Pr 4, 1-9 ; Ps 68 ; Hé 12, 18-24
Luc 14, 1-14
Luc 14, 1-14
1 Un jour de shabbath, il était venu manger chez l'un des chefs des pharisiens, et ceux-ci l'observaient.
2 Un hydropique était devant lui.
3 Jésus demanda aux spécialistes de la loi et aux pharisiens : Est-il permis ou non d'opérer une guérison pendant le shabbath ?
4 Ils gardèrent le silence. Alors il prit le malade, le guérit et le renvoya.
5 Puis il leur dit : Lequel de vous, si son fils ou son bœuf tombe dans un puits, ne l'en retirera pas aussitôt, le jour du shabbath ?
6 Et ils ne furent pas capables de répondre à cela.
7 Il adressa une parabole aux invités parce qu'il remarquait comment ceux-ci choisissaient les premières places ; il leur disait :
8 Lorsque tu es invité par quelqu'un à des noces, ne va pas t'installer à la première place, de peur qu'une personne plus considérée que toi n'ait été invitée,
9 et que celui qui vous a invités l'un et l'autre ne vienne te dire : « Cède-lui la place. » Tu aurais alors la honte d'aller t'installer à la dernière place.
10 Mais, lorsque tu es invité, va te mettre à la dernière place, afin qu'au moment où viendra celui qui t'a invité, il te dise : « Mon ami, monte plus haut ! » Alors ce sera pour toi un honneur devant tous ceux qui seront à table avec toi.
11 En effet, quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé.
12 Il disait aussi à celui qui l'avait invité : Lorsque tu donnes un déjeuner ou un dîner, ne convie pas tes amis, ni tes frères, ni les gens de ta parenté, ni des voisins riches, de peur qu'ils ne te rendent ton invitation et qu'ainsi tu sois payé de retour.
13 Mais lorsque tu donnes un banquet, invite des pauvres, des estropiés, des infirmes, des aveugles.
14 Heureux seras-tu, parce qu'ils n'ont pas de quoi te payer de retour! En effet, tu seras payé de retour à la résurrection des justes.
*
Voilà un texte qui nous donne une illustration et une explication de la façon dont les derniers pourraient être les premiers et les premiers les derniers.
Ça commence par le récit d'une guérison que Jésus effectue le jour du shabbath - et il se voit reprocher cet acte, étrange au regard des habitudes religieuses.
Entrée en matière dont il faut tenir compte pour comprendre ce que, dans la parabole qui suit cet incident, Jésus parle de ceux qui sont appelés à être abaissés ou élevés.
Auto-satisfaction religieuse
Quant à cette réticence à ce que Jésus guérisse le jour du shabbath, on sait que l'observance du shabbath n'est pas facultative, selon la Loi ; c’est un des éléments, et pas des moindres, du contrat à remplir – au risque de s'imaginer par là que l'impunité nous est garantie pourvu que l'on soit « en règle avec Dieu », comme on dit. C'est ce que, sans toujours s’en rendre compte, s'on imagine fréquemment, à l’instar, dans doute, de toute une part des religieux auxquels s'adresse Jésus.
L'Alliance a deux parties, Dieu, et nous. Quant à Dieu, il a fait une promesse à Abraham pour sa descendance. Quant à nous il s'agit de remplir notre part, c'est-à-dire d'être en règle avec le Code qui nous est fourni, la Bible, au risque d’en faire ainsi une sorte de manuel d'autosatisfaction religieuse.
C'est bien à cela que Jésus s'en prend, à sa façon radicale, par ses guérisons incongrues. Ici il guérit un homme atteint d'une maladie qui l'affecte depuis longtemps - c'est-à-dire que Jésus aurait pu le guérir le lendemain, par exemple. Et voilà que Jésus retourne à ses adversaires qu'il y a urgence (v. 5).
Or en cas de réelle urgence, les pharisiens admettent la légitimité des interventions au jour du shabbath. Dans un cas d’urgence, celui d'une question immédiate de vie ou de mort, il n'y aurait eu ni discussion ni contestation.
Pas plus pour un être humain que pour un bœuf tombé dans un puits. Car il ne faut pas s'imaginer, à partir de la remarque de Jésus sur le bœuf tombé dans un puits – exemple que Jésus rajoute à un fils, premier exemple trop évident - ; il ne faut donc pas s'imaginer qu'un pharisien quel qu'il soit aurait eu l’indécence de préférer la vie de son bœuf à une vie humaine en danger immédiat ! Les choses étaient prévues, le Talmud en garde souvenir, pas de difficulté dans ce cas.
