Dt 30, 15-20 ; Psaume 119, 1-32 ; 1 Co 2, 6-10 ; Matthieu 5, 17-37
Matthieu 5:17-37
“Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir” (Matthieu 5, 17).
Ainsi, la Loi se trouve aussi bien dans le Nouveau Testament, Loi qui est la même que celle de la Bible hébraïque ; et par ailleurs l’Évangile, comme bonne nouvelle de la libération, se trouve aussi dans la Bible hébraïque, Évangile qui est le même que celui du Nouveau Testament. L’Évangile est au cœur de la Loi. Sous un certain angle il est la Loi elle-même. Jésus s’annonce comme le Messie, celui qui va instaurer le Royaume de Dieu, ou “des cieux”, selon la façon que l’on a alors, et que Jésus ne remet pas en question, d’employer des figures de style pour ne pas prononcer à tout bout de champ le nom de Dieu — pour ne pas, toujours le respect de la Torah, prononcer son nom en vain.
Ne jurez donc pas, rappelle Jésus, si c’est pour mentir, — ni par le ciel, ce mot qu’on emploie pour désigner Dieu — en ayant la prudence de ne pas l’atteindre, ni même, plus prudent encore, par la terre, marchepied de Dieu, ni encore par Jérusalem, ville de l’Envoyé royal de Dieu. Efforcez-vous seulement d’être vrais et sincères.
En tout cela, c’est bien de la question de notre libération qu’il est question dans l’instauration du Royaume par le Messie, et de la restauration de la Loi comme Évangile. Y a t-il libération plus rigoureuse que dans une prise au sérieux radicale de la Loi ? On a parlé de la convoitise : qu’est-ce sinon un esclavage perpétuel ? Et qu’en est-il du désir de meurtre, ou de vengeance, ou du besoin permanent de se justifier et de contourner la vérité d’une parole droite ? Voilà que Jésus nous ramène au cœur véritable de la libération. Écouter, et entendre la Parole de Dieu.
L’Évangile est toujours un ordre qui libère, un ordre qui ne libère que si on l’exécute. Sa parole, celle de la Torah, ne libère le peuple que si on la prend au sérieux, si on y obéit, que si on la prend radicalement au sérieux. Elle est un ordre qui met en marche... Si on ne se laisse pas envahir par la colère et la rumination du meurtre, si on se s’abandonne pas à la convoitise de ce qui ne nous est pas donné, au désir de vengeance, etc. Cette loi ne sera pas abolie, c’est toujours la même, même si certains aspects comme les cérémonies varient d’un peuple à l’autre — ce sur quoi Paul insistait ; ou varient d’un temps à l’autre : après la destruction du Temple, les aspects du rite qui y sont liés deviennent inapplicables. Ils seront réorganisés de feux façons différentes. C’est l’origine de la séparation du peuple en deux rites, le rite talmudique et le rite chrétien. Mais la Loi n’est nullement abolie. Elle est la fin de l’esclavage, la norme de la liberté : la Loi est ainsi Évangile de notre libération.
Mais allons plus loin : là où il s'avère qu’accomplir la Loi ne l’abolit pas ! Contrairement à cet artifice, à la tentation commune qui revient à considérer que Jésus ayant accompli la Loi, il n’y aurait plus à l’observer ! Si l’on ne réintroduit pas subrepticement l’idée d’abolition de fait sous le terme d’accomplissement, si donc on lit le propos jusqu’au bout, la question reste entière : « Quelle observance chrétienne de cette Loi qui vaut pour tous les temps ? » Cette question demeure, qui a débouché sur une distinction, formalisée par Calvin et dans sa lignée, en trois aspects de la Loi : l’aspect moral, l’aspect cérémoniel et l’aspect judiciaire.
Aucun des trois aspects n'est aboli, d’autant que les trois sont strictement imbriqués, pouvant se retrouver dans le même commandement : par exemple le Shabbath est en soi cérémoniel, exprimé strictement, historiquement, en Israël, le samedi. Mais il comporte aussi une dimension sociale (relevant de l’aspect judiciaire) et une dimension morale (comme respect d’autrui, qui a droit au repos). C'est de la sorte qu'il n'est ni abolit, ni transgressible, au-delà des débats sur la façon d'appliquer son aspect cérémoniel. Allons ici un peu plus loin...
L’aspect cérémoniel (les cérémonies religieuses de la Loi), quant à sa lettre, correspond à des temps et à des lieux donnés. La pratique varie selon les lieux, les temps et les circonstances. Ainsi, aspect cérémoniel, on ne pratique pas aujourd’hui de sacrifices d’animaux dans le Temple de Jérusalem — de toute façon détruit (sacrifices correspondant pourtant à des mitsvoth cérémonielles). Cela vaut pour tout commandement en son aspect cérémoniel — lié à des temps, des lieux, des traditions. À l’instar de l’aspect judiciaire. L’aspect judiciaire est cet aspect de la Loi qui, selon qu'elle prime par rapport aux pouvoirs, se concrétise dans une vie de la Cité gérée de façon jurisprudentielle, donc souple. Il en ressort que cet aspect est perçu, quant à la lettre de la Loi, comme correspondant à des temps et à des traditions données : par exemple les formes de gouvernements, qui sont variables selon les lieux.
En revanche l’aspect moral, comme norme idéale, comme visée de perfection, n’est pas sujet aux variations culturelles, même si son application s’adapte aux circonstances. L’aspect moral peut être considéré comme se déployant en vertus. Accomplir la loi, comme Jésus le fait, n'est donc pas l'abolir par la petite porte : elle demeure tant que dure le monde, étant en son cœur la bonne nouvelle, l'Évangile de notre libération — selon la première parole du Décalogue : je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t'ai libéré de l'esclavage, de tout esclavage, jusqu'à l'esclavage du péché et et de la mort !
Matthieu 5:17-37
17 Ne pensez pas que je sois venu pour abolir la Loi ou les Prophètes. Je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir.
18 Amen, je vous le dis, en effet, jusqu'à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota ou un seul trait de lettre de la Loi ne passera, jusqu'à ce que tout soit arrivé.
19 Celui donc qui violera l'un de ces plus petits commandements et qui enseignera aux gens à faire de même sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux, mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. […]
21 Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre ; celui qui commet un meurtre sera passible du jugement.
22 Mais moi, je vous dis : Quiconque se met en colère contre son frère sera passible du jugement. […]
23 Si donc tu vas présenter ton offrande sur l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi,
24 laisse ton offrande là, devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère, puis viens présenter ton offrande. […]
27 Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu ne commettras pas d'adultère.
28 Mais moi, je vous dis : Quiconque regarde une femme de façon à la désirer a déjà commis l'adultère avec elle dans son cœur. […]
33 Vous avez encore entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras pas, mais tu t'acquitteras envers le Seigneur de tes serments.
34 Mais moi, je vous dis de ne pas jurer du tout: [...]
37 Que votre parole soit « oui, oui », « non, non » ; ce qu'on y ajoute vient du Mauvais.
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“Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir” (Matthieu 5, 17).
Ainsi, la Loi se trouve aussi bien dans le Nouveau Testament, Loi qui est la même que celle de la Bible hébraïque ; et par ailleurs l’Évangile, comme bonne nouvelle de la libération, se trouve aussi dans la Bible hébraïque, Évangile qui est le même que celui du Nouveau Testament. L’Évangile est au cœur de la Loi. Sous un certain angle il est la Loi elle-même. Jésus s’annonce comme le Messie, celui qui va instaurer le Royaume de Dieu, ou “des cieux”, selon la façon que l’on a alors, et que Jésus ne remet pas en question, d’employer des figures de style pour ne pas prononcer à tout bout de champ le nom de Dieu — pour ne pas, toujours le respect de la Torah, prononcer son nom en vain.
Ne jurez donc pas, rappelle Jésus, si c’est pour mentir, — ni par le ciel, ce mot qu’on emploie pour désigner Dieu — en ayant la prudence de ne pas l’atteindre, ni même, plus prudent encore, par la terre, marchepied de Dieu, ni encore par Jérusalem, ville de l’Envoyé royal de Dieu. Efforcez-vous seulement d’être vrais et sincères.
En tout cela, c’est bien de la question de notre libération qu’il est question dans l’instauration du Royaume par le Messie, et de la restauration de la Loi comme Évangile. Y a t-il libération plus rigoureuse que dans une prise au sérieux radicale de la Loi ? On a parlé de la convoitise : qu’est-ce sinon un esclavage perpétuel ? Et qu’en est-il du désir de meurtre, ou de vengeance, ou du besoin permanent de se justifier et de contourner la vérité d’une parole droite ? Voilà que Jésus nous ramène au cœur véritable de la libération. Écouter, et entendre la Parole de Dieu.
L’Évangile est toujours un ordre qui libère, un ordre qui ne libère que si on l’exécute. Sa parole, celle de la Torah, ne libère le peuple que si on la prend au sérieux, si on y obéit, que si on la prend radicalement au sérieux. Elle est un ordre qui met en marche... Si on ne se laisse pas envahir par la colère et la rumination du meurtre, si on se s’abandonne pas à la convoitise de ce qui ne nous est pas donné, au désir de vengeance, etc. Cette loi ne sera pas abolie, c’est toujours la même, même si certains aspects comme les cérémonies varient d’un peuple à l’autre — ce sur quoi Paul insistait ; ou varient d’un temps à l’autre : après la destruction du Temple, les aspects du rite qui y sont liés deviennent inapplicables. Ils seront réorganisés de feux façons différentes. C’est l’origine de la séparation du peuple en deux rites, le rite talmudique et le rite chrétien. Mais la Loi n’est nullement abolie. Elle est la fin de l’esclavage, la norme de la liberté : la Loi est ainsi Évangile de notre libération.
Mais allons plus loin : là où il s'avère qu’accomplir la Loi ne l’abolit pas ! Contrairement à cet artifice, à la tentation commune qui revient à considérer que Jésus ayant accompli la Loi, il n’y aurait plus à l’observer ! Si l’on ne réintroduit pas subrepticement l’idée d’abolition de fait sous le terme d’accomplissement, si donc on lit le propos jusqu’au bout, la question reste entière : « Quelle observance chrétienne de cette Loi qui vaut pour tous les temps ? » Cette question demeure, qui a débouché sur une distinction, formalisée par Calvin et dans sa lignée, en trois aspects de la Loi : l’aspect moral, l’aspect cérémoniel et l’aspect judiciaire.
Aucun des trois aspects n'est aboli, d’autant que les trois sont strictement imbriqués, pouvant se retrouver dans le même commandement : par exemple le Shabbath est en soi cérémoniel, exprimé strictement, historiquement, en Israël, le samedi. Mais il comporte aussi une dimension sociale (relevant de l’aspect judiciaire) et une dimension morale (comme respect d’autrui, qui a droit au repos). C'est de la sorte qu'il n'est ni abolit, ni transgressible, au-delà des débats sur la façon d'appliquer son aspect cérémoniel. Allons ici un peu plus loin...
L’aspect cérémoniel (les cérémonies religieuses de la Loi), quant à sa lettre, correspond à des temps et à des lieux donnés. La pratique varie selon les lieux, les temps et les circonstances. Ainsi, aspect cérémoniel, on ne pratique pas aujourd’hui de sacrifices d’animaux dans le Temple de Jérusalem — de toute façon détruit (sacrifices correspondant pourtant à des mitsvoth cérémonielles). Cela vaut pour tout commandement en son aspect cérémoniel — lié à des temps, des lieux, des traditions. À l’instar de l’aspect judiciaire. L’aspect judiciaire est cet aspect de la Loi qui, selon qu'elle prime par rapport aux pouvoirs, se concrétise dans une vie de la Cité gérée de façon jurisprudentielle, donc souple. Il en ressort que cet aspect est perçu, quant à la lettre de la Loi, comme correspondant à des temps et à des traditions données : par exemple les formes de gouvernements, qui sont variables selon les lieux.
En revanche l’aspect moral, comme norme idéale, comme visée de perfection, n’est pas sujet aux variations culturelles, même si son application s’adapte aux circonstances. L’aspect moral peut être considéré comme se déployant en vertus. Accomplir la loi, comme Jésus le fait, n'est donc pas l'abolir par la petite porte : elle demeure tant que dure le monde, étant en son cœur la bonne nouvelle, l'Évangile de notre libération — selon la première parole du Décalogue : je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t'ai libéré de l'esclavage, de tout esclavage, jusqu'à l'esclavage du péché et et de la mort !
RP, Poitiers, AG, 16/02/14
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