dimanche 26 mars 2017

Aveugle de naissance




1 Samuel 16, 1-13 ; Psaume 23 ; Éphésiens 5, 8-14 ; Jean 9

Jean 9 : v. 1-7 & 35-39
1 En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance.
2 Ses disciples lui posèrent cette question : "Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ?"
3 Jésus répondit : "Ni lui, ni ses parents. Mais c’est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui !
4 Tant qu’il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé : la nuit vient où personne ne peut travailler ;
5 aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde."
6 Ayant ainsi parlé, Jésus cracha à terre, fit de la boue avec la salive et l’appliqua sur les yeux de l’aveugle ;
7 et il lui dit : "Va te laver au bassin de Siloé" — ce qui signifie Envoyé. L’aveugle y alla, il se lava et, à son retour, il voyait. […]
[…]
35 Jésus […] lui dit : "Crois-tu, toi, au Fils de l’homme ?"
36 Et lui de répondre : "Qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ?"
37 Jésus lui dit : "Eh bien ! Tu l’as vu, c’est celui qui te parle."
38 L’homme dit : "Je crois, Seigneur" et il se prosterna devant lui.
39 Et Jésus dit alors : "C’est pour un jugement que je suis venu dans le monde, pour que ceux qui ne voyaient pas voient, et que ceux qui voyaient deviennent aveugles."

*

Les disciples voulaient savoir si c'est parce que lui a péché ou parce que ses parents ont péché que l'homme est né aveugle. Lui ? Mais il n'était pas né… avant de naître ! Quoique, selon une légende juive, l'enfant connaît, avant de naître, tous les secrets de la Torah, tous les mystères du monde. À la naissance, un ange lui ferme la bouche pour qu'il oublie tout ce qu'il sait. Le petit sillon qu'on a sous le nez est la marque du doigt de l'ange. Alors, l'homme aurait-il péché avant de naître ?… Comment savoir après le passage du doigt de l’ange !? Alors ses parents ? La réponse de Jésus sera : là n'est pas la question.

Pas de raisons pour expliquer l'infirmité, la maladie, la souffrance, incompréhensibles, pas même la raison morale : il n'y a pas à chercher d'explication dans le péché, collectif (ses parents) ou personnel. Il n'est pas de raisons non plus qui expliqueront sa guérison : la manifestation des œuvres de Dieu qui est par le miracle n'explique pas plus la grâce que la souffrance de l'aveugle ne trouve d'explication dans une faute — ou autre. L'aveugle-né le sait bien : il est au bénéfice d'une guérison qui ne peut que lui arracher qu'un joyeux « pourquoi moi ? » Il se contentera de constater « j'étais aveugle, maintenant je vois ».

*

Dès l'abord, Jésus le soulignait par la « méthode » choisie pour guérir l'aveugle : il commence par lui couvrir les yeux de boue. Pour le moins peu clair ! S'il avait voulu insister sur l'aveuglement, il ne s'y serait pas pris autrement : les yeux pleins de boue… Mais en même temps, le geste rappelle la Genèse, l'homme fait de la terre. Car c'est un acte de création que va opérer Jésus en créant la vue de l'aveugle.

Ainsi il lui couvre les yeux de boue. Puis il l'envoie se laver, au bassin de Siloé, de l'Envoyé (c’est-à-dire au miqvé de Siloé — équivalent, dans le judaïsme, de ce qu’on appellerait « baptistère »).

*

Bienheureux ceux dont la relation avec Dieu est d’être guidés en aveugles par sa seule promesse, partant en aveugles vers sa lumière inaccessible. Bienheureux ceux dont la promesse de Dieu a couvert les yeux de boue, les plaçant sur le chemin de Siloé, le chemin de l'Envoyé de lumière.

C'est là le jugement que porte Jésus dans le monde : que ceux qui voient deviennent aveugles, afin de voir, car il n'est pas de grâce dans nos sagesses, par lesquelles nous prétendons voir, fût-ce notre sagesse religieuse : Dieu ne les a-t-il pas frappées de folie (1 Co 1, 20) ? Tel est le jugement : « que ceux qui ne voient pas voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » Alors apparaît le sens de notre présence en ce monde qui est aussi fait de douleurs incompréhensibles : nous sommes comme envoyés à notre tour, par l'Envoyé de lumière, pour que, tant que dure le jour, quelque chose de lui soit manifesté en nous. Notre exil dans un monde de souffrance et de nuit devient mission, envoi. « C’est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui !, nous dit Jésus. Tant qu’il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé : la nuit vient où personne ne peut travailler ; aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »


RP, Châtellerault, AG, 26/03/17


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