samedi 24 décembre 2022

Noël côté Joseph, recevoir la Parole de lumière





Un rite comme celui auquel nous participons ce soir, une veillée de Noël, a pour fonction (c’est le sens des rites) de dessiner un espace, dans notre temps, qui nous permette de nous extraire de nos agitations et de nos vanités, et de nous axer sur l’essentiel ; qui n’est ni économique, ni commercial, ni politique… Nous axer sur ce que nous sommes devant Dieu. Un cadeau, même si nous en comprenons mal la valeur.

Un rite, comme celui que nous accomplissons en ce soir de Noël, n’est rien d’autre qu’une série de mots et de gestes, redisant un moment fondateur, qui au plan de l’efficacité et du rentable de nos sociétés ne sert à rien. Comme ceux qui comptaient en son temps ne trouvaient aucun intérêt consumériste, économique ou politique en cet enfant né ignoré des puissants, du roi ou de l’empereur.

Un rite est une façon de dessiner dans nos agitations et nos vanités la dimension de la sainteté, c’est-à-dire de la mise à part. Un cadeau, un moment à part, placé devant Dieu.

Cela correspond au fond à cette leçon de Jésus : « vous n’êtes pas de ce monde… je vous donne ma paix, une paix que le monde ne connaît pas » — au-delà de toutes les agitations et les choses dites utiles. Que cette paix soit pour nous la paix de Noël, en ce bref espace de temps dessiné dans cette veillée de Noël…

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Jean 1, 1-18
‭1 Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.‭
‭2 Elle était au commencement avec Dieu.‭
‭3 Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.‭
4 ‭En elle était la vie, et la vie était la lumière des êtres humains.‭
‭5 La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.‭ […]
9 ‭Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout être humain.‭
‭10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue.‭ […]
‭12 Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu,‭
13 lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.‭
‭14 Et la parole est devenue chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.‭ […]
18 ‭Personne n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître.

Matthieu 1, 18-25
18 Voici comment arriva la naissance de Jésus-Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; avant leur union, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit saint.
19 Joseph, son mari, qui était juste et qui ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la répudier en secret.
20 Comme il y pensait, l'ange du Seigneur lui apparut en rêve et dit : Joseph, fils de David, n'aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme, car l'enfant qu'elle a conçu vient de l'Esprit saint ;
21 elle mettra au monde un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
22 Tout cela arriva afin que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par l'entremise du prophète :
23 "La vierge sera enceinte ; elle mettra au monde un fils et on l'appellera du nom d'Emmanuel", ce qui se traduit : Dieu avec nous.
24 À son réveil, Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme chez lui.
25 Mais il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eût mis au monde un fils, qu'il appela du nom de Jésus.

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Mais enfin, comment s’appelle-t-il, ce petit : Jésus ou Emmanuel ? À l'époque, on sait que les prénoms ont un sens et on sait lequel : « le Seigneur sauve », pour le nom « Jésus » — et il sauve par sa présence avec nous — « Emmanuel, Dieu avec nous » ; selon la promesse de la bénédiction : « le Seigneur est avec toi ».

Joseph est un homme juste, nous dit Matthieu, homme de pardon, donc, comme le Joseph de la Genèse pardonnant à ses frères. Cet autre Joseph, celui de Marie, pardonne aussi… à qui ? Non pas à Marie : il croit la vision angélique qui la concerne. Il pardonne… à Dieu lui-même ! En adoptant Jésus.

Or le nom Jésus signifiant « le Seigneur sauve » ; il est lui-même en sa chair, la lumière et la Parole de Dieu, sa Parole « était la vie, et la vie était la lumière des hommes », notre vie éternelle, le projet de Dieu pour nous : « la parole est devenue chair, et elle a habité parmi nous ».

Eh bien, c’est cela que Joseph adopte en adoptant Jésus. Et c'est cela qu’il s’agit pour nous aussi d’adopter : le salut de Dieu, son projet pour nous, même dérangeant — pour que s’accomplisse la promesse selon laquelle Dieu sera avec nous : Emmanuel.

Pour cela, il nous appartient d’accepter à notre tour ce que Joseph a accepté : accepter que la réalité la plus importante de notre vie ne vienne pas de nous-mêmes (comme Jésus ne vient pas de lui), et même nous dérange, comme un enfant qui ne vient pas de nous. Le cadeau de Dieu n’est pas quelque chose que nous devons produire par nous-mêmes, il est à recevoir, à adopter comme Joseph adopte dans la foi l’enfant que porte Marie. Une réalité nouvelle qui nous surprend et nous dépasse, une réalité vivante que l’on ne peut connaître qu’en acceptant de la recevoir et de l’aimer : « Dieu avec nous ».

Joseph a dû accepter cette naissance. Nous avons du mal à adopter le salut de Dieu. Cela choque notre volonté naturelle, celle d’être, tout seuls, artisans de notre vie. Mais c’est vital. C’est déjà une bonne idée de placer son espérance, sa foi, en quelque chose de plus grand que soi-même. C’est déjà bien, par exemple, d’avoir foi en un idéal.

Mais plus que cela, en choisissant d’adopter cet enfant, Joseph reconnaît à Dieu sa place au-dessus de lui-même. Et il nous indique à l’avance que Jésus vient pour une mission inouïe : c'est lui qui sauvera son peuple.

Joseph, alors, a choisi : placer sa foi en Dieu, et faire passer ses propres aspirations après.

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C'est ainsi que l’accomplissement de nos vies se fait quand nous sommes habités, transformés par la présence de Dieu. C’est pourquoi Jésus est Emmanuel, il nous sauve, selon son nom « le Seigneur sauve » en étant « Dieu avec nous ».

Celui qui est à l'origine de toutes choses — « ‭au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.‭ ‭Elle était au commencement avec Dieu.‭ ‭Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle » — celui qui est à l'origine de toutes choses vient dans notre propre histoire, pour faire grandir en nous une réalité nouvelle.

Cette transformation, cette nouvelle dimension de notre vie est au-delà des mots de notre quotidien.

Notre existence est faite pour être renouvelée par la présence permanente de la nouveauté de vie en Dieu, au cœur de nos réalités quotidiennes. La lumière qui vient à Noël est « la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout être humain.‭ »

La présence de Dieu dans notre vie ne remplace pas ce que nous sommes, elle l'élève à toute sa dignité. Et ce nous-même qui naît de la sorte est effectivement un être nouveau, mais c’est en même temps ce que nous sommes — pleinement, comme réalité nouvelle fondée en Dieu : « à tous ceux, toutes celles, qui l’ont reçue, qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu,‭ lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu ».


RP, Poitiers, Veillée de Noël, 24.12.22
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