dimanche 19 mars 2017

Une Samaritaine




Exode 17, 3-7 ; Psaume 95 ; Romains 5, 1-8 ; Jean 4, 5-42

Jean 4, 5-7 & 19-24
5 Il arrive donc dans une ville de Samarie nommée Sychar, près du champ que Jacob avait donné à Joseph, son fils.
6 Là se trouvait la source de Jacob. Jésus, fatigué du voyage, s’était assis tel quel au bord de la source. C’était environ la sixième heure.
7 Une femme de Samarie vient puiser de l’eau. [...]

19 – Seigneur, lui dit la femme, [...].
20 Nos pères ont adoré sur cette montagne ; vous, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem.
21 Jésus lui dit : Femme, crois-moi, l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père.
22 Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Judéens.
23 Mais l’heure vient – c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car tels sont les adorateurs que le Père cherche.
24 Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité. [...]

*

Il n'y a de libération que par le Dieu qui est au-delà de tout nom, au-delà de toute représentation. Le Dieu universel qui seul peut libérer. Le Dieu révélé à Israël et par Israël — « le salut vient des Judéens ». Il n'y a de liberté que dans la foi en ce Dieu-là, qui est au-delà de tout Dieu, au point que si on s'en donne une conception, ce n'est pas encore lui — « Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité ».

Un paradoxe qui passe par le fait que le Dieu au-delà de tout Dieu, au delà de toute conception de la divinité, le libérateur au-delà de toutes nos limites, est donné, révélé dans une histoire particulière, celle d'un peuple particulier, avec toutes ses limites. Le Dieu dont nous sommes témoins malgré nous est bien celui qui nous est donné, qui se donne malgré tout dans une histoire particulière. Jésus a fait siennes toutes nos limites, comme il a fait sienne notre mortalité. Il a fait siens nos deuils : il a pleuré la mort de Lazare. Il a fait sienne notre humanité au sens le plus précis.

Comme nous, il est devenu un individu, cet individu, appartenant à ce moment de l’histoire — né sous César Auguste, crucifié sous Ponce Pilate — ; appartenant à ce peuple, le peuple juif, peuple de l’Alliance et donc peuple premier de Dieu. Cela aussi Jésus le fait sien jusqu’au bout !

Car c'est dans cette histoire particulière, par cette histoire particulière, voire parfois malgré elle s'il le faut, que le Dieu de l’universel se dévoile. Cet épisode, celui de la Samaritaine et de son peuple, nous dit la profondeur de l'Incarnation du Fils de Dieu, une réalité qui n'a rien d'abstrait. Juif, le Fils de Dieu s'inscrit dans cette histoire-là, en élevant celles et ceux à qui il s'adresse au statut d'enfants d’Abraham, d'enfants d’Israël, d'affranchis du Dieu d'Israël selon la promesse des prophètes. Par delà les idoles figurées ici par les maris de la Samaritaine (cf. 2 Rois 17, 29-41) — et « celui-ci n'est pas ton mari », lui dit Jésus — par delà les idoles et les captivités qu'elles génèrent, est libéré quiconque en appelle à celui qui est au-delà de toute captivité et de toute identité qui rend captif.

C’est comme cela que le Dieu qui est au-dessus de tout Dieu nous sauve. Celui qui est la parole éternelle, qui a fondé le monde et connaît tous les méandres de nos vies a emprunté un chemin, celui de l’Alliance qui va d’Abraham au Royaume à venir. Le salut vient des Judéens, du cœur de la foi juive, reprise d'Ésaïe, ch. 2 v. 3 : « Car de Sion sortira la loi, Et de Jérusalem la parole de l’Éternel », mais cette parole, celle du salut, provient de l'éternité, que Jésus, parole devenue chair (Jean 1, 14) vient ainsi inscrire dans le temps éternel comme Ressuscité. C'est cette parole semée par les prophètes (cf. Michée 6, 15) que ses disciples moissonnent à présent (Jn 4, 37-38), dans une rencontre d'amour entre un peuple, les Samaritains (cf. Michée 1, 6 sq.), et le Dieu venu en Jésus, dépassant l'attente d'amour de la Samaritaine découvrant dans le Dieu dévoilé en Jésus ce qu'elle n'a pas pu trouver dans ses maris successifs, comme autant d'idoles samaritaines. La source de vie qu'elle découvre en Jésus, mieux que l'eau d'un puits, jaillit désormais en vie éternelle.

De la sorte Jésus conduit cette femme à le confesser en ses termes à elle, comme il nous y conduit tous. On ne sera libéré des idoles qui nous tiennent captifs qu'en les dénonçant pour ce qu'il en est : des idoles, dont seul le Dieu qui est au-delà de tout nom, de toute figure que l'on s'en fait peut rompre le mensonge. Dieu d'éternité dont la parole sort de Jérusalem, du cœur de la Judée et des paroles des prophètes d'Israël. C'est ce Dieu qui s'est montré en Jésus. C'est le Dieu au-delà de toute figure, de toute idole ; lui est esprit et vérité, qui nous advient comme source vraie, jaillissant en vie éternelle, adoré en esprit et vérité.


R.P. Poitiers, AG, 19.03.17


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