dimanche 23 juin 2019

Cinq pains et deux poissons




Genèse 14, 18-20 ; Psaume 110 ; 1 Corinthiens 11, 23-26 ; Luc 9, 11-17

Luc 9, 10-17
10 Les apôtres, étant de retour, racontèrent à Jésus tout ce qu’ils avaient fait. Il les prit avec lui, et se retira à l’écart, du côté d’une ville appelée Bethsaïda.
11 Les foules, l’ayant su, le suivirent. Jésus les accueillit, et il leur parlait du royaume de Dieu ; il guérit aussi ceux qui avaient besoin d’être guéris.
12 Comme le jour commençait à baisser, les douze s’approchèrent, et lui dirent : Renvoie la foule, afin qu’elle aille dans les villages et dans les campagnes des environs, pour se loger et pour trouver des vivres ; car nous sommes ici dans un lieu désert.
13 Jésus leur dit : Donnez-leur vous-mêmes à manger. Mais ils répondirent : Nous n’avons que cinq pains et deux poissons, à moins que nous n’allions nous-mêmes acheter des vivres pour tout ce peuple.
14 Or, il y avait environ cinq mille hommes. Jésus dit à ses disciples : Faites-les asseoir par rangées de cinquante.
15 Ils firent ainsi, ils les firent tous asseoir.
16 Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux vers le ciel, il les bénit. Puis, il les rompit, et les donna aux disciples, afin qu’ils les distribuassent à la foule.
17 Tous mangèrent et furent rassasiés, et l’on emporta douze paniers pleins des morceaux qui restaient.

*

Cinq pains et deux poissons déjà là (v. 13), bien qu'inaperçus puisqu'apparemment insignifiants (nous n'avons « que »), cinq pains et deux poissons comme réponse à des besoins des foules, « être guéris » (v. 11) pour dire une autre faim — « il leur parlait du Règne de Dieu » (v. 11) — faim qui souvent s’ignore, rassemblée comme les cinq pains en cinq demandes, celles du Notre Père dans Luc, donné deux chapitres après. Un Notre Père où la demande du pain est la demande centrale, un point d'équilibre entre la demande de la venue du Règne de Dieu, et les modalités de l'approche de ce Règne (le pardon et la traversée victorieuse de l'épreuve).

Nous voilà donc en chemin d’Exode vers le Royaume, en un temps de désert, de dépendance de Dieu pour le pain, un pain d’aujourd’hui auquel Dieu pourvoit, et qui est désormais, en signe, celui de demain… Un lendemain auquel Dieu pourvoit aussi, par le ministère des Douze qui viennent d'être envoyés (v. 1-10), puis de celles et ceux qui sont envoyés jusqu'aujourd'hui, nous ; comme antan par le ministère de Moïse, pour les douze tribus (représentées par les douze paniers qui restent) ; pain donné dans les cinq livres de la Torah que représentent les cinq pains (selon Augustin), selon que l'homme ne vivra pas que de pain, mais d'abord de la source mystérieuse du pain, la parole de Dieu — qui pourvoit comme il a toujours pourvu, à partir du minimum propre à multiplier (le chiffre deux des deux poissons).

Écho au Notre Père — comme résumé et écho des cinq livres des Psaumes qui sont eux-mêmes en Israël la reprise priante des cinq livres de la Torah —, la multiplication des pains, un signe de Jésus repris par chaque évangile, fait donc naturellement aussi écho à la prière quotidienne du judaïsme et à ses « dix-huit bénédictions » :

Notre pain quotidien, donne-le nous aujourd’hui
Tu nourris les vivants par amour, tu ressuscites les morts par grande miséricorde, tu soutiens ceux qui tombent, tu guéris les malades et délivres les captifs.
Qui est comme toi, Maître des puissances ?
(2ème bénédiction).
Bénis pour nous, Seigneur notre Dieu, cette année et toutes ses récoltes, pour le bien.
Rassasie-nous de ta bonté.
(9ème bénédiction).

Jésus se présente alors comme la manifestation du Dieu qui est prié dans ces bénédictions — dont il souligne les implications en termes de responsabilité humaine.

Ce qui renvoie à lui, homme, en signe de l’action de Dieu par l'humain — « donnez-leur vous-mêmes à manger » (v. 13).

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Signe du Royaume présent en lui alors que déjà le jour baisse (v. 12), comme l’approche du Royaume semble s’éloigner au temps du désert (v. 12), et pourtant, « le Royaume est au milieu de vous » ; comme au lendemain de l’Exode, il s’agit de recevoir le don de Dieu pour le temps de la traversée du désert — après celle de la mer, apaisée par Jésus peu avant (Luc 8, 22-25) —, traversée du désert dans lequel on se trouve à présent en charge d’une foule qui a faim, de l’autre côté du Jourdain, où se situe Bethsaïda, « maison de la pêche ». Cf. Nombre 11, 5 et le regret des poissons de l’Égypte… Ici, il n'y en a plus que deux, mais c'est assez pour faire une multiplication.

Les disciples, Douze pour représentation des douze tribus, inclus dans la mission en vue du Royaume (Luc 9, 1-6) et dans la manifestation du don de Dieu pour son peuple, sont dès lors aussi interrogés par ce geste auquel ils participent, et qui ne peut pas ne pas être perçu en écho, lorsqu’il est relaté dans les évangiles, comme renvoyant au repas du Seigneur — où chacun de nous est placé dans la position de disciple, témoin par ce repas réduit au minimum de ce que Dieu nous nourrit et nourrit la multitude d'une nourriture dont la source de l'abondance est sa Parole même.


RP, Poitiers, 23.06.19


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