Ésaïe 43, 16-21 ; Psaume 126 ; Philippiens 3, 8-14 ; Jean 8, 1-11
Jean 8, 1-11
1 Jésus gagna le mont des Oliviers.
2 Dès le point du jour, il revint au temple et, comme tout le peuple venait à lui, il s'assit et se mit à enseigner.
3 Les scribes et les Pharisiens amenèrent alors une femme qu'on avait surprise en adultère et ils la placèrent au milieu du groupe.
4 "Maître, lui dirent-ils, cette femme a été prise en flagrant délit d'adultère.
5 Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu'en dis-tu ?"
6 Ils parlaient ainsi dans l'intention de lui tendre un piège, pour avoir de quoi l'accuser. Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait avec le doigt sur le sol.
7 Comme ils continuaient à lui poser des questions, Jésus se redressa et leur dit : "Que celui d'entre vous qui n'a jamais péché lui jette la première pierre."
8 Et s'inclinant à nouveau, il écrivait sur le sol
9 Après avoir entendu ces paroles, ils se retirèrent l'un après l'autre, à commencer par les plus âgés, et Jésus resta seul. Comme la femme était toujours là, au milieu du cercle,
10 Jésus se redressa et lui dit: "Femme, où sont-ils donc? Personne ne t'a condamnée?"
11 Elle répondit: "Personne, Seigneur", et Jésus lui dit: "Moi non plus, je ne te condamne pas : va, et désormais ne pèche plus."
« Ils parlaient ainsi dans l'intention de lui tendre un piège, pour avoir de quoi l'accuser. »
Mais quel piège ? Le piège repose en grande partie, comme les autres pièges qui sont tendus à Jésus selon les Évangiles, comme celui de savoir s'il faut payer l'impôt à César par exemple, sur les doutes de ses adversaires quant à sa culture biblique et théologique. N'oublions pas que Jésus vient d'un territoire, la Galilée, périphérique et peu éclairé. Alors ceux des scribes qui l'interrogent peuvent être portés à douter de sa culture religieuse. Car la question, savoir s'il faut lapider la femme, est déjà résolue depuis longtemps par les maîtres de la tradition. On ne lapide plus en Israël. Et c'est l'État, en l'occurrence l'ordre romain qui règne directement ou indirectement, qui a le dernier mot en matière juridique.
On ne lapide pas, a fortiori pas comme ça dans la rue, sauf à ce que cela s'assimile à un assassinat fanatique — comme celui d’Étienne dans le livre des Actes — qui aurait dû valoir à ceux qui en étaient coupables de comparaître, normalement, auprès des autorités. Là est le piège. Peut-être va-t-il se jeter dans ce panneau-là… la question étant déjà résolue par les pharisiens, dans un sens exactement similaire à la réponse que va donner Jésus. Dans un sens propre à fonder l'abolition de la peine de mort.
Les pharisiens enseignent à ce sujet que si la Torah prescrit la lapidation des coupables de fautes graves, c'est en considérant des gens d'une sainteté telle qu'ils seraient à même de juger ! — et finalement de ne pas condamner, comme Jésus, le Saint de Dieu, ne le fera évidemment pas.
Prétendre juger et condamner la femme reviendrait, comme l’ont déjà enseigné les pharisiens, à s’auto-justifier, un peu de la façon dont les choses se passent en prison, où ceux qui sont considérés comme coupables de crimes plus graves que les autres sont persécutés par des prisonniers qui de la sorte, s’auto-justifient quant à leur faute à eux, censée être moins grave. Condamner « ces femmes-là », selon la formule dédaigneuse citée au v. 5 dévoile simplement le cœur trouble des accusateurs, qui explique leur surdité à toute compassion : dédaigner la femme pour ne pas entendre ce qui se passe de façon confuse dans les profondeurs enfouies auxquelles Jésus renvoie chacun.
Voilà un point, parmi tant d'autres, sur lequel Jésus et les pharisiens sont d'accord. Il est important pour nous de le savoir, ne serait-ce que pour ne pas faire des pharisiens les boucs émissaires d'une attitude qui n'est pas la leur ! D’autant plus que ce faisant, loin d'être du côté de Jésus et de la femme adultère pardonnée, nous basculerions sans nous en rendre compte du côté des lapidateurs !
Or, les pharisiens ne lapidaient pas, parce que, on l'a dit, ils se considéraient insuffisamment saints pour juger… Exactement comme Jésus va le dire. Ce qui n'élimine pas la faute — c'est le sens probable du geste de Jésus d'écrire sur le sol : en l'occurrence écrire la faute, donc réelle. La faute n'est pas niée ; elle est censée ici avoir été constatée par flagrant délit. C'était indispensable pour un adultère : flagrant délit (ce qui peut sembler rendre étrange l'absence de l'homme, visé en principe lui aussi par la sanction) — flagrant délit constaté ; la trace de cette exigence s'est perpétuée dans l'islam, où sont requis quatre témoins qui, tenez-vous bien, doivent pourvoir affirmer avoir vu l'accouplement s'accomplir — où la pratique de telles sanctions dans certains pays ou groupes musulmans tombe sous le coup de la dénonciation d'hypocrisie des lapidateurs qui se jugent eux-mêmes assez purs pour se livrer à de tels actes !
Mais bref, flagrant délit, la faute n'est pas niée dans notre texte ; mais elle est pardonnée. Là, Jésus a déjoué le piège tendu : il s'avère, lui campagnard galiléen, n'être pas aussi inculte que cela. Il sait que la question de l'application de la peine de mort dans la Torah est résolue, et il sait comment.
On peut aller un pas plus loin dans ce sens et retrouver la leçon prophétique sur l’adultère et son pardon comme image de l’idolâtrie du peuple qui cherche ses propres fantasmes religieux dans ses idoles à sa propre image, et qui rejette ipso facto le vrai Dieu, autre au point que l’on ne prononce pas son nom.
De même, l’adultère est comme en recherche d’une image fantasmée, restant en souffrance de ce que l’autre se trouve être réel, et donc ne correspond pas à sa propre image projetée… « Va et ne pèche plus », adressé par Jésus à la femme adultère, recoupe alors l’appel « revenez à moi, peuple adultère » que les prophètes crient au nom de Dieu.
Finalement, ironie terrible, ce Messie décidément à une autre mesure que ce que nous aurions imaginé, sera lui-même mis à mort. Censé être serviteur du Dieu unique contre l'idolâtrie des nations accrochées à leurs auto-justifications, voilà que le pouvoir de ceux qui se réclament du Dieu de la grâce, où de ceux qui s’en autoproclament représentants — Hérode en tête — ne sauront pas s’opposer au pouvoir idolâtre d'une nation ennemie mettant à mort ceux qui, comme Jésus, les dérangent dans leurs prétentions.
C'est bien là leur problème. Messie à une toute autre mesure, derrière la femme adultère, c'est bien Jésus qui est visé. Jésus, lui, sait qu'en ce qui le concerne, sa fidélité à Dieu lui vaudra la mort, et la fera risquer à quiconque lui sera fidèle. Car ici s'explique la fameuse absence de l'homme, pas relevée par Jésus : la femme de notre texte est une figure de l'Église, pécheresse pardonnée, coupable d'adultère vis-à-vis de Dieu, et pardonnée, à laquelle Jésus déclare : « va et ne pèche plus ! » C'est une des raisons pour lesquelles ce texte constitue un des cœurs des Évangiles.
Face à ce Messie à une toute autre mesure, les prétendus défenseurs de l’identité de la nation contre les Romains n'hésiteront pas à proclamer n'avoir de roi que César, selon l’évangile. Par où il souligne que tous les prétextes pour chasser Jésus ne sont que les cache-sexe d’un désir de conserver privilèges et prestige.
Mais Jésus invite les siens, au cœur des quolibets, à n'avoir pas honte de ses paroles, celles de l'amour de Dieu pour tous les êtres humains, fût-ce pour une femme prise en flagrant délit d'adultère. La femme devient alors, comme Jésus, bouc émissaire de ceux que les remises en question dérangent.
Et puisque Jésus est celui qui pose ces remises en question, il faut le chasser, s'en débarrasser de n'importe quelle façon. Alors on lui tend piège après piège. Si ce n'est pas la femme adultère ça en sera un autre. Mais c'est lui qui est visé, quoiqu'il fasse.
C'est ici que la femme adultère réapparaît comme ce qu'elle représente : l'Église. Peuple adultère pardonné auquel Jésus dit à nouveau : « va, et ne pèche plus ! » Où est l'homme, demandait-on ? Mais ce n'est pas avec un homme que l'Église commet l'adultère, c'est avec ses idoles ! Desquelles la première est cette façon de s'adorer soi-même, de vouloir se placer sur un piédestal de façon à désigner qui est prophète (qui ne remet pas trop en question) et qui ne l'est pas. À coup de pièges que l'on tend.
C'est bien à cela que Jésus pense quand il dit aux disciples : heureux serez-vous quand on dira de vous toute sorte de mal à cause de moi ; on a toujours fait pareil avec les vrais prophètes. Mais méfiez-vous des renards qui vous flattent comme le corbeau de la fable. C'est ce que font les adversaires de Jésus quand ils lui tendent des pièges.
Car remarquez-le c'est toujours en ces termes : « maître, que faut-il faire, que nous enseignes-tu ? etc. » Et comme ici, Jésus déjoue les pièges en protégeant ceux qu'on va vouloir mettre à mort comme lui. Ils sont l'Église que représente ici la femme adultère pardonnée. Si l'homme n'est pas là — et le problème du texte n'est pas un homme mais l'idole —, l'époux, lui, est là, celui de l’Église : c'est Jésus, qui pardonne, qui ne condamne pas. C'est aujourd'hui le jour du salut. Il est encore temps d'entrer dans le Royaume.
La femme adultère à ses pieds, Jésus s'adresse à la conscience de chacun de ses interlocuteurs, de chacun de nous, dévoilant le secret des cœurs : à partir de quelle sainteté ose-t-on s'ériger en juge ? La question ne peut que porter et troubler les consciences, à commencer par celles des plus âgés, qui ont une plus indubitable expérience de leur propre tortuosité. Et la femme de se retrouver sans plus d'accusateur. Mais avec cela, il n'est plus non plus de candidats pour piéger Jésus publiquement et pour discréditer aux yeux du peuple ce qu'il pouvait porter d'espérance.
Alors Jésus, dont la sainteté le met en position de juge, et lui seul, prononce son verdict : « je ne te condamne pas ». Ce faisant, il annonce ce qui est le fondement du Royaume dont il est porteur : le pardon, la grâce seule, la faveur de Dieu, sans quoi ce Royaume demeurerait à jamais fermé, inaccessible.
Jean 8, 1-11
1 Jésus gagna le mont des Oliviers.
2 Dès le point du jour, il revint au temple et, comme tout le peuple venait à lui, il s'assit et se mit à enseigner.
3 Les scribes et les Pharisiens amenèrent alors une femme qu'on avait surprise en adultère et ils la placèrent au milieu du groupe.
4 "Maître, lui dirent-ils, cette femme a été prise en flagrant délit d'adultère.
5 Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu'en dis-tu ?"
6 Ils parlaient ainsi dans l'intention de lui tendre un piège, pour avoir de quoi l'accuser. Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait avec le doigt sur le sol.
7 Comme ils continuaient à lui poser des questions, Jésus se redressa et leur dit : "Que celui d'entre vous qui n'a jamais péché lui jette la première pierre."
8 Et s'inclinant à nouveau, il écrivait sur le sol
9 Après avoir entendu ces paroles, ils se retirèrent l'un après l'autre, à commencer par les plus âgés, et Jésus resta seul. Comme la femme était toujours là, au milieu du cercle,
10 Jésus se redressa et lui dit: "Femme, où sont-ils donc? Personne ne t'a condamnée?"
11 Elle répondit: "Personne, Seigneur", et Jésus lui dit: "Moi non plus, je ne te condamne pas : va, et désormais ne pèche plus."
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« Ils parlaient ainsi dans l'intention de lui tendre un piège, pour avoir de quoi l'accuser. »
Mais quel piège ? Le piège repose en grande partie, comme les autres pièges qui sont tendus à Jésus selon les Évangiles, comme celui de savoir s'il faut payer l'impôt à César par exemple, sur les doutes de ses adversaires quant à sa culture biblique et théologique. N'oublions pas que Jésus vient d'un territoire, la Galilée, périphérique et peu éclairé. Alors ceux des scribes qui l'interrogent peuvent être portés à douter de sa culture religieuse. Car la question, savoir s'il faut lapider la femme, est déjà résolue depuis longtemps par les maîtres de la tradition. On ne lapide plus en Israël. Et c'est l'État, en l'occurrence l'ordre romain qui règne directement ou indirectement, qui a le dernier mot en matière juridique.
On ne lapide pas, a fortiori pas comme ça dans la rue, sauf à ce que cela s'assimile à un assassinat fanatique — comme celui d’Étienne dans le livre des Actes — qui aurait dû valoir à ceux qui en étaient coupables de comparaître, normalement, auprès des autorités. Là est le piège. Peut-être va-t-il se jeter dans ce panneau-là… la question étant déjà résolue par les pharisiens, dans un sens exactement similaire à la réponse que va donner Jésus. Dans un sens propre à fonder l'abolition de la peine de mort.
Les pharisiens enseignent à ce sujet que si la Torah prescrit la lapidation des coupables de fautes graves, c'est en considérant des gens d'une sainteté telle qu'ils seraient à même de juger ! — et finalement de ne pas condamner, comme Jésus, le Saint de Dieu, ne le fera évidemment pas.
Prétendre juger et condamner la femme reviendrait, comme l’ont déjà enseigné les pharisiens, à s’auto-justifier, un peu de la façon dont les choses se passent en prison, où ceux qui sont considérés comme coupables de crimes plus graves que les autres sont persécutés par des prisonniers qui de la sorte, s’auto-justifient quant à leur faute à eux, censée être moins grave. Condamner « ces femmes-là », selon la formule dédaigneuse citée au v. 5 dévoile simplement le cœur trouble des accusateurs, qui explique leur surdité à toute compassion : dédaigner la femme pour ne pas entendre ce qui se passe de façon confuse dans les profondeurs enfouies auxquelles Jésus renvoie chacun.
Voilà un point, parmi tant d'autres, sur lequel Jésus et les pharisiens sont d'accord. Il est important pour nous de le savoir, ne serait-ce que pour ne pas faire des pharisiens les boucs émissaires d'une attitude qui n'est pas la leur ! D’autant plus que ce faisant, loin d'être du côté de Jésus et de la femme adultère pardonnée, nous basculerions sans nous en rendre compte du côté des lapidateurs !
Or, les pharisiens ne lapidaient pas, parce que, on l'a dit, ils se considéraient insuffisamment saints pour juger… Exactement comme Jésus va le dire. Ce qui n'élimine pas la faute — c'est le sens probable du geste de Jésus d'écrire sur le sol : en l'occurrence écrire la faute, donc réelle. La faute n'est pas niée ; elle est censée ici avoir été constatée par flagrant délit. C'était indispensable pour un adultère : flagrant délit (ce qui peut sembler rendre étrange l'absence de l'homme, visé en principe lui aussi par la sanction) — flagrant délit constaté ; la trace de cette exigence s'est perpétuée dans l'islam, où sont requis quatre témoins qui, tenez-vous bien, doivent pourvoir affirmer avoir vu l'accouplement s'accomplir — où la pratique de telles sanctions dans certains pays ou groupes musulmans tombe sous le coup de la dénonciation d'hypocrisie des lapidateurs qui se jugent eux-mêmes assez purs pour se livrer à de tels actes !
Mais bref, flagrant délit, la faute n'est pas niée dans notre texte ; mais elle est pardonnée. Là, Jésus a déjoué le piège tendu : il s'avère, lui campagnard galiléen, n'être pas aussi inculte que cela. Il sait que la question de l'application de la peine de mort dans la Torah est résolue, et il sait comment.
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On peut aller un pas plus loin dans ce sens et retrouver la leçon prophétique sur l’adultère et son pardon comme image de l’idolâtrie du peuple qui cherche ses propres fantasmes religieux dans ses idoles à sa propre image, et qui rejette ipso facto le vrai Dieu, autre au point que l’on ne prononce pas son nom.
De même, l’adultère est comme en recherche d’une image fantasmée, restant en souffrance de ce que l’autre se trouve être réel, et donc ne correspond pas à sa propre image projetée… « Va et ne pèche plus », adressé par Jésus à la femme adultère, recoupe alors l’appel « revenez à moi, peuple adultère » que les prophètes crient au nom de Dieu.
*
Finalement, ironie terrible, ce Messie décidément à une autre mesure que ce que nous aurions imaginé, sera lui-même mis à mort. Censé être serviteur du Dieu unique contre l'idolâtrie des nations accrochées à leurs auto-justifications, voilà que le pouvoir de ceux qui se réclament du Dieu de la grâce, où de ceux qui s’en autoproclament représentants — Hérode en tête — ne sauront pas s’opposer au pouvoir idolâtre d'une nation ennemie mettant à mort ceux qui, comme Jésus, les dérangent dans leurs prétentions.
C'est bien là leur problème. Messie à une toute autre mesure, derrière la femme adultère, c'est bien Jésus qui est visé. Jésus, lui, sait qu'en ce qui le concerne, sa fidélité à Dieu lui vaudra la mort, et la fera risquer à quiconque lui sera fidèle. Car ici s'explique la fameuse absence de l'homme, pas relevée par Jésus : la femme de notre texte est une figure de l'Église, pécheresse pardonnée, coupable d'adultère vis-à-vis de Dieu, et pardonnée, à laquelle Jésus déclare : « va et ne pèche plus ! » C'est une des raisons pour lesquelles ce texte constitue un des cœurs des Évangiles.
Face à ce Messie à une toute autre mesure, les prétendus défenseurs de l’identité de la nation contre les Romains n'hésiteront pas à proclamer n'avoir de roi que César, selon l’évangile. Par où il souligne que tous les prétextes pour chasser Jésus ne sont que les cache-sexe d’un désir de conserver privilèges et prestige.
Mais Jésus invite les siens, au cœur des quolibets, à n'avoir pas honte de ses paroles, celles de l'amour de Dieu pour tous les êtres humains, fût-ce pour une femme prise en flagrant délit d'adultère. La femme devient alors, comme Jésus, bouc émissaire de ceux que les remises en question dérangent.
Et puisque Jésus est celui qui pose ces remises en question, il faut le chasser, s'en débarrasser de n'importe quelle façon. Alors on lui tend piège après piège. Si ce n'est pas la femme adultère ça en sera un autre. Mais c'est lui qui est visé, quoiqu'il fasse.
C'est ici que la femme adultère réapparaît comme ce qu'elle représente : l'Église. Peuple adultère pardonné auquel Jésus dit à nouveau : « va, et ne pèche plus ! » Où est l'homme, demandait-on ? Mais ce n'est pas avec un homme que l'Église commet l'adultère, c'est avec ses idoles ! Desquelles la première est cette façon de s'adorer soi-même, de vouloir se placer sur un piédestal de façon à désigner qui est prophète (qui ne remet pas trop en question) et qui ne l'est pas. À coup de pièges que l'on tend.
C'est bien à cela que Jésus pense quand il dit aux disciples : heureux serez-vous quand on dira de vous toute sorte de mal à cause de moi ; on a toujours fait pareil avec les vrais prophètes. Mais méfiez-vous des renards qui vous flattent comme le corbeau de la fable. C'est ce que font les adversaires de Jésus quand ils lui tendent des pièges.
Car remarquez-le c'est toujours en ces termes : « maître, que faut-il faire, que nous enseignes-tu ? etc. » Et comme ici, Jésus déjoue les pièges en protégeant ceux qu'on va vouloir mettre à mort comme lui. Ils sont l'Église que représente ici la femme adultère pardonnée. Si l'homme n'est pas là — et le problème du texte n'est pas un homme mais l'idole —, l'époux, lui, est là, celui de l’Église : c'est Jésus, qui pardonne, qui ne condamne pas. C'est aujourd'hui le jour du salut. Il est encore temps d'entrer dans le Royaume.
La femme adultère à ses pieds, Jésus s'adresse à la conscience de chacun de ses interlocuteurs, de chacun de nous, dévoilant le secret des cœurs : à partir de quelle sainteté ose-t-on s'ériger en juge ? La question ne peut que porter et troubler les consciences, à commencer par celles des plus âgés, qui ont une plus indubitable expérience de leur propre tortuosité. Et la femme de se retrouver sans plus d'accusateur. Mais avec cela, il n'est plus non plus de candidats pour piéger Jésus publiquement et pour discréditer aux yeux du peuple ce qu'il pouvait porter d'espérance.
Alors Jésus, dont la sainteté le met en position de juge, et lui seul, prononce son verdict : « je ne te condamne pas ». Ce faisant, il annonce ce qui est le fondement du Royaume dont il est porteur : le pardon, la grâce seule, la faveur de Dieu, sans quoi ce Royaume demeurerait à jamais fermé, inaccessible.
R.P., Poitiers, 13.03.16
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