Job 38, 1 & 8-11 ; Psaume 107 ; 2 Corinthiens 5, 14-17 ; Marc 4, 35-41
Marc 4, 35-41
Imaginons-nous en l'an 30 de notre ère, aux alentours des habitations de Lemonum, qui deviendra Poitiers. Sur le Clain, la rivière qui coule en contrebas, une barque glisse lentement. Dans la barque, un enfant en train de pêcher. L'eau de la rivière est calme. Un papillon vient d’en frôler la surface, provoquant un poisson qui tente de sauter pour l’attraper. D'un battement d'aile, le papillon lui échappe et poursuit son vol, s’élevant au-dessus des cercles qui s'élargissent sur l'eau paisible de la rivière…
Avant de revenir à notre papillon, transportons-nous à présent près de vingt siècles plus tard, à Boston, en 1963. Un mathématicien du nom d'Edward Lorenz y travaille au Département de météorologie l'Institut de Technologie de l'État du Massachusetts. Il étudie sur ordinateur les problèmes de prévisions météorologiques.
Il s'aperçoit que s'il change de façon très minime les données météo sur son ordinateur, cela bouleverse considérablement les prévisions. On passe, par une minuscule modification, de beau temps à tempête ou l'inverse. Les conséquences de ce changement minime des données est ce qu'il explique lors d'une conférence qu'il donne en 1972, ce à quoi un de ses collègues réagit par une formule qui sera résumée en ces mots : « le battement d’une aile de papillon modifie complètement l’atmosphère, au point qu'on peut dire qu'un battement d'aile de papillon au Brésil peut entraîner une tempête au Texas ». La formule est devenue célèbre sous le nom d'effet papillon. Cela veut simplement dire, au départ, que les prédictions météorologiques à long terme sont à peu près impossibles à tenir, puisque la moindre modification, fût-ce un battement d'aile de papillon, peut tout changer…
Revenons sur le Clain où l'enfant est en train de pêcher en l'an 30 après Jésus-Christ. L'enfant ne sait pas que le papillon qu'il vient de voir échapper, par un simple battement d'aile, à la faim d'un poisson, est peut-être en rapport avec la tempête qui va se lever quelques jours après, à plusieurs milliers de kilomètres de là, sur le lac de Galilée que Jésus, sur une autre barque, sera en train de traverser avec ses disciples…
Il parait que les tempêtes sont toujours des surprises dans la mer de Galilée, cette mer que Jésus apaise, cette mer sur laquelle il y a plusieurs barques, nous dit Marc… Plusieurs barques, mais la mer est la même pour tous.
Dans telle barque, on subira dans une véritable angoisse tel remou que telle autre jugera insignifiant. Nos peurs nous sont propres.
Et on ne sait jamais quelle sera la tempête que l’on devra affronter, et qu'un simple papillon lointain et inconnu de nous peut annoncer. La menace ne connaît pas de mesure plus précise que les prévisions météos sur plus de quelques jours.
La mer, à l'époque de notre récit, a une signification ambiguë. Elle a d'un côté des aspects positifs : par exemple, les pêcheurs que sont les disciples en tirent leur nourriture. Mais la mer a aussi une signification menaçante, qui s'exprime dans cette tempête. La mer est aussi ce qui trouble la Création, tandis que Dieu la dompte et en fixe les limites — ainsi au livre de Job (ch. 38, v. 11) : « Tu viendras jusqu’ici, pas plus loin ; là s’arrêtera l’insolence de tes flots ! » dit Dieu à l'océan.
La mer peut être menaçante, l’Esprit de Dieu n'est pas étranger à ses flots et à ses agitations. Rappelons-nous le récit de la Création : l'Esprit de Dieu planait à la surface des eaux, dit la Genèse (ch. 1, v. 2). Notre texte, lui, parle du vent que Jésus apaise. Souffle de Dieu ou vent créé, esprit bon ou mauvais, souffle doux ou vent de tempête.
L'Esprit de Dieu souffle où il veut, dit Jésus, montrant aux disciples l’action de son Père, celui qui fixe ses limites à la mer, celui qui donne le souffle ou le retient, celui qui donne ses ordres aux flots et aux anges, esprits, souffles, vents et papillons.
Mes peurs sont les miennes, nos peurs à chacune et chacun sont les nôtres. Ne sachant pas ce que vivent les autres, nous sommes naturellement tentés de penser que les tempêtes de nos vies sont les plus menaçantes, assez, parfois, pour que nous restions au port… Mais Jésus ne propose pas de ramener la barque au port… « Passons sur l'autre rive », a-t-il dit. À présent, il apaise la tempête en lui donnant un ordre… Après avoir été tiré d'un sommeil qui dit aux disciples que décidément la tempête semble ne pas l'inquiéter.
De l'autre côté de cette mer qu'il va calmer, Jésus, un peu plus tard, multipliera les pains, pour apaiser, cette fois, la faim, cette faim, qui, avec la misère de nombreux pays, ou la persécution et la guerre, bientôt les exils écologiques, conduit aujourd'hui aux grands exodes qui se dessinent — parlant de barque, comment ne pas penser à celles, surchargées, qui sombrent de nos jours en Méditerranée.
Nous sommes tous dans la même mer… où Dieu semble dormir, à l'image de Jésus, dont le sommeil nous dit ce silence de Dieu, mais aussi la confiance qui est celle de Jésus.
Jésus apaise les flots, en se faisant obéir du vent et de la mer qui sont les mêmes pour tous. En montrant la puissance divine à ses disciples, Jésus leur montre aussi qu'il a pouvoir sur la tempête, pour tous.
Voilà qui nous ramène à une tempête qui traverse le temps, jusqu’à nous, à l’autre bout de vingt siècles, notre tempête elle aussi plus vaste que notre seule barque. La tempête, qui agite les flots pour toutes et tous, s'apaise aussi pour toutes et tous, montre Jésus en réduisant à l'obéissance la mer et le vent. Jésus, lui, est dans la barque, au milieu des flots agités, agités pour tout le monde. Et il calme la tempête, pour tous, nous rejoignant depuis son sommeil qui nous dit son calme et sa confiance — « c’est dans le calme et la confiance que sera votre force », dit Ésaïe (30, 15), auquel Paul fait écho en écrivant que nous sommes sauvés par la foi de Jésus-Christ (Galates 2, 16 ; Romains 3, 22), sauvés de toutes les tempêtes, par la confiance en son Père qu’a eu pour nous celui qui dormait dans la barque. Pour une démultiplication de confiance, comme un effet papillon, la confiance de Jésus entraînant celle des disciples, et de loin en loin, appelant la nôtre.
« Vous n'avez pas encore de foi ? » a demandé Jésus (v. 40). Dans la situation qui est la nôtre, la confiance de Jésus est un appel à lui faire confiance comme il a fait confiance en son Père : il a pouvoir sur toutes les tempêtes. Même le vent et la mer lui obéissent !
Marc 4, 35-41
35 Ce jour-là, le soir venu, Jésus leur dit : « Passons sur l'autre rive. »
36 Quittant la foule, ils emmènent Jésus dans la barque où il se trouvait, et il y avait d'autres barques avec lui.
37 Survient un grand tourbillon de vent. Les vagues se jetaient sur la barque, au point que déjà la barque se remplissait.
38 Et lui, à l'arrière, sur le coussin, dormait. Ils le réveillent et lui disent : « Maître, cela ne te fait rien que nous périssions ? »
39 Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence ! Tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme.
40 Jésus leur dit : « Pourquoi avez-vous si peur ? Vous n'avez pas encore de foi. »
41 Ils furent saisis d'une grande crainte, et ils se disaient entre eux : « Qui donc est-il, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »
*
Imaginons-nous en l'an 30 de notre ère, aux alentours des habitations de Lemonum, qui deviendra Poitiers. Sur le Clain, la rivière qui coule en contrebas, une barque glisse lentement. Dans la barque, un enfant en train de pêcher. L'eau de la rivière est calme. Un papillon vient d’en frôler la surface, provoquant un poisson qui tente de sauter pour l’attraper. D'un battement d'aile, le papillon lui échappe et poursuit son vol, s’élevant au-dessus des cercles qui s'élargissent sur l'eau paisible de la rivière…
Avant de revenir à notre papillon, transportons-nous à présent près de vingt siècles plus tard, à Boston, en 1963. Un mathématicien du nom d'Edward Lorenz y travaille au Département de météorologie l'Institut de Technologie de l'État du Massachusetts. Il étudie sur ordinateur les problèmes de prévisions météorologiques.
Il s'aperçoit que s'il change de façon très minime les données météo sur son ordinateur, cela bouleverse considérablement les prévisions. On passe, par une minuscule modification, de beau temps à tempête ou l'inverse. Les conséquences de ce changement minime des données est ce qu'il explique lors d'une conférence qu'il donne en 1972, ce à quoi un de ses collègues réagit par une formule qui sera résumée en ces mots : « le battement d’une aile de papillon modifie complètement l’atmosphère, au point qu'on peut dire qu'un battement d'aile de papillon au Brésil peut entraîner une tempête au Texas ». La formule est devenue célèbre sous le nom d'effet papillon. Cela veut simplement dire, au départ, que les prédictions météorologiques à long terme sont à peu près impossibles à tenir, puisque la moindre modification, fût-ce un battement d'aile de papillon, peut tout changer…
Revenons sur le Clain où l'enfant est en train de pêcher en l'an 30 après Jésus-Christ. L'enfant ne sait pas que le papillon qu'il vient de voir échapper, par un simple battement d'aile, à la faim d'un poisson, est peut-être en rapport avec la tempête qui va se lever quelques jours après, à plusieurs milliers de kilomètres de là, sur le lac de Galilée que Jésus, sur une autre barque, sera en train de traverser avec ses disciples…
*
Il parait que les tempêtes sont toujours des surprises dans la mer de Galilée, cette mer que Jésus apaise, cette mer sur laquelle il y a plusieurs barques, nous dit Marc… Plusieurs barques, mais la mer est la même pour tous.
Dans telle barque, on subira dans une véritable angoisse tel remou que telle autre jugera insignifiant. Nos peurs nous sont propres.
Et on ne sait jamais quelle sera la tempête que l’on devra affronter, et qu'un simple papillon lointain et inconnu de nous peut annoncer. La menace ne connaît pas de mesure plus précise que les prévisions météos sur plus de quelques jours.
La mer, à l'époque de notre récit, a une signification ambiguë. Elle a d'un côté des aspects positifs : par exemple, les pêcheurs que sont les disciples en tirent leur nourriture. Mais la mer a aussi une signification menaçante, qui s'exprime dans cette tempête. La mer est aussi ce qui trouble la Création, tandis que Dieu la dompte et en fixe les limites — ainsi au livre de Job (ch. 38, v. 11) : « Tu viendras jusqu’ici, pas plus loin ; là s’arrêtera l’insolence de tes flots ! » dit Dieu à l'océan.
La mer peut être menaçante, l’Esprit de Dieu n'est pas étranger à ses flots et à ses agitations. Rappelons-nous le récit de la Création : l'Esprit de Dieu planait à la surface des eaux, dit la Genèse (ch. 1, v. 2). Notre texte, lui, parle du vent que Jésus apaise. Souffle de Dieu ou vent créé, esprit bon ou mauvais, souffle doux ou vent de tempête.
L'Esprit de Dieu souffle où il veut, dit Jésus, montrant aux disciples l’action de son Père, celui qui fixe ses limites à la mer, celui qui donne le souffle ou le retient, celui qui donne ses ordres aux flots et aux anges, esprits, souffles, vents et papillons.
Mes peurs sont les miennes, nos peurs à chacune et chacun sont les nôtres. Ne sachant pas ce que vivent les autres, nous sommes naturellement tentés de penser que les tempêtes de nos vies sont les plus menaçantes, assez, parfois, pour que nous restions au port… Mais Jésus ne propose pas de ramener la barque au port… « Passons sur l'autre rive », a-t-il dit. À présent, il apaise la tempête en lui donnant un ordre… Après avoir été tiré d'un sommeil qui dit aux disciples que décidément la tempête semble ne pas l'inquiéter.
*
De l'autre côté de cette mer qu'il va calmer, Jésus, un peu plus tard, multipliera les pains, pour apaiser, cette fois, la faim, cette faim, qui, avec la misère de nombreux pays, ou la persécution et la guerre, bientôt les exils écologiques, conduit aujourd'hui aux grands exodes qui se dessinent — parlant de barque, comment ne pas penser à celles, surchargées, qui sombrent de nos jours en Méditerranée.
Nous sommes tous dans la même mer… où Dieu semble dormir, à l'image de Jésus, dont le sommeil nous dit ce silence de Dieu, mais aussi la confiance qui est celle de Jésus.
*
Jésus apaise les flots, en se faisant obéir du vent et de la mer qui sont les mêmes pour tous. En montrant la puissance divine à ses disciples, Jésus leur montre aussi qu'il a pouvoir sur la tempête, pour tous.
Voilà qui nous ramène à une tempête qui traverse le temps, jusqu’à nous, à l’autre bout de vingt siècles, notre tempête elle aussi plus vaste que notre seule barque. La tempête, qui agite les flots pour toutes et tous, s'apaise aussi pour toutes et tous, montre Jésus en réduisant à l'obéissance la mer et le vent. Jésus, lui, est dans la barque, au milieu des flots agités, agités pour tout le monde. Et il calme la tempête, pour tous, nous rejoignant depuis son sommeil qui nous dit son calme et sa confiance — « c’est dans le calme et la confiance que sera votre force », dit Ésaïe (30, 15), auquel Paul fait écho en écrivant que nous sommes sauvés par la foi de Jésus-Christ (Galates 2, 16 ; Romains 3, 22), sauvés de toutes les tempêtes, par la confiance en son Père qu’a eu pour nous celui qui dormait dans la barque. Pour une démultiplication de confiance, comme un effet papillon, la confiance de Jésus entraînant celle des disciples, et de loin en loin, appelant la nôtre.
*
« Vous n'avez pas encore de foi ? » a demandé Jésus (v. 40). Dans la situation qui est la nôtre, la confiance de Jésus est un appel à lui faire confiance comme il a fait confiance en son Père : il a pouvoir sur toutes les tempêtes. Même le vent et la mer lui obéissent !
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire