Actes 14, 21-27 ; Psaume 145 ; Apocalypse 21, 1-5 ; Jean 13, 31-35
Hébreux 11, 1-19
L’Épître aux Hébreux conduit ses lecteurs jusqu’à ce ch. 11 dans sa conviction que si notre temps passager est en train de passer ; si ce passage risque même de se faire dans la douleur, ce monde qui passe a un fondement inébranlable que le Christ est venu dévoiler.
Et cela de façon telle qu’ayant vécu la réalité de l’humanité, et cela jusqu’à la mort, il l’a conduite aussi, à travers ce passage de sa propre mort, à son fondement éternel. Et cet accès n’est le fait que de la foi, de la foi seule, « substance des choses qu’on espère », « substance » littéralement selon le mot grec employé ici. Ce mot désigne le fondement, ce qui est en dessous, ce qui se tient en dessous ; à savoir ce qui fonde ce que l’on espère et que le Christ a dévoilé.
L’auteur de l’Épître tient là à ses lecteurs un propos visant à leur consolation dans un temps de détresse où ce qui tient lieu de cœur du monde et de sa relation avec Dieu, le Temple, est en proie à la violence de l’armée romaine, à la veille de sa destruction : la foi est la substance de ce que l’on espère. La foi, et rien d’autre, pas même l’Église où cette parole doit être proclamée. Comme le rite du Temple, seul rite biblique, symbolise une réalité éternelle, le rite de l’Église a fonction symbolique et la parole qu’elle porte désigne ce fondement éternel.
Les Églises et leurs rites relèvent du provisoire. Le Christ ne se confond pas avec une Église ni avec fortiori avec telle ou telle institution d’Église ou autre, depuis nos diaconats jusqu’à nos instituions laïques. La réalité éternelle sur laquelle ouvre la foi relève de la foi seule. L’auteur témoigne ainsi, malgré les différences qui l’en distinguent, de sa proximité d’avec Paul, l’Apôtre de l’affirmation insistante du salut par la foi seule, avec lequel on l’a parfois confondu.
Ainsi, ce n’est pas celui qui a fait montre de puissance, comme Caïn, que Dieu justifie, mais celui qui a foi, comme Abel. Ou encore, Hénoch qui selon la Genèse a accédé à la réalité éternelle par une élévation est le signe de la foi comme substance fondamentale. Noé qui selon la Genèse a traversé la destruction du monde par la foi en est un autre. « La justice s’obtient par la foi ».
L’Épître rappelle alors que le peuple hébreu a été fondé sur la foi en une promesse concernant quelque chose qu’il ne voyait pas encore, lui non plus que ses héritiers.
C’est pour cela que l’Épître remonte aux racines patriarcales, aux premiers temps de la constitution du peuple, d’Abraham aux prophètes.
Aucun de tous ceux-là qui n’ait cheminé par la foi sur les routes de la promesse.
Il n’est pas jusqu’aux passages les plus concrets qui n’aient été traversés par la foi, puisque sans la foi de Sarah, devenue trop âgée pour enfanter, Isaac n’aurait pas vu le jour indispensable pour qu’advienne la réalisation de la promesse !
Pas de retour possible vers une nostalgie d’un passé qui ne reviendra pas. Nous voilà « étrangers et résidents temporaires sur la terre. » En marche vers une autre patrie, « c’est-à-dire céleste ». La transposition, du temps à l'éternité, pratique typique de l’Épître aux Hébreux, est ici remarquable. Transposition immédiate. La promesse est au fond, en vérité, celle de la rencontre du fondement éternel de ce temps passager : la Cité céleste.
Promesse de résurrection : il n’est pas jusqu’à la ligature d’Isaac par Abraham qui ne soit lue à la lumière de la foi à la résurrection, qui s’est à présent approchée dans le Christ préexistant dans ce monde de la résurrection et venu la dévoiler dans notre temps passager.
En écho à ce cheminement des patriarches et aux signes qu’ils ont portés, alors que s’approche l’accomplissement de la promesse, Jésus à l’heure de sa mort et de sa résurrection que l’Epître a vu préfigurée dans la ligature d’Isaac, Jésus annonce cet accomplissement qui s’approche à la croix en ces termes :
Jean 13, 31-35 :
À l’heure de la glorification du fils, c’est la nouveauté radicale de la nouvelle création qui est appelée à être portée par les disciples dans l’accomplissement toujours nouveau du commandement qui annonce le monde nouveau et qui fonde notre service.
Car c’est le manque de la pratique du commandement où se source le monde nouveau qui éloigne l’horizon que dessine la foi. C’est le manque du chérissement dont le Christ donne la plénitude qui est la source de la douleur, des larmes, de tout ce qui oblitère le Royaume.
Le chérissement, rendant son prix à ce qui nous est offert, à celui, celle qui nous sont offerts comme infiniment précieux et à servir ; infiniment chers — le chérissement, commandement nouveau est alors nouveauté de vie, nouveau comme est nouveau le Cantique nouveau annoncé par l’Apocalypse, et qui est plus ancien que le monde même, nouveauté perpétuelle de la Création et de la Création nouvelle.
Apocalypse 21, 1-5 :
Hébreux 11, 1-19
1 Or la foi, c'est la réalité de ce qu'on espère, l'attestation de choses qu'on ne voit pas.
2 C'est par elle que les anciens ont reçu un bon témoignage.
3 Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par une parole de Dieu, de sorte que ce qu'on voit ne provient pas de ce qui est manifeste.
4 C'est par la foi qu'Abel offrit à Dieu un sacrifice de plus grande valeur que celui de Caïn ; par elle, il lui fut rendu le témoignage qu'il était juste, Dieu lui-même rendant témoignage à ses offrandes ; par elle, quoique mort, il parle encore.
5 C'est par la foi qu'Hénoch fut transporté, de sorte qu'il ne vit pas la mort ; on ne le trouva plus, parce que Dieu l'avait transporté. En effet, avant d'être transporté, il avait reçu le témoignage qu'il plaisait à Dieu.
6 Or, sans la foi, il est impossible de lui plaire, car celui qui s'approche de Dieu doit croire que celui-ci est et qu'il récompense ceux qui le recherchent.
7 C'est par la foi que Noé, divinement averti de ce qu'on ne voyait pas encore et animé par sa piété, bâtit une arche pour le salut de sa maison ; c'est par elle qu'il condamna le monde et devint héritier de la justice qui répond à la foi.
8 C'est par la foi qu'Abraham obéit à un appel en partant vers un lieu qu'il allait recevoir en héritage : il partit sans savoir où il allait.
9 C'est par la foi qu'il vint s'exiler sur la terre promise comme dans un pays étranger, habitant sous des tentes avec Isaac et Jacob, héritiers avec lui de la même promesse.
10 Car il attendait la cité qui a de solides fondations, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur.
11 C'est par la foi aussi que Sara elle-même, malgré sa stérilité et son âge avancé, fut rendue capable d'avoir une descendance, parce qu'elle tint pour digne de confiance celui qui avait fait la promesse.
12 C'est pourquoi d'un seul homme — et d'un homme déjà atteint par la mort — sont nés des descendants aussi nombreux que les étoiles du ciel et que le sable qui est au bord de la mer, qu'on ne peut compter.
13 C'est selon la foi que tous ceux-là sont morts, sans avoir obtenu les choses promises ; cependant ils les ont vues et saluées de loin, en reconnaissant publiquement qu'ils étaient étrangers et résidents temporaires sur la terre.
14 En effet, ceux qui parlent ainsi montrent clairement qu'ils cherchent une patrie.
15 S'ils avaient eu la nostalgie de celle qu'ils avaient quittée, ils auraient eu le temps d'y retourner.
16 Mais en fait ils aspirent à une patrie supérieure, c'est-à-dire céleste. C'est pourquoi Dieu n'a pas honte d'être appelé leur Dieu ; car il leur a préparé une cité.
17 C'est par la foi qu'Abraham, mis à l'épreuve, a offert Isaac. C'est son fils unique qu'il offrait, lui qui avait accueilli les promesses
18 et à qui il avait été dit : C'est par Isaac que tu auras ce qui sera appelé ta descendance.
19 Il estimait que Dieu avait même le pouvoir de réveiller un mort. C'est pourquoi son fils lui fut rendu : il y a là une parabole.
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L’Épître aux Hébreux conduit ses lecteurs jusqu’à ce ch. 11 dans sa conviction que si notre temps passager est en train de passer ; si ce passage risque même de se faire dans la douleur, ce monde qui passe a un fondement inébranlable que le Christ est venu dévoiler.
Et cela de façon telle qu’ayant vécu la réalité de l’humanité, et cela jusqu’à la mort, il l’a conduite aussi, à travers ce passage de sa propre mort, à son fondement éternel. Et cet accès n’est le fait que de la foi, de la foi seule, « substance des choses qu’on espère », « substance » littéralement selon le mot grec employé ici. Ce mot désigne le fondement, ce qui est en dessous, ce qui se tient en dessous ; à savoir ce qui fonde ce que l’on espère et que le Christ a dévoilé.
L’auteur de l’Épître tient là à ses lecteurs un propos visant à leur consolation dans un temps de détresse où ce qui tient lieu de cœur du monde et de sa relation avec Dieu, le Temple, est en proie à la violence de l’armée romaine, à la veille de sa destruction : la foi est la substance de ce que l’on espère. La foi, et rien d’autre, pas même l’Église où cette parole doit être proclamée. Comme le rite du Temple, seul rite biblique, symbolise une réalité éternelle, le rite de l’Église a fonction symbolique et la parole qu’elle porte désigne ce fondement éternel.
Les Églises et leurs rites relèvent du provisoire. Le Christ ne se confond pas avec une Église ni avec fortiori avec telle ou telle institution d’Église ou autre, depuis nos diaconats jusqu’à nos instituions laïques. La réalité éternelle sur laquelle ouvre la foi relève de la foi seule. L’auteur témoigne ainsi, malgré les différences qui l’en distinguent, de sa proximité d’avec Paul, l’Apôtre de l’affirmation insistante du salut par la foi seule, avec lequel on l’a parfois confondu.
Ainsi, ce n’est pas celui qui a fait montre de puissance, comme Caïn, que Dieu justifie, mais celui qui a foi, comme Abel. Ou encore, Hénoch qui selon la Genèse a accédé à la réalité éternelle par une élévation est le signe de la foi comme substance fondamentale. Noé qui selon la Genèse a traversé la destruction du monde par la foi en est un autre. « La justice s’obtient par la foi ».
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L’Épître rappelle alors que le peuple hébreu a été fondé sur la foi en une promesse concernant quelque chose qu’il ne voyait pas encore, lui non plus que ses héritiers.
C’est pour cela que l’Épître remonte aux racines patriarcales, aux premiers temps de la constitution du peuple, d’Abraham aux prophètes.
Aucun de tous ceux-là qui n’ait cheminé par la foi sur les routes de la promesse.
Il n’est pas jusqu’aux passages les plus concrets qui n’aient été traversés par la foi, puisque sans la foi de Sarah, devenue trop âgée pour enfanter, Isaac n’aurait pas vu le jour indispensable pour qu’advienne la réalisation de la promesse !
Pas de retour possible vers une nostalgie d’un passé qui ne reviendra pas. Nous voilà « étrangers et résidents temporaires sur la terre. » En marche vers une autre patrie, « c’est-à-dire céleste ». La transposition, du temps à l'éternité, pratique typique de l’Épître aux Hébreux, est ici remarquable. Transposition immédiate. La promesse est au fond, en vérité, celle de la rencontre du fondement éternel de ce temps passager : la Cité céleste.
Promesse de résurrection : il n’est pas jusqu’à la ligature d’Isaac par Abraham qui ne soit lue à la lumière de la foi à la résurrection, qui s’est à présent approchée dans le Christ préexistant dans ce monde de la résurrection et venu la dévoiler dans notre temps passager.
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En écho à ce cheminement des patriarches et aux signes qu’ils ont portés, alors que s’approche l’accomplissement de la promesse, Jésus à l’heure de sa mort et de sa résurrection que l’Epître a vu préfigurée dans la ligature d’Isaac, Jésus annonce cet accomplissement qui s’approche à la croix en ces termes :
Jean 13, 31-35 :
31 […] Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui.Le chemin n’est pas terminé : « Là où, moi, je vais, vous, vous ne pouvez pas venir ». Pour l’heure le signe du Royaume qui se dessine comme horizon de notre foi, dont notre foi est déjà la substance, ce Royaume se concrétise, à l’heure où Jésus va être glorifié, c’est-à-dire crucifié. Le Royaume se concrétise en signe dans un commandement nouveau qui est en fait le commandement des origines, dont la Torah porte déjà l’écho, un commandement plus ancien que le monde, mais qui est définitivement nommé commandement nouveau : « que vous vous aimiez les uns les autres ; comme je vous ai aimés, que vous aussi, vous vous aimiez (ou chérissiez) les uns les autres. Si vous avez de l'amour (ou chérissement) les uns pour les autres, tous sauront que vous êtes mes disciples. »
32 Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui, il le glorifiera aussitôt.
33 Mes enfants, je suis avec vous encore un peu. Vous me chercherez ; et comme j'ai dit aux Judéens : « Là où, moi, je vais, vous, vous ne pouvez pas venir », à vous aussi je le dis maintenant.
34 Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres ; comme je vous ai aimés, que vous aussi, vous vous aimiez les uns les autres.
35 Si vous avez de l'amour les uns pour les autres, tous sauront que vous êtes mes disciples.
À l’heure de la glorification du fils, c’est la nouveauté radicale de la nouvelle création qui est appelée à être portée par les disciples dans l’accomplissement toujours nouveau du commandement qui annonce le monde nouveau et qui fonde notre service.
Car c’est le manque de la pratique du commandement où se source le monde nouveau qui éloigne l’horizon que dessine la foi. C’est le manque du chérissement dont le Christ donne la plénitude qui est la source de la douleur, des larmes, de tout ce qui oblitère le Royaume.
Le chérissement, rendant son prix à ce qui nous est offert, à celui, celle qui nous sont offerts comme infiniment précieux et à servir ; infiniment chers — le chérissement, commandement nouveau est alors nouveauté de vie, nouveau comme est nouveau le Cantique nouveau annoncé par l’Apocalypse, et qui est plus ancien que le monde même, nouveauté perpétuelle de la Création et de la Création nouvelle.
Apocalypse 21, 1-5 :
1 Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle ; car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n'était plus.
2 Et je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la ville sainte, la Jérusalem nouvelle, prête comme une mariée qui s'est parée pour son époux.
3 J'entendis du trône une voix forte qui disait : La demeure de Dieu est avec les humains ! Il aura sa demeure avec eux, ils seront ses peuples, et lui-même, qui est Dieu avec eux, sera leur Dieu.
4 Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu.
5 Celui qui était assis sur le trône dit : De tout je fais du nouveau. Et il dit : Ecris, car ces paroles sont certaines et vraies.
RP
Antibes, 02.05.10
Antibes, 02.05.10
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