Ésaïe 5, 1-7 ; Psaume 80 ; Philippiens 4, 6-9 ; Matthieu 21, 33-43
Ésaïe 5, 1-7
Matthieu 21, 33-43
Ceux qui cherchent à arrêter Jésus, puisque c’est bien de cela qu’il est question, le font selon une habitude qui n’est pas nouvelle contre les porte-parole que Dieu envoie. Et qui correspond à une manie universelle de rejeter ceux dont le message dérange. Et la parole de Dieu dérange radicalement, plus que tout autre message !
Une attitude de rejet qui au temps de Jésus n’est pas plus nouvelle en Israël qu’ailleurs. Il n’est qu’à lire ce qui se passait au temps d’Ésaïe, ce qui — l’histoire nous l‘apprendra — ne s’arrêtera pas là.
Inutile de dire qu’il n’y a dans ce texte aucun rejet d’Israël en faveur de l’Église, comme cela a hélas été souvent pensé par une lecture terrible et fausse du v. 43 ! Il y est question d’une catastrophe annoncée (similaire à celle qu’annonçaient les prophètes face à la menace babylonienne) — et Jésus en a pleuré. Ça vaut de tout temps. « Tu avais arraché de l'Égypte une vigne ; tu as chassé des nations et tu l'as plantée », rappelle le Psaume 80, v. 9.
Quant au rejet des prophètes, il n’est qu’à voir la façon dont ont été traités les divers envoyés de Dieu aux époques antérieures… et ultérieures et notamment dans les diverses périodes de l’Église chrétienne, et particulièrement, peut-être, la nôtre (pensons, pour ne donner que cet exemple, au cas emblématique du pasteur M.L. King) ; et cela en premier lieu de la part de ceux qui se voient octroyer des responsabilités. C’est ainsi.
Mais alors, pourquoi une telle parabole, aussi bien chez Ésaïe que chez Jésus ? Si la chose est normale, ne faut-il pas faire avec, prendre patience et en rester là ?! Mais voilà : dans les deux cas là n’est pas le propos. Le propos est qu’il y a des limites, et qu’un jour vient où elles sont atteintes. Et le jour est venu. Avant d’en venir là, et pour en venir là, il y a nombre de signes.
Le signe que donne Ésaïe (ch. 28, v. 2), est formulé ainsi : « Voici un puissant guerrier du Seigneur, semblable à un orage de grêle, à une tempête dévastatrice, à un orage qui fait déborder les eaux impétueuses [...]. » (Cf. Ps 80).
Le signe que donne Jésus est la façon dont ceux à qui est confiée la vigne (la vigne de Dieu, son peuple, Israël ou Église) traitent ceux que Dieu a chargés de prêcher sa parole.
Dieu donne des signes de la limite au-delà de laquelle la vigne, avec ses responsables, sont laissés dévastés. Car Dieu n’a pas besoin de ceux qui se croient indispensables. Il mènera son projet à son terme avec eux s’il le peut, malgré eux s’il le faut.
Il n’a pas besoin de responsables qui se donnent pour tâche de juger ou de noter la parole de Dieu — à travers ses envoyés. Il n’a pas besoin de ces personnages prétendument indispensables à Dieu, et qui du haut de leur pouvoir croient gérer la qualité du message des envoyés. Jésus l’a dit ailleurs : leur appréciation n’est fonction que de ce que ce message va ou pas dans le sens de leur poil.
Et Jésus de dire aux envoyés — Luc 6, 22-23,26 : « Heureux êtes-vous lorsque les hommes vous haïssent, lorsqu’ils vous rejettent et qu’ils insultent et proscrivent votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme. Réjouissez-vous ce jour-là et bondissez de joie, car voici, votre récompense est grande dans le ciel ; c’est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les prophètes. [Mais] malheureux êtes-vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous : c’est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les faux prophètes. »
De tout temps, on a donné des bons points à ceux qui caressent leur audience dans le sens du poil. Et de tout temps, on a mal noté, critiqué, maltraité, voire physiquement, les prophètes que Dieu envoie, mais qui bien sûr ne disent pas forcément ce que l’on voudrait entendre ; mais, dans la mesure du possible, ce que Dieu dit. Et à partir de là, c’est une parabole sur la limite qui nous est donnée : les limites sont atteintes, nous disent Ésaïe comme Jésus. Et si vous ne changez pas, les choses changeront, malgré vous et contre vous.
Voilà qui pourrait être d’une criante actualité quand on sait que les vignerons sont censés recueillir les fruits de la vigne de Dieu pour en répartir le fruit de manière juste. Ceux qui ont des biens les ont reçus de Dieu pour les partager. Que dire d’un monde où ceux qui ont reçu non seulement n’ont pas contribué à rendre le monde plus beau et plus juste, mais n’ont fait que creuser des fossés de façon scandaleuse ? Que dire de l’Église qui, malgré force caresses de tous dans le sens du poil, ne cesse pas de se vider pour autant. Le jour vient, et il est déjà venu — où Dieu remet les pendules à l’heure, et donne sa vigne à gérer à d’autres !
Alors puisque Dieu parle encore, puisqu’il a encore quelque chose à nous dire, soyons attentifs, écoutons sa parole, et il y aura peut-être un avenir. « Aujourd’hui si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs. » Il s’agit de changer de comportement. Conversion, repentir, dit le Psaume 80 : « fais-nous revenir, Seigneur ». La grâce de Dieu est encore active : Il parle encore. Sachons l’entendre.
Ésaïe 5, 1-7
1 Que je chante pour mon ami, le chant du bien-aimé et de sa vigne : Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau plantureux.
2 Il y retourna la terre, enleva les pierres, et installa un plant de choix. Au milieu, il bâtit une tour et il creusa aussi un pressoir. Il en attendait de beaux raisins, il n’en eut que de mauvais.
3 Et maintenant, habitants de Jérusalem et gens de Juda, soyez donc juges entre moi et ma vigne.
4 Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ? J’en attendais de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle produit de mauvais ?
5 Eh bien, je vais vous apprendre ce que je vais faire à ma vigne : enlever la haie pour qu’elle soit dévorée, faire une brèche dans le mur pour qu’elle soit piétinée.
6 J’en ferai une pente désolée, elle ne sera ni taillée ni sarclée, il y poussera des épines et des ronces, et j’interdirai aux nuages d’y faire tomber la pluie.
7 La vigne du SEIGNEUR, le tout-puissant, c’est la maison d’Israël, et les gens de Juda sont le plant qu’il chérissait. Il en attendait le droit, et c’est l’injustice. Il en attendait la justice, et il ne trouve que les cris des malheureux.
Matthieu 21, 33-43
33 "Écoutez une autre parabole. Il y avait un propriétaire qui planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et bâtit une tour ; puis il la donna en fermage à des vignerons et partit en voyage.
34 Quand le temps des fruits approcha, il envoya ses serviteurs aux vignerons pour recevoir les fruits qui lui revenaient.
35 Mais les vignerons saisirent ces serviteurs ; l’un, ils le rouèrent de coups ; un autre, ils le tuèrent ; un autre, ils le lapidèrent.
36 Il envoya encore d’autres serviteurs, plus nombreux que les premiers ; ils les traitèrent de même.
37 Finalement, il leur envoya son fils, en se disant: Ils respecteront mon fils.
38 Mais les vignerons, voyant le fils, se dirent entre eux : C’est l’héritier. Venez ! Tuons-le et emparons-nous de l’héritage.
39 Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent.
40 Eh bien ! lorsque viendra le maître de la vigne, que fera-t-il à ces vignerons-là ?"
41 Ils lui répondirent : "Il fera périr misérablement ces misérables, et il donnera la vigne en fermage à d’autres vignerons, qui lui remettront les fruits en temps voulu."
42 Jésus leur dit : "N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, c’est elle qui est devenue la pierre angulaire ; c’est là l’œuvre du Seigneur: Quelle merveille à nos yeux. (Ps 118, 22-23 ; És 28, 16)
43 Aussi je vous le déclare : le Royaume de Dieu vous sera enlevé, et il sera donné à un peuple qui en produira les fruits.
*
Ceux qui cherchent à arrêter Jésus, puisque c’est bien de cela qu’il est question, le font selon une habitude qui n’est pas nouvelle contre les porte-parole que Dieu envoie. Et qui correspond à une manie universelle de rejeter ceux dont le message dérange. Et la parole de Dieu dérange radicalement, plus que tout autre message !
Une attitude de rejet qui au temps de Jésus n’est pas plus nouvelle en Israël qu’ailleurs. Il n’est qu’à lire ce qui se passait au temps d’Ésaïe, ce qui — l’histoire nous l‘apprendra — ne s’arrêtera pas là.
Inutile de dire qu’il n’y a dans ce texte aucun rejet d’Israël en faveur de l’Église, comme cela a hélas été souvent pensé par une lecture terrible et fausse du v. 43 ! Il y est question d’une catastrophe annoncée (similaire à celle qu’annonçaient les prophètes face à la menace babylonienne) — et Jésus en a pleuré. Ça vaut de tout temps. « Tu avais arraché de l'Égypte une vigne ; tu as chassé des nations et tu l'as plantée », rappelle le Psaume 80, v. 9.
Quant au rejet des prophètes, il n’est qu’à voir la façon dont ont été traités les divers envoyés de Dieu aux époques antérieures… et ultérieures et notamment dans les diverses périodes de l’Église chrétienne, et particulièrement, peut-être, la nôtre (pensons, pour ne donner que cet exemple, au cas emblématique du pasteur M.L. King) ; et cela en premier lieu de la part de ceux qui se voient octroyer des responsabilités. C’est ainsi.
Mais alors, pourquoi une telle parabole, aussi bien chez Ésaïe que chez Jésus ? Si la chose est normale, ne faut-il pas faire avec, prendre patience et en rester là ?! Mais voilà : dans les deux cas là n’est pas le propos. Le propos est qu’il y a des limites, et qu’un jour vient où elles sont atteintes. Et le jour est venu. Avant d’en venir là, et pour en venir là, il y a nombre de signes.
Le signe que donne Ésaïe (ch. 28, v. 2), est formulé ainsi : « Voici un puissant guerrier du Seigneur, semblable à un orage de grêle, à une tempête dévastatrice, à un orage qui fait déborder les eaux impétueuses [...]. » (Cf. Ps 80).
Le signe que donne Jésus est la façon dont ceux à qui est confiée la vigne (la vigne de Dieu, son peuple, Israël ou Église) traitent ceux que Dieu a chargés de prêcher sa parole.
Dieu donne des signes de la limite au-delà de laquelle la vigne, avec ses responsables, sont laissés dévastés. Car Dieu n’a pas besoin de ceux qui se croient indispensables. Il mènera son projet à son terme avec eux s’il le peut, malgré eux s’il le faut.
Il n’a pas besoin de responsables qui se donnent pour tâche de juger ou de noter la parole de Dieu — à travers ses envoyés. Il n’a pas besoin de ces personnages prétendument indispensables à Dieu, et qui du haut de leur pouvoir croient gérer la qualité du message des envoyés. Jésus l’a dit ailleurs : leur appréciation n’est fonction que de ce que ce message va ou pas dans le sens de leur poil.
Et Jésus de dire aux envoyés — Luc 6, 22-23,26 : « Heureux êtes-vous lorsque les hommes vous haïssent, lorsqu’ils vous rejettent et qu’ils insultent et proscrivent votre nom comme infâme, à cause du Fils de l’homme. Réjouissez-vous ce jour-là et bondissez de joie, car voici, votre récompense est grande dans le ciel ; c’est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les prophètes. [Mais] malheureux êtes-vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous : c’est en effet de la même manière que leurs pères traitaient les faux prophètes. »
De tout temps, on a donné des bons points à ceux qui caressent leur audience dans le sens du poil. Et de tout temps, on a mal noté, critiqué, maltraité, voire physiquement, les prophètes que Dieu envoie, mais qui bien sûr ne disent pas forcément ce que l’on voudrait entendre ; mais, dans la mesure du possible, ce que Dieu dit. Et à partir de là, c’est une parabole sur la limite qui nous est donnée : les limites sont atteintes, nous disent Ésaïe comme Jésus. Et si vous ne changez pas, les choses changeront, malgré vous et contre vous.
Voilà qui pourrait être d’une criante actualité quand on sait que les vignerons sont censés recueillir les fruits de la vigne de Dieu pour en répartir le fruit de manière juste. Ceux qui ont des biens les ont reçus de Dieu pour les partager. Que dire d’un monde où ceux qui ont reçu non seulement n’ont pas contribué à rendre le monde plus beau et plus juste, mais n’ont fait que creuser des fossés de façon scandaleuse ? Que dire de l’Église qui, malgré force caresses de tous dans le sens du poil, ne cesse pas de se vider pour autant. Le jour vient, et il est déjà venu — où Dieu remet les pendules à l’heure, et donne sa vigne à gérer à d’autres !
Alors puisque Dieu parle encore, puisqu’il a encore quelque chose à nous dire, soyons attentifs, écoutons sa parole, et il y aura peut-être un avenir. « Aujourd’hui si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs. » Il s’agit de changer de comportement. Conversion, repentir, dit le Psaume 80 : « fais-nous revenir, Seigneur ». La grâce de Dieu est encore active : Il parle encore. Sachons l’entendre.
R.P., Poitiers, 08.10.17
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