(photo ici)
Jérémie 20, 10-13 ; Psaume 69 ; Romains 5, 12-15 ; Matthieu 10, 26-33
Jérémie 20, 7-18
La chouette vit la nuit, parce que le soleil lui brûle les yeux. Qui de nous osera vivre le jour ?
Le texte de Jérémie que nous avons lu est peut-être une des clefs du mystère de notre relation avec celui auprès de qui le soleil n'est qu'une loupiote, une lampe contre le plafond de notre ciel si bas. Le texte de Jérémie dévoile quelque chose de notre relation à Dieu.
Tout le malheur du prophète vient de ce qu'il a été, à son propre dire, séduit par Dieu (v. 7). De tous les pores de la Création, de chaque lettre de la Loi, la beauté de Dieu, sa sainteté, a transpiré à ses yeux. Séduit par Dieu ! C'en est fini de Jérémie, c'en est fini de sa paix ; c'en sera à terme fini, pour lui, de la saveur de sa vie. C'est face à cette splendeur dévorante, la sainteté de Dieu, que le prophète perçoit désormais de façon incontournable la malédiction qu’est l'inéluctable douleur de sa propre existence ; le manque qui est le sien et que rien en ce monde sans sainteté, impur, ne peut combler. « Malheur à moi, car je suis un homme aux lèvres impures, au milieu d'un peuple aux lèvres impures », dira Ésaïe face à une expérience similaire (És 6).
C’est là le fondement de la parole que Jérémie sera voué à adresser à Jérusalem : c’est dans le miroir de la sainteté divine qu’apparaît la condamnation de Jérusalem et l’exil prochain vers Babylone.
La misère de Jérusalem n'éclate que dans le miroir de la sainteté divine qui a séduit le prophète. Car le péché vient par la loi, selon Paul aux Romains (ch. 5), la loi, ce reflet du Dieu saint. Le péché nous entraîne en effet par le désir de combler le manque de sainteté que la loi de Dieu a révélé en nous. Le prophète l'a su, la séduction de Dieu est aussi la révélation d'un manque. Le péché vient du refus de ce manque ; il naît dans la poursuite effrénée de toutes les nourritures frelatées, de toutes les sources polluées dont on voudrait étancher sa faim et sa soif. Les idoles, les fausses spiritualités et autres mensonges. À propos des idoles, des faux dieux, des dieux et modèles qu’on s’invente, Jérémie parle de citernes crevassées où le peuple s’empoisonne au lieu de se de désaltérer à la parole pure du vrai Dieu, cette parole que porte Jérémie pour son malheur. Jérémie le vit jusqu'en son cri de révolte : « qu'a-t-il fallu que je naisse ! »
Mais il sait aussi que face à Dieu, le monde qui n'est pas à la mesure de Dieu, est insipide, vidé de goût. Un monde de faux-semblants et de masques, qui n’arrivent pas à cacher son manque. Dieu seul peut combler ce manque. La poursuite au mauvais endroit de ce qui ne peut pas le combler ne fait que produire une frustration de plus en plus irrémédiable. Alors Jérémie doit parler, il ne peut pas se taire.
De là naît la malédiction de la vocation de Jérémie, le bien nommé « prophète de malheur ». Car comment Jérusalem à laquelle il prêche, qui, comme la plupart des vivants, n'a pas perçu la source éternelle de ses joies passagères, comment pourrait-elle accueillir de telles jérémiades ? Comment pourrait-elle accepter la parole de son malheur ?
Alors tout plutôt que cela : jusqu'à payer des faux prophètes ; mais surtout faire taire ce rabat-joie. Et la suite du livre rappelle qu’on l’a bien fait : on a payé des faux prophètes pour qu’ils donnent des paroles rassurantes, mais creuses, fausses, pour remplacer la parole du prophète qui dérange parce qu’elle est vraie. Remarquez que lui aussi serait le premier à vouloir se taire, à voir cesser sa honte, le mépris qu’on lui porte. Car c’est à cause de sa vocation qu’on le méprise. Pensez : il dit la vérité.
Mais comment accepter cette parole qui nous dérange tant ? On veut être flatté. Or la vérité ne sait pas flatter ! Alors, à moins de se rendre à l'acceptation de la douleur qui tenaille le prophète, on préférera s’illusionner : j'ai faim, je veux des citernes crevassées, je veux des courges et des cailles, je préfère l’Égypte et l'infantilisme de son esclavage, plutôt que le désert de la Vérité.
Mais pour Jérémie, Dieu l'a saisi, et il ne pourra pas se taire. Il se trouve pris et tiraillé entre les contradictions de sa vocation. Entre la Splendeur dont il sait qu'il ne l'atteint pas, et que le péché et la laideur demeurent, et la paix qui serait dans cette impossible atteinte.
Un spirituel musulman, Hallâj, mis à mort par les siens pour cela, a dit ce tiraillement en des termes qu'aurait sans doute bien compris Jérémie : « prétendre le connaître, c'est de l'ignorance ; persister à le servir, c'est de l'irrespect ; s'interdire de le combattre, c'est folie ; se laisser endormir par sa paix, c'est sottise » (Akhb. 14).
Ignorance que prétendre le connaître, car qui aura les yeux assez grand pour y engloutir le soleil ? Irrespect que de persister à le servir, car comment vouloir parler de Dieu correctement quand je ne connais de sa lumière que la pâle image d'une lampe sur un plafond et quand je sais n’être pas à la mesure de la sainteté que j’ai entrevue ? Comment s'interdire de le combattre, quand toute vraie prière est combat contre un malheur qui vient d’avoir été séduit par Dieu ? Combattre pour survivre face à Dieu, survivre plutôt que de s'endormir dans sa paix, par une sottise qui voudrait me faire oublier que la chouette ne saurait trouver la paix dans le soleil qui la brûle.
C'est dès lors bien cela qui reste à Jérémie : combattre Dieu, dans un combat bien sûr perdu d'avance, pour parvenir, si possible à se taire, à s'endormir dans sa paix, cette paix impossible, pour échapper à la honte d'un service dont il voit bien par-dessus le marché, qu'il est de l'irrespect (cf. v. 8-9).
Mais le comble du désespoir de Jérémie est en ce que sa justice est au cœur même de ses tiraillements, dans les paroles épouvantables de sa honte, dont le tout Jérusalem voudrait qu'il les étouffe — comme lui aussi, d'ailleurs, le voudrait bien (v. 10-11).
Puis, pourtant, c'est au cœur de sa détresse d'être au monde que Jérémie reçoit de Dieu la parole de sa justice. C'est pour celui qui a l'outrance de dire le malaise infini que creuse la sainteté de Dieu entre le désir inassouvi qu'elle a suscité et un vécu blafard — c'est pour celui qui dit ce malaise, et en quels termes, — que Dieu prend parti ; et point pour les désespérés joyeux dont le sommeil aveugle voudrait sceller la bouche qui menace leur trop sotte paix. C'est alors que Jérémie invoque contre Lui-même le Dieu qui le voit autrement (v.11-13).
Ici, le malheur de Jérémie se transfigure : quelle que soit l'incongruité de la parole qu'il a à porter, elle est la parole du relèvement de Jérusalem, au cœur de son malheur. Dans cette certitude d'un manque que rien ne peut assouvir, perce alors le regard de Dieu. Les hommes méprisent les Jérémie parce qu’ils disent ce que Dieu les envoyés dire ? Eh bien, « Dieu connaît chacun de ses moineaux… vous valez plus que beaucoup de moineaux » (Mt 10, 29-31).
Lisons Matthieu 10, 26-33 :
Quelle qu'en soit la douleur, le poids de déchirement, Jérémie ne reniera pas, il continuera donc à dire, « quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père » (Mt 10, 32), nous dit Jésus. Peut-être la grâce de Dieu, ici attestée, aura-t-elle le prix d'un visage inquiet, le visage d'un Jérémie qui a su, hélas, discerner derrière les sourires figés de sa Jérusalem joyeuse, le désespoir sans nom qui est dans ce qui sera le détournement du visage torturé du Christ fondant le monde.
Alors nous voilà comme la chouette condamnée à vivre la nuit pour avoir perçu la Splendeur du soleil, pour en avoir deviné la brûlure. Une chouette aux yeux immenses, ses yeux qui mangent sa figure, ses yeux écarquillés par leur désir de se gorger de lumière, ses yeux qui dès lors et parce qu'ils sont rendus immenses par ce désir de lumière, condamnent la chouette à vivre la nuit, et à porter malgré elle témoignage au soleil, face aux moqueries des êtres dont les petits yeux ne savent pas même deviner sa brûlure.
Jérémie 20, 7-18
7 Tu m’as séduit, Éternel, et je me suis laissé séduire ; Tu m’as saisi, tu m’as vaincu. Et je suis chaque jour un objet de raillerie, Tout le monde se moque de moi.
8 Car toutes les fois que je parle, il faut que je crie, Que je crie à la violence et à l’oppression ! Et la parole de l’Éternel est pour moi Un sujet d’opprobre et de risée chaque jour.
9 Si je dis : Je ne ferai plus mention de lui, Je ne parlerai plus en son nom, Il y a dans mon cœur comme un feu dévorant Qui est renfermé dans mes os. Je m’efforce de le contenir, et je ne le puis.
10 Car j’apprends les mauvais propos de plusieurs, L’épouvante qui règne à l’entour : Accusez-le, et nous l’accuserons ! Tous ceux qui étaient en paix avec moi Observent si je chancelle : Peut-être se laissera-t-il surprendre, Et nous serons maîtres de lui, Nous tirerons vengeance de lui !
11 Mais l’Éternel est avec moi comme un héros puissant ; C’est pourquoi mes persécuteurs chancellent et n’auront pas le dessus ; Ils seront remplis de confusion pour n’avoir pas réussi : Ce sera une honte éternelle qui ne s’oubliera pas.
12 L’Éternel des armées éprouve le juste, Il pénètre les reins et les cœurs. Je verrai ta vengeance s’exercer contre eux, Car c’est à toi que je confie ma cause.
13 Chantez à l’Éternel, louez l’Éternel ! Car il délivre l’âme du malheureux de la main des méchants.
14 Maudit soit le jour où je suis né ! Que le jour où ma mère m’a enfanté Ne soit pas béni !
15 Maudit soit l’homme qui porta cette nouvelle à mon père : Il t’est né un enfant mâle, Et qui le combla de joie !
16 Que cet homme soit comme les villes Que l’Éternel a détruites sans miséricorde ! Qu’il entende des gémissements le matin, Et des cris de guerre à midi !
17 Que ne m’a-t-on fait mourir dans le sein de ma mère ! Que ne m’a-t-elle servi de tombeau ! Que n’est-elle restée éternellement enceinte !
18 Pourquoi suis-je sorti du sein maternel Pour voir la souffrance et la douleur, Et pour consumer mes jours dans la honte ?
*
La chouette vit la nuit, parce que le soleil lui brûle les yeux. Qui de nous osera vivre le jour ?
Le texte de Jérémie que nous avons lu est peut-être une des clefs du mystère de notre relation avec celui auprès de qui le soleil n'est qu'une loupiote, une lampe contre le plafond de notre ciel si bas. Le texte de Jérémie dévoile quelque chose de notre relation à Dieu.
*
Tout le malheur du prophète vient de ce qu'il a été, à son propre dire, séduit par Dieu (v. 7). De tous les pores de la Création, de chaque lettre de la Loi, la beauté de Dieu, sa sainteté, a transpiré à ses yeux. Séduit par Dieu ! C'en est fini de Jérémie, c'en est fini de sa paix ; c'en sera à terme fini, pour lui, de la saveur de sa vie. C'est face à cette splendeur dévorante, la sainteté de Dieu, que le prophète perçoit désormais de façon incontournable la malédiction qu’est l'inéluctable douleur de sa propre existence ; le manque qui est le sien et que rien en ce monde sans sainteté, impur, ne peut combler. « Malheur à moi, car je suis un homme aux lèvres impures, au milieu d'un peuple aux lèvres impures », dira Ésaïe face à une expérience similaire (És 6).
C’est là le fondement de la parole que Jérémie sera voué à adresser à Jérusalem : c’est dans le miroir de la sainteté divine qu’apparaît la condamnation de Jérusalem et l’exil prochain vers Babylone.
La misère de Jérusalem n'éclate que dans le miroir de la sainteté divine qui a séduit le prophète. Car le péché vient par la loi, selon Paul aux Romains (ch. 5), la loi, ce reflet du Dieu saint. Le péché nous entraîne en effet par le désir de combler le manque de sainteté que la loi de Dieu a révélé en nous. Le prophète l'a su, la séduction de Dieu est aussi la révélation d'un manque. Le péché vient du refus de ce manque ; il naît dans la poursuite effrénée de toutes les nourritures frelatées, de toutes les sources polluées dont on voudrait étancher sa faim et sa soif. Les idoles, les fausses spiritualités et autres mensonges. À propos des idoles, des faux dieux, des dieux et modèles qu’on s’invente, Jérémie parle de citernes crevassées où le peuple s’empoisonne au lieu de se de désaltérer à la parole pure du vrai Dieu, cette parole que porte Jérémie pour son malheur. Jérémie le vit jusqu'en son cri de révolte : « qu'a-t-il fallu que je naisse ! »
Mais il sait aussi que face à Dieu, le monde qui n'est pas à la mesure de Dieu, est insipide, vidé de goût. Un monde de faux-semblants et de masques, qui n’arrivent pas à cacher son manque. Dieu seul peut combler ce manque. La poursuite au mauvais endroit de ce qui ne peut pas le combler ne fait que produire une frustration de plus en plus irrémédiable. Alors Jérémie doit parler, il ne peut pas se taire.
*
De là naît la malédiction de la vocation de Jérémie, le bien nommé « prophète de malheur ». Car comment Jérusalem à laquelle il prêche, qui, comme la plupart des vivants, n'a pas perçu la source éternelle de ses joies passagères, comment pourrait-elle accueillir de telles jérémiades ? Comment pourrait-elle accepter la parole de son malheur ?
Alors tout plutôt que cela : jusqu'à payer des faux prophètes ; mais surtout faire taire ce rabat-joie. Et la suite du livre rappelle qu’on l’a bien fait : on a payé des faux prophètes pour qu’ils donnent des paroles rassurantes, mais creuses, fausses, pour remplacer la parole du prophète qui dérange parce qu’elle est vraie. Remarquez que lui aussi serait le premier à vouloir se taire, à voir cesser sa honte, le mépris qu’on lui porte. Car c’est à cause de sa vocation qu’on le méprise. Pensez : il dit la vérité.
Mais comment accepter cette parole qui nous dérange tant ? On veut être flatté. Or la vérité ne sait pas flatter ! Alors, à moins de se rendre à l'acceptation de la douleur qui tenaille le prophète, on préférera s’illusionner : j'ai faim, je veux des citernes crevassées, je veux des courges et des cailles, je préfère l’Égypte et l'infantilisme de son esclavage, plutôt que le désert de la Vérité.
Mais pour Jérémie, Dieu l'a saisi, et il ne pourra pas se taire. Il se trouve pris et tiraillé entre les contradictions de sa vocation. Entre la Splendeur dont il sait qu'il ne l'atteint pas, et que le péché et la laideur demeurent, et la paix qui serait dans cette impossible atteinte.
Un spirituel musulman, Hallâj, mis à mort par les siens pour cela, a dit ce tiraillement en des termes qu'aurait sans doute bien compris Jérémie : « prétendre le connaître, c'est de l'ignorance ; persister à le servir, c'est de l'irrespect ; s'interdire de le combattre, c'est folie ; se laisser endormir par sa paix, c'est sottise » (Akhb. 14).
Ignorance que prétendre le connaître, car qui aura les yeux assez grand pour y engloutir le soleil ? Irrespect que de persister à le servir, car comment vouloir parler de Dieu correctement quand je ne connais de sa lumière que la pâle image d'une lampe sur un plafond et quand je sais n’être pas à la mesure de la sainteté que j’ai entrevue ? Comment s'interdire de le combattre, quand toute vraie prière est combat contre un malheur qui vient d’avoir été séduit par Dieu ? Combattre pour survivre face à Dieu, survivre plutôt que de s'endormir dans sa paix, par une sottise qui voudrait me faire oublier que la chouette ne saurait trouver la paix dans le soleil qui la brûle.
C'est dès lors bien cela qui reste à Jérémie : combattre Dieu, dans un combat bien sûr perdu d'avance, pour parvenir, si possible à se taire, à s'endormir dans sa paix, cette paix impossible, pour échapper à la honte d'un service dont il voit bien par-dessus le marché, qu'il est de l'irrespect (cf. v. 8-9).
*
Mais le comble du désespoir de Jérémie est en ce que sa justice est au cœur même de ses tiraillements, dans les paroles épouvantables de sa honte, dont le tout Jérusalem voudrait qu'il les étouffe — comme lui aussi, d'ailleurs, le voudrait bien (v. 10-11).
Puis, pourtant, c'est au cœur de sa détresse d'être au monde que Jérémie reçoit de Dieu la parole de sa justice. C'est pour celui qui a l'outrance de dire le malaise infini que creuse la sainteté de Dieu entre le désir inassouvi qu'elle a suscité et un vécu blafard — c'est pour celui qui dit ce malaise, et en quels termes, — que Dieu prend parti ; et point pour les désespérés joyeux dont le sommeil aveugle voudrait sceller la bouche qui menace leur trop sotte paix. C'est alors que Jérémie invoque contre Lui-même le Dieu qui le voit autrement (v.11-13).
*
Ici, le malheur de Jérémie se transfigure : quelle que soit l'incongruité de la parole qu'il a à porter, elle est la parole du relèvement de Jérusalem, au cœur de son malheur. Dans cette certitude d'un manque que rien ne peut assouvir, perce alors le regard de Dieu. Les hommes méprisent les Jérémie parce qu’ils disent ce que Dieu les envoyés dire ? Eh bien, « Dieu connaît chacun de ses moineaux… vous valez plus que beaucoup de moineaux » (Mt 10, 29-31).
Lisons Matthieu 10, 26-33 :
26 Ne les craignez donc point ; car il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu.
27 Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en plein jour ; et ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-le sur les toits.
28 Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne.
29 Ne vend-on pas deux passereaux pour un sou ? Cependant, il n’en tombe pas un à terre sans la volonté de votre Père.
30 Et même les cheveux de votre tête sont tous comptés.
31 Ne craignez donc point : vous valez plus que beaucoup de passereaux.
32 C’est pourquoi, quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux ;
33 mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans les cieux.
Quelle qu'en soit la douleur, le poids de déchirement, Jérémie ne reniera pas, il continuera donc à dire, « quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père » (Mt 10, 32), nous dit Jésus. Peut-être la grâce de Dieu, ici attestée, aura-t-elle le prix d'un visage inquiet, le visage d'un Jérémie qui a su, hélas, discerner derrière les sourires figés de sa Jérusalem joyeuse, le désespoir sans nom qui est dans ce qui sera le détournement du visage torturé du Christ fondant le monde.
*
Alors nous voilà comme la chouette condamnée à vivre la nuit pour avoir perçu la Splendeur du soleil, pour en avoir deviné la brûlure. Une chouette aux yeux immenses, ses yeux qui mangent sa figure, ses yeux écarquillés par leur désir de se gorger de lumière, ses yeux qui dès lors et parce qu'ils sont rendus immenses par ce désir de lumière, condamnent la chouette à vivre la nuit, et à porter malgré elle témoignage au soleil, face aux moqueries des êtres dont les petits yeux ne savent pas même deviner sa brûlure.
R.P., Châtellerault, 25.6.17
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire