dimanche 16 septembre 2018

"Qui dites-vous que je suis ?"




Ésaïe 50, 5-9 ; Psaume 116 ; Jacques 2, 14-18 ; Marc 8, 27-35

Marc 8, 27-35
27 Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages voisins de Césarée de Philippe. En chemin, il interrogeait ses disciples: "Qui suis-je, au dire des hommes ?"
28 Ils lui dirent : "Jean le Baptiste ; pour d'autres, Élie ; pour d'autres, l'un des prophètes."
29 Et lui leur demandait : "Et vous, qui dites-vous que je suis ?" Prenant la parole, Pierre lui répond : "Tu es le Christ."
30 Et il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne.
31 Puis il commença à leur enseigner qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite.
32 Il tenait ouvertement ce langage. Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander.
33 Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, réprimanda Pierre ; il lui dit : "Retire-toi ! Derrière moi, Satan, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes."
34 Puis il fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit : "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive.
35 En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile, la sauvera.

*

« Qui suis-je, au dire des hommes ?… Et vous qui dites-vous que je suis ? » a demandé Jésus à ses disciples.

Réponse de Pierre : « Tu es le Christ. » D'où son refus de le voir mourir. Le Messie instaure le Règne de Dieu, il ne meurt pas crucifié — par l’ennemi !

Pierre espère pour Jésus un règne de roi ! — il vient de dire qu’il est le Christ, le Messie, le roi, donc. Lui qui voudrait donc pour son maître au moins autre chose qu’une mort ignoble, et pourquoi pas ce qui lui revient, le règne des rois — plutôt que cette mort —, lui, Pierre, se fait tout de même pour cela traiter de satan !

Jésus en effet a répondu aux disciples qu'il sera crucifié, tué de ce châtiment romain, avant d'ajouter qu'il leur faut aussi se préparer (v. 34) : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive. » Comme Simon de Cyrène aidait Jésus à porter la sienne (Mc 15, 21), il nous appartient de prendre notre part de celle à qui est aujourd'hui si durement imposée au Christ.

Comme Jésus est en route vers Jérusalem, se déplace vers la croix, il s’agit pour ses disciples, nous, de se déplacer vers une toute nouvelle compréhension de celui que nous entendons suivre.

Voilà qui éclaire la question de Jésus ! Il n’est pas seulement question de ce que disent de lui les hommes, mais de « vous — qui dites-vous que je suis ? » . Il est question de votre réponse, notre réponse, ma réponse, une réponse, donc, qui engage…

On arrive là au cœur du propos de Jésus : il s’agit pour lui de situer ses disciples face à lui seul. À ce point le fait qu’ « il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne » (v.30) prend un autre sens, soulignant l’intimité de la relation d’engagement vis-à-vis de Jésus.

Jésus invite les siens, son peuple, nous, même au cœur des quolibets, à n'avoir pas honte de ses paroles, celles de l'amour de Dieu pour tous. Nulle crainte dans son refus de la publicité, « il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne ». En évitant le quiproquo auquel Pierre lui-même succombe autour du terme « Messie », Jésus ne cherche pas à éviter sa crucifixion — mais que l’on ne se méprenne pas sur la nature de son règne ! Son règne est au plus intime de nos êtres.

Il est le Christ en un sens d’une toute autre ampleur. En un sens qui est que le Nom imprononçable se dévoile ici en son porte-parole comme étant effectivement insaisissable au point que le règne de son représentant ne peut qu’être tu à son tour.

Il en résulte que le Christ n’est la propriété d’aucun peuple, d’aucune Église. Il est le Fils de Dieu, le sauveur de tous — et c’est pourquoi « qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile, la sauvera. » C’est de la sorte qu’il nous appelle à venir à lui — qui que nous soyons, et comme nous sommes — aujourd’hui, maintenant !…

La question initiale — « Qui suis-je, au dire des hommes ? » à laquelle chacun répondait en fonction de la perplexité et des questions que suscitait Jésus, nous est alors posée tout à nouveau, à chacun de nous : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? »

*

« Et vous, qui dites-vous que je suis ? », c’est cela qui importe et non pas « que disent les hommes de moi ? » — Se situer face à lui, malgré sa prochaine réputation déplorable pour des lendemains catastrophiques — la croix —  ; bref, quoique cela coûte.

À ce point, tout a changé. On est passé à ce que « vous, vous dites ». Passé de « on » à « toi », de l'admiration plus ou moins béate mais finalement pas dérangeante, à la mise en question. Jésus n’attend pas une réponse anonyme ; il n'a que faire d’une réponse admirative, mais qui, dans une heure, sera oubliée, et qui, finalement n'aura guère de conséquences dans les vies ; les foules bientôt crucifieuses rangeront par la suite ce « grand homme » dans leur mémoire comme on range des photos de grands hommes. Et dans la galerie des grands personnages, il y en aura un de plus…

Un tel engouement pour lui-même n’intéresse pas Jésus. Il veut une réponse personnelle (toi : moi !) qui engage, qui compromet pour toujours. Une réponse où tout change dans la vie de celui qui la formule. Une réponse comme celle que va donner Pierre : « tu es le Christ de Dieu », mais qui veuille dire concrètement : « tu es mon Seigneur ; tu es celui qui est au cœur de ma foi, celui qui donne un sens à ma vie et à mon histoire ; celui en dehors de qui je ne peux plus désormais trouver de raison de vivre. »

Jésus requiert aujourd’hui de nous une réponse qui joue toute notre vie. Celle de la foi, différente de l'admiration qui n'est jamais que sa mauvaise copie, d'autant plus dangereuse qu'elle permet d'esquiver Jésus et d'esquiver son salut.

Alors la foi étant arrivée, Jésus affirmera que l'heure est aussi arrivée de révéler quel sera le Christ et quel sera le signe de son règne : beaucoup souffrir ; être rejeté par les responsables en place ; être condamné et mis à mort (alors qu'il semblait devoir être porté aux nues) ; et être ressuscité ». « Et vous, qui dites-vous que je suis. » C’est la question qui nous est posée, à nous aussi aujourd’hui. La réponse correspond à rien moins qu’à un engagement : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? »


RP, Poitiers 19/09/18


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