Actes 2, 2-6 ; Psaume 104 ; Galates 5, 16-25 ; Jean 15, 26-27 & 16, 12-15
Actes 2, 2-6
Jean 15, 26-27
Jean 16, 12-15
Quelques cinquante jours avant Pentecôte, Jésus annonce, dans ce texte, l’envoi de l’Esprit saint, qui nous le dévoile comme Christ glorifié, pour nous envoyer à notre tour. Cet envoi de l’Esprit saint comme tout à nouveau, lors d’une fête juive de Shavouoth du premier siècle de notre ère, est ce que nous fêtons aujourd’hui.
Cela commence donc, cinquante jours avant, par une chose étrange. Alors que Jésus va partir, être retiré à ses disciples, concrètement qu’il va mourir ; il annonce dans ce départ, cette réalité étonnante de la vie de Dieu avec le monde : le signe de son retrait à lui, son absence. Car si Dieu est présent partout, et si le Christ ressuscité est lui-même corporellement présent — il est ici —, il est aussi étrangement absent, caché, comme l’est aussi le Père — nous ne le voyons pas.
Cela signifie plusieurs choses. D’abord qu’il règne, que l’on n’a point de mainmise sur lui, un peu comme ces princes antiques qui exerçaient leur pouvoir en restant toujours cachés de tous, sauf à quelques occasions réservées à leurs proches — cachés derrière une série de voiles. Le rituel biblique exprime cela par le voile du Tabernacle, puis celui du Temple, derrière lequel ne vient, et qu’une fois l’an, le grand prêtre.
Ce lieu très saint a son équivalent céleste, comme nous l’explique l’Épître aux Hébreux (8:5) lisant l’Exode (25:40). Temple céleste dans lequel officie le Christ.
C’est dans ce lieu très saint céleste qu’il est entré par son départ, au-delà du voile dit l’Épître aux Hébreux, départ avéré à sa mort — ce qui est signifié dans sa Résurrection et son Ascension. Le Christ entre dans son règne et se retire, voilé dans une nuée. Sa croix est alors, comme il l’annonçait, sa glorification : « l’Esprit de vérité vous conduira dans toute la vérité ; [...] Il me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera » (Jean 16, 13-14). Dieu nous parle…
Le don de l’Esprit est alors la présence de celui qui ne se laisse plus voir, et le partage de sa vie. Jésus présent de façon visible, Jésus dans ce monde, est celui qu’on voulait fixer sur un trône palpable, lors des Rameaux, il est celui qu’on croyait fixer, par la crucifixion ; ou celui dont on voudrait se faire un Dieu commode, saisissable, visible, en somme.
Or Jésus manifeste le Dieu insaisissable, invisible, celui qui nous échappe, qui échappe à nos velléités de nous en fixer la forme, d’en faire une idole ! Une telle volonté relève de l’esprit du monde.
Mais l’Esprit de Dieu, l’Esprit saint, est celui qui nous communique cette impalpable, imperceptible présence au-delà de l’absence, et nous met dans la communion de l’insaisissable. C’est pourquoi sa venue est liée au départ de Jésus — ce que Jésus vient de dire à ses disciples : « si je ne m’en vais pas, le Saint Esprit, ne viendra pas ».
Nous laissant ainsi la place, il nous permet alors de devenir par l’Esprit saint ce à quoi Dieu nous destine, ce pourquoi il nous a créés.
Cela nous enseigne en parallèle ce qu’il nous appartient de faire en ces temps d’absence : devenir ce à quoi nous sommes destinés, en marche vers le Royaume ; accomplissement de la Création.
C’est à présent, dans cette perspective, l’ultime étape du projet de Dieu : l’effusion de l’Esprit promise par les prophètes — « comme l’eau couvre le fond des mers », une effusion générale (Joël 3 / Actes 2), sur tous les peuples (Actes 8 & 10). C’est là la nouveauté fondamentale, cette universalité, car en Israël, les fidèles connaissaient la vie de l’Esprit déjà auparavant (voir par ex. Luc 2:25) — et des temps d’effusion, de réveil. Dorénavant, dans cette nouvelle effusion, tous les peuples sont au bénéfice du don de Dieu : « élevé de la terre », le Christ, selon sa promesse, « attire tous les hommes à lui » (Jean 12:32).
Cela pour une connaissance partagée du Père, ce qui est la vie éternelle : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jean 17:3). Cette connaissance, cette consolation, n’est autre que la communion à son humilité, à son entrée dans la condition de l’esclave, que nous sommes conviés à faire nôtre (Philippiens 2:4-6) — connaissance de la vérité, car sans humilité, il n’y a que mensonge sur nous-même.
C’est une dépossession à laquelle nous sommes appelés. La dépossession que suppose le don de l’Esprit saint est la dépossession de toute sagesse et puissance qu’a connue Jésus crucifié (1 Co 2:1-11 ; Ph 2:7). Dépossession qui doit aussi être notre part.
Ce n’est pas une incitation à l’irresponsabilité, mais une mise en garde contre une façon de s’imaginer régner, une façon, qui est mensonge, de refuser d’être dépossédé comme le Christ l’a été, une façon de s'imaginer être propriétaires de notre identité ; là où le Christ, lui s’en est dépossédé. C’est ainsi que son Esprit nous conduira dans toute la vérité, et dans la gloire qui est la sienne — élevé à croix.
Or cette dépossession correspond précisément à l’action mystérieuse de Dieu dans la création. On lit dans la Genèse que Dieu est entré dans son repos. Dieu s’est retiré pour que nous puissions être, comme le Christ s’en va, par la croix avant l’Ascension — et c’est sa glorification — pour que vienne l’Esprit qui nous fasse advenir nous-mêmes en Dieu.
Il y a là une puissante parole d’encouragement pour nous tous. L’Esprit saint remplit de sa force de vie quiconque, étant dépossédé, jusqu’à être abattu, en appelle à lui en reconnaissant cette faiblesse et cette incapacité. L’Esprit saint ne remplit pas un peuple ou un individu plein de lui-même.
C’est au contraire quand nous sommes sans force que tout devient possible. « Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse », est–il dit à Paul (2 Co 12). Ou Pierre qui vient de renier Jésus, faiblesse immense, est à la veille de recevoir la puissance qui va l’envoyer, plein de la seule force de Dieu, jusqu’aux extrémités de la terre.
Et de même tous les disciples, dont la faiblesse, la dépossession de toute capacité, a été la porte du déferlement de l’Esprit saint. Il me semble qu’il y a là un message très actuel pour nous tous, pour nous, Église faible, en perte de capacités, en un peuple affaibli.
S’il y avait là un signe pour nous d’un proche déferlement nouveau ? À nous, à présent, de reconnaître notre faiblesse et notre abattement et d’en appeler dès lors à celui-là seul par qui tout est possible, et sans qui nous ne pouvons rien faire.
Nous sommes, 2000 ans après, toujours dans la période qui a suivi cet événement de Pentecôte ; où, en quelque sorte, l’étape ultime de la création se met en place. Le jour s’approche de l’entrée de la Création dans le repos de Dieu, le jour de l’apaisement qu’appellent les prières du peuple de Dieu dans la liturgie divine dans laquelle s’inscrivent aussi les Apôtres (Actes 2, v.14).
En se retirant, ultime humilité à l’image de Dieu, le Christ, Dieu créant le monde, nous laisse la place pour qu’en nous retirant à notre tour, nous devenions, par l’Esprit, par son souffle mystérieux, ce que nous sommes de façon cachée. Non pas ce que nous projetons de nous-mêmes, non pas ce que nous croyons être en nous situant dans le regard des autres.
Devenir ce que nous sommes en Dieu qui s’est retiré pour que nous puissions être, par le Christ qui s’est retiré pour nous faire advenir dans la liberté de l’Esprit saint, suppose que nous nous retirions à notre tour de tout ce que nous avons pris l’habitude de croire de nous-mêmes, suppose que nous nous retirions de l’image qu’ont forgée de nous nos parents, nos maîtres, nos amis ou ennemis ; que nous nous retirions de la volonté de nous différencier par nous-mêmes pour être dans la vérité, conduits par L’Esprit de vérité dans toute la vérité et en premier lieu, à nouveau par l’humilité. Calvin, dont la pensée est en grande partie une méditation de l’œuvre de Esprit saint, ouvre ainsi son Institution chrétienne : « Toute la somme presque de nostre sagesse, laquelle, à tout conter, mérite d’estre réputée vraye et entière sagesse, est située en deux parties : c’est qu’en cognoissant Dieu, chacun de nous aussi se cognoisse. »
L’Esprit de Dieu est celui qui insuffle en nous la liberté de n’être rien de ce dont nous aurions la maîtrise, de ne plus rechercher ce que nos habitudes nous ont rendu désirable, de ne plus aimer ni haïr en réaction.
Le Christ lui-même s’est retiré pour nous laisser notre place, pour que l’Esprit vienne nous animer, cela à l’image de Dieu se retirant dans son repos pour laisser le monde être. À combien plus forte raison, devons-nous voir se retirer tous nos modèles et nos anti-modèles, tous nos désirs de nous démarquer, ou de perpétuer ce que nous prétendons être.
C’est dans ce renoncement seulement que se complète notre création à l’image de Dieu. C’est là seulement qu’est notre entrée avec le Christ dans le Temple éternel qu’est appelé à devenir ce monde. Hors cela il n’est que stérile agitation et poursuite de la vanité.
Que ce jour soit pour nous une prière de retrait en Dieu. De sorte que l’Esprit de Dieu que nous envoie le Christ se retirant, déferle en nous comme la sève dans le cep, et soit le souffle qui nous permettant de nous retirer de nous-mêmes, nous fasse alors accéder à la liberté de devenir enfants de Dieu et au sens de notre mission.
Actes 2, 2-6
2 Tout à coup il y eut un bruit qui venait du ciel comme le souffle d’un violent coup de vent: la maison où ils se tenaient en fut toute remplie;
3 alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s’en posa sur chacun d’eux.
4 Ils furent tous remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues, comme l’Esprit leur donnait de s’exprimer.
5 Or, à Jérusalem, résidaient des Juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel.
6 A la rumeur qui se répandait, la foule se rassembla et se trouvait en plein désarroi, car chacun les entendait parler sa propre langue.
Jean 15, 26-27
26 “Lorsque viendra le Consolateur que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra lui-même témoignage de moi;
27 et à votre tour, vous me rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement.
Jean 16, 12-15
12 J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant.
13 lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière. Car il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu’il entendra et il vous communiquera tout ce qui doit venir.
14 Il me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera.
15 Tout ce que le Père a est à moi ; c’est pourquoi j’ai dit qu’il prend de ce qui est à moi, et qu’il vous l’annoncera.
*
Quelques cinquante jours avant Pentecôte, Jésus annonce, dans ce texte, l’envoi de l’Esprit saint, qui nous le dévoile comme Christ glorifié, pour nous envoyer à notre tour. Cet envoi de l’Esprit saint comme tout à nouveau, lors d’une fête juive de Shavouoth du premier siècle de notre ère, est ce que nous fêtons aujourd’hui.
*
Cela commence donc, cinquante jours avant, par une chose étrange. Alors que Jésus va partir, être retiré à ses disciples, concrètement qu’il va mourir ; il annonce dans ce départ, cette réalité étonnante de la vie de Dieu avec le monde : le signe de son retrait à lui, son absence. Car si Dieu est présent partout, et si le Christ ressuscité est lui-même corporellement présent — il est ici —, il est aussi étrangement absent, caché, comme l’est aussi le Père — nous ne le voyons pas.
Cela signifie plusieurs choses. D’abord qu’il règne, que l’on n’a point de mainmise sur lui, un peu comme ces princes antiques qui exerçaient leur pouvoir en restant toujours cachés de tous, sauf à quelques occasions réservées à leurs proches — cachés derrière une série de voiles. Le rituel biblique exprime cela par le voile du Tabernacle, puis celui du Temple, derrière lequel ne vient, et qu’une fois l’an, le grand prêtre.
Ce lieu très saint a son équivalent céleste, comme nous l’explique l’Épître aux Hébreux (8:5) lisant l’Exode (25:40). Temple céleste dans lequel officie le Christ.
C’est dans ce lieu très saint céleste qu’il est entré par son départ, au-delà du voile dit l’Épître aux Hébreux, départ avéré à sa mort — ce qui est signifié dans sa Résurrection et son Ascension. Le Christ entre dans son règne et se retire, voilé dans une nuée. Sa croix est alors, comme il l’annonçait, sa glorification : « l’Esprit de vérité vous conduira dans toute la vérité ; [...] Il me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera » (Jean 16, 13-14). Dieu nous parle…
*
Le don de l’Esprit est alors la présence de celui qui ne se laisse plus voir, et le partage de sa vie. Jésus présent de façon visible, Jésus dans ce monde, est celui qu’on voulait fixer sur un trône palpable, lors des Rameaux, il est celui qu’on croyait fixer, par la crucifixion ; ou celui dont on voudrait se faire un Dieu commode, saisissable, visible, en somme.
Or Jésus manifeste le Dieu insaisissable, invisible, celui qui nous échappe, qui échappe à nos velléités de nous en fixer la forme, d’en faire une idole ! Une telle volonté relève de l’esprit du monde.
Mais l’Esprit de Dieu, l’Esprit saint, est celui qui nous communique cette impalpable, imperceptible présence au-delà de l’absence, et nous met dans la communion de l’insaisissable. C’est pourquoi sa venue est liée au départ de Jésus — ce que Jésus vient de dire à ses disciples : « si je ne m’en vais pas, le Saint Esprit, ne viendra pas ».
Nous laissant ainsi la place, il nous permet alors de devenir par l’Esprit saint ce à quoi Dieu nous destine, ce pourquoi il nous a créés.
*
Cela nous enseigne en parallèle ce qu’il nous appartient de faire en ces temps d’absence : devenir ce à quoi nous sommes destinés, en marche vers le Royaume ; accomplissement de la Création.
C’est à présent, dans cette perspective, l’ultime étape du projet de Dieu : l’effusion de l’Esprit promise par les prophètes — « comme l’eau couvre le fond des mers », une effusion générale (Joël 3 / Actes 2), sur tous les peuples (Actes 8 & 10). C’est là la nouveauté fondamentale, cette universalité, car en Israël, les fidèles connaissaient la vie de l’Esprit déjà auparavant (voir par ex. Luc 2:25) — et des temps d’effusion, de réveil. Dorénavant, dans cette nouvelle effusion, tous les peuples sont au bénéfice du don de Dieu : « élevé de la terre », le Christ, selon sa promesse, « attire tous les hommes à lui » (Jean 12:32).
Cela pour une connaissance partagée du Père, ce qui est la vie éternelle : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jean 17:3). Cette connaissance, cette consolation, n’est autre que la communion à son humilité, à son entrée dans la condition de l’esclave, que nous sommes conviés à faire nôtre (Philippiens 2:4-6) — connaissance de la vérité, car sans humilité, il n’y a que mensonge sur nous-même.
C’est une dépossession à laquelle nous sommes appelés. La dépossession que suppose le don de l’Esprit saint est la dépossession de toute sagesse et puissance qu’a connue Jésus crucifié (1 Co 2:1-11 ; Ph 2:7). Dépossession qui doit aussi être notre part.
Ce n’est pas une incitation à l’irresponsabilité, mais une mise en garde contre une façon de s’imaginer régner, une façon, qui est mensonge, de refuser d’être dépossédé comme le Christ l’a été, une façon de s'imaginer être propriétaires de notre identité ; là où le Christ, lui s’en est dépossédé. C’est ainsi que son Esprit nous conduira dans toute la vérité, et dans la gloire qui est la sienne — élevé à croix.
Or cette dépossession correspond précisément à l’action mystérieuse de Dieu dans la création. On lit dans la Genèse que Dieu est entré dans son repos. Dieu s’est retiré pour que nous puissions être, comme le Christ s’en va, par la croix avant l’Ascension — et c’est sa glorification — pour que vienne l’Esprit qui nous fasse advenir nous-mêmes en Dieu.
Il y a là une puissante parole d’encouragement pour nous tous. L’Esprit saint remplit de sa force de vie quiconque, étant dépossédé, jusqu’à être abattu, en appelle à lui en reconnaissant cette faiblesse et cette incapacité. L’Esprit saint ne remplit pas un peuple ou un individu plein de lui-même.
C’est au contraire quand nous sommes sans force que tout devient possible. « Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse », est–il dit à Paul (2 Co 12). Ou Pierre qui vient de renier Jésus, faiblesse immense, est à la veille de recevoir la puissance qui va l’envoyer, plein de la seule force de Dieu, jusqu’aux extrémités de la terre.
Et de même tous les disciples, dont la faiblesse, la dépossession de toute capacité, a été la porte du déferlement de l’Esprit saint. Il me semble qu’il y a là un message très actuel pour nous tous, pour nous, Église faible, en perte de capacités, en un peuple affaibli.
S’il y avait là un signe pour nous d’un proche déferlement nouveau ? À nous, à présent, de reconnaître notre faiblesse et notre abattement et d’en appeler dès lors à celui-là seul par qui tout est possible, et sans qui nous ne pouvons rien faire.
*
Nous sommes, 2000 ans après, toujours dans la période qui a suivi cet événement de Pentecôte ; où, en quelque sorte, l’étape ultime de la création se met en place. Le jour s’approche de l’entrée de la Création dans le repos de Dieu, le jour de l’apaisement qu’appellent les prières du peuple de Dieu dans la liturgie divine dans laquelle s’inscrivent aussi les Apôtres (Actes 2, v.14).
En se retirant, ultime humilité à l’image de Dieu, le Christ, Dieu créant le monde, nous laisse la place pour qu’en nous retirant à notre tour, nous devenions, par l’Esprit, par son souffle mystérieux, ce que nous sommes de façon cachée. Non pas ce que nous projetons de nous-mêmes, non pas ce que nous croyons être en nous situant dans le regard des autres.
Devenir ce que nous sommes en Dieu qui s’est retiré pour que nous puissions être, par le Christ qui s’est retiré pour nous faire advenir dans la liberté de l’Esprit saint, suppose que nous nous retirions à notre tour de tout ce que nous avons pris l’habitude de croire de nous-mêmes, suppose que nous nous retirions de l’image qu’ont forgée de nous nos parents, nos maîtres, nos amis ou ennemis ; que nous nous retirions de la volonté de nous différencier par nous-mêmes pour être dans la vérité, conduits par L’Esprit de vérité dans toute la vérité et en premier lieu, à nouveau par l’humilité. Calvin, dont la pensée est en grande partie une méditation de l’œuvre de Esprit saint, ouvre ainsi son Institution chrétienne : « Toute la somme presque de nostre sagesse, laquelle, à tout conter, mérite d’estre réputée vraye et entière sagesse, est située en deux parties : c’est qu’en cognoissant Dieu, chacun de nous aussi se cognoisse. »
L’Esprit de Dieu est celui qui insuffle en nous la liberté de n’être rien de ce dont nous aurions la maîtrise, de ne plus rechercher ce que nos habitudes nous ont rendu désirable, de ne plus aimer ni haïr en réaction.
Le Christ lui-même s’est retiré pour nous laisser notre place, pour que l’Esprit vienne nous animer, cela à l’image de Dieu se retirant dans son repos pour laisser le monde être. À combien plus forte raison, devons-nous voir se retirer tous nos modèles et nos anti-modèles, tous nos désirs de nous démarquer, ou de perpétuer ce que nous prétendons être.
C’est dans ce renoncement seulement que se complète notre création à l’image de Dieu. C’est là seulement qu’est notre entrée avec le Christ dans le Temple éternel qu’est appelé à devenir ce monde. Hors cela il n’est que stérile agitation et poursuite de la vanité.
Que ce jour soit pour nous une prière de retrait en Dieu. De sorte que l’Esprit de Dieu que nous envoie le Christ se retirant, déferle en nous comme la sève dans le cep, et soit le souffle qui nous permettant de nous retirer de nous-mêmes, nous fasse alors accéder à la liberté de devenir enfants de Dieu et au sens de notre mission.
R.P. Poitiers, 24.05.15
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire