Ésaïe 22, 19-23 ; Psaume 138 ; Romains 11, 33-36 ; Matthieu 16, 13-20
Matthieu 16, 13-20
Romains 11, 33-36
« Qui dit-on que je suis ? »... La réponse est sous-entendue dans la question de Jésus — posée en ces termes : « Qui dit-on que je suis, moi, le Fils de l’homme ? »
Le Fils de Homme est cette figure, connue des disciples, qui annonce dans des livres comme Ézéchiel ou Daniel l’inauguration du Royaume de Dieu : il s'agit d'un être céleste, qui demeure auprès du Père, le Fils de l'Homme qui est dans les cieux — et qui vient sur la terre.
« Et vous ? » demande t-il à ses disciples. — « Et vous, qui dites-vous que je suis ? »
Jésus, qui vient donc de dire que c'est lui ce Fils de l'Homme, celui qui vient inaugurer et apporter le Royaume, renvoie alors les disciples à eux mêmes : qu'en est-il de votre perception ? Qui dites-vous que je suis ? De là la réponse de Pierre : « qui est-tu ? Mais, Fils de l'Homme, tu viens de le dire, tu es donc le Christ — le Messie ! »
Pierre, a répondu à peu près la même chose que les anonymes, parlant de prophètes, mais en mieux (et Jésus l'en félicite) : carrément « le Christ ». Jésus, avec sévérité, leur ordonne de ne le dire à personne.
Il s'agace d'une popularité dont il sait non seulement la vanité, mais aussi qu’en ce qui le concerne, elle est signe de sa prochaine persécution. Et que de toutes façons le mot qui la déclenchera, « Christ », « doté de l’onction divine », « Messie », est compris de travers…
Mais au-delà de tout ce que disent les hommes, il s’agit pour lui de situer ses disciples face à lui seul — « Et vous, qui dites-vous que je suis ? », c’est cela qui importe et non pas « que dit-on de moi ? » — Se situer face à lui — malgré sa réputation déplorable pour des lendemains catastrophiques — quoique cela coûte.
« À ce point, tout a changé. On est passé de ce que disent et pensent les hommes, à ce que « vous, vous dites ». On passe de « on » à « toi », de l'admiration plus ou moins béate mais finalement pas dérangeante, à la mise en question.
Jésus refuse toute réponse anonyme ; Jésus n'a que faire d’une réponse admirative, mais qui, dans une heure, sera oubliée, et qui, finalement n'aura guère de conséquences dans les vies ; les foules bientôt crucifieuses rangeront par la suite ce « grand homme » dans leur mémoire comme on range des photos de grands hommes. Et dans la galerie des grands personnages, il y en aura un de plus.
Et cela n’intéresse pas Jésus. Il veut une réponse personnelle (toi ! moi !), une réponse qui engage, qui compromet pour toujours. Une réponse où tout change dans la vie de celui qui la formule. Une réponse comme celle que va donner de Pierre. « Tu es le Christ de Dieu », et qui veut dire concrètement : tu es mon Seigneur ; tu es celui qui est au cœur de ma foi, celui qui donne un sens à ma vie et à mon histoire ; celui en dehors de qui je ne peux plus désormais trouver des raisons de vivre.
Si Jésus a fait bien des choses étonnantes jusqu'ici, il n'avait, apparemment, rien fait de décisif qui le fasse confesser comme Christ. Il requiert à présent une réponse qui joue toute notre vie (et cela peut coûter, jusqu'à persécution, comme le rappelle ce jour, 24 août, souvenir des martyrs de la saint Barthélémy).
Une réponse qui joue toute notre vie. C'est ça, la foi, et c'est ce qui la différencie de l'admiration qui n'est jamais que sa mauvaise copie, d'autant plus dangereuse qu'elle permet d'esquiver Jésus et d'esquiver son salut.
C’est la question qui nous est posée, à nous aussi aujourd’hui, et dont la réponse correspond à rien moins qu’à un engagement : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? »
La réponse à cette question est dans l'abandon de toute prétention à y répondre !
Si Jésus est bien « le Christ, le Fils du Dieu vivant », comme l'a confessé Pierre, alors il s'agit — contrairement à ce qu’il a fait, tentant de donner un contenu repérable à son affirmation — ; il s'agit de tirer les conséquence de cela et de renoncer à s'en donner une conception, ou une image, ou une compréhension !
Le Dieu vivant dont il est le Fils est précisément le Dieu que l'on ne cerne pas !
Le Dieu vivant est, par cela même qu'il est vivant, celui qui échappe à toute image. Vivant est celui qui est où on ne l’attend pas, celui qui n'est pas fixé à telle ou telle conception que l'on s'en fait — que l'on voudrait s’en faire.
Ses voies incompréhensibles comme ses jugements sont insondables (Ro 11, 33) — « Qui a connu la pensée du Seigneur, Ou qui a été son conseiller ? » (Ro 11, 34 – Es 40)
Si Jésus est bien celui qui manifeste ce Dieu-là, comme l'a confessé Pierre, alors le renoncement nécessaire que Jésus rappelle dans les versets qui suivent cette confession de Pierre, est incontournable, inévitable — sous peine de n'avoir prononcé que des mots inutiles, encore des images fixes d'un Dieu qui ne se fixe pas.
Des images fixes, repérables, qui du coup nous fixent, nous figent nous-mêmes — car nous sommes à l'image de ce que nous que nous nous donnons comme Dieu.
« Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera. Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s’il perdait son âme ? ou, que donnerait un homme en échange de son âme ? » (Mt 16, 24-26)
Confesser Jésus, comme le Christ, le Fils du Dieu vivant, revient à renoncer à s'en faire une image qui le figerait dans telle théologie, littérature, ou tout ce qu'on voudra, et du coup à nous y figer vous-mêmes.
« Qui dites-vous que je suis ? »
La réponse à cette question engage notre vie : celui que l'on a bien repéré dans une définition qui nous y figera nous-mêmes, figures figées d'un Dieu concept — ou hommes et femmes qui renoncent à toute compréhension définitive d'eux-mêmes, devenant par là-même vivants, disciples vivant d'un Dieu vivant qui comme tel ne se fixe pas et ne se comprend pas, dont ce qu'il dessine pour nous nous échappe — « ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles » ; « Qui a connu la pensée du Seigneur, Ou qui a été son conseiller ? »
Alors nous est donnée la parole donnée à Pierre, la parole de la délivrance de tout et de tous : « tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux »,
Lier ce qui nous lie, ce qui lie les hommes et les femmes, pour délier tous et chacun, chaque homme chaque femme : vous n'avez pas à vous soucier de ce que vous croyez être.
Cela relève du même secret dont Jésus demande à ses disciple de l'entourer : « alors il commanda sévèrement aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Christ. »
Ce que vous êtes est secret, caché en Dieu, sous le même sceau d'insondable et d’incompréhensible qui caractérise ce qu'il fait.
Matthieu 16, 13-20
13 Arrivé dans la région de Césarée de Philippe, Jésus interrogeait ses disciples: "Qui dit-on que je suis, moi, le Fils de l’homme ?"
14 Ils dirent: "Pour les uns, Jean le Baptiste; pour d’autres, Élie; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes."
15 Il leur dit : "Et vous, qui dites-vous que je suis ?"
16 Prenant la parole, Simon-Pierre répondit: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant."
17 Reprenant alors la parole, Jésus lui déclara: "Heureux es-tu, Simon fils de Jonas, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.
18 Et moi, je te le déclare: Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et la Puissance de la mort n’aura pas de force contre elle.
19 Je te donnerai les clés du Royaume des cieux ; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux."
20 Alors il commanda sévèrement aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Christ.
Romains 11, 33-36
33 O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles ! Car
34 Qui a connu la pensée du Seigneur, Ou qui a été son conseiller ?
35 Qui lui a donné le premier, pour qu’il ait à recevoir en retour ?
36 C’est de lui, par lui, et pour lui que sont toutes choses. A lui la gloire dans tous les siècles ! Amen !
*
« Qui dit-on que je suis ? »... La réponse est sous-entendue dans la question de Jésus — posée en ces termes : « Qui dit-on que je suis, moi, le Fils de l’homme ? »
Le Fils de Homme est cette figure, connue des disciples, qui annonce dans des livres comme Ézéchiel ou Daniel l’inauguration du Royaume de Dieu : il s'agit d'un être céleste, qui demeure auprès du Père, le Fils de l'Homme qui est dans les cieux — et qui vient sur la terre.
« Et vous ? » demande t-il à ses disciples. — « Et vous, qui dites-vous que je suis ? »
Jésus, qui vient donc de dire que c'est lui ce Fils de l'Homme, celui qui vient inaugurer et apporter le Royaume, renvoie alors les disciples à eux mêmes : qu'en est-il de votre perception ? Qui dites-vous que je suis ? De là la réponse de Pierre : « qui est-tu ? Mais, Fils de l'Homme, tu viens de le dire, tu es donc le Christ — le Messie ! »
Pierre, a répondu à peu près la même chose que les anonymes, parlant de prophètes, mais en mieux (et Jésus l'en félicite) : carrément « le Christ ». Jésus, avec sévérité, leur ordonne de ne le dire à personne.
Il s'agace d'une popularité dont il sait non seulement la vanité, mais aussi qu’en ce qui le concerne, elle est signe de sa prochaine persécution. Et que de toutes façons le mot qui la déclenchera, « Christ », « doté de l’onction divine », « Messie », est compris de travers…
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Mais au-delà de tout ce que disent les hommes, il s’agit pour lui de situer ses disciples face à lui seul — « Et vous, qui dites-vous que je suis ? », c’est cela qui importe et non pas « que dit-on de moi ? » — Se situer face à lui — malgré sa réputation déplorable pour des lendemains catastrophiques — quoique cela coûte.
« À ce point, tout a changé. On est passé de ce que disent et pensent les hommes, à ce que « vous, vous dites ». On passe de « on » à « toi », de l'admiration plus ou moins béate mais finalement pas dérangeante, à la mise en question.
Jésus refuse toute réponse anonyme ; Jésus n'a que faire d’une réponse admirative, mais qui, dans une heure, sera oubliée, et qui, finalement n'aura guère de conséquences dans les vies ; les foules bientôt crucifieuses rangeront par la suite ce « grand homme » dans leur mémoire comme on range des photos de grands hommes. Et dans la galerie des grands personnages, il y en aura un de plus.
Et cela n’intéresse pas Jésus. Il veut une réponse personnelle (toi ! moi !), une réponse qui engage, qui compromet pour toujours. Une réponse où tout change dans la vie de celui qui la formule. Une réponse comme celle que va donner de Pierre. « Tu es le Christ de Dieu », et qui veut dire concrètement : tu es mon Seigneur ; tu es celui qui est au cœur de ma foi, celui qui donne un sens à ma vie et à mon histoire ; celui en dehors de qui je ne peux plus désormais trouver des raisons de vivre.
Si Jésus a fait bien des choses étonnantes jusqu'ici, il n'avait, apparemment, rien fait de décisif qui le fasse confesser comme Christ. Il requiert à présent une réponse qui joue toute notre vie (et cela peut coûter, jusqu'à persécution, comme le rappelle ce jour, 24 août, souvenir des martyrs de la saint Barthélémy).
Une réponse qui joue toute notre vie. C'est ça, la foi, et c'est ce qui la différencie de l'admiration qui n'est jamais que sa mauvaise copie, d'autant plus dangereuse qu'elle permet d'esquiver Jésus et d'esquiver son salut.
C’est la question qui nous est posée, à nous aussi aujourd’hui, et dont la réponse correspond à rien moins qu’à un engagement : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? »
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La réponse à cette question est dans l'abandon de toute prétention à y répondre !
Si Jésus est bien « le Christ, le Fils du Dieu vivant », comme l'a confessé Pierre, alors il s'agit — contrairement à ce qu’il a fait, tentant de donner un contenu repérable à son affirmation — ; il s'agit de tirer les conséquence de cela et de renoncer à s'en donner une conception, ou une image, ou une compréhension !
Le Dieu vivant dont il est le Fils est précisément le Dieu que l'on ne cerne pas !
Le Dieu vivant est, par cela même qu'il est vivant, celui qui échappe à toute image. Vivant est celui qui est où on ne l’attend pas, celui qui n'est pas fixé à telle ou telle conception que l'on s'en fait — que l'on voudrait s’en faire.
Ses voies incompréhensibles comme ses jugements sont insondables (Ro 11, 33) — « Qui a connu la pensée du Seigneur, Ou qui a été son conseiller ? » (Ro 11, 34 – Es 40)
Si Jésus est bien celui qui manifeste ce Dieu-là, comme l'a confessé Pierre, alors le renoncement nécessaire que Jésus rappelle dans les versets qui suivent cette confession de Pierre, est incontournable, inévitable — sous peine de n'avoir prononcé que des mots inutiles, encore des images fixes d'un Dieu qui ne se fixe pas.
Des images fixes, repérables, qui du coup nous fixent, nous figent nous-mêmes — car nous sommes à l'image de ce que nous que nous nous donnons comme Dieu.
« Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera. Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s’il perdait son âme ? ou, que donnerait un homme en échange de son âme ? » (Mt 16, 24-26)
Confesser Jésus, comme le Christ, le Fils du Dieu vivant, revient à renoncer à s'en faire une image qui le figerait dans telle théologie, littérature, ou tout ce qu'on voudra, et du coup à nous y figer vous-mêmes.
« Qui dites-vous que je suis ? »
La réponse à cette question engage notre vie : celui que l'on a bien repéré dans une définition qui nous y figera nous-mêmes, figures figées d'un Dieu concept — ou hommes et femmes qui renoncent à toute compréhension définitive d'eux-mêmes, devenant par là-même vivants, disciples vivant d'un Dieu vivant qui comme tel ne se fixe pas et ne se comprend pas, dont ce qu'il dessine pour nous nous échappe — « ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles » ; « Qui a connu la pensée du Seigneur, Ou qui a été son conseiller ? »
Alors nous est donnée la parole donnée à Pierre, la parole de la délivrance de tout et de tous : « tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux »,
Lier ce qui nous lie, ce qui lie les hommes et les femmes, pour délier tous et chacun, chaque homme chaque femme : vous n'avez pas à vous soucier de ce que vous croyez être.
Cela relève du même secret dont Jésus demande à ses disciple de l'entourer : « alors il commanda sévèrement aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Christ. »
Ce que vous êtes est secret, caché en Dieu, sous le même sceau d'insondable et d’incompréhensible qui caractérise ce qu'il fait.
RP, Poitiers 24/08/14
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