ce contact qui permet à Jésus qui en a le don, d’ouvrir nos yeux aveugles à sa richesse ; de creuser et d'ouvrir à la parole de Dieu les oreilles des sourds que nous sommes tous, et d’animer de sa propre salive pour ouvrir à sa louange les muets que nous sommes tous ; d'ouvrir à son Royaume les pauvres qu'il nous faut être. Comme pour un jaillissement nouveau, celui de l’eau de la vie qui sourd du cœur du désert…

Au-delà de ce qui nous blesse, au-delà de nos souffrances et des mépris dont nous souffrons, des mépris de nous-même pour nous-même, parfois. Mais Dieu nous a jugés dignes d'envoyer Jésus pour nous.

Pour une ouverture qu’il nous appartient dès lors d’offrir à chacun. Nous avons la possibilité d’offrir à chacun cet autre vrai miracle : le dévoilement de sa dignité.

Pour cela, il nous appartient avant tout de le recevoir nous-même, ce contact de Jésus, d’y découvrir tout à nouveau notre valeur et notre dignité…


R.P., Châtellerault, 5.09.21
Culte en entier :: :: Prédication