Ésaïe 60, 1-6 ; Psaume 72 ; Éphésiens 3, 2-6
Matthieu 2, 1-12
« Voici que l’astre, que les Mages avaient vu à l’Orient, avançait devant eux jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant.» (v. 9)
Voilà un verset dont on s’arrête assez peu sur son étrangeté astronomique : « l’astre s’arrêta » dit le texte.
C’est la troisième de ces étrangetés dans la Bible. On note en général les deux autres du même genre, on oublie celle-là, pourtant donnée dans un des textes bibliques les plus lus.
La première est la plus connue : l’arrêt du soleil et de la lune au livre de Josué — ch. 10, v. 12-13 :
12 Josué parla à l’Eternel, le jour où l’Eternel livra les Amoréens aux enfants d’Israël, et il dit en présence d’Israël : Soleil, arrête-toi sur Gabaon, Et toi, lune, sur la vallée d’Ajalon!
13 Et le soleil s’arrêta, et la lune suspendit sa course, Jusqu’à ce que la nation eût tiré vengeance de ses ennemis. Cela n’est-il pas écrit dans le livre du Juste ? Le soleil s’arrêta au milieu du ciel, Et ne se hâta point de se coucher, presque tout un jour.
La seconde est un peu moins connue. On la trouve au livre d’Ésaïe, ch. 38, v. 7-8, où l’on lit que le soleil a reculé :
7 Voici, de la part de l’Eternel, le signe auquel tu connaîtras que l’Eternel accomplira la parole qu’il a prononcée.
8 Je ferai reculer de dix degrés en arrière avec le soleil l’ombre des degrés qui est descendue sur les degrés d’Achaz. Et le soleil recula de dix degrés sur les degrés où il était descendu.
On a donc une troisième étrangeté de ce type dans ce texte très connu de la visite des Mages, et on ne la remarque en général pas.
Elle pourrait pourtant peut-être expliquer les deux autres !
Contrairement à ce qui fait regarder de haut les gens d’une époque dont on condamne ipso facto une supposée incompétence astronomique, ces récits nous parlent peut-être d’un au-delà de l’astronomie !
Chose ignorée, accompagnée de remarques fort proches de celle que porte Tintin et le temple du soleil sur les connaissances aztèques. On y voit Tintin prédisant une éclipse solaire à partir d’une coupure de journal qui l’annonce. Ce qui provoque un profond désarroi des Aztèques dont la bande dessinée ignore sans doute à dessein que leurs observations des astres leur permettait depuis très longtemps de prédire les éclipses.
Tintin témoigne en fait d’une époque où le grand public, ébloui par les incontestables progrès de la science moderne, regardait de haut celle de l’Antiquité… Tels ceux qui ironisent sur ces histoires de soleil, lune et autres astres qui s’arrêtent…
Et voilà que Matthieu nous parle clairement d’une sortie des déterminismes astraux, et donc d’un au-delà de l’observation des astres, laquelle était néanmoins surprenante.
Selon notre texte les Mages pour leur part cherchent un roi des Judéens — non pas un « roi des juifs » comme le laissent penser nos traductions, mais un roi des Judéens : on n’est pas roi d’une religion ! Hérode règne sur la Judée, pas sur la diaspora, à laquelle correspond alors largement le vocable de « juifs », de même qu’il ne règne pas sur la Galilée et autres régions, juives mais pas judéennes !
Bref, on vient en Judée rencontrer un roi des Judéens ! Et on vient bien sûr au palais royal, celui d’Hérode, qui est loin de régner sur les « juifs » ! Il est reconnu, bien sûr, mais du bout des lèvres. Placé là par les Romains, fustigé par la plupart des mouvements, lui et toute sa dynastie, fustigée par Jean le Baptiste et les disciples de Jésus comme par les pharisiens, Hérode se sait impopulaire, et comme tel, est tyrannique.
Il a beau avoir embelli le Temple, joué les grands monarques, il n’en est pas aimé pour autant, et il le sait.
On a beau aimer le magnifique palais de Versailles, cela n’a jamais fait de Louis XIV autre chose que ce qu’il a été, signataire de la révocation de l’Édit de Nantes et du Code noir.
