Actes 2, 14 & 36-41 ; Psaume 23 ; 1 Pierre 2, 20-25 ; Jean 10, 1-10
Jean 10, 1-10
Une histoire que raconte Jésus pour parler de lui-même comme d’un berger. Traditionnellement le berger évoque sans doute les moutons et les pâturages, mais aussi le roi d’Israël. Mais le roi qu’est Jésus est particulier, un roi qui ne vient « pas de façon à frapper les regards ». Voilà une histoire de berger où il est donc question de moutons et d’apprivoisement — les brebis connaissant sa voix. Moutons et apprivoisement.
Ça ne vous rappelle rien ? « S'il vous plaît... dessine-moi un mouton ! » demanda le petit prince...
Jésus nous parle ici de sa relation avec les siens — de deux façons. Selon la première, il est le berger, selon la seconde il est la porte. Il parle en paraboles, c'est-à-dire par une série d'images dont les détails n'ont pas de sens pour eux-mêmes, mais par rapport au centre qu'ils désignent. Ici ce sens est que Jésus est celui qui est dans une vraie relation d'intimité avec les siens, une relation telle qu'il en est responsable — jusqu'à donner sa vie. Car il n'y a pas de vraie relation d'intimité sans responsabilité. On a vu la semaine dernière comment la relation du Ressuscité avec les disciples d’Emmaüs se faisait dans moment d’intimité entre lui et eux.
C'est ici que l'on rejoint le petit prince, mais pas dans ses dessins de moutons. Dans l'explication de la naissance d'une relation d'intimité — avec le renard.
"- Bonjour, dit le renard.
- Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se retourna mais ne vit rien.
- Je suis là, dit la voix, sous le pommier...
- Qui es-tu ? dit le petit prince. Tu es bien joli...
- Je suis un renard, dit le renard.
- Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste...
- Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.
- Ah ! pardon, fit le petit prince.
Mais, après réflexion, il ajouta :
- Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?
- Tu n'es pas d'ici, dit le renard, que cherches-tu ?
- Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?
- Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils chassent. C'est bien gênant ! Ils élèvent aussi des poules. C'est leur seul intérêt. Tu cherches des poules ?
- Non, dit le petit prince. Je cherche des amis. Qu' est-ce que signifie "apprivoiser" ?
- C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ca signifie "créer des liens..."
- Créer des liens ?
- Bien sûr, dit le renard. tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à mille autres renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..."
"Les brebis suivent le berger, nous dit Jésus, parce qu'elles connaissent sa voix". Il existe entre elles et lui une relation d'intimité ; c'est-à-dire qu'elles sont apprivoisées. De lui, elles savent n'avoir point à craindre qu'il ne soit un voleur qui vient pour "tuer et détruire". Lui est différent. Comme le renard saura distinguer des chasseurs le petit prince l'ayant apprivoisé.
"- Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoisé...
- C'est possible, dit le renard. On voit sur la terre toutes sortes de choses...
- Oh ! ce n'est pas sur la Terre, dit le petit prince.
Le renard parut très intrigué :
- Sur une autre planète ?
- Oui.
- Il y a des chasseurs, sur cette planète-là ?
- Non.
- Ça c'est intéressant ! Et des poules ?
- Non.
- Rien n'est parfait, soupira le renard.
Mais le renard revint à son idée :
- Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font entrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis, regarde ! Tu vois là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé est pour moi inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...
Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :
- S'il te plaît... apprivoise-moi, dit-il !
- Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à connaître.
- On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !
- Que faut-il faire ? dit le petit prince.
- Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...
Le lendemain revint le petit prince.
- Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens par exemple, à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures je commencerai à être heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m'agiterai et m'inquiéterai : je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le cœur... Il faut des rites.
- Qu'est-ce qu'un rite ? dit le petit prince.
- C'est quelque chose de trop oublié, dit le renard. C'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux ! Je vais me promener jusqu'à la vigne. Si les chasseurs dansaient n'importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n'aurais point de vacances."
« Tu te reposera au septième jour », dit le décalogue. « Vous ferez ceci en mémoire de moi », dit Jésus. Ou encore « Baptisez-les au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. »
Il est une spécificité de tel jour, pourtant apparemment comme les autres. Il est une spécificité de tel repas, pourtant apparemment comme les autres, composé chimiquement comme les autres. Il est une spécificité d’un geste pourtant bien simple, un baptême.
Tel distingue entre les jours, dit Paul (Romains 14), où entre les nourritures. Que celui qui distingue ne juge pas celui qui les considère comme tous équivalents, et que celui qui les considère comme équivalents ne méprise pas celui qui les distingue entre eux.
Certes ! Mais gardons-nous de nous prendre pour des anges, au-dessus de tout rituel. Notre connaissance de ce que tel pain est équivalent chimiquement à tel autre, ou que tel jour est temporellement comme tel autre, que l’eau du baptême est la même que n’importe quelle eau, ne change rien à la parole qui les investit d'éternité.
"Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l'heure du départ fut proche :
- Ah ! dit le renard... Je pleurerai.
- C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
- Bien sûr, dit le renard.
- Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
- Bien sûr, dit le renard.
- Alors tu n'y gagnes rien !
- J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé.
Puis il ajouta :
- Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d'un secret."
« Voici, je suis avec vous jusqu'à la fin du monde. »
« Gardez tout ce que je vous ai enseigné. »
« Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. »
Jean 10, 1-10
1 "En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n’entre pas par la porte dans l’enclos des brebis mais qui escalade par un autre côté, celui-là est un voleur et un brigand.
2 Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis.
3 Celui qui garde la porte lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix ; les brebis qui lui appartiennent, il les appelle, chacune par son nom, et ils les emmène dehors.
4 Lorsqu’il les a toutes fait sortir, il marche à leur tête, et elles le suivent parce qu’elles connaissent sa voix.
5 Jamais elles ne suivront un étranger ; bien plus, elles le fuiront parce qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers."
6 Jésus leur dit cette parabole, mais ils ne comprirent pas la portée de ce qu’il disait.
7 Jésus reprit : "En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis.
8 Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des brigands, mais les brebis ne les ont pas écoutés.
9 Je suis la porte : si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé, il ira et viendra et trouvera de quoi se nourrir.
10 Le voleur ne se présente que pour voler, pour tuer et pour perdre ; moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance.
*
Une histoire que raconte Jésus pour parler de lui-même comme d’un berger. Traditionnellement le berger évoque sans doute les moutons et les pâturages, mais aussi le roi d’Israël. Mais le roi qu’est Jésus est particulier, un roi qui ne vient « pas de façon à frapper les regards ». Voilà une histoire de berger où il est donc question de moutons et d’apprivoisement — les brebis connaissant sa voix. Moutons et apprivoisement.
Ça ne vous rappelle rien ? « S'il vous plaît... dessine-moi un mouton ! » demanda le petit prince...
Jésus nous parle ici de sa relation avec les siens — de deux façons. Selon la première, il est le berger, selon la seconde il est la porte. Il parle en paraboles, c'est-à-dire par une série d'images dont les détails n'ont pas de sens pour eux-mêmes, mais par rapport au centre qu'ils désignent. Ici ce sens est que Jésus est celui qui est dans une vraie relation d'intimité avec les siens, une relation telle qu'il en est responsable — jusqu'à donner sa vie. Car il n'y a pas de vraie relation d'intimité sans responsabilité. On a vu la semaine dernière comment la relation du Ressuscité avec les disciples d’Emmaüs se faisait dans moment d’intimité entre lui et eux.
C'est ici que l'on rejoint le petit prince, mais pas dans ses dessins de moutons. Dans l'explication de la naissance d'une relation d'intimité — avec le renard.
*
"- Bonjour, dit le renard.
- Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se retourna mais ne vit rien.
- Je suis là, dit la voix, sous le pommier...
- Qui es-tu ? dit le petit prince. Tu es bien joli...
- Je suis un renard, dit le renard.
- Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste...
- Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.
- Ah ! pardon, fit le petit prince.
Mais, après réflexion, il ajouta :
- Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?
- Tu n'es pas d'ici, dit le renard, que cherches-tu ?
- Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?
- Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils chassent. C'est bien gênant ! Ils élèvent aussi des poules. C'est leur seul intérêt. Tu cherches des poules ?
- Non, dit le petit prince. Je cherche des amis. Qu' est-ce que signifie "apprivoiser" ?
- C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ca signifie "créer des liens..."
- Créer des liens ?
- Bien sûr, dit le renard. tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à mille autres renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..."
"Les brebis suivent le berger, nous dit Jésus, parce qu'elles connaissent sa voix". Il existe entre elles et lui une relation d'intimité ; c'est-à-dire qu'elles sont apprivoisées. De lui, elles savent n'avoir point à craindre qu'il ne soit un voleur qui vient pour "tuer et détruire". Lui est différent. Comme le renard saura distinguer des chasseurs le petit prince l'ayant apprivoisé.
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"- Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoisé...
- C'est possible, dit le renard. On voit sur la terre toutes sortes de choses...
- Oh ! ce n'est pas sur la Terre, dit le petit prince.
Le renard parut très intrigué :
- Sur une autre planète ?
- Oui.
- Il y a des chasseurs, sur cette planète-là ?
- Non.
- Ça c'est intéressant ! Et des poules ?
- Non.
- Rien n'est parfait, soupira le renard.
Mais le renard revint à son idée :
- Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font entrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis, regarde ! Tu vois là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé est pour moi inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...
Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :
- S'il te plaît... apprivoise-moi, dit-il !
- Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à connaître.
- On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !
- Que faut-il faire ? dit le petit prince.
- Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...
Le lendemain revint le petit prince.
- Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens par exemple, à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures je commencerai à être heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m'agiterai et m'inquiéterai : je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le cœur... Il faut des rites.
- Qu'est-ce qu'un rite ? dit le petit prince.
- C'est quelque chose de trop oublié, dit le renard. C'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux ! Je vais me promener jusqu'à la vigne. Si les chasseurs dansaient n'importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n'aurais point de vacances."
« Tu te reposera au septième jour », dit le décalogue. « Vous ferez ceci en mémoire de moi », dit Jésus. Ou encore « Baptisez-les au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. »
Il est une spécificité de tel jour, pourtant apparemment comme les autres. Il est une spécificité de tel repas, pourtant apparemment comme les autres, composé chimiquement comme les autres. Il est une spécificité d’un geste pourtant bien simple, un baptême.
Tel distingue entre les jours, dit Paul (Romains 14), où entre les nourritures. Que celui qui distingue ne juge pas celui qui les considère comme tous équivalents, et que celui qui les considère comme équivalents ne méprise pas celui qui les distingue entre eux.
Certes ! Mais gardons-nous de nous prendre pour des anges, au-dessus de tout rituel. Notre connaissance de ce que tel pain est équivalent chimiquement à tel autre, ou que tel jour est temporellement comme tel autre, que l’eau du baptême est la même que n’importe quelle eau, ne change rien à la parole qui les investit d'éternité.
*
"Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l'heure du départ fut proche :
- Ah ! dit le renard... Je pleurerai.
- C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
- Bien sûr, dit le renard.
- Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
- Bien sûr, dit le renard.
- Alors tu n'y gagnes rien !
- J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé.
Puis il ajouta :
- Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d'un secret."
*
« Voici, je suis avec vous jusqu'à la fin du monde. »
« Gardez tout ce que je vous ai enseigné. »
« Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. »
RP, Poitiers, 7.05.17
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