lundi 10 décembre 2012

Osée, "Dieu dans la peau" !




Osée 1, 1 - 2, 3
1 1 Parole du SEIGNEUR qui parvint à Osée, fils de Bééri, aux jours d’Ozias, de Jotam, d’Achaz, d’Ezéchias, rois de Juda, et aux jours de Jéroboam, fils de Joas, roi d’Israël.
2 Début de ce que le SEIGNEUR a dit par l’entremise d’Osée :
Le SEIGNEUR dit à Osée : Va, prends une prostituée et des enfants de la prostitution ;car le pays se vautre dans la prostitution, en abandonnant le SEIGNEUR.
3 Il alla et prit Gomer, fille de Diblaïm. Elle fut enceinte et lui donna un fils.
4 Le SEIGNEUR lui dit : Appelle-le du nom de Jizréel ; car encore un peu de temps et je ferai rendre des comptes à la maison de Jéhupour le sang de Jizréel : je mettrai fin à la royauté de la maison d’Israël.
5 En ce jour-là je briserai l’arc d’Israël dans la vallée de Jizréel.
6 Elle fut de nouveau enceinte et mit au monde une fille. Il lui dit : Appelle-la du nom de Lo-Rouhama (« Celle dont on n’a pas compassion ») ; car je ne continuerai plus à avoir compassion de la maison d’Israël en lui pardonnant indéfiniment.
7 Mais j’aurai compassion de la maison de Juda ; je les sauverai par le SEIGNEUR, leur Dieu ; je ne les sauverai ni par l’arc, ni par l’épée, ni par la guerre, ni par les chevaux, ni par les chars.
8 Elle sevra Lo-Rouhama ; puis elle fut encore enceinte et mit au monde un fils.
9 Il dit : Appelle-le du nom de Lo-Ammi (« Pas mon peuple ») ; car vous n’êtes pas mon peuple, et moi, je ne serai rien pour vous.

2 1 Pourtant le nombre des Israélites sera comme le sable de la mer qui ne peut ni se mesurer ni se compter ; au lieu même où on leur disait : « Vous n’êtes pas mon peuple ! » on leur dira : « Fils du Dieu vivant ! »
2 Les Judéens et les Israélites seront rassemblés, ils se donneront un chef unique et sortiront du pays ; car grand sera le jour de Jizréel.
3 Dites à vos frères : Ammi ! (« Mon peuple ! ») Et à vos sœurs : Rouhama ! (« Toi dont on a compassion ! »)

*

Osée : nous ne savons rien de lui sinon que sa femme le trompe. Osée nous raconte ses déboires conjugaux avec son épouse infidèle, nommée Gomer. Osée, naturellement, souffre de ces déboires, et c’est de là que va partir sa prophétie. Il va comparer ses propres malheurs avec sa femme et ceux de Dieu avec son peuple, infidèle lui aussi.

On sait qu’Israël s’est coupé en deux après le règne de Salomon. Osée parle à Israël, royaume du Nord, séparé de la dynastie qu’il considère comme légitime, celle du Sud, Juda (ch. 3 v.5). Les indications chronologiques placées en tête du livre (sont nommés des rois de Juda, le Sud, et Jéroboam II, du Nord) permettent de dire que la prophétie réfère à une époque située entre 786 et 724 av. J.-C., époque sur laquelle on a quelques informations.

Jéroboam II, ici mentionné, a régné à Samarie, capitale du Nord, pendant 41 ans, dès 785 av. J.-C., env. ; rendant la prospérité au royaume.

Mais, avec la prospérité, la corruption, les injustices, l’abandon de Dieu et l'idolâtrie se développent ; le fossé entre les riches et les pauvres se creuse toujours davantage : les nantis vivent dans un luxe inouï, oppriment les plus pauvres, multiplient les injustices et les abus.

Et après la mort de Jéroboam II, la situation se dégrade. Ce sera la période la plus sombre de l'histoire d'Israël : des usurpateurs s'emparent du pouvoir, puis sont renversés à leur tour (4 successeurs de Jéroboam sont assassinés durant cette période) ; bref, c'est le règne du despotisme et de la confusion.

Le message d'Osée est principalement dirigé contre l'idolâtrie qui accompagnait la prospérité matérielle. Dès son entrée en Terre promise, Israël avait été confronté au culte de Baal, dieu de la pluie et de la fertilité. On subit les influences de l'idolâtrie. Le livre d'Osée témoigne d’un temps où la masse du peuple a adhéré au culte de Baal et d'Achéra, le plus immoral de tout l'ancien Orient : plusieurs fois par an, leurs fêtes étaient accompagnées de prostitution rituelle, violence et beuveries, etc.

Osée veut amener son peuple au repentir, le faire revenir au Dieu qui ne se lasse pas de l'aimer et de l'attendre. Comme lui, le prophète Osée, aime et attend Gomer.

Le livre commence donc par l'histoire du mariage et des malheurs conjugaux d'Osée : le texte nous dit que Dieu lui demande d'épouser une prostituée qui fatalement, quelque temps plus tard, lui devient infidèle. Non pas, probablement, que Dieu l’ait envoyé épouser une femme préalablement prostituée – qui plus est dans le but d’en faire sortir une prophétie ! Mais c’est rétrospectivement qu’Osée considère que ses déboires sont dans le regard de Dieu qui a évidemment prévu les choses. Et sachant que selon le Proverbe, c’est Dieu qui donne sa femme à chacun : « celui qui a trouvé une femme, c’est là un don de Dieu » ; Osée considère que la femme que Dieu lui a donnée, il la lui a donnée en sachant très bien l’aboutissement des choses : un Osée malheureux comme son Dieu. C’est une façon de nous dire que ce qu’Osée en est venu à découvrir à travers son vécu douloureux avec son épouse, correspond à ce que Dieu vit avec son peuple, qui se prostitue avec des divinités illusoires qui se font célébrer dans la prostitution dite sacrée, adultère à l’égard de Dieu.

Ainsi Osée peut s’identifier à lui, en quelque sorte, le comprendre. Quoiqu’il en soit de savoir si Gomer était déjà au moment du mariage ce qu'elle est devenue, Dieu connaissait ses dispositions profondes et il avait une intention prophétique : à travers cette histoire, il va parler à son peuple. C’est ainsi qu’Osée l’interprète.

Dieu n'avait-il pas, lui aussi, pris son peuple pour le combler de son amour, bien qu'il ait connu d'avance ses dispositions profondes et ce qui allait s'ensuivre ? Et le prophète de rappeler certaines choses : dès le désert du Sinaï, Israël a adoré le veau d'or (ch. 13 v. 2) ; puis entré en Terre promise, il a sacrifié à l’idole Baal (ch. 2. v 7s.), il a consulté les voyants (ch. 4 v. 12)... Tout cela équivaut à de l'adultère à l’égard de Dieu, à de la prostitution. Osée utilise cette image du mariage que bien des prophètes (Jer 2.2; 3.1-4; Isa 54.5; Eze 16.33) et des auteurs du Nouveau Testament (2 Co 11.2; Eph 5.23-32, etc.) reprendront pour décrire les relations de Dieu avec son peuple.

C’est de la sorte qu’à travers ses souffrances conjugales, Osée comprend celles de Dieu. Sa fidélité à l'épouse infidèle reflète la patience et l'amour de Dieu, inébranlable et fidèle. Le "prophète au cœur brisé" peut apporter le message — qui vaut à travers les siècles, jusqu’à nous — du Dieu dont le cœur est meurtri par les infidélités de son peuple. Reste cette promesse : Israël saura de nouveau quel est son Dieu et reviendra à lui.

C’est l’histoire du boulanger de Pagnol parlant à la chatte Pomponette pour lui expliquer le malheur du chat Pompon. Le boulanger qui parle en fait à sa femme, qui parle de sa femme. Osée parlant de son épouse parle en fait de Dieu.

Et Osée de souligner ainsi la sainteté de Dieu et son horreur pour le péché (2.4-5 ; 6.5; 9.9; 12.15, etc.), ainsi que son amour pour Israël (2.16-18, 22-25 ; 3.1; 11.1-4, 8-9; 14.5, 9 [4, 8], etc.). Le péché, en dernière analyse, est, sous sa plus terrible forme, une infidélité à l'amour. Il frappe Dieu au cœur.

La pensée essentielle du message d'Osée est alors la suivante : l'amour, puissant, inaltérable de Dieu pour le peuple, ne sera satisfait que lorsqu'il aura rétabli une parfaite harmonie entre le peuple et lui.


RP
10.12.12, CP Poitiers


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