Hérode ressemble un peu à cela. C’est ainsi que le massacre des Innocents qui, comme on le sait, suit notre épisode des Mages, relève largement des possibilités historiques. Hérode a perpétré plusieurs massacres des Innocents.
Bref, Hérode, roi des Judéens, n’est pas aimé des juifs, et il le sait. Et sa mauvaise réputation vaut pour la plupart des juifs du monde entier. Car le judaïsme est déjà une réalité internationale, depuis l’exil à Babylone.
Le judaïsme connaît un rayonnement qui influence les autres religions du monde antique, dont celle des Mages, prêtres zoroastriens. Et lorsque selon leur croyance et observations des astres, ils ont pressenti la naissance d’un roi des Judéens, ils se sont mis en route, non pas comme rois, mais comme prêtres, annonçant cependant l’hommage de rois futurs, selon le Psaume 72, selon le prophète Ésaïe aussi.
L’épisode a beau sembler étrange, il n’a rien d’invraisemblable : oui le rayonnement du judaïsme s’étend alors jusqu’en Perse. Oui l’espérance de délivrance que portent les prophètes d’Israël habite d’autres peuples.
Et Hérode sait bien que ce n’est pas lui qui est porteur de cette espérance. Il sait en tout cas qu’il n’en est pas porteur auprès de son peuple.
Alors la venue d’une délégation de prêtres étrangers cherchant un roi des Judéens est pour lui mauvais signe. Alors déjà le massacre des Innocents est en marche. Surtout quand les théologiens juifs de sa cour lui confirment la vocation de Bethléem, ville de David, comme ville messianique qui soulève l’espoir jusqu’en ce lointain Orient. Non, ce n’est pas chez lui qu’est né ce futur libérateur !
Ce que vont découvrir les Mages, c’est un enfant humble. Rien à voir avec le puissant Hérode au service de l’ordre romain.
Les Mages sont alors comme une avant-garde de ce qui est avéré depuis : c’est dans l’humilité de l’enfant de Bethléem qu’est la promesse de la délivrance que les rois reconnaîtront bien un jour. Le texte de Matthieu est lourd d’une puissance prophétique… trop bouleversante sans doute pour qu’on sache en voir toute la portée !
Voilà trois jours que le nouvel an était célébré. On nous montrait au journal la télévisé le passage dans l’année nouvelle, depuis l’Australie à l’extrême Est (une pensée aux Fisher), jusqu’à l’autre bout du monde, en passant par la Chine, le monde arabe, etc.
Qu’est ce qui marque ce passage ? La date symbolique de la naissance de l’enfant qu’ont reconnu les Mages. Ou, pour être précis, la date symbolique de sa circoncision. Et c’est même l’Empire romain, dont Hérode est garant de son ordre, qui le premier verra cette date marquer son temps, avant de devenir repère de datation universelle : la circoncision de cet enfant. Les voies du Seigneur sont impénétrables comme le dit la Bible. Et ce texte relatant la venue de Mages auprès de l’enfant est d’une portée prophétique inouïe pour quiconque a des yeux pour voir.
Toutes les nations sont vouées au culte des astres selon la Torah, et comme chaque année, ça ne rate pas, nos journaux quotidiens rivalisent en prévisions astrologiques.
Deutéronome 4, 19-20 :
19 Veille sur ton âme, de peur que, levant tes yeux vers le ciel, et voyant le soleil, la lune et les étoiles, toute l’armée des cieux, tu ne sois entraîné à te prosterner en leur présence et à leur rendre un culte : ce sont des choses que l’Eternel, ton Dieu, a données en partage à tous les peuples, sous le ciel tout entier.
20 Mais vous, l’Eternel vous a pris, et vous a fait sortir de la fournaise de fer de l’Egypte, afin que vous fussiez un peuple qui lui appartînt en propre, comme vous l’êtes aujourd’hui.
Toutes les nations ? demande César dans Astérix… Toutes ? Toutes, sauf en principe, une, selon la Torah, Israël. Toutes sauf une, à moins qu’elle ne soit dirigée par un Hérode, qui ne manque pas de sacrifier à la tradition commune et mondiale…
Et ça ne rate pas non plus, l’astre des Mages les conduit… à Hérode ! Le roi des Judéens.
