Matthieu 4, 12-23
« Pêcheurs d'hommes » — un jeu de mots pour ces pêcheurs de poissons. Un jeu de mot qui dit peut-être beaucoup. Les poissons, on les retire de la mer où ils ne se noient pas ! En repêcher les hommes, si on prend l'image en son sens strict, c'est les sauver de la noyade… Et si c'était bien là la vocation de disciples ?
Voilà des petits artisans de la pêche dont on apprend qu'ils « laissèrent les filets et suivirent Jésus ». Est-ce que la pêche n'est plus ce qu'elle était ? Est-ce que les entreprises des frères Pierre et André et celle des Zébédée & Co battent de l'aile ? — Que voulez-vous, c'est la crise ! De toute façon la pêche est un travail difficile, et qui rapporte peu. Alors après tout pourquoi ne pas tenter autre chose, et en ces temps sombres — et pourquoi pas au service de Jésus ? Après tout, vu les difficultés des temps, on n'a rien à perdre. Là au moins, pas de chômage. Et si on ne gagne peut-être pas des cents et des mille, qu'est-ce qu'on rigole !
C'est sans compter sans la radicalité de la rupture entre leur vie quotidienne et la vocation chrétienne ! Radicalité qui nous concerne aussi et sans laquelle il n'y a pas de vraie relation avec le Christ vivant. Pierre et André, Jacques et Jean, sont en train de pêcher. Ils exercent leur activité habituelle. C'est leur gagne-pain. « Suivez-moi, dit Jésus, et je vous ferai pêcheurs d'hommes ». À travers ce jeu de mot est introduite une rupture après laquelle plus rien ne sera comme avant : aussitôt, laissant filets et barques, « ils le suivirent ».
Nous sommes en Galilée, cette Galilée dont le Ressuscité dira à la fin de ce même évangile de Matthieu qu'il y précède les disciples. Si le ministère de Jésus est inauguré de façon officielle en Judée, par son baptême auprès de Jean, le véritable départ a lieu en Galilée. Et Matthieu y insiste de façon suffisante, à l'appui d'Ésaïe, pour que ce ne soit pas indifférent. La Galilée est réputée être une terre à la foi douteuse aux yeux des Judéens, qui ont le Temple, le centre religieux, la bonne doctrine, etc.
En ces temps de prière pour l’unité, il n’est pas dépourvu de sens de considérer cela. Chacun d’entre nous considère volontiers être de la bonne façon de croire et de vivre la foi, réputant volontiers les autres d’être dans une sorte de semi-pénombre spirituelle.
Eh bien, comme Jésus a surpris en recrutant ses disciples dans le camp douteux, celui de la Galilée des païens, plongée dans la nuit, selon Ésaïe, comme les poissons au fond de son lac, lui, Jésus, qui est toujours le même, est toujours en passe de nous surprendre en portant un regard plus favorable qu’on ne le voudrait sur ceux qui nous paraissent à nous un peu douteux, ou héritiers d’un passé douteux. Jésus est devenu l’un d’eux, Galiléen. Dieu est toujours en situation de faire toutes choses nouvelles.
Des textes comme celui d’aujourd’hui, qui insistent tant sur l’importance de la Galilée, terre juive elle aussi, comme la Judée, font qu’il faut voir dans ces tensions au cœur des Évangiles, aussi des tensions régionales, voire quelque peu régionalistes, concernant des revendications de primauté d’un lieu sur l’autre, d’une pratique religieuse sur l’autre, etc. Trois tendances régionales se font concurrence alors, celle de la Judée, celle de la Galilée, celle de la Samarie. La mieux vue, parce que celle de la capitale, avec son Temple superbe, est celle de la Judée, qui a donné son nom finalement à tous les autres, au point qu’à l’étranger, hors d’Israël, on appelle tout le monde des Juifs — nom, au sens strict et originel, des habitants de la Judée — distinguant mal entre les Judéens et les Galiléens, voire autres Samaritains.
Or, comme l’Évangile s’est largement répandu hors des frontières d’Israël, on en est venu à prendre des querelles régionales internes pour une opposition de Jésus contre les juifs en général, même d'hors de la Judée. Et puisque le courant pharisien était si important dans les tendances religieuses juives, on est est venu à confondre le tout : Jésus considéré contre tous ceux-là, les chrétiens feront de même. Ça en serait presque à se demander si Jésus était juif lui-même ! Ce méli-mélo s’estompe si on perçoit bien les tensions régionales internes, non pas entre juifs et chrétiens, qui n’existent pas encore, mais — sans compter les Samaritains — entre Judéens et Galiléens.
Et voilà que Jésus offre à ces Galiléens à moitié dans la nuit — à l'appui de la citation que fait Matthieu d