dimanche 31 janvier 2021

"Il enseignait avec autorité"




Deutéronome 18, 15-20 ; Psaume 95 ; 1 Corinthiens 7, 32-35 ; Marc 1, 21-28

Marc 1, 21-28
21 Ils pénètrent dans Capharnaüm. Et dès le jour du shabbat, entré dans la synagogue, Jésus enseignait.
22 Ils étaient frappés de son enseignement, car il les enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes.
23 Justement il y avait dans leur synagogue un homme possédé d'un esprit impur ; il s'écria :
24 "Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es : le Saint de Dieu."
25 Jésus lui commanda sévèrement : "Tais-toi et sors de cet homme."
26 L'esprit impur le secoua avec violence et il sortit de lui en poussant un grand cri.
27 Ils furent tous tellement saisis qu'ils se demandaient les uns aux autres : "Qu'est-ce que cela ? Voilà un enseignement nouveau, plein d'autorité ! Il commande même aux esprits impurs et ils lui obéissent !"
28 Et sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de Galilée.

*

« Il enseignait avec autorité » dit le texte… « Autorité », littéralement « sortant de son être » selon le mot employé [grec : exousia]. Il s’exprime, pour dire la parole de la Torah, avec l’autorité qui est en son cœur ; l’autorité de la parole qui fonde le monde — écho à la tradition spirituelle juive, pour laquelle la Torah est écrite avant la fondation du monde. Au point que les lettres de la Torah sont comme les « briques » de la fondation du monde. Parmi ceux des scribes qui en connaissent la grammaire, l’histoire et les commentaires, tout comme leurs équivalents contemporains parmi les spécialistes et exégètes divers, plusieurs peuvent bien atteindre de la sorte sa surface, comme sa coquille extérieure. Mais Jésus, selon la foi de Marc, reconduit en son cœur. Dans la Genèse, « Dieu dit »… et le monde est créé — telle est bien l’autorité reconnue ici dans les paroles de Jésus ; dévoilé ainsi comme remontant à l’origine du monde.

Les esprits l’ont connu là, dans ce monde d’avant la Création que nous connaissons, et parmi eux les « esprits impurs », qui en ont été chassés — plusieurs textes d'alors parlent de cela, des textes cités dans le Nouveau Testament, explicitement chez Jude [citant le livre d'Hénoch], mais aussi par des allusions très claires dans les épîtres de Pierre, ou au livre de l'Apocalypse.

Façon imagée de parler de l'inconscient collectif, dont nos bouches humaines sont comme les porte-voix : s’étant corrompus, devenus « esprits impurs », les esprits en question ont été précipités ici-bas, y mettant le désordre dans le monde, jusqu'à se faire adorer comme des dieux, représentés sous forme d'idoles ; et exigeant comme tels diverses abominations et violences — comme celles qui antan accompagnaient le culte des Baals ; et ça a pris d’autres formes ailleurs ou ensuite, jusqu'au cœur de l'histoire contemporaine et de l'actualité. Ces violences elles-mêmes sont le signe de ce mystère de la participation du mal au monde spirituel, mystère d’iniquité niché au cœur de nos êtres et des inconscients collectifs. Le mal commis en ce monde a des racines profondes… C’est de cette façon, déchéance depuis le monde céleste, que nombre des contemporains de Jésus et des premiers chrétiens ont dit cela.

Jésus, lui, vient pour établir la paix, le Royaume de Dieu ; mettre fin à toutes les violences en les dénonçant à la racine.

Pour cela il vient incognito. Il commence son ministère incognito. Jusqu’au moment venu de son dévoilement à tous. Ce secret provisoire est très important dans l’évangile de Marc. Il est la condition pour que la mission de Jésus s’accomplisse, pour qu’il puisse nous rencontrer vraiment. Jusqu’au jour où il faudra le dire à tous. Et jusque chez les nations des extrémités de la terre — après sa résurrection.

Et voilà qu’au temps du secret, un de ces agitateurs d’antan, surgissant de l'inconscient d'un homme, le reconnaît, dès le début de son ministère, et veut trahir sa mission, cette mission qui, bien sûr, le gêne, comme elle gêne tous les esprits impurs, les zones d’ombre de nos inconscients. L’esprit d'idole parle par ses victimes, conscientes ou inconscientes.

On sait que cet enracinement originel du mal se disait alors ainsi. La pythie, par exemple, divinité grecque, littéralement « esprit de python » (cf. Actes 16, 16), parlait par ses adeptes en transe. Cette part d'ombre, qui est en lien avec ce type d’idolâtrie, se manifeste comme religion de la crainte : le culte du Dieu saint — « je sais qui tu es : le Saint de Dieu » — est libérateur, mais cela coûte. Le mélange avec les idoles, et la division qu’elles entraînent, la peur en est le signe — religions de la crainte et de la violence, et ne croyons pas que cela ait disparu ! — ; cela est perçu comme impur, et pourtant c’est pratiqué, et jusque dans la communauté sainte, comme ici, dans notre texte. Déviance où croyant adorer le Dieu unique, on se plie aux exigences maladives d'une idole unique.

Cela parle aussi de nos profondeurs secrètes à tous, nos zones sombres, d'où jaillit aussi la conviction intime que Jésus est le Saint de Dieu, ce qui nous terrorise dans nos zones sombres, où pressentir qui est Jésus ne veut pas dire toujours lui obéir ! « Tais-toi ! » dit Jésus à l'esprit impur tentant de ressortir des profondeurs de la nuit de l'homme, et « laisse-le en paix : sors de lui »

Jésus fait taire l’esprit qui entend le dévoiler pour pouvoir continuer de soumettre ses victimes à la crainte. Et tous sont étonnés de l’autorité de Jésus, qui rejoint celle qu’ils constataient dès le départ, celle de son enseignement.

Sa force vient de sa provenance. La puissance de la Torah d’avant la création du monde est ce que Jésus porte — pour libérer le monde.

*

Qu’est-ce que ce texte a à nous dire aujourd’hui, à nous disciples de ce Jésus qui a autorité sur tout ce qui abîme le monde et le met dans l’état de servitude que nous lui connaissons ?

Eh bien tout d’abord nous sommes libérés. Et voilà qui fait la tâche de notre vie, désormais : faire nôtre, et promouvoir, la libération qui nous a été octroyée, qui a été dévoilée au tombeau vide et qui a été déployée en nous lors de l’événement de Pentecôte. « C'est pour la liberté que vous avez été libérés, dit l'épître aux Galates (5, 1), ne vous remettez pas sous le joug de l'esclavage » !

Désormais, si nous entendons cette parole inouïe, l’Esprit libérateur et créateur du monde nous habite. Et cette tâche qui est nôtre, vivre la libération promue par Jésus, fait de nous des coopérateurs de Dieu pour promouvoir cette liberté (Ro 8, 20 sq.) — une œuvre collective, confiée à l’Église.

À notre humble mesure, comme Église locale, nous sommes chargés de cette vocation.

On est devant une tâche réellement spirituelle, au sens le plus fort du terme : répercuter dans notre temps la libération de la Création opérée par Jésus. Cela prend l’aspect le plus concret des tâches quotidiennes d’une Église, sans laquelle le monde est coupé de ses racines d’en haut. Car notre tâche est de fonder le monde en ses racines célestes.

*

Le manque de cet enracinement céleste précipite notre monde sur les pentes glissantes que nous lui connaissons ; depuis les crises : dérèglement écologique et crises : pandémique, économique, politique, d'Églises aussi !, etc., jusqu’aux tentations sectaires ou intégristes qui confondent culte de Dieu et idéologies politiques totalitaires.

Notre rôle de témoins du Saint de Dieu qui libère de tout cela est d'être sur la brèche. C’est là la tâche de libération du monde. À laquelle nous sommes toutes et tous appelés (c'est un sens du mot Église : appelée), chacune, chacun à notre place.

Avec une bonne nouvelle : l’Évangile ne nous dit-il pas aujourd’hui que Jésus a combattu jusqu’aux lieux célestes lorsqu’il libérait par sa parole, par la seule autorité de sa parole !

Nous n’avons nous-mêmes rien d’autre que cette humble parole… Humble mais pleine de l'autorité de son Auteur, qui a détrôné par la bouche de Jésus les esprits destructeurs tapis dans les zones troubles de ce monde. N’ayez donc aucune crainte ! Ne les craignez pas…


RP, Poitiers, 31.01.21
Déroulement du culte :: :: Prédication


dimanche 24 janvier 2021

Le basculement de l'Instant




Jonas 3 ; Psaume 25 ; 1 Corinthiens 7, 29-31 ; Marc 1, 14-20

Jonas 3
1 La parole du SEIGNEUR s’adressa une seconde fois à Jonas :
2 « Lève-toi, va à Ninive la grande ville et profère contre elle l’oracle que je te communiquerai. »
3 Jonas se leva et partit, mais – cette fois – pour Ninive, se conformant à la parole du SEIGNEUR. Or Ninive était devenue une ville excessivement grande : on mettait trois jours pour la traverser.
4 Jonas avait à peine marché une journée en proférant cet oracle : « Encore quarante jours et Ninive sera mise sens dessus dessous »,
5 que déjà ses habitants croyaient en Dieu. Ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent de sacs, des grands jusqu’aux petits.
6 La nouvelle parvint au roi de Ninive. Il se leva de son trône, fit glisser sa robe royale, se couvrit d’un sac, s’assit sur de la cendre,
7 proclama l’état d’alerte et fit annoncer dans Ninive : « Par décret du roi et de son gouvernement, interdiction est faite aux hommes et aux bêtes, au gros et au petit bétail, de goûter à quoi que ce soit ; interdiction est faite de paître et interdiction est faite de boire de l’eau.
8 Hommes et bêtes se couvriront de sacs, et ils invoqueront Dieu avec force. Chacun se convertira de son mauvais chemin et de la violence qui reste attachée à ses mains.
9 Qui sait ! peut-être Dieu se ravisera-t-il, reviendra-t-il sur sa décision et retirera-t-il sa menace ; ainsi nous ne périrons pas. »
10 Dieu vit leur réaction : ils revenaient de leur mauvais chemin. Aussi revint-il sur sa décision de leur faire le mal qu’il avait annoncé. Il ne le fit pas.

Marc 1, 14-20
14 Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l’Évangile de Dieu et disait :
15 « Le temps est accompli, et le Royaume de Dieu s’est approché : convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »
16 Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter le filet dans la mer : c’étaient des pêcheurs.
17 Jésus leur dit : « Venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. »
18 Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent.
19 Avançant un peu, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, qui étaient dans leur barque en train d’arranger leurs filets.
20 Aussitôt, il les appela. Et laissant dans la barque leur père Zébédée avec les ouvriers, ils partirent à sa suite.

*

Ninive est la capitale de l'Empire assyrien, qui mettra fin à l'existence du pays de Jonas, Israël — ou Ephraïm, dit « royaume du Nord » —, en 722 av. J.C. ; pour l'heure, environ 40 avant, la prédication de Jonas, selon le livre qui porte son nom, est offerte à Ninive comme un moment favorable, un de ces instants de grâce qu'il s'agit de saisir — quoiqu'il en soit du passé ou de l'avenir. Instant que, selon le livre de Jonas, Ninive saisit.

Si l'on s'en tient à la chronologie biblique, selon le 2e livre des Rois, Jonas prêche quelques 40 ans avant la destruction de Samarie, capitale de son pays, le royaume du Nord, par l'Empire assyrien : Jonas apparaît sous le roi d'Israël Jéroboam II. Je cite :

2 Rois 14, 23-28 :
[…] Jéroboam II, fils de Joas, roi d’Israël, régna à Samarie. Il régna quarante et un ans.‭ ‭Il fit ce qui est mal aux yeux de l’Éternel ; il ne se détourna d’aucun des péchés de Jéroboam Ier, fils de Nebath, qui avait fait pécher Israël.‭ ‭Il rétablit les limites d’Israël depuis l’entrée de Hamath jusqu’à la mer de la plaine, selon la parole que l’Éternel, le Dieu d’Israël, avait prononcée par son serviteur Jonas, le prophète, fils d’Amitthaï, de Gath-Hépher.‭ ‭Car l’Éternel vit l’affliction d’Israël à son comble et l’extrémité à laquelle se trouvaient réduits esclaves et hommes libres, sans qu’il y eût personne pour venir au secours d’Israël.‭ ‭Or l’Éternel n’avait point résolu d’effacer le nom d’Israël de dessous les cieux, et il les délivra par Jéroboam, fils de Joas.‭ ‭Le reste des actions de Jéroboam II, tout ce qu’il a fait, ses exploits à la guerre, et comment il fit rentrer sous la puissance d’Israël Damas et Hamath qui avaient appartenu à Juda, cela n’est-il pas écrit dans le livre des Chroniques des rois d’Israël ?‭

À lire le bilan de son règne, Jéroboam II semblerait avoir été un bon roi ! Et pourtant le texte nous dit qu'il fit ce qui est mal aux yeux de l’Éternel, dans la voie de Jéroboam Ier, fondateur biblique du royaume d'Israël de Samarie, qui régnait un peu plus d'un siècle avant lui :

1 Rois 14, 28-30 :
Après s'être consulté, le roi [Jéroboam Ier] fit deux veaux d'or, et il dit au peuple : Assez longtemps vous êtes montés à Jérusalem ; Israël ! voici ton Dieu, qui t'a fait sortir du pays d'Égypte. Il plaça l'un de ces veaux à Béthel, et il mit l'autre à Dan [aux deux pôles du royaume]. Ce fut là une occasion de péché. Le peuple alla devant l'un des veaux jusqu'à Dan.

Ce qui est mal aux yeux de l’Éternel, c'est cela, le culte des idoles, perpétué encore sous Jéroboam II, qui se refuse obstinément à les déboulonner, ce qui en fait ipso facto un mauvais pasteur de son peuple. Le titre de pasteur, dans la Bible hébraïque, est le titre des rois, chargés en Israël de paître le peuple, c'est-à-dire de les conduire à la nourriture de la parole du Dieu que nul n'a jamais vu. Et les prophètes n'auront de cesse de dénoncer les rois mauvais pasteurs :

Ainsi, à nouveau, bien plus tard, Ézéchiel 34, 2-3 :
Fils de l’homme, prophétise contre les pasteurs d’Israël ! Prophétise, et dis-leur, aux pasteurs : Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Malheur aux pasteurs d’Israël, qui se paissaient eux-mêmes ! Les pasteurs ne devaient-ils pas paître le troupeau ?‭ ‭Vous avez mangé la graisse, vous vous êtes vêtus avec la laine, vous avez tué ce qui était gras, vous n’avez point fait paître les brebis.

La parole de Dieu dont ils sont censés paître Israël est celle qui, enseignant d'aimer Dieu, conduit à être attentif au prochain. Mais si Dieu est à mon image, tel que je le conçois, ici genre veau d'or, le prochain à l'image du Dieu que nul ne peut représenter se perd. Le roi qui promeut l'idolâtrie oblitère ipso facto la réalité du prochain : bref règnent la violence et la corruption, où chacun, à commencer par les plus puissants, se sert du prochain, l'exploite au lieu d'en prendre soin. Un tel pays est de fait fragilisé. Le mécontentement gronde. Les fausses solutions foisonnent. En arrière-plan, le sacerdoce devenu idolâtre, cette source où se donne la parole de Dieu que doit promouvoir le roi, est corrompue ; et quand il en est ainsi, Dieu suscite des prophètes, ici Jonas, pour rappeler l'exigence de justice et de fraternité.

Et voilà que, selon le livre de Jonas, ce même Jonas est envoyé… à Ninive !… dont on sait qu'elle détruira Israël ! Il est envoyé à Ninive pour prêcher un repentir, qui, effectivement mis en œuvre par le roi et le peuple de Ninive, et jusqu'aux animaux (comme annonce de la réconciliation de toute la Création), sauvera la ville. Relecture prophétique : Dieu renonce à détruire la ville. En ressort que la cessation de la corruption, fût-ce de la ville ennemie, est une bonne chose pour tous. Même Ninive peut devenir un exemple de comportement, au bénéfice de tous. Message : il reste à Israël à faire de même. Comme Ninive, saisir l'Instant qui s'ouvre, l'Instant du salut par la mise en œuvre de la justice et de la fraternité — sans préjuger de la suite des temps. Hélas la patrie de Jonas, sa ville Samarie, seront détruites, par Ninive, en 722 av. JC, puis un siècle après, en 612, Ninive sera détruite à son tour.

*

Six où sept siècles plus tard, l’Évangile de Marc évoque à son tour l'Instant.

« Le temps est accompli », proclame Jésus dès le début de son ministère. Quel est le temps, le « moment » littéralement, ou l' « instant », qui est accompli, « rempli » ? Qu’est-ce que cela signifie ? « Le Royaume de Dieu s’est approché » : le bon pasteur est apparu (cf. Jean 10), le Christ, souverain pasteur (1 Pierre 5, 4) dont les pasteurs d'Églises ne sont que des témoins. « Le Royaume de Dieu s’est approché » : nous voilà dans la plénitude de l'Instant, comme une goutte d'eau prête à éclater, l'Instant plein, venant au terme d'une marche commencée au début de la Création, comme projet de Dieu, et pour nous, un projet à accompagner, à développer — car c’est nous que Dieu envoie pour dire son salut au monde, ce qui — étrangement — ne nous enchante pas toujours, comme Jonas envoyé à Ninive. Un projet de sortie des ténèbres vers la lumière de la gloire de la Cité future.

Il y a trois mots pour le temps dans la Bible : un mot qui parle de la chronologie, le temps qui se déroule (les sept siècles de Jonas à l’Évangile) ; puis un mot qui parle d'un temps éternel, que l'on retrouve dans les siècles des siècles du Notre Père ; et le mot de notre texte, l'instant, comme une brèche par laquelle l'éternité déferle dans le temps. Et voilà que cet instant est plein, qu'il est prêt d'éclater.

Et voici le signe que ce moment est à sa plénitude : « après que Jean eut été livré », dit le texte : l'arrestation brutale de Jean le Baptiste par la police d'un Hérode plus corrompu que Jéroboam, vient de mettre fin à sa mission. Le temps chronologique arrive à son terme, l'éternité va le faire éclater et les hommes de ce temps ne peuvent recevoir cela : Hérode et son pouvoir humain représentent ce refus. Jean est « livré ». Marc emploie le même mot, « livré », qu'il reprendra plusieurs fois par la suite ; au sujet de Jésus (« le Fils de l'Homme va être livré aux mains des hommes » — 9, 31) ; puis des apôtres (« on vous livrera aux tribunaux » — 13, 9). Manière de nous dire déjà : le sort du Baptiste préfigure celui de Jésus puis de ses disciples : c'est le lot des prophètes, comme l’écrivait déjà Ésaïe (Es 50-53).

C’est le coût du retour vers Dieu, pourtant indispensable pour amener le monde à sa plénitude — et le signe que « le moment est rempli ».

Eh bien, désormais, c’est maintenant, toujours à nouveau, que « le temps est accompli », que « le moment est rempli » et que « le Royaume de Dieu s’est approché : changez votre état d'esprit, convertissez-vous, tournez-vous, revenez à Dieu et croyez à l’Évangile. » Aujourd’hui, aujourd’hui précisément. Le Royaume s’est approché. « Le temps se fait court. La figure de ce monde passe » dira Paul aux Corinthiens (1 Co 7, 29 & 31).

C’est bien ce qu’ont entendu les premiers disciples. Simon et André : « laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent ». Puis Jacques et Jean : « il les appela. Et laissant la barque de leur père, ils partirent à sa suite »… C’est en ces termes que la vocation adressée aux premiers disciples nous est adressée à notre tour : « le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché : changez votre état d'esprit et croyez à l’Évangile. »

Entendrons-nous cet appel, aujourd’hui ? Pour les disciples, « laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent. » — « Laissant la barque de leur père, ils partirent à sa suite »

« Pêcheurs d’hommes » — qu’est-ce à dire ? Une transposition évidemment de leur métier à ce qu’ils feront désormais. Lancer la parole de l’Évangile : c’est leur vocation, témoins d’une parole qui agit d’elle-même, telle une graine qui germe selon les images du travail du semeur ; et, selon l’image de la pêche, parole qui emporte l’adhésion de cœur, qui captive d’une façon mystérieuse ceux qui l’entendent vraiment, mystérieusement.

À nous à présent ! Selon la place de chacun et chacune, dans notre mission commune — au-delà de nos particularités ecclésiales, comme nous le rappellent à nouveau nos célébrations oecuméniques de cette semaine de prière pour l'Unité des chrétiens. Cette mission commune de chacune et chacun est la mission de Dieu pour la réconciliation de toute la Création.


RP, Poitiers, 24.01.2021
Liturgie :: :: Prédication
Et aussi, célébration oecuménique, Semaine de prière pour l'Unité des chrétiens


dimanche 17 janvier 2021

La lampe de Dieu n’est pas éteinte




1 Samuel 3, 3-16 ; Psaume 40 ; 1 Corinthiens 15, 15-20 ; Jean 1, 35-42

1 Samuel 3, 3-10
3 La lampe de Dieu n’était pas encore éteinte, et Samuel était couché dans le temple de l’Éternel, où était l’arche de Dieu.
4 Alors l’Éternel appela Samuel. Il répondit : Me voici !
5 Et il courut vers Éli, et dit : Me voici, car tu m’as appelé. Éli répondit : Je n’ai point appelé ; retourne te coucher. Et il alla se coucher.
6 L’Éternel appela de nouveau Samuel. Et Samuel se leva, alla vers Éli, et dit : Me voici, car tu m’as appelé. Éli répondit : Je n’ai point appelé, mon fils, retourne te coucher.
7 Samuel ne connaissait pas encore l’Éternel, et la parole de l’Éternel ne lui avait pas encore été révélée.
8 L’Éternel appela de nouveau Samuel, pour la troisième fois. Et Samuel se leva, alla vers Éli, et dit : Me voici, car tu m’as appelé. Éli comprit que c’était l’Éternel qui appelait l’enfant,
9 et il dit à Samuel : Va, couche-toi ; et si l’on t’appelle, tu diras : Parle, Éternel, car ton serviteur écoute. Et Samuel alla se coucher à sa place.
10 L’Éternel vint et se présenta, et il appela comme les autres fois : Samuel, Samuel ! Et Samuel répondit : Parle, car ton serviteur écoute.

Jean 1, 35-42
35 Le lendemain, Jean se trouvait de nouveau au même endroit avec deux de ses disciples.
36 Fixant son regard sur Jésus qui marchait, il dit : “Voici l’agneau de Dieu.”
37 Les deux disciples, l’entendant parler ainsi, suivirent Jésus.
38 Jésus se retourna et, voyant qu’ils s’étaient mis à le suivre, il leur dit : “Que cherchez-vous ?” Ils répondirent : “Rabbi — ce qui signifie Maître —, où demeures-tu ?”
39 Il leur dit : “Venez et vous verrez.” Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait et ils demeurèrent auprès de lui, ce jour-là ; c’était environ la dixième heure.
40 André, le frère de Simon-Pierre, était l’un de ces deux qui avaient écouté Jean et suivi Jésus.
41 Il va trouver, avant tout autre, son propre frère Simon et lui dit : “Nous avons trouvé le Messie !” — ce qui signifie le Christ.
42 Il l’amena à Jésus. Fixant son regard sur lui, Jésus dit : “Tu es Simon, le fils de Jean ; tu seras appelé Céphas” — ce qui veut dire Pierre.

*

La lampe de Dieu n’est pas encore éteinte (1 Sam 3, 3). Passage de la lumière d’Éli à Samuel, Jean à Jésus, plus tard Jésus aux Douze (Jn 16, 7), les Douze aux diacres (Ac 6), puis à Paul, etc., jusqu’à nous. Chaque fois un passage, chaque fois à un moment fixé — peut-être comme celui que nous sommes en train de vivre à travers la pandémie. Ce que le grec appelle kairos. Certains moments marquent un avant et un après.

*

Jean sait qu’il va être persécuté : Hérode, qu’il a mis en cause, n’en restera pas là. Pour Jean c’est le temps d'un passage de flambeau, qu’il accepte déjà malgré ses doutes — « es-tu celui qui doit venir ? » fera-t-il encore demander à Jésus, alors qu’il est emprisonné et bientôt exécuté. Quoiqu’il en soit de ce doute, il a perçu que le moment est là. Il envoie ses disciples à celui qui va mourir aussi, mais plus tard, d’une mort porteuse d’un tout autre sens — selon ses termes à lui, Jean : l’Agneau de Dieu. Pour ses disciples, ici André, puis Simon-Pierre, c’est un changement — comme un changement de demeure : « où demeures-tu ? » demandent-ils à Jésus — « Venez et vous verrez. »

« Vous verrez »… quoi ? De la souffrance — « l’Agneau de Dieu » (v. 36) — de la souffrance avant la gloire. Avant ce que les yeux ne voient pas, avant la gloire… du visible !, un homme qui marche (v. 36) — qui marche à la croix : « voici l’Agneau de Dieu »

« L’Agneau de Dieu ». L’Agneau vainqueur du combat de la fin des temps, sans doute, dans la prédication de Jean. Mais aussi la victime sacrificielle ! — à laquelle renvoie l’évocation de l’agneau à travers plusieurs épisodes bibliques. Parmi lesquels :

— Isaac, le fils d’Abraham, qui pose à son père la question « mais où est donc l’agneau pour l’holocauste ? », Abraham répond : « C’est Dieu qui pourvoira à l’agneau pour l’holocauste ».

— Puis l’agneau évoque, bien sûr, le rite de la Pâque, qui chaque année, rappelle au peuple que Dieu l’a libéré. La nuit de la sortie du pays de l'esclavage, on sait que Moïse avait fait pratiquer par le peuple le rite traditionnel de l’agneau égorgé : désormais, chaque année, cela vous rappellera que Dieu est passé parmi vous pour vous libérer. Le sang de l’agneau signe votre libération.

— L’agneau évoque aussi Moïse d’une autre façon. Les commentaires juifs de l’Exode comparent Moïse à un agneau : ils imaginent une balance : sur l’un des deux plateaux, toutes les forces du pays de Pharaon rassemblées : Pharaon, ses chars, ses armées, ses chevaux, ses cavaliers. Sur l’autre plateau, Moïse représenté sous la forme d’un petit agneau. Eh bien, face à la puissance des Pharaons, ce sont la faiblesse et l’innocence qui l’ont emporté…

— Et aussi, le mot « agneau » fait penser, bien sûr, au serviteur de Dieu du Livre d’Ésaïe, comparé à un agneau : « Brutalisé, il s’humilie ; il n’ouvre pas la bouche, comme un agneau traîné à l’abattoir, comme une brebis devant ceux qui la tondent : elle est muette ; lui n’ouvre pas la bouche » (És 53, 7). Le serviteur du livre d’Ésaïe subit donc la persécution — mais il est ensuite exalté : « Voici que mon serviteur triomphera, il sera haut placé, élevé, exalté à l’extrême » (És 53, 13).

Voilà quoiqu’il en soit, à ce terme d’agneau, l’évocation d’images d’abord cruelles ! Mais comme pour Moïse face à Pharaon, comme pour le serviteur du livre d’Ésaie broyé par la persécution, c’est pour un triomphe de la faiblesse sur la force.

*

Car le passage de relais de Jean à Jésus est celui qui conduit l’Agneau à la croix, pour un second passage, annoncé dès le départ par la présence d’André et Pierre : de la croix aux disciples — Jean 16, 7 : « il est préférable pour vous que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le Consolateur ne viendra pas vers vous ; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai. » Jésus sait : c’est pour maintenant. Un signe : la venue de Grecs qui veulent le voir (Jean 12) : le moment est là, dit-il à ses disciples, et c’est effectivement pour quelques jours après, en pleine fête de la Pâque : ils ne le verront plus.

Où l’on retrouve la question de la demeure — « où demeures-tu… — venez et vous verrez ». Puis, plus tard : beaucoup de demeures… sachant que celui qui demeure en moi, je demeurerai en lui… Œuvre de l'Esprit consolateur promis par Jésus. Consolateur. Jésus à l'avance console ses disciples — déjà de ce qu’ils vont voir bientôt : la violence qui déferle contre leur maître, à qui on demande tout et son contraire, il s’agit de le piéger — au point qu’il cesse de se défendre, et subit jusqu’à la croix : l’Agneau de Dieu annoncé par le Baptiste.

Aux disciples aussi sera donné un traitement indigne : Jésus les envoie porter la parole de la vie. On leur en voudra pour cela !

On cherchera à les détourner de faire cela seul pour quoi ils sont envoyés : donner la parole de Dieu. Entre ceux qui la supportent mal et ceux qui succombent à l’impatience et qui reprochent aux disciples le fait que la parole est de l’ordre de la semence et qu’elle ne germe pas sitôt semée, les disciples auront fort à faire, fort à endurer.

Tâche ingrate que d’être envoyé prêcher… sachant qu’il est de la nature de cette tâche de ne pas en voir le fruit. « Je vous enverrai un autre Consolateur », promet Jésus. Agneau de Dieu, je l’ai vécu.

*

Esprit consolateur ouvrant les lendemains, et donc, déjà de nouveaux passages de lumière. Comme, peu après, le passage des Douze aux diacres. Actes 6, 1-4 : « En ce temps-là, le nombre des disciples augmentant, les Hellénistes murmurèrent contre les Hébreux, parce que leurs veuves étaient négligées dans la distribution qui se faisait chaque jour. Les Douze convoquèrent la multitude des disciples, et dirent : Il n’est pas convenable que nous laissions la parole de Dieu pour servir aux tables. [D'où la proposition : choisissez sept personnes] de qui l’on rende un bon témoignage, qui soient pleins d’Esprit-Saint et de sagesse, et que nous chargerons de cet emploi. Et nous, nous continuerons à nous appliquer à la prière et au ministère de la parole. »

Jésus avait confié aux Douze la tâche de prêcher, de donner la parole de Dieu. Attachés à ce ministère, les Apôtres ne voient pas spontanément certaines réalités, comme les veuves des Hellénistes en difficulté. Ce sont les Hellénistes, juifs de tradition grecque donc, qui attirent l'attention des Douze. « [Ils] murmurèrent contre les Hébreux parce que leurs veuves étaient négligées dans la distribution qui se faisait chaque jour. »

Alors les Apôtres vont faire comme leur maître, et comme avant lui Jean le Baptiste : le moment est là ; ils vont passer le flambeau. « Les Douze convoquèrent la multitude des disciples, et dirent : Il n’est pas convenable que nous laissions la parole de Dieu pour servir aux tables. » Tâche confiée à ceux qui se sont plaints — enfin à sept d'entre eux qu’ils doivent choisir eux-mêmes — les Apôtres font cela à la suite de ce qu’avait dit Jésus : « donnez leur vous-même à manger » — Jésus bénissant le pain, dont restent d'une part douze paniers, comme le nombre des Apôtres envoyés d'abord porter la nouvelle de la résurrection aux Hébreux puis aux nations, et d'autre part sept paniers, comme plus tard les Sept d'Actes 6, qu'on appellera diacres, au service de ceux qui parlent et pensent Grecs, comme ouverture vers les nations — par un autre passage : un des sept diacres, Étienne, mourant martyr, « contaminera » de sa foi celui deviendra l'Apôtre des nations, Paul.

La tâche des Douze, l’annonce de la parole de Dieu, n’est pas la tâche qu’ils vont confier à d’autres en instituant les Sept, comme la tâche de Jésus n'est pas celle de Jean, et celle des Douze n'est pas celle de Jésus, et celle des Sept n'est pas celle de Paul.

En tout cela, ce que les circonstances dévoilent ne relève pas du facultatif : fruit de ces passages de flambeau : la dissémination de la parole de la foi. Le moment est là, il est toujours inattendu. Ce n’en est pas moins le moment précis, le moment opportun, le kairos.

*

Un passage, qui comme celui de Jean à Jésus et celui de Jésus aux Douze, semble avoir tout l’air d’un abandon :

On l'a entendu : « il vous est avantageux que je m’en aille », lit-on plus tard dans le même évangile (Jean 16, 7), il vous est avantageux que je ne reste pas avec vous, sans quoi rien ne se fera, ni ce que vous aurez à faire et que vous seriez tenté de me voir faire à votre place ; ni ce que j’ai à faire, qui est autre chose. Jean l’a annoncé : « Celui-ci est l’Agneau de Dieu. » — Pour vous : « vous verrez où je demeure » : au sein du Père qui envoie votre Consolateur, celui qui est votre force quand la parole que vous semez n’a pas encore germé, au jour où on vous le reproche jusqu’à vous persécuter à votre tour pour cela. Parfois jusque dans et par l’Église ! Comme dans un oubli de ce qu'il est des moments fixés de passages de relais.

À leur tour les Douze passent donc le relais, sans quoi la parole ne serait plus dite comme elle doit l’être, Paul le soulignera à l’envi : j’ai été envoyé pour prêcher, et prêcher la croix — pas même pour baptiser ! L'administration des sacrements sera déléguée à la responsabilité du ministère pastoral. Et pour tous, dire la parole de Dieu sans en voir le fruit : un temps pour semer, un temps pour moissonner, sachant que « ma Parole ne revient pas à moi sans effet » (És 55, 11). Tel sème, rappelle Paul, tel autre arrose, tel autre recueille. Dieu fait croître. Pour les Douze, un des fruits de leur parole est un manque, un besoin : la parole a atteint les Hellénistes (Grecs, donc : on a rappelé la présence des Grecs devenant signe des temps pour Jésus — Jn 12), puis les nations. Autant de tournants suscités par des besoins et suscitant des besoins.

Tournants comme moments de fructification de la parole, pour une autre tâche, qui est confiée à toutes celles et tous ceux qui s’y engagent. Et l’histoire des passages ne s’arrêtera pas au Nouveau Testament… Que dire aujourd’hui, notamment avec la pandémie et ses conséquences, sanitaires, sociales, etc., et ecclésiales, sans doute, bien sûr. En ne perdant pas de vue, que nous ne sommes pas maîtres de ce qui s'ouvre et va s'ouvrir. Nous voilà comme Samuel, à qui Éli n'a pas parlé, Éli qui sait ne rien maîtriser — il a simplement appris à Samuel à dire  : « Parle, Éternel, ton serviteur écoute. » Cela pour un passage de flambeau, d'Éli à Samuel.

Le ministère de Jésus est aujourd'hui passage de lumière à un moment précis, déjà de Jean à lui, et via sa propre mort, à nous : « Fixant son regard sur Jésus qui marchait, Jean dit : “Voici l’agneau de Dieu.” »


RP, Poitiers, 17.01.21
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dimanche 10 janvier 2021

Déchirement des cieux




Ésaïe 55, 1-11 ; Ésaïe 12 ; 1 Jean 5, 1-9 ; Marc 1, 7-11

Ésaïe 55
1 Ô vous tous qui êtes assoiffés, venez vers les eaux,
même celui qui n’a pas d’argent, venez !
Demandez du grain, et mangez ; venez et buvez !
– sans argent, sans paiement –
du vin et du lait.
2 A quoi bon dépenser
votre argent pour ce qui ne nourrit pas,
votre labeur pour ce qui ne rassasie pas ?
Écoutez donc, écoutez-moi, et mangez ce qui est bon ;
que vous trouviez votre jouissance dans des mets savoureux :
3 tendez l’oreille, venez vers moi,
écoutez et vous vivrez.
Je conclurai avec vous une alliance perpétuelle,
oui, je maintiendrai les bienfaits de David.
4 Voici : j’avais fait de lui un témoin pour les clans,
un chef et une autorité pour les populations.
5 Voici : une nation que tu ne connais pas,
tu l’appelleras,
et une nation qui ne te connaît pas courra vers toi,
du fait que le SEIGNEUR est ton Dieu,
oui, à cause du Saint d’Israël, qui t’a donné sa splendeur.
6 Recherchez le SEIGNEUR puisqu’il se laisse trouver,
appelez-le, puisqu’il est proche.
7 Que le méchant abandonne son chemin,
et l’homme malfaisant, ses pensées.
Qu’il retourne vers le SEIGNEUR,
qui lui manifestera sa tendresse,
vers notre Dieu,
qui pardonne abondamment.
8 C’est que vos pensées ne sont pas mes pensées
et mes chemins ne sont pas vos chemins
– oracle du SEIGNEUR.
9 C’est que les cieux sont hauts, par rapport à la terre :
ainsi mes chemins sont hauts, par rapport à vos chemins,
et mes pensées, par rapport à vos pensées.
10 C’est que, comme descend la pluie
ou la neige, du haut des cieux,
et comme elle ne retourne pas là-haut
sans avoir saturé la terre,
sans l’avoir fait enfanter et bourgeonner,
sans avoir donné semence au semeur
et nourriture à celui qui mange,
11 ainsi se comporte ma parole
du moment qu’elle sort de ma bouche :
elle ne retourne pas vers moi sans résultat,
sans avoir exécuté ce qui me plaît
et fait aboutir ce pour quoi je l’avais envoyée.

Marc 1, 7-11
7 [Jean] proclamait : « Celui qui est plus fort que moi vient après moi, et je ne suis pas digne, en me courbant, de délier la lanière de ses sandales.
8 Moi, je vous ai baptisés d’eau, mais lui vous baptisera d’Esprit Saint. »
9 Or, en ces jours-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain.
10 A l’instant où il remontait de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit, comme une colombe, descendre sur lui.
11 Et des cieux vint une voix : « Tu es mon Fils bien-aimé, il m’a plu de te choisir. »

*

« Ainsi se comporte ma parole du moment qu’elle sort de ma bouche : elle ne retourne pas vers moi sans résultat » (Es 55, 10). Et au bout du compte, un résultat heureux : joie, paix, acclamations, réconciliation de la création entière — à commencer par celle d’Israël, puis des nations.

Quels que soient les malheurs concrets que traverse le peuple à ce moment-là, le texte passe d'emblée à leur enracinement éternel, à ce qu'ils se situent en vis-à-vis d'une promesse de consolation éternelle. Face à un vis-à-vis qui crée une soif et une faim dont l'assouvissement ne s'achète pas, une soif et une faim que rien ne peut assouvir en fait, sinon Celui dont cette soif dit le manque.

Une soif et une faim qui s'inscrivent dans une mystique nuptiale et amoureuse. « Le ch. 55 prolonge le ch. 54 » écrit une note de la TOB 2010 (sic). Cela peut sembler être une tautologie. Mais il s’agit au ch. 55 d'une application au peuple, concrétisation de ce que proclame le ch. 54 sur Jérusalem. J'ajoute que comme le ch. 55 prolonge le ch. 54, le ch. 54 prolonge le ch. 53, sur le serviteur souffrant, qui n'est jamais nommé : on ne sait pas qui c'est, ce qui à être attentif, renvoie à celui qui se cache derrière, le Dieu dont on ne connaît que ce qu'il dévoile en le cachant, le Dieu que nul n'a jamais vu, au point que celui qui le fait connaître, enseigne qu'il nous est avantageux qu'il s'en aille, sans quoi l'Esprit saint, présence intime de ce Dieu, ne viendra pas ! Cette présence intime de l'Esprit saint que les mystiques ont assimilé à un mariage spirituel…

Une présence intime dont Ésaïe nous dit le manque, qui ne peut se fonder que dans une union avec Dieu.

*

Le baptême de Jean, renvoyant aux grandes traversées historiques des exodes et des retours d’exil, redit ce manque, appelant au retour à Dieu — comme on revenait d’exil en traversant forcément le Jourdain, vers la Terre-symbole de la Présence du Dieu dont on manque. Après ces exils, fruits de catastrophes qui ont marqué les mémoires en Israël, vient le retour, signifié à travers le Jourdain, comme un baptême de « retour », et, donc, en vérité de retour à Dieu, de « repentance » : ainsi se présente le baptême de Jean.

Ce faisant, le baptême de Jésus par Jean renvoie à quelque chose de profondément inscrit, derrière nos manques, dans nos angoisses. Le Jourdain, rappel de l'exil à Babylone, puis du retour. Rappel de l'exil au pays de Pharaon aussi, puis de l'Exode, « nos pères ont tous été sous la nuée, qu’ils ont tous passé au travers de la mer,‭ qu’ils ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer », écrit Paul (1 Co 10, 1-2). Jésus descendant dans l'eau du Jourdain, est descendu aussi dans l'Égypte de nos esclavages (« j'ai appelé mon fils hors d'Égypte », écrit Matthieu, ch. 2 v. 15, citant le prophète Osée, ch. 11 v. 1). Et, au-delà, référence à cette dimension plus enfouie encore dans l'allusion au déluge. Il est descendu avec nous au cœur de nos peurs les plus enfouies, au cœur de nos détresses, au cœur du déluge de nos manques et de nos morts, mais il y est descendu pour nous en faire remonter, pour donner un sens à tout ce qui ne semble que vide et manque, un sens porté par l’Esprit de Dieu, le souffle de Dieu qui renouvelle sa présence intime.

Cette descente de Jésus au séjour des morts, annoncée à son baptême, profile le trajet qui sera celui de son ministère, et qui débouche sur ce qu'il annonce en ces termes : l'autre « baptême dont je dois être baptisé », qui est sa mort (Mc 10, 39 ; Lc 12, 50) — cf. 1 Pierre 3, 18-21 :

18 Le Christ lui-même a souffert pour les péchés, une fois pour toutes, lui juste pour les injustes, afin de vous présenter à Dieu, lui mis à mort en sa chair, mais rendu à la vie par l’Esprit.
19 C’est alors qu’il est allé prêcher même aux esprits en prison,
20 aux rebelles d’autrefois, quand se prolongeait la patience de Dieu aux jours où Noé construisait l’arche, dans laquelle peu de gens, huit personnes, furent sauvés par l’eau.
21 C’était l’image du baptême qui vous sauve maintenant.

Le rapport entre baptême et déluge, autour de la plongée du Christ dans notre chaos, se précise bien. C’est sans doute tout le sens de la descente aux enfers de ce passage de 1 Pierre, qu’un Calvin considère comme concernant essentiellement l’agonie à Gethsémané.

Ainsi, la mort du Christ est bien un élément de sa plongée dans notre enfer et nos manques d’ici-bas, annoncée à son baptême.

Le Christ plongeant au plus bas de l’humanité, au cœur d'un déluge, mais assoiffé (« J'ai soif », dit-il au moment de sa mort — Jean 19, 28), au cœur du manque de Dieu, tel est le signe de la solidarité avec chacune et chacun de nous jusqu'au cœur chaotique de son manque, marqué par la présence de cet autre signe, la colombe, rappel de la fin du déluge, et signe de l’Esprit de Dieu, planant d'abord au dessus des eaux, puis qui va donner forme au chaos. Le baptême de Jésus dit aussi cela, en nous conduisant d'abord à une parole terrible sur nous-mêmes, nous-mêmes, humanité.

Car pourquoi se soumettre à ce signe de repentir qu'est le baptême de Jean pour un homme qui n'a pas à se repentir, Jésus ?! Dans ce baptême de repentir Jésus nous rejoint jusqu'en ce que nous, voire nos prières, avons de plus trouble, il se repent de nos péchés. Il se solidarise avec nous à ce point !

Voilà qui nous conduit dès lors très loin dans le tragique de notre condition… — pour nous en faire enfin sortir : c’est la bonne nouvelle que porte pour nous Jésus à son baptême.

Mais en vis-à-vis de cela, en deçà de cela, parlant de repentir, nous sommes renvoyés à la parole la plus terrible prononcée par la Bible à propos de l’humanité : Genèse 6, 6 : « le Seigneur se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre. » Parole qui précède et origine le déluge.

Dieu « se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre » ! Dieu ne s’est pas repenti d’avoir fait les cafards, les crocodiles, les requins et autres animaux redoutables, mais l’homme ! — Un repentir tel qu'il débouche sur l’engloutissement du déluge !

Où l’on trouve peut-être les protestations de Job ! — auquel Dieu répond, justement, qu’il a aussi créé les Léviathan, Béhémoth et autres monstres.

Quant à l’homme, il aurait peut-être fallu y penser avant, avant de le créer, plutôt que de se repentir après, semble dire Job, et avec lui Jérémie, et pas mal d’autres dans l’histoire : il aurait mieux valu que je ne naisse pas ! — disent-ils ! Parole insensée, parole de révolté !

Parole de sagesse aussi, selon l’Ecclésiaste : « L’avorton, celui qui n’a pas vu le jour, vaut mieux que celui qui ne se rassasie pas de bonheur » (Ecc 6, 3), mais qui à la place ne voit que le malheur qui se vit sous le soleil !

Eh bien c’est au cœur de ce chaos-là, au cœur de ce drame, que Jésus nous rejoint par son baptême, début d’un ministère qui à vue humaine laisse à se demander si la vie de cet homme, Jésus, valait bien d’être vécue ! — pour se terminer comme elle s’est terminée…

*

Puis Jésus remonta de l’eau, dit alors l’évangile… les cieux se déchirant et l’Esprit, comme une colombe, descendant sur lui. Tandis que des cieux vint une voix : « Tu es mon Fils bien-aimé, il m’a plu de te choisir. » Or cette proclamation céleste se produit au moment où Jésus vient de marquer sa solidarité avec toute l'humanité. Il est, à ce moment, chacune et chacun de nous, renouvelant pour chacune et chacun l'appel du prophète Ésaïe : « Ô vous tous qui êtes assoiffés, venez vers les eaux ».


RP, Poitiers, 10/01/21
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dimanche 3 janvier 2021

Épiphanie, ou le mystère de l'ouverture de l'Alliance aux nations




Ésaïe 60, 1-6 ; Psaume 72 ; Éphésiens 3, 2-3a & 5-6 ; Matthieu 2, 1-12

Ésaïe 60, 1-3
1 Lève-toi, brille : ta lumière arrive, la gloire du SEIGNEUR se lève sur toi.
2 Les ténèbres couvrent la terre et une obscurité épaisse recouvre les peuples ; mais sur toi le SEIGNEUR se lève, sur toi sa gloire apparaît.
3 Des nations marcheront à ta lumière et des rois à la clarté de ton aurore.

Éphésiens 3, 5-6
5 Ce mystère, Dieu ne l’a pas fait connaître aux hommes des générations passées comme il vient de le révéler maintenant par l’Esprit à ses saints apôtres et prophètes :
6 les païens sont admis au même héritage, membres du même corps, associés à la même promesse, en Jésus Christ, par le moyen de l’Évangile.

Matthieu 2, 1-12
1 Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem
2 et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage. »
3 A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.
4 Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s’enquit auprès d’eux du lieu où le Messie devait naître.
5 « A Bethléem de Judée, lui dirent-ils, car c’est ce qui est écrit par le prophète :
6 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda : car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple. »
7 Alors Hérode fit appeler secrètement les mages, se fit préciser par eux l’époque à laquelle l’astre apparaissait,
8 et les envoya à Bethléem en disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant ; et, quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que, moi aussi, j’aille lui rendre hommage. »
9 Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route ; et voici que l’astre, qu’ils avaient vu à l’Orient, avançait devant eux jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant.
10 A la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie.
11 Entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
12 Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d’Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin.


Ces fameux Mages, prêtres lointains, venus d’Orient, le pays d’où se lève le soleil, amenant des cadeaux aux pieds du Messie biblique de Matthieu, aux pieds d'un enfant né dans les ténèbres de l'humilité — la nuit, donc, dans le temps angélique —, les voilà bientôt sacrés rois, accomplissant les prophéties annonçant les rois de toutes les nations venant à Jérusalem, devenus ensuite trois Rois-Mages représentant les rois des trois continents d'alors, rois rayonnants de lumière, là où Matthieu les présentait comme des prêtres arrivant peut-être quelques deux ans après l’événement (Hérode voulant voir disparaître les enfants de Bethléem jusqu'à deux ans) — ces prêtres, des savants dira-t-on bientôt, miraculeusement présents, grâce à leur science des étoiles, la nuit du 25 décembre -0001. Car voilà qu'on s’est mis à enseigner aussi que Jésus est né un 25 décembre. Mais, nous disent les savants, les successeurs des Mages en quelque sorte, le 25 décembre c'est impossible : les bergers de Luc ne pouvaient être dans les champs en cette saison. Et de nous faire remarquer que le 25 décembre est la date d'une fête païenne en l'honneur du soleil — vénéré alors sous la forme de telle ou telle divinité solaire, comme Mithra, dont quelques Mages étaient peut-être, selon leur religion, des adeptes.

Alors, fête du Messie biblique, Messie de Bethléem, ou fête païenne ? Et si, comme tout en étant né à Bethléem en Judée, Jésus est aussi galiléen, — si sous un certain angle, un angle bien réel, Jésus était vraiment né un 25 décembre du temps angélique — pour couvrir de lumière jusqu'à sa Galilée mal sortie de la nuit, selon Ésaïe (ch. 9, v. 1-2) ? Si nos païens d'ancêtres dans la foi, avaient vraiment été saisis par l'Esprit de Dieu, Esprit par lequel on perçoit que ce Messie biblique concerne aussi les païens ? Qu'est-ce en effet que le 25 décembre ? C'est la fête du solstice d'hiver, le moment où la nuit cesse de croître et où le jour augmente, le moment où la lumière nous rejoint dans nos ténèbres. Ne dit-on pas que Jésus est le soleil de justice ? Voilà que dans l'Empire romain, on fêtait ce jour-là la fête du soleil, et voilà que le christianisme a triomphé dans l'Empire même, après trois siècles de persécution. Certes le temps est resté le temps, l’Empire est resté l’Empire, persécutant bientôt, hélas, tous ceux qui n’étaient pas chrétiens, juifs comme païens. Mais les plus sages ont discerné quand même dans cette rencontre d’une fête solaire un signe que ceux les savants d'aujourd'hui pourraient ne pas reconnaître parce que cela ne correspond pas à la rigueur de l'Histoire.

Dans l'Histoire, Jésus n'est sans doute pas né un 25 décembre. Certes. Mais si l'on est attentif on peut être à même de percevoir qu'il est aussi une autre dimension. Rappelons-nous que les anges ont empli les cieux de leur louange au jour de la naissance de Jésus. Et que le temps des anges n'est pas le nôtre, qu'il est entre le nôtre et celui de Dieu, où « mille ans sont comme un jour ​». Si, en toute rigueur historienne, Jésus n'est effectivement sans doute pas né un 25 décembre, ne sont-ils pas éclairés de ce qu'il est des réalités au-delà des nôtres, ceux qui ont soupçonné les vérités de ce temps des anges, un temps dont le vrai signe dans notre temps est effectivement le 25 décembre. Ici le jour nouveau se lève, brillant d'une lumière dont on ne soupçonnait pas même l'existence, on passe des temps nocturnes de nos âmes aux temps solaires, au temps du soleil de justice, qui concerne tous les peuples, qui concerne les païens.

Et voilà que l’on date à présent nos siècles à partir de sa naissance. Et que l’on est passé avec le Christ à un calendrier solaire — car le calendrier liturgique biblique est lui un calendrier lunaire, au cœur duquel est inscrite aussi la promesse de la lumière, exprimée par la fête juive de Hanoukka, célébrée aussi vers le temps du solstice d’hiver. Voici un calendrier, solaire, se levant du solstice solaire d'hiver, dont le premier mois, janvier, est celui qui succède immédiatement à celui donné pour la naissance de Jésus, huit jours après, c’est-à-dire le jour de sa circoncision — selon le temps angélique s'entend.

Point de contradiction ici : le Messie de la Bible concerne bien aussi les païens. C'est vers lui, vers sa lumière, que sont venus les Mages, des nations d'Orient. C'est vers lui que se dresse l'arbre de Jessé, père de David roi d'Israël, comme l'arbre de toute la Création qui se dresse vers sa lumière qu'annonce cette même étoile des Mages.

Et à y regarder de près, les yeux de la foi découvrent alors que cette fête que l'on dirait païenne est celle de la bonne nouvelle du salut de Dieu pour les païens, que représentent les Mages. Elle est celle du chant de toute la Création à la rencontre de la lumière à laquelle elle est appelée.

C'est là le sens de l'arbre de Noël, on l'a vu lors de notre temps de Noël : figure de l'arbre de Jessé, père de David, et figure de l'arbre de toute la Création que Dieu fait croître à sa rencontre. Symbole païen ? Repris par la Réforme luthérienne pour symboliser la vérité du 25 décembre, celle de la naissance du Christ. Un arbre qui se dresse vers la lumière annoncée par l'étoile, comme celui de la famille de Jessé et de David et celui de toute la Création vers son salut.

Et le Père Noël, avec ses allures de lutin ? On a parlé de l’histoire des Mages, ces prêtres persans qui menaient des cadeaux aux pieds d'un David biblique, aux pieds d'un enfant né dans les ténèbres de l'humilité — la nuit, donc, dans le temps angélique — pour couvrir de lumière jusqu'à sa Galilée païenne.

Plus tard, l'enfant enseignera que les plus petits que nous croisons sont lui-même venus dans le secret. C'est là ce qu'a très bien compris un évêque de l'Antiquité, nommé Nicolas, devenu saint Nicolas parce qu'il ne supportait pas, lui disciple d'un enfant pauvre, de voir la misère, plus particulièrement celle des enfants. Alors en secret, il leur faisait des cadeaux qui allégeaient leur peine, comme les Mages offrant leurs dons au Christ.

Plus tard, apparaîtra que saint Nicolas, dans son humilité, dévoilait des actions angéliques. Derrière saint Nicolas, un simple homme, s'ouvre le monde angélique, dévoilant lui-même la réalité de Dieu. Un ange est derrière saint Nicolas, comme derrière les Mages, étrangers en visite, rappelant les étrangers visitant Abraham, et dans lesquels le patriarche reconnaissait la présence angélique, et la présence de Dieu même lui annonçant la naissance de son enfant. Un ange est derrière saint Nicolas, ange qui sera figuré sous les traits des anges nordiques, elfes et lutins. C'est la figure du Père Noël, que dévoile saint Nicolas, une figure angélique du don gratuit.

Alors contrairement à ce que s'imaginent ceux qui sont lourds à comprendre, ce que nous disent les Mages et leurs cadeaux, c'est que le Père Noël existe, manifestation angélique de l'art de donner dans le secret, de l'art de donner de la joie à ceux qui ressemblent au nouveau-né dans sa crèche.

Et derrière cette figure angélique, il y a au plus haut des cieux, comme le proclament les anges présents à Noël selon les Évangiles — il y a la présence du don suprême, le grand cadeau de Dieu par lequel la paix vient sur la terre aux humains au bénéfice de sa bienveillance, — don de Dieu réconciliant le monde de la Bible et celui des païens, le cadeau par lequel il prouve définitivement son amour envers nous.


RP, Châtellerault, Épiphanie, 3.01.21
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