Mais voilà, ici, on a affaire à une personne qui pouvait attendre un jour de plus.
De quoi choquer : cet homme, Jésus, méprise-t-il le shabbath ?
Pour sa part, Jésus considère le cas de ces malades comme urgent. Mais peut-être d'une autre urgence que celle de la maladie - sans oublier toutefois, justement, qu'un jour de souffrance est une éternité pour celui qui en est affligé.
L'urgence en question est celle du Jour d'Éternité précisément, celle du Royaume de Dieu.
Le shabbath est signe et présence du Royaume de Dieu, ce jour où Dieu s'est reposé, et où tous sont invités à entrer dans son repos, et en priorité les affligés, les malades, les pauvres. On n'annonce pas le Royaume en leur demandant de porter le joug de leur patience que l'on ne touche pas soi-même, en leur fournissant ainsi l' « opium du peuple » -, tout en observant pour notre part scrupuleusement le rituel qui symbolise leur délivrance.
Il faut avoir perçu cela pour comprendre en quoi consiste cette façon de se croire premier, cette façon de s'arroger les places d'honneur - et surtout pourquoi le Maître du repas du Royaume pourrait juger qu'il s'agit de ranger les convives autrement.
Se mettre à la première place
On peut saisir ainsi que se mettre à la première place consiste à user de soi-disant critères religieux, à établir des catégories prioritaires sur la base de la discrimination entre fidèles et infidèles, pharisiens et publicains, chrétiens et incroyants ou idolâtres, etc.
Cela, éventuellement, ô comble, et c'est le risque que Jésus décèle chez ses interlocuteurs, à la mesure de ce recueil de « recettes pour être en règle avec Dieu » que l'on a fait de la Bible. Alors on constate qu'on accomplit la plupart des rites qu'elle prescrit – ce qui est certes bel et bon - à commencer par un des plus importants - il est tout de même dans les dix commandements - le shabbath.
Or la Bible n'est pas un manuel de savoir-vivre religieux ; son but n'est pas de nous faire penser que nous sommes en règle avec Dieu. Car quiconque se pense en règle avec Dieu, se mettra d'une façon ou d'une autre dans les meilleurs fauteuils. Certains d'ailleurs, comme les convives de la parabole, carrément dans les premiers.
Mais, oh ! d'autres ne se mettront pas forcément dans les tout premiers, - l'humilité étant tout de même un des éléments qui permettent d'être en règle avec Dieu ! Façon de se dire, humblement : il reste de toute manière pire que nous : tous ceux dont le comportement fait qu'on les inviterait difficilement à notre propre table. C'est pour cela que Jésus appelle celui qui l'invitait, à inviter - plutôt que les convives qui honorent sa table de leur richesse ou leur – réelle - honorabilité, et qui peut-être, l’inviteront en retour à leurs tables de choix - ; Jésus l'appelle à inviter justement ceux que l'on méprise.
Leur place dans le Royaume n'est peut-être pas celle que leur donne un monde injuste. L'invitation aux premières places du repas du Royaume de leur Maître serait peut-être préférable aux places de vanité de l'honneur des maîtres de ce monde.
Mais quels sont nos critères de jugement de notre propre dignité : ce que Dieu regarde, et qui est invisible pour les yeux ? - ou les vanités et autres conformismes sociaux ou religieux selon lesquels il est si clair que nous sommes en règle ?
Une autre humilité
C'est alors qu'apparaît la nécessité d'une autre humilité, parallèle à celle qui déboucherait sur une capacité à inviter à notre table d'honneur les pauvres, les estropiés et autres malades dont parle Jésus. C'est cette humilité qui serait de nous considérer comme éventuellement moins bien qu'eux devant Dieu, et donc comme honorant pour nous de les avoir parmi nos proches.
Lorsque la réalité à présent cachée sera dévoilée, il s'avèrera peut-être honteux d'avoir fréquenté tel personnage aujourd'hui honoré par tous, et plus honteux encore d'avoir méprisé celui que le Christ, lui, dès aujourd'hui, honore de façon invisible aux yeux de la vanité du temps.
Mais cette humilité-là qui est celle du publicain d'une autre parabole consiste à ne pas se mesurer à nos prétendues mises en règle avec Dieu. Il est un autre regard de Dieu, celui du Christ qui honore le méprisé, un regard qui mène quiconque a perçu qu'il se pose sur lui à savoir qu'il ne saurait y avoir d'homme soi-disant en règle avec Dieu que par inconscience. Ce regard dévoile à qui a perçu que Dieu le pose sur lui que c'est là le regard qui seul fait vivre.
C'est ce regard du Christ qui suscite l'attitude que Dieu agrée, et qui consiste à s'attendre à lui seul, et donc à rejeter les honorabilités qui nous importent tant, et à ne pas se fier à toutes nos prétendues mises en règle.
"Par la foi seule, vivre devant Dieu", Dieu qui a le pouvoir de faire naître en nous, à l'égard de nos prochains, les comportements qu'il attend de nous.
Ça commence par le récit d'une guérison que Jésus effectue le jour du shabbath - et il se voit reprocher cet acte, étrange au regard des habitudes religieuses.
Entrée en matière dont il faut tenir compte pour comprendre ce que, dans la parabole qui suit cet incident, Jésus parle de ceux qui sont appelés à être abaissés ou élevés.
Auto-satisfaction religieuse
Quant à cette réticence à ce que Jésus guérisse le jour du shabbath, on sait que l'observance du shabbath n'est pas facultative, selon la Loi ; c’est un des éléments, et pas des moindres, du contrat à remplir – au risque de s'imaginer par là que l'impunité nous est garantie pourvu que l'on soit « en règle avec Dieu », comme on dit. C'est ce que, sans toujours s’en rendre compte, s'on imagine fréquemment, à l’instar, dans doute, de toute une part des religieux auxquels s'adresse Jésus.
L'Alliance a deux parties, Dieu, et nous. Quant à Dieu, il a fait une promesse à Abraham pour sa descendance. Quant à nous il s'agit de remplir notre part, c'est-à-dire d'être en règle avec le Code qui nous est fourni, la Bible, au risque d’en faire ainsi une sorte de manuel d'autosatisfaction religieuse.
C'est bien à cela que Jésus s'en prend, à sa façon radicale, par ses guérisons incongrues. Ici il guérit un homme atteint d'une maladie qui l'affecte depuis longtemps - c'est-à-dire que Jésus aurait pu le guérir le lendemain, par exemple. Et voilà que Jésus retourne à ses adversaires qu'il y a urgence (v. 5).
Or en cas de réelle urgence, les pharisiens admettent la légitimité des interventions au jour du shabbath. Dans un cas d’urgence, celui d'une question immédiate de vie ou de mort, il n'y aurait eu ni discussion ni contestation.
Pas plus pour un être humain que pour un bœuf tombé dans un puits. Car il ne faut pas s'imaginer, à partir de la remarque de Jésus sur le bœuf tombé dans un puits – exemple que Jésus rajoute à un fils, premier exemple trop évident - ; il ne faut donc pas s'imaginer qu'un pharisien quel qu'il soit aurait eu l’indécence de préférer la vie de son bœuf à une vie humaine en danger immédiat ! Les choses étaient prévues, le Talmud en garde souvenir, pas de difficulté dans ce cas.
Mais voilà, ici, on a affaire à une personne qui pouvait attendre un jour de plus.
De quoi choquer : cet homme, Jésus, méprise-t-il le shabbath ?
Pour sa part, Jésus considère le cas de ces malades comme urgent. Mais peut-être d'une autre urgence que celle de la maladie - sans oublier toutefois, justement, qu'un jour de souffrance est une éternité pour celui qui en est affligé.
L'urgence en question est celle du Jour d'Éternité précisément, celle du Royaume de Dieu.
Le shabbath est signe et présence du Royaume de Dieu, ce jour où Dieu s'est reposé, et où tous sont invités à entrer dans son repos, et en priorité les affligés, les malades, les pauvres. On n'annonce pas le Royaume en leur demandant de porter le joug de leur patience que l'on ne touche pas soi-même, en leur fournissant ainsi l' « opium du peuple » -, tout en observant pour notre part scrupuleusement le rituel qui symbolise leur délivrance.
Il faut avoir perçu cela pour comprendre en quoi consiste cette façon de se croire premier, cette façon de s'arroger les places d'honneur - et surtout pourquoi le Maître du repas du Royaume pourrait juger qu'il s'agit de ranger les convives autrement.
Se mettre à la première place
On peut saisir ainsi que se mettre à la première place consiste à user de soi-disant critères religieux, à établir des catégories prioritaires sur la base de la discrimination entre fidèles et infidèles, pharisiens et publicains, chrétiens et incroyants ou idolâtres, etc.
Cela, éventuellement, ô comble, et c'est le risque que Jésus décèle chez ses interlocuteurs, à la mesure de ce recueil de « recettes pour être en règle avec Dieu » que l'on a fait de la Bible. Alors on constate qu'on accomplit la plupart des rites qu'elle prescrit – ce qui est certes bel et bon - à commencer par un des plus importants - il est tout de même dans les dix commandements - le shabbath.
Or la Bible n'est pas un manuel de savoir-vivre religieux ; son but n'est pas de nous faire penser que nous sommes en règle avec Dieu. Car quiconque se pense en règle avec Dieu, se mettra d'une façon ou d'une autre dans les meilleurs fauteuils. Certains d'ailleurs, comme les convives de la parabole, carrément dans les premiers.
Mais, oh ! d'autres ne se mettront pas forcément dans les tout premiers, - l'humilité étant tout de même un des éléments qui permettent d'être en règle avec Dieu ! Façon de se dire, humblement : il reste de toute manière pire que nous : tous ceux dont le comportement fait qu'on les inviterait difficilement à notre propre table. C'est pour cela que Jésus appelle celui qui l'invitait, à inviter - plutôt que les convives qui honorent sa table de leur richesse ou leur – réelle - honorabilité, et qui peut-être, l’inviteront en retour à leurs tables de choix - ; Jésus l'appelle à inviter justement ceux que l'on méprise.
Leur place dans le Royaume n'est peut-être pas celle que leur donne un monde injuste. L'invitation aux premières places du repas du Royaume de leur Maître serait peut-être préférable aux places de vanité de l'honneur des maîtres de ce monde.
Mais quels sont nos critères de jugement de notre propre dignité : ce que Dieu regarde, et qui est invisible pour les yeux ? - ou les vanités et autres conformismes sociaux ou religieux selon lesquels il est si clair que nous sommes en règle ?
Une autre humilité
C'est alors qu'apparaît la nécessité d'une autre humilité, parallèle à celle qui déboucherait sur une capacité à inviter à notre table d'honneur les pauvres, les estropiés et autres malades dont parle Jésus. C'est cette humilité qui serait de nous considérer comme éventuellement moins bien qu'eux devant Dieu, et donc comme honorant pour nous de les avoir parmi nos proches.
Lorsque la réalité à présent cachée sera dévoilée, il s'avèrera peut-être honteux d'avoir fréquenté tel personnage aujourd'hui honoré par tous, et plus honteux encore d'avoir méprisé celui que le Christ, lui, dès aujourd'hui, honore de façon invisible aux yeux de la vanité du temps.
Mais cette humilité-là qui est celle du publicain d'une autre parabole consiste à ne pas se mesurer à nos prétendues mises en règle avec Dieu. Il est un autre regard de Dieu, celui du Christ qui honore le méprisé, un regard qui mène quiconque a perçu qu'il se pose sur lui à savoir qu'il ne saurait y avoir d'homme soi-disant en règle avec Dieu que par inconscience. Ce regard dévoile à qui a perçu que Dieu le pose sur lui que c'est là le regard qui seul fait vivre.
C'est ce regard du Christ qui suscite l'attitude que Dieu agrée, et qui consiste à s'attendre à lui seul, et donc à rejeter les honorabilités qui nous importent tant, et à ne pas se fier à toutes nos prétendues mises en règle.
"Par la foi seule, vivre devant Dieu", Dieu qui a le pouvoir de faire naître en nous, à l'égard de nos prochains, les comportements qu'il attend de nous.
R.P.
Antibes, 29.08.10
Antibes, 29.08.10
Dieu qui a le pouvoir de faire naître en nous, à l'égard de nos prochains, les comportements qu'il attend de nous.
RépondreSupprimerC'est la plus belle promesse de ces derniers jours et je m'y accroche " à fond" et par la foi...