mercredi 13 mai 2015

"Après leur avoir parlé, il fut enlevé au ciel"




Actes 1, 1-11 ; Ps 47 ; Ep 4, 1-13 ; Marc 16, 9-20

Marc 16, 9-20
9 Ressuscité le matin du premier jour de la semaine, Jésus apparut d’abord à Marie de Magdala, dont il avait chassé sept démons.
10 Celle-ci partit l’annoncer à ceux qui avaient été avec lui et qui étaient dans le deuil et les pleurs.
11 Mais, entendant dire qu’il vivait et qu’elle l’avait vu, ceux-ci ne la crurent pas.
12 Après cela, il se manifesta sous un autre aspect à deux d’entre eux qui faisaient route pour se rendre à la campagne.
13 Et ceux-ci revinrent l’annoncer aux autres ; eux non plus, on ne les crut pas.
14 Ensuite, il se manifesta aux Onze, alors qu’ils étaient à table, et il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur cœur, parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient vu ressuscité.
15 Et il leur dit : « Allez par le monde entier, proclamez l’Évangile à toutes les créatures.
16 Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné.
17 Et voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom, ils chasseront les démons, ils parleront des langues nouvelles,
18 ils prendront dans leurs mains des serpents, et s’ils boivent quelque poison mortel, cela ne leur fera aucun mal ; ils imposeront les mains à des malades, et ceux-ci seront guéris. »
19 Donc le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu.
20 Quant à eux, ils partirent prêcher partout : le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient.

*

Les versets qui nous sont proposés pour ce temps de l'Ascension sont entre crochets dans plusieurs de nos versions françaises de cet Évangile selon Marc. C'est qu'ils sont absents dans nombre de manuscrits, où l'Évangile se termine au verset 8, sur la peur des femmes.

Une autre finale, plus courte est aussi proposée dans d’autres manuscrits : [Mais elles annoncèrent brièvement aux compagnons de Pierre tout ce qu'on leur avait enjoint de dire. Après cela Jésus lui-même les envoya porter de l'Orient à l'Occident la proclamation sacrée et impérissable du salut éternel. Amen.]

Cette « finale longue » proposée à notre lecture parle de l'incroyable du Royaume advenu dans la résurrection du Christ. Cet incroyable qui paralysait les femmes dans la peur, au v. 8, et qui fige les disciples, les uns après les autres dans l'incrédulité.

Apparaît la dimension remarquable de Marie de Magdala : les autres femmes dont parlait Marc au début du ch. 16 ne sont pas mentionnées ici – comme dans l'Évangile selon Jean, où n'est mentionnée que Marie de Magdala – cette femme dont le texte rappelle ce que nous rapportait Luc 8, 2 : délivrée de sept démons par Jésus. Elle est bien le témoin remarquable et privilégié de l'incroyable.

Car c'est bien d'incroyable qu'il s'agit. Le texte le souligne à l'envi, en mentionnant tour à tour dans un résumé les apparitions du Ressuscité que l'ont trouve dans l’Évangile de Luc : les Onze, incrédules, les disciples d'Emmaüs et à nouveau les Onze, à nouveau incrédules, ce que le Ressuscité leur reproche – soulignant combien il n'est pas naturel de croire en une chose pareille, qui avait effrayé les femmes.

Il est important pour les Onze qui vont être envoyés – et pour nous après eux – de bien comprendre que ce qu'ils vont annoncer est incroyable, que nos cœurs – durs, dit le Ressuscité – n'y ont pas accès. Ce qu’il est capital de comprendre : la foi est un don, une œuvre de Dieu en nous. Rien de naturel et spontané

D'où ce qui suit leur envoi, la parole qui est dite sur la foi et le baptême comme signe de ce que la foi est un acte de création divine signifié par le baptême justement, pour bien sceller que la foi est surnaturelle : celui croira et sera baptisé sera sauvé.

Le baptême est mentionné en second parce qu'il est administré sur confession de foi, non pas parce qu'il serait comme surajouté à la foi ou à l'inverse qu'il serait une condition du salut ! Ce pourquoi l'absence de baptême n'est pas mentionnée comme signe de condamnation. Le baptême vient souligner que le don de Dieu est créateur d'une foi impossible sans cet acte créateur de Dieu.

Avec la résurrection du Christ on est entré dans un monde nouveau, le Royaume qui vient, auquel on n'accède pas selon sa volonté propre : « la chair et le sens n’héritent pas du Royaume de Dieu », soulignera Paul.

Voilà donc qu'est advenu le Royaume universel que les disciples sont chargés d’annoncer à l’univers, selon un don surnaturel accompagné, pour leur génération qui précède la fin de ce temps, scellée en 70, par les signes annoncé par les prophètes – pensons à Ésaïe, sur le pouvoir libérateur du monde nouveau qui s’étend à toute la création, jusqu'aux serpents venimeux. Cette libération dont Jésus donnait déjà aux soixante-dix disciples qu'il envoyait auparavant avec le pouvoir d'en donner les signes :

Luc 10
17 Les soixante-dix revinrent avec joie, disant : Seigneur, les démons mêmes nous sont soumis en ton nom.
18 Jésus leur dit : Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair.
19 Voici, je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions, et sur toute la puissance de l’ennemi ; et rien ne pourra vous nuire.
20 Cependant, ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux.

C'est à nouveau ce qui va advenir pour les Onze et ceux de leur génération, tel Paul, mais à présent, le Royaume universel étant inauguré au tombeau vide, cela s'étend à toutes les nations, en toutes leurs langues. Dominant les serpents et les scorpions, ils annoncent cet Évangile dans de nouvelles langues, annonce ancrée dans son fondement miraculeux qui apparaît au début du livre des Actes, comme le pouvoir des disciples sur les démons et maladies et autres serpents est au long du livre des Actes le fait aussi de Paul.

Pour les serpents, cf. Ac 28 :
3 Paul ayant ramassé un tas de broussailles et l’ayant mis au feu, une vipère en sortit par l’effet de la chaleur et s’attacha à sa main.
4 Quand les barbares virent l’animal suspendu à sa main, ils se dirent les uns aux autres : Assurément cet homme est un meurtrier, puisque la Justice n’a pas voulu le laisser vivre, après qu’il a été sauvé de la mer.
5 Paul secoua l’animal dans le feu, et ne ressentit aucun mal.
6 Ces gens s’attendaient à le voir enfler ou tomber mort subitement ; mais, après avoir longtemps attendu, voyant qu’il ne lui arrivait aucun mal, ils changèrent d’avis et dirent que c’était un dieu.

Inutile de dire, le texte le souligne, cela concerne la génération de l'avènement du Royaume qui vient au milieu de nous par le Ressuscité : « le Seigneur agissait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient. » dit le texte – au passé. Le Royaume advenu souligné par des miracles est donné aussi par l’Épître aux Hébreux (ch. 2, v. 4) comme le fait de cette 1ère génération.

On est aux jours de l’extension du Règne de Dieu aux nations, au jour où pour la première fois de cette façon, les frontières se rompent, cela annoncé par le miracle des langues au jour de Pentecôte, et par le passage au-delà de l'impureté séparatrice – les serpents et le venin qui ne font aucun mal ont aussi ce sens là :

Ac 10
11 [Pierre] vit le ciel ouvert, et un objet semblable à une grande nappe attachée par les quatre coins, qui descendait et s’abaissait vers la terre,
12 et où se trouvaient tous les quadrupèdes et les reptiles de la terre et les oiseaux du ciel.
13 Et une voix lui dit : Lève-toi, Pierre, tue et mange.
14 Mais Pierre dit : Non, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur.
15 Et pour la seconde fois la voix se fit encore entendre à lui : Ce que Dieu a déclaré pur, ne le regarde pas comme souillé.
16 Cela arriva jusqu’à trois fois ; et aussitôt après, l’objet fut retiré dans le ciel.

La référence biblique en arrière-plan se trouve au livre du Deutéronome.

Cf. Dt 32 :
32 Mais leur vigne est du plant de Sodome Et du terroir de Gomorrhe ; Leurs raisins sont des raisins empoisonnés, Leurs grappes sont amères ;
33 Leur vin, c’est le venin des serpents, C’est le poison cruel des aspics.
34 Cela n’est-il pas caché près de moi, Scellé dans mes trésors ?

De quoi s'agit-il ? De la menace de l'exil – au jour où le vin, censé être consacré à Dieu, l'est à des idoles. Le Deutéronome le dit clairement, annonçant l’exil où la nourriture est comme un poison d'impureté d'idoles.

Et voilà que le Ressuscité inaugurant le Royaume a transformé l'exil en mission, garantissant à ses envoyés que ni serpents ni poison ne les atteignent : ce texte marque que ce temps qui va de la Résurrection du Christ à la fin du temps de cette génération, avec la destruction du Temple en 70 est pour eux comme une parenthèse de présence palpable du Royaume.

Puis, le texte le dit, « le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu », annonçant les quarante ans symbolisés par les quarante jours que donnera Luc avant l'absence de Jésus – ce quarantième jour que nous commémorons aujourd’hui.

Le Royaume a été inauguré, cela accompagné des signes, à commencer par le plus fulgurant, bien sûr, le tombeau vide, la mort vaincue, dont la mémoire nous accompagne pour le temps de l'absence, ce temps qui suit l’Ascension, absence jusqu'au jour du Royaume rendu visible dans la Parousie du Ressuscité.

Jusque là, il s'est absenté, entré dans son règne. Pour nous, le temps à nouveau, ce temps qui s’use, mais empli désormais de la bonne nouvelle : l’Éternité est venue jusqu'à nous.


RP, Poitiers, Ascension 13.05.15


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