Mais le voyage des Mages n’est pas encore à son terme. La prophétie biblique les conduira, on le sait, à Bethléem… Où leur astre va… s’arrêter! Aberration astronomique ! Vérité prophétique. Basculement au-delà des astres auxquels rendent hommage les nations…
Les Mages, eux, ont été conduits jusqu’où ils ne voulaient pas aller au départ, ils ont été conduits des ors du palais d’Hérode à l’humilité de l’enfant de Bethléem, et, chose inouïe, ce n’est pas à l’astre qui s’est arrêté qu’ils rendent hommage, mais à l’enfant.
La vraie lumière a lui ici. Les Mages l’ont reconnue. La vraie lumière devant laquelle s’arrêtent les astres. La lumière qui précède les astres, qui est à la source de leur création, comme de toute création, et dont la lumière des astres n’est que le reflet. C’est pourquoi dans la Bible les astres s’arrêtent devant la parole créatrice, venue à présent en l’enfant de Bethléem. Ce n’est pas un phénomène astronomique, c’est le signe de la place seconde de l’astronomie !
Souvenez-vous au commencement, « Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. » (Genèse 1, 3). Ce fut le jour un. Puis plus loin, au quatrième jour (v. 14-18) :
14 Dieu dit : Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue du ciel, pour séparer le jour d’avec la nuit ; que ce soient des signes pour marquer les époques, les jours et les années ;
15 et qu’ils servent de luminaires dans l’étendue du ciel, pour éclairer la terre. Et cela fut ainsi.
16 Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour présider au jour, et le plus petit luminaire pour présider à la nuit ; il fit aussi les étoiles.
17 Dieu les plaça dans l’étendue du ciel, pour éclairer la terre,
18 pour présider au jour et à la nuit, et pour séparer la lumière d’avec les ténèbres.
Les astres ne précèdent pas la lumière !
La lumière créatrice, qui précède les astres, dévoilée dans l’enfant de Bethléem est « la véritable lumière, dit l’Évangile de Jean (ch. 1, v. 9-12),
9 lumière véritable qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme.
10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue.
12 Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu.
C’est là que les astres, et l’astre des Mages, s’arrêtent… C’est là ce qui est dévoilé dans cet enfant inconnu qu’ont, les premiers, reconnu ces prêtres mazdéens qui lui rendent hommage. Enfant dans l’humilité dont la lumière précède celle des astres, et des puissants et des nations qui les célèbrent.
Et pourtant aujourd’hui encore, on n’a pas compris ! Aujourd’hui encore, on adore les puissants et les symboles de la puissance, éblouis par les lumières artificielles — même pas des astres ! Les Mages, par leurs cadeaux d’hommage, ont reconnu la royauté de l’enfant : l’hommage de l’or. Ils lui ont fait aussi l’hommage de leur propre dignité sacerdotale : le symbole de l’encens.
Et ils nous ont dit que la reconnaissance de sa dignité éternelle ne serait ni aisée, ni sans que l’histoire future, à commencer par la sienne, ne soit chargée de douleurs : la myrrhe, produit d’embaumement des princes royaux pour les sarcophages.
Aujourd’hui, nous marquons nos années à la venue de ce prince royal. Aujourd’hui des temples, nos églises, lui sont dédiés sur toute la face de la terre, hommage à sa dignité sacerdotale. Et aujourd’hui encore, le royaume de paix et de bonheur dont il est porteur est embaumé comme en un sarcophage. Cela aussi les Mages nous l’avaient dit, avec leur troisième cadeau, la myrrhe…
Et cette année encore, ils nous invitent à repartir avec eux par un autre chemin, celui de l’humilité du prince de la paix, cette paix qui naît d’une lumière imperceptible qui précède toute lumière, devant laquelle toute lumière vient s’arrêter et que nous sommes appelés tout à nouveau à recevoir.
Matthieu 2, 1-12
1 Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem
2 et demandèrent: “Où est le roi des Judéens qui vient de naître? Nous avons vu son astre à l’Orient et nous sommes venus lui rendre hommage.”
3 A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.
4 Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s’enquit auprès d’eux du lieu où le Messie devait naître.
5 “A Bethléem de Judée, lui dirent-ils, car c’est ce qui est écrit par le prophète :
6 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda : car c’est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple.”
7 Alors Hérode fit appeler secrètement les mages, se fit préciser par eux l’époque à laquelle l’astre apparaissait,
8 et les envoya à Bethléem en disant: “Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant; et, quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que, moi aussi, j’aille lui rendre hommage.”
9 Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route; et voici que l’astre, qu’ils avaient vu à l’Orient, avançait devant eux jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant.
10 A la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie.
11 Entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage; ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
12 Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d’Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin.
*
« Voici que l’astre, que les Mages avaient vu à l’Orient, avançait devant eux jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant.» (v. 9)
Voilà un verset dont on s’arrête assez peu sur son étrangeté astronomique : « l’astre s’arrêta » dit le texte.
C’est la troisième de ces étrangetés dans la Bible. On note en général les deux autres du même genre, on oublie celle-là, pourtant donnée dans un des textes bibliques les plus lus.
La première est la plus connue : l’arrêt du soleil et de la lune au livre de Josué — ch. 10, v. 12-13 :
12 Josué parla à l’Eternel, le jour où l’Eternel livra les Amoréens aux enfants d’Israël, et il dit en présence d’Israël : Soleil, arrête-toi sur Gabaon, Et toi, lune, sur la vallée d’Ajalon!
13 Et le soleil s’arrêta, et la lune suspendit sa course, Jusqu’à ce que la nation eût tiré vengeance de ses ennemis. Cela n’est-il pas écrit dans le livre du Juste ? Le soleil s’arrêta au milieu du ciel, Et ne se hâta point de se coucher, presque tout un jour.
La seconde est un peu moins connue. On la trouve au livre d’Ésaïe, ch. 38, v. 7-8, où l’on lit que le soleil a reculé :
7 Voici, de la part de l’Eternel, le signe auquel tu connaîtras que l’Eternel accomplira la parole qu’il a prononcée.
8 Je ferai reculer de dix degrés en arrière avec le soleil l’ombre des degrés qui est descendue sur les degrés d’Achaz. Et le soleil recula de dix degrés sur les degrés où il était descendu.
On a donc une troisième étrangeté de ce type dans ce texte très connu de la visite des Mages, et on ne la remarque en général pas.
Elle pourrait pourtant peut-être expliquer les deux autres !
Contrairement à ce qui fait regarder de haut les gens d’une époque dont on condamne ipso facto une supposée incompétence astronomique, ces récits nous parlent peut-être d’un au-delà de l’astronomie !
Chose ignorée, accompagnée de remarques fort proches de celle que porte Tintin et le temple du soleil sur les connaissances aztèques. On y voit Tintin prédisant une éclipse solaire à partir d’une coupure de journal qui l’annonce. Ce qui provoque un profond désarroi des Aztèques dont la bande dessinée ignore sans doute à dessein que leurs observations des astres leur permettait depuis très longtemps de prédire les éclipses.
Tintin témoigne en fait d’une époque où le grand public, ébloui par les incontestables progrès de la science moderne, regardait de haut celle de l’Antiquité… Tels ceux qui ironisent sur ces histoires de soleil, lune et autres astres qui s’arrêtent…
Et voilà que Matthieu nous parle clairement d’une sortie des déterminismes astraux, et donc d’un au-delà de l’observation des astres, laquelle était néanmoins surprenante.
*
Selon notre texte les Mages pour leur part cherchent un roi des Judéens — non pas un « roi des juifs » comme le laissent penser nos traductions, mais un roi des Judéens : on n’est pas roi d’une religion ! Hérode règne sur la Judée, pas sur la diaspora, à laquelle correspond alors largement le vocable de « juifs », de même qu’il ne règne pas sur la Galilée et autres régions, juives mais pas judéennes !
Bref, on vient en Judée rencontrer un roi des Judéens ! Et on vient bien sûr au palais royal, celui d’Hérode, qui est loin de régner sur les « juifs » ! Il est reconnu, bien sûr, mais du bout des lèvres. Placé là par les Romains, fustigé par la plupart des mouvements, lui et toute sa dynastie, fustigée par Jean le Baptiste et les disciples de Jésus comme par les pharisiens, Hérode se sait impopulaire, et comme tel, est tyrannique.
Il a beau avoir embelli le Temple, joué les grands monarques, il n’en est pas aimé pour autant, et il le sait.
On a beau aimer le magnifique palais de Versailles, cela n’a jamais fait de Louis XIV autre chose que ce qu’il a été, signataire de la révocation de l’Édit de Nantes et du Code noir.
Hérode ressemble un peu à cela. C’est ainsi que le massacre des Innocents qui, comme on le sait, suit notre épisode des Mages, relève largement des possibilités historiques. Hérode a perpétré plusieurs massacres des Innocents.
Bref, Hérode, roi des Judéens, n’est pas aimé des juifs, et il le sait. Et sa mauvaise réputation vaut pour la plupart des juifs du monde entier. Car le judaïsme est déjà une réalité internationale, depuis l’exil à Babylone.
Le judaïsme connaît un rayonnement qui influence les autres religions du monde antique, dont celle des Mages, prêtres zoroastriens. Et lorsque selon leur croyance et observations des astres, ils ont pressenti la naissance d’un roi des Judéens, ils se sont mis en route, non pas comme rois, mais comme prêtres, annonçant cependant l’hommage de rois futurs, selon le Psaume 72, selon le prophète Ésaïe aussi.
L’épisode a beau sembler étrange, il n’a rien d’invraisemblable : oui le rayonnement du judaïsme s’étend alors jusqu’en Perse. Oui l’espérance de délivrance que portent les prophètes d’Israël habite d’autres peuples.
*
Et Hérode sait bien que ce n’est pas lui qui est porteur de cette espérance. Il sait en tout cas qu’il n’en est pas porteur auprès de son peuple.
Alors la venue d’une délégation de prêtres étrangers cherchant un roi des Judéens est pour lui mauvais signe. Alors déjà le massacre des Innocents est en marche. Surtout quand les théologiens juifs de sa cour lui confirment la vocation de Bethléem, ville de David, comme ville messianique qui soulève l’espoir jusqu’en ce lointain Orient. Non, ce n’est pas chez lui qu’est né ce futur libérateur !
Ce que vont découvrir les Mages, c’est un enfant humble. Rien à voir avec le puissant Hérode au service de l’ordre romain.
*
Les Mages sont alors comme une avant-garde de ce qui est avéré depuis : c’est dans l’humilité de l’enfant de Bethléem qu’est la promesse de la délivrance que les rois reconnaîtront bien un jour. Le texte de Matthieu est lourd d’une puissance prophétique… trop bouleversante sans doute pour qu’on sache en voir toute la portée !
Voilà trois jours que le nouvel an était célébré. On nous montrait au journal la télévisé le passage dans l’année nouvelle, depuis l’Australie à l’extrême Est (une pensée aux Fisher), jusqu’à l’autre bout du monde, en passant par la Chine, le monde arabe, etc.
Qu’est ce qui marque ce passage ? La date symbolique de la naissance de l’enfant qu’ont reconnu les Mages. Ou, pour être précis, la date symbolique de sa circoncision. Et c’est même l’Empire romain, dont Hérode est garant de son ordre, qui le premier verra cette date marquer son temps, avant de devenir repère de datation universelle : la circoncision de cet enfant. Les voies du Seigneur sont impénétrables comme le dit la Bible. Et ce texte relatant la venue de Mages auprès de l’enfant est d’une portée prophétique inouïe pour quiconque a des yeux pour voir.
Toutes les nations sont vouées au culte des astres selon la Torah, et comme chaque année, ça ne rate pas, nos journaux quotidiens rivalisent en prévisions astrologiques.
Deutéronome 4, 19-20 :
19 Veille sur ton âme, de peur que, levant tes yeux vers le ciel, et voyant le soleil, la lune et les étoiles, toute l’armée des cieux, tu ne sois entraîné à te prosterner en leur présence et à leur rendre un culte : ce sont des choses que l’Eternel, ton Dieu, a données en partage à tous les peuples, sous le ciel tout entier.
20 Mais vous, l’Eternel vous a pris, et vous a fait sortir de la fournaise de fer de l’Egypte, afin que vous fussiez un peuple qui lui appartînt en propre, comme vous l’êtes aujourd’hui.
Toutes les nations ? demande César dans Astérix… Toutes ? Toutes, sauf en principe, une, selon la Torah, Israël. Toutes sauf une, à moins qu’elle ne soit dirigée par un Hérode, qui ne manque pas de sacrifier à la tradition commune et mondiale…
Et ça ne rate pas non plus, l’astre des Mages les conduit… à Hérode ! Le roi des Judéens.
*
Mais le voyage des Mages n’est pas encore à son terme. La prophétie biblique les conduira, on le sait, à Bethléem… Où leur astre va… s’arrêter! Aberration astronomique ! Vérité prophétique. Basculement au-delà des astres auxquels rendent hommage les nations…
Les Mages, eux, ont été conduits jusqu’où ils ne voulaient pas aller au départ, ils ont été conduits des ors du palais d’Hérode à l’humilité de l’enfant de Bethléem, et, chose inouïe, ce n’est pas à l’astre qui s’est arrêté qu’ils rendent hommage, mais à l’enfant.
*
La vraie lumière a lui ici. Les Mages l’ont reconnue. La vraie lumière devant laquelle s’arrêtent les astres. La lumière qui précède les astres, qui est à la source de leur création, comme de toute création, et dont la lumière des astres n’est que le reflet. C’est pourquoi dans la Bible les astres s’arrêtent devant la parole créatrice, venue à présent en l’enfant de Bethléem. Ce n’est pas un phénomène astronomique, c’est le signe de la place seconde de l’astronomie !
Souvenez-vous au commencement, « Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. » (Genèse 1, 3). Ce fut le jour un. Puis plus loin, au quatrième jour (v. 14-18) :
14 Dieu dit : Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue du ciel, pour séparer le jour d’avec la nuit ; que ce soient des signes pour marquer les époques, les jours et les années ;
15 et qu’ils servent de luminaires dans l’étendue du ciel, pour éclairer la terre. Et cela fut ainsi.
16 Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour présider au jour, et le plus petit luminaire pour présider à la nuit ; il fit aussi les étoiles.
17 Dieu les plaça dans l’étendue du ciel, pour éclairer la terre,
18 pour présider au jour et à la nuit, et pour séparer la lumière d’avec les ténèbres.
Les astres ne précèdent pas la lumière !
La lumière créatrice, qui précède les astres, dévoilée dans l’enfant de Bethléem est « la véritable lumière, dit l’Évangile de Jean (ch. 1, v. 9-12),
9 lumière véritable qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme.
10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue.
12 Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu.
C’est là que les astres, et l’astre des Mages, s’arrêtent… C’est là ce qui est dévoilé dans cet enfant inconnu qu’ont, les premiers, reconnu ces prêtres mazdéens qui lui rendent hommage. Enfant dans l’humilité dont la lumière précède celle des astres, et des puissants et des nations qui les célèbrent.
Et pourtant aujourd’hui encore, on n’a pas compris ! Aujourd’hui encore, on adore les puissants et les symboles de la puissance, éblouis par les lumières artificielles — même pas des astres ! Les Mages, par leurs cadeaux d’hommage, ont reconnu la royauté de l’enfant : l’hommage de l’or. Ils lui ont fait aussi l’hommage de leur propre dignité sacerdotale : le symbole de l’encens.
Et ils nous ont dit que la reconnaissance de sa dignité éternelle ne serait ni aisée, ni sans que l’histoire future, à commencer par la sienne, ne soit chargée de douleurs : la myrrhe, produit d’embaumement des princes royaux pour les sarcophages.
Aujourd’hui, nous marquons nos années à la venue de ce prince royal. Aujourd’hui des temples, nos églises, lui sont dédiés sur toute la face de la terre, hommage à sa dignité sacerdotale. Et aujourd’hui encore, le royaume de paix et de bonheur dont il est porteur est embaumé comme en un sarcophage. Cela aussi les Mages nous l’avaient dit, avec leur troisième cadeau, la myrrhe…
Et cette année encore, ils nous invitent à repartir avec eux par un autre chemin, celui de l’humilité du prince de la paix, cette paix qui naît d’une lumière imperceptible qui précède toute lumière, devant laquelle toute lumière vient s’arrêter et que nous sommes appelés tout à nouveau à recevoir.
RP
Antibes, 03.01.10
Antibes, 03.01.10
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire