dimanche 5 février 2012

Annonce de l’Evangile et délivrance




Job 7, 1-7 ; Psaume 147 ; 1 Corinthiens 9, 16-23

Marc 1, 29-39
29 Juste en sortant de la synagogue, ils allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André.
30 Or la belle-mère de Simon était couchée, elle avait de la fièvre ; aussitôt on parle d’elle à Jésus.
31 Il s’approcha et la fit lever en lui prenant la main : la fièvre la quitta et elle se mit à les servir.
32 Le soir venu, après le coucher du soleil, on se mit à lui amener tous les malades et les démoniaques.
33 La ville entière était rassemblée à la porte.
34 Il guérit de nombreux malades souffrant de maux de toutes sortes et il chassa de nombreux démons; et il ne laissait pas parler les démons, parce que ceux-ci le connaissaient.
35 Au matin, à la nuit noire, Jésus se leva, sortit et s’en alla dans un lieu désert ; là, il priait.
36 Simon se mit à sa recherche, ainsi que ses compagnons,
37 et ils le trouvèrent. Ils lui disent : "Tout le monde te cherche."
38 Et il leur dit : "Allons ailleurs, dans les bourgs voisins, pour que j’y proclame aussi l’Évangile : car c’est pour cela que je suis sorti."
39 Et il alla par toute la Galilée; il y prêchait dans les synagogues et chassait les démons.

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Jésus guérit la belle-mère de Simon. Suite à cela, sa réputation se répand, et il est amené à guérir beaucoup de monde, dans la localité où demeure Simon, Caper-Nahum — textuellement « le village de Nahum », qui peut se traduire « de la consolation » — ; là puis dans les autres bourgades alentour. Il y proclame la bonne nouvelle : il faut, dit-il, « que j'y proclame aussi l’Évangile », et pas seulement chez vous, « car c'est pour cela que je suis sorti » (v. 38).

Les guérisons et divers miracles de Jésus présentent la fonction de signes de la vérité de l’Évangile ; ils sont en quelque sorte l’expression de la vérité efficace de l’Évangile : il prêchait et chassait les démons. Ministère de prédication qui purifie et guérit le monde de l’idolâtrie et de ses effets, selon ce que signifie d’abord le mot grec — daïmonia, référant aux idoles, désignant les divinités intermédiaires genre esprits tutélaires ou autres génies.

Avec, au milieu de tout cela, un petit verset important (v. 35) : il se retirait dans un lieu désert pour prier, au point qu’il fallait le chercher : « tout le monde te cherche » (v. 37).

On retrouve cela très souvent dans le ministère de Jésus. Au long de séries de guérisons qui commencent par celle de la belle-mère de Simon, ou Pierre — puisque Pierre avait une belle-mère… Ou qui commence plutôt un peu avant, dans la synagogue de Caper-Nahum où il délivre un démoniaque. C’est ainsi que l’on voit dès le début du ministère de Jésus que c’est de cela qu’il s’agit : une délivrance par rapport à tout ce qui rend captif, et qui empêche la diffusion de la parole de Dieu et la libération qu’elle porte.

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La nouvelle de la guérison de la belle-mère de Simon-Pierre se répand de sorte que chacun se presse autour de Jésus pour en être guéri, et, nous dit à plusieurs reprises l'Évangile, Jésus les guérit tous — parce qu'il a compassion d'eux, comme il a eu compassion de la belle-mère de Simon. Et comme pour celle-ci, il les élève en dignité : il la fit « lever en lui prenant la main ».

Les gens perçoivent qu’ici, on a de la compassion, de l’attention, de l’affection, on relève chacun, et cela fait envie.

À travers cela, c’est l’Évangile proclamé qui attire, l’Évangile plutôt que les miracles, alors que les démons ont été chassés, et se sont tus — « parce qu’ils le connaissaient », littéralement : parce qu’ils le « voyaient » (v. 34).

Au-delà de l’homme Jésus, qui ne paie pas forcément de mine, les daïmonia — contrairement aux hommes aux yeux de chair —, le « voient » tel qu’il est au-delà de l’homme sans gloire visible, ils « voient » le Fils éternel de Dieu, ce qui les cantonne ipso facto dans leur silence de choses vaines.

Ce simple mot « voient », dit beaucoup de choses sur la façon dont l’Évangile de Marc, « Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu », selon son tout premier verset, dévoile sobrement le mystère caché en Jésus du Fils de Dieu, présent dans l’éternité… Réalité que le monde spirituel « voit », au point qu’il en est cantonné au mutisme.

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Nous sommes aussi appelés à voir, par la foi, pour la même délivrance octroyée par Jésus quant à tout ce qui nous lie à ce qui est vain, et à nous attacher à la compassion qu’a montrée Jésus, à l’égard de tous.

Cela par et en vue de la proclamation de l’Évangile : « c’est pour proclamer l’Évangile que je suis sorti », dit Jésus. Et c’est cette parole qui fonde sa concrétisation en compassion, qui en donne autant de signes, et pas l’inverse.

« C’est pour cela que je suis sorti » (v. 38) — pas seulement sorti de la maison de Simon ! Sorti vers ce monde, sorti de l’éternité qui est celle du Fils de Dieu, et où les daïmonia ont connu leur défaite, l’ont « vue », et ont « vu » leur vainqueur.

Lorsque la parole de la liberté se répand, le monde de la vanité est toujours à même de se déchaîner : on ne reçoit aucune opposition si on ne dit rien qu’un ronron lénifiant. Quand la parole commence à porter son fruit de vérité et de liberté, la contestation se dresse. Face à cela, à cet obstacle, c’est une parole décisive qui nous dit la façon dont Jésus impose silence.

À ce moment — alors que, vient de dire le texte, les démons « étaient empêchés de parler parce qu’ils le voyaient », Jésus se retire secrètement, au cœur de la nuit, pour aller au désert (v. 35).

Jésus a commencé par faire taire les puissances de vanité. C’est une chose fatigante que cela, un combat, qui vide. Et cela, il faut le savoir. Et Jésus le sait. C’est aussi pour cela qu’il se retire souvent et longuement, seul, pour prier. Se ressourcer en Dieu, via une lutte intérieure, dans le silence, au désert, aussi longtemps qu’il le faut : la tâche qui lui est confiée, qui nous est confiée, trouve sa source, et ses ressources, en Dieu seul.

Et il nous faut apprendre aussi que comme Jésus, ses envoyés aussi, comme tout un chacun, ont besoin de se retirer — que nous ne pouvons pas, ne devons pas être toujours présents, pour pouvoir être réellement aimants à la mesure que Dieu octroie, et donc pour le bénéfice de l’Évangile.

Martin Luther prononçait, rapporte-t-on, cette parole très vraie : « j'ai aujourd'hui tellement de travail qu’il faut que je me retire d'abord deux heures pour prier avant de commencer ».

Ancrés en Dieu par son Esprit…

« Car la chair a des désirs contraires à ceux de l’Esprit, et l’Esprit en a de contraires à ceux de la chair — écrit Paul aux Galates — ; ils sont opposés entre eux, afin que vous ne fassiez point ce que vous voudriez.
Or, les œuvres de la chair sont manifestes, ce sont l'immodestie, la corruption, la dissolution, l’idolâtrie, la magie, les inimitiés, les querelles, les jalousies, les animosités, les disputes, les divisions, les scissions, l’envie, l’ivrognerie, les excès de table, et les choses semblables. Je vous dis d’avance, comme je l’ai déjà dit, que ceux qui commettent de telles choses n’hériteront point le royaume de Dieu. Mais le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur, la pondération. » (Galates 5, 17-23)

Pour libérer ce fruit de l’Esprit, Jésus « chassait les démons et ne les laissait pas parler » — et se retirait au désert pour prier. L’Épître de Jacques ne dit pas autre chose que Marc ou Paul aux Galates concernant le frein posé à la liberté de l’Esprit par la vanité démoniaque :

« Si vous avez dans votre cœur une fougue amère et un esprit de dispute, ne vous glorifiez pas et ne mentez pas contre la vérité. Cette sagesse n’est point celle qui vient d’en haut ; mais elle est terrestre, charnelle, démoniaque. Car là où il y a une fougue amère et un esprit de dispute, il y a du désordre et toutes sortes de mauvaises actions. La sagesse d’en haut est premièrement pure, ensuite pacifique, modérée, conciliante, pleine de miséricorde et de bons fruits, exempte de duplicité, d’hypocrisie. Le fruit de la justice est semé dans la paix par ceux qui recherchent la paix. D’où viennent les luttes, et d’où viennent les querelles parmi vous ? N’est-ce pas de vos passions qui combattent dans vos membres ? » (Jacques 3, 14 – 4, 1)

Jésus chassant ce type d’esprits en les faisant taire, apparaît la réalité du fruit l’Esprit de Dieu : « le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur, la pondération »… « La sagesse d’en haut est premièrement pure, ensuite pacifique, modérée, conciliante, pleine de miséricorde et de bons fruits, exempte de duplicité, d’hypocrisie. Le fruit de la justice est semé dans la paix par ceux qui recherchent la paix. » C’est cela qui saisit ceux qui approchent alors l’Église, ce qui fait accourir les foules à Caper-Nahum : « voyez comme ils s’aiment » constateront de même les Romains de l’Antiquité ! — selon Tertullien, écrivain chrétien, ministre de l’Église de Carthage du IIe-IIIe siècle.

Mais cela naît d’une seule chose. « C’est pour cela que je suis sorti » dit Jésus. C’est pour cela qu’il est venu d’auprès du père : « il faut que je proclame l’Évangile », et pas seulement chez vous, mais « aussi dans les bourgs voisins », plus loin — « c’est pour cela que je suis sorti »…

Les réformateurs — j’ai cité Luther — ont retenu la leçon : « Là où nous voyons que la Parole de Dieu est purement prêchée et écoutée, écrit Calvin, et les sacrements administrés selon l'institution du Christ — sacrements qui soulignent et concrétisent la parole proclamée — là est l’Eglise. »

De cela uniquement, de la parole proclamée, naît l’Eglise, ainsi ancrée dans la vérité par l’Esprit quand cette parole est écoutée, pour que rayonne le fruit de l’Esprit saint qui fait taire tout autre esprit. Le souci de ce fruit de l’Esprit né de la parole proclamée et écoutée est ce que continueront de demander les disciples aux Églises quelques décennies après le moment de Caper-Nahum :

Première Épître de Jean : « L’amour de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. Et cet amour consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés et a envoyé son Fils, offert en sacrifice pour le pardon de nos péchés. Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres. Personne n’a jamais vu Dieu ; si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour est parfait en nous. Nous connaissons que nous demeurons en lui, et qu’il demeure en nous, en ce qu’il nous a donné de son Esprit. Et nous, nous avons vu et nous attestons que le Père a envoyé le Fils comme Sauveur du monde. » (1 Jean 4, 9-14)

R.P.
Antibes, 05.02.12


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