Genèse 9, 8-15 ; Psaume 25 ; 1 Pierre 3, 18-22 ; Marc 1, 12-15
1 Pierre 3, 18-22
Marc 1, 12-15
L’Évangile de Marc est très sobre dans le récit de la tentation qui ouvre le ministère de Jésus : quelques brèves notes : le désert, les bêtes sauvages, les quarante jours…
Avec en regard, la traversée du désert par le peuple de l’Exode, et en arrière-plan plus lointain, le tohu-bohu, le chaos initial des premiers versets de la Genèse. Où s’annonce et se préfigure que l’on est en présence de celui qui va conduire la Création à son achèvement et à sa plénitude comme nouvelle Création : les anges le servaient.
Mais avant cela, il va s’agir de confronter le chaos où la Création est en risque permanent de retourner, comme par le Déluge ; ce chaos du désert des bêtes sauvages, ce chaos qui vise à nous envahir jusque depuis notre intériorité pour nous empêcher d’advenir comme êtres à l’image de Dieu, comme ressuscités. Il s’agit donc pour le Christ d’être confronté avec cette part de nous-même, nous qu'il a rejoints dans son baptême, relaté juste avant : tel est le sens du Carême comme passage au désert.
Et pour Jésus, cela se traduit par une confrontation au Principe même du refus de la Création de Dieu, porté par le satan, pour une victoire de Jésus d’où va sortir enfin la Création nouvelle. C’est ce que nous donne l’Évangile de Marc.
Le terme de ce conflit contre ce chaos remontant aux temps initiaux nous est donné dans le texte de la première Épître de Pierre que nous avons lu, référant au récit du Déluge de la Genèse.
1 Pierre 3, 18-22, ou — bien que l’expression ne soit pas dans le texte — la descente aux enfers, ce sur quoi on se penchera un moment.
La descente aux enfers, un thème fécond, qui a inspiré depuis l'art dramatique jusqu'aux concepteurs d'attractions foraines, en passant par le cinéma fantastique.
Ici aussi, toute une série d’échos, d’une autre nature. On connaît le mythe fondamental derrière cette fameuse descente aux enfers des artistes, qui est évidemment celui d'Orphée. Orphée descendant aux enfers chercher sa bien-aimée Eurydice. Un thème qui, du coup, semble n'avoir pas forcément grand chose à voir avec la descente aux enfers du Christ, me direz-vous peut-être.
Sauf à l’entendre comme C.S. Lewis, l’auteur entre autres des Chroniques de Narnia, à présent connu grâce à Walt Disney. Théologien anglican, connu aussi comme philologue de l’Université d’Oxford, C.S. Lewis estime que le Christ accomplit dans sa chair ce que les mythes avaient dessiné en images.
Un des plus célèbres de ces mythes est celui de la caverne du philosophe Platon où il est question d'un homme venu du monde de la lumière qui descend dans la caverne où nous vivons tous, et où nous prenons pour la réalité les ombres que la lumière de l'extérieur projette sur les murs. Et lorsque l'homme de la lumière leur dit la vérité, les hommes de la caverne, scandalisés par la vérité, se proposent de le mettre à mort. La crucifixion du Christ porteur de lumière a été souvent perçue comme l'accomplissement de cela.
Quant au mythe d'Orphée, allant chercher Eurydice aux enfers, il est peut-être une des portes de lecture du thème de la descente aux enfers de Jésus…
Le mythe d'Orphée parlait aussi des Titans, personnages mythologiques qui s'étaient révoltés contre Zeus et avaient été enfermés au fond des enfers, dans le Tartare. Orphée avait subi on ne peut plus cruellement cette révolte, puisque lui-même, fils de Zeus, avait été dévoré par les Titans… depuis enfermés au Tartare, le cercle le plus bas des enfers.
Eh bien, selon l'autre épître de Pierre, la seconde, les esprits qui se sont rebellés au temps de Noé, dont il est question dans notre texte, ces esprits rebelles à Dieu ont été justement enfermés dans le Tartare. Je lis le passage : avant de préciser (2 P 2, 5) que Dieu "n'a pas épargné non plus l'ancien monde, mais il préserva, lors du déluge dont il submergea le monde des impies, Noé, le huitième des survivants, lui qui proclamait la justice" ; 2 Pierre 2, 4 note : "Dieu n'a pas épargné les anges coupables, mais les a plongés, les a livrés aux antres ténébreux du Tartare, les gardant en réserve pour le jugement." Le Tartare, comme pour les Titans… Coïncidence intéressante, non ?
Qu'est-il donc allé faire dans cette galère, genre arche de Noé, Jésus ? "Prêcher aux esprits rebelles", qu'est-ce à dire ? Les commentateurs de l'Écriture, les grands théologiens à travers l'Histoire et autres pères de l'Église, ont usé pas mal d'encre et de salive sur cette question.
"Prêcher aux esprits emprisonnés". Est-ce pour leur permettre d'être sauvés eux aussi, telle l'Eurydice d'Orphée (qui d'ailleurs finalement, dans le mythe, ne l'est pas) ? Certains ont envisagé une telle lecture ; dérivant parfois vers les zones les plus spectaculaires des mythes, que l'on retrouve dans les films sur les maisons hantées et autres théories envisageant de soulager les pauvres fantômes qui errent avec chaînes et boulets pour expier leurs péchés passés.
Si certains ont imaginé cela, d'autres ont préféré s'en tenir plus rigoureusement au texte de 1 Pierre. Le terme traduit par "prêcher" signifie littéralement "proclamer".
Ce qui ne veut pas forcément dire une prédication avec appel, imaginant Jésus invitant les mauvais esprits, démons, et autres anges rebelles au repentir, tel un Jean-Baptiste des enfers.
D'autant que le thème de la descente aux enfers, ce thème biblique, au fond, n'est pas ce que nous confessons lorsque nous disons le Symbole des Apôtres, puisque le mot latin y est inferos, et non inferna. Inferos signifie tout simplement le séjour des morts, voulant dire que le Christ est réellement mort, mis au tombeau, descendu au séjour des morts. Cet aspect du Credo renvoie, non pas tant à notre texte d’aujourd’hui, où l’on ne trouve pas exactement le simple séjour des morts, qu’à d’autres textes du Nouveau Testament parlant du hadès, à savoir le shéol hébreu, bref du séjour des morts (Ac 2, 27,31).
Cela dit, le carrefour de notre texte s'y retrouve en ce sens que la réelle mort du Christ est le fondement de toute la puissance de sa résurrection, de toute son universalité, concernant les sommets les plus sublimes des cieux et de la spiritualité et les zones les plus sombres de cette Création, abîmée dans les griffes du malheur et de la mort.
Quant au mot traduit par prêcher, littéralement proclamer, il parle d'une annonce. C'est le terme exact qui est employé pour les premières annonces de la résurrection. Les Apôtres proclament la victoire du Christ sur la mort. Telle est la prédication de sa résurrection.
C'est ainsi que si l’on s’attache au sens strict des mots, et ici du mot "proclamer", la descente aux enfers de ce passage marque le tournant de la victoire totale du Christ. C'est la résurrection proclamée jusqu'aux abîmes les plus sombres de l'univers, jusqu'aux abîmes les plus sombres de nos inconscients. Le Christ est vainqueur total. Il n'est aucun lieu, aucun temps, qui ne soit vaincu par le Ressuscité. La descente aux enfers est le scellement premier de la résurrection. Cette proclamation du Christ est cette victoire qui est la sienne, la résurrection.
Rendu à la vie par l'Esprit, dit même le texte, c'est alors qu'il est allé prêcher aux esprits en prison. Ressuscité. Ce qui nous place à côté de la question d’une sorte de chronologie : mort, descente aux enfers, puis résurrection : il s’agit de la proclamation de sa victoire par le ressuscité. Au-delà des temps, puisqu’elle concerne jusqu’aux jours d’antan, et aux esprits rebelles des origines…
Proclamation intemporelle. C'est la victoire d'une résurrection qui fait éclater la reddition de notre temps chargé de douleur et de mort, d'angoisses et de peurs, d'abîmes de dépression, cette mort que, nous dit le texte, Jésus a portée en sa chair, lui juste pour les injustes, clamant avec le Ps 22 l'abandon divin.
C'est pourquoi le Ressuscité est le sauveur même des temps originels, figure de Noé, l'homme par lequel le monde a traversé les jours des esprits rebelles et des engloutissements infernaux de nos âmes. L'épître aux Hébreux (11, 7) le dit ainsi : "Par la foi, Noé [fut] divinement averti de ce que l'on ne voyait pas encore", de sorte que le déluge devient, selon notre texte, la figure du baptême, qui est participation symbolique à la résurrection du Christ. Comme pour une irisation de lumière éternelle qu'annonçait cet autre signe de l'alliance, l'arc-en-ciel.
Si la victoire est intemporelle, le combat du vainqueur, Jésus, l'est aussi.
Le combat de Jésus est celui de la tentation qui inaugure son ministère et qui le taraude encore à la fin, au Gethsémani et à la croix. C'est pourquoi Calvin considérait que la descente aux enfers nous situait en fait en ces moments-là. Au moment où le Christ juste souffre le plus intensément pour les injustes.
Aujourd'hui à nouveau le Christ ressuscité proclame la victoire de sa vie sur tous nos abîmes, dès aujourd'hui. Le Ressuscité est le Christ de la transfiguration de toutes choses. Proclamé tout à nouveau pour cette entrée en Carême. Proclamé à la face de l'univers et jusqu'au fond des abîmes du malheur : le Christ ressuscité, le victorieux, nous y accompagne et vient nous y racheter, comme Orphée son Eurydice. Pour nous, il n'est plus rien à craindre : il nous sauve par sa résurrection, il siège à la droite de Dieu, toutes les puissances de mort et d'angoisse lui sont soumises.
1 Pierre 3, 18-22
18 Le Christ lui-même a souffert pour les péchés, une fois pour toutes, lui juste pour les injustes, afin de vous présenter à Dieu, lui mis à mort en sa chair, mais rendu à la vie par l’Esprit.
19 Ce que par cet Esprit, il est aussi allé proclamer aux esprits en prison,
20 aux rebelles d’autrefois, quand se prolongeait la patience de Dieu aux jours où Noé construisait l’arche, dans laquelle peu de gens, huit personnes, furent sauvés par l’eau.
21 C’était l’image du baptême qui vous sauve maintenant: il n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement envers Dieu d’une bonne conscience ; il vous sauve par la résurrection de Jésus Christ,
22 qui, parti pour le ciel, est à la droite de Dieu, et à qui sont soumis anges, autorités et puissances.
Marc 1, 12-15
12 Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert.
13 Durant quarante jours, au désert, il fut tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient.
14 Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l’Évangile de Dieu et disait :
15 "Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché: convertissez-vous et croyez à l’Évangile."
*
L’Évangile de Marc est très sobre dans le récit de la tentation qui ouvre le ministère de Jésus : quelques brèves notes : le désert, les bêtes sauvages, les quarante jours…
Avec en regard, la traversée du désert par le peuple de l’Exode, et en arrière-plan plus lointain, le tohu-bohu, le chaos initial des premiers versets de la Genèse. Où s’annonce et se préfigure que l’on est en présence de celui qui va conduire la Création à son achèvement et à sa plénitude comme nouvelle Création : les anges le servaient.
Mais avant cela, il va s’agir de confronter le chaos où la Création est en risque permanent de retourner, comme par le Déluge ; ce chaos du désert des bêtes sauvages, ce chaos qui vise à nous envahir jusque depuis notre intériorité pour nous empêcher d’advenir comme êtres à l’image de Dieu, comme ressuscités. Il s’agit donc pour le Christ d’être confronté avec cette part de nous-même, nous qu'il a rejoints dans son baptême, relaté juste avant : tel est le sens du Carême comme passage au désert.
Et pour Jésus, cela se traduit par une confrontation au Principe même du refus de la Création de Dieu, porté par le satan, pour une victoire de Jésus d’où va sortir enfin la Création nouvelle. C’est ce que nous donne l’Évangile de Marc.
Le terme de ce conflit contre ce chaos remontant aux temps initiaux nous est donné dans le texte de la première Épître de Pierre que nous avons lu, référant au récit du Déluge de la Genèse.
1 Pierre 3, 18-22, ou — bien que l’expression ne soit pas dans le texte — la descente aux enfers, ce sur quoi on se penchera un moment.
La descente aux enfers, un thème fécond, qui a inspiré depuis l'art dramatique jusqu'aux concepteurs d'attractions foraines, en passant par le cinéma fantastique.
Ici aussi, toute une série d’échos, d’une autre nature. On connaît le mythe fondamental derrière cette fameuse descente aux enfers des artistes, qui est évidemment celui d'Orphée. Orphée descendant aux enfers chercher sa bien-aimée Eurydice. Un thème qui, du coup, semble n'avoir pas forcément grand chose à voir avec la descente aux enfers du Christ, me direz-vous peut-être.
Sauf à l’entendre comme C.S. Lewis, l’auteur entre autres des Chroniques de Narnia, à présent connu grâce à Walt Disney. Théologien anglican, connu aussi comme philologue de l’Université d’Oxford, C.S. Lewis estime que le Christ accomplit dans sa chair ce que les mythes avaient dessiné en images.
Un des plus célèbres de ces mythes est celui de la caverne du philosophe Platon où il est question d'un homme venu du monde de la lumière qui descend dans la caverne où nous vivons tous, et où nous prenons pour la réalité les ombres que la lumière de l'extérieur projette sur les murs. Et lorsque l'homme de la lumière leur dit la vérité, les hommes de la caverne, scandalisés par la vérité, se proposent de le mettre à mort. La crucifixion du Christ porteur de lumière a été souvent perçue comme l'accomplissement de cela.
Quant au mythe d'Orphée, allant chercher Eurydice aux enfers, il est peut-être une des portes de lecture du thème de la descente aux enfers de Jésus…
Le mythe d'Orphée parlait aussi des Titans, personnages mythologiques qui s'étaient révoltés contre Zeus et avaient été enfermés au fond des enfers, dans le Tartare. Orphée avait subi on ne peut plus cruellement cette révolte, puisque lui-même, fils de Zeus, avait été dévoré par les Titans… depuis enfermés au Tartare, le cercle le plus bas des enfers.
Eh bien, selon l'autre épître de Pierre, la seconde, les esprits qui se sont rebellés au temps de Noé, dont il est question dans notre texte, ces esprits rebelles à Dieu ont été justement enfermés dans le Tartare. Je lis le passage : avant de préciser (2 P 2, 5) que Dieu "n'a pas épargné non plus l'ancien monde, mais il préserva, lors du déluge dont il submergea le monde des impies, Noé, le huitième des survivants, lui qui proclamait la justice" ; 2 Pierre 2, 4 note : "Dieu n'a pas épargné les anges coupables, mais les a plongés, les a livrés aux antres ténébreux du Tartare, les gardant en réserve pour le jugement." Le Tartare, comme pour les Titans… Coïncidence intéressante, non ?
Qu'est-il donc allé faire dans cette galère, genre arche de Noé, Jésus ? "Prêcher aux esprits rebelles", qu'est-ce à dire ? Les commentateurs de l'Écriture, les grands théologiens à travers l'Histoire et autres pères de l'Église, ont usé pas mal d'encre et de salive sur cette question.
"Prêcher aux esprits emprisonnés". Est-ce pour leur permettre d'être sauvés eux aussi, telle l'Eurydice d'Orphée (qui d'ailleurs finalement, dans le mythe, ne l'est pas) ? Certains ont envisagé une telle lecture ; dérivant parfois vers les zones les plus spectaculaires des mythes, que l'on retrouve dans les films sur les maisons hantées et autres théories envisageant de soulager les pauvres fantômes qui errent avec chaînes et boulets pour expier leurs péchés passés.
Si certains ont imaginé cela, d'autres ont préféré s'en tenir plus rigoureusement au texte de 1 Pierre. Le terme traduit par "prêcher" signifie littéralement "proclamer".
Ce qui ne veut pas forcément dire une prédication avec appel, imaginant Jésus invitant les mauvais esprits, démons, et autres anges rebelles au repentir, tel un Jean-Baptiste des enfers.
D'autant que le thème de la descente aux enfers, ce thème biblique, au fond, n'est pas ce que nous confessons lorsque nous disons le Symbole des Apôtres, puisque le mot latin y est inferos, et non inferna. Inferos signifie tout simplement le séjour des morts, voulant dire que le Christ est réellement mort, mis au tombeau, descendu au séjour des morts. Cet aspect du Credo renvoie, non pas tant à notre texte d’aujourd’hui, où l’on ne trouve pas exactement le simple séjour des morts, qu’à d’autres textes du Nouveau Testament parlant du hadès, à savoir le shéol hébreu, bref du séjour des morts (Ac 2, 27,31).
Cela dit, le carrefour de notre texte s'y retrouve en ce sens que la réelle mort du Christ est le fondement de toute la puissance de sa résurrection, de toute son universalité, concernant les sommets les plus sublimes des cieux et de la spiritualité et les zones les plus sombres de cette Création, abîmée dans les griffes du malheur et de la mort.
Quant au mot traduit par prêcher, littéralement proclamer, il parle d'une annonce. C'est le terme exact qui est employé pour les premières annonces de la résurrection. Les Apôtres proclament la victoire du Christ sur la mort. Telle est la prédication de sa résurrection.
C'est ainsi que si l’on s’attache au sens strict des mots, et ici du mot "proclamer", la descente aux enfers de ce passage marque le tournant de la victoire totale du Christ. C'est la résurrection proclamée jusqu'aux abîmes les plus sombres de l'univers, jusqu'aux abîmes les plus sombres de nos inconscients. Le Christ est vainqueur total. Il n'est aucun lieu, aucun temps, qui ne soit vaincu par le Ressuscité. La descente aux enfers est le scellement premier de la résurrection. Cette proclamation du Christ est cette victoire qui est la sienne, la résurrection.
Rendu à la vie par l'Esprit, dit même le texte, c'est alors qu'il est allé prêcher aux esprits en prison. Ressuscité. Ce qui nous place à côté de la question d’une sorte de chronologie : mort, descente aux enfers, puis résurrection : il s’agit de la proclamation de sa victoire par le ressuscité. Au-delà des temps, puisqu’elle concerne jusqu’aux jours d’antan, et aux esprits rebelles des origines…
Proclamation intemporelle. C'est la victoire d'une résurrection qui fait éclater la reddition de notre temps chargé de douleur et de mort, d'angoisses et de peurs, d'abîmes de dépression, cette mort que, nous dit le texte, Jésus a portée en sa chair, lui juste pour les injustes, clamant avec le Ps 22 l'abandon divin.
C'est pourquoi le Ressuscité est le sauveur même des temps originels, figure de Noé, l'homme par lequel le monde a traversé les jours des esprits rebelles et des engloutissements infernaux de nos âmes. L'épître aux Hébreux (11, 7) le dit ainsi : "Par la foi, Noé [fut] divinement averti de ce que l'on ne voyait pas encore", de sorte que le déluge devient, selon notre texte, la figure du baptême, qui est participation symbolique à la résurrection du Christ. Comme pour une irisation de lumière éternelle qu'annonçait cet autre signe de l'alliance, l'arc-en-ciel.
Si la victoire est intemporelle, le combat du vainqueur, Jésus, l'est aussi.
Le combat de Jésus est celui de la tentation qui inaugure son ministère et qui le taraude encore à la fin, au Gethsémani et à la croix. C'est pourquoi Calvin considérait que la descente aux enfers nous situait en fait en ces moments-là. Au moment où le Christ juste souffre le plus intensément pour les injustes.
Aujourd'hui à nouveau le Christ ressuscité proclame la victoire de sa vie sur tous nos abîmes, dès aujourd'hui. Le Ressuscité est le Christ de la transfiguration de toutes choses. Proclamé tout à nouveau pour cette entrée en Carême. Proclamé à la face de l'univers et jusqu'au fond des abîmes du malheur : le Christ ressuscité, le victorieux, nous y accompagne et vient nous y racheter, comme Orphée son Eurydice. Pour nous, il n'est plus rien à craindre : il nous sauve par sa résurrection, il siège à la droite de Dieu, toutes les puissances de mort et d'angoisse lui sont soumises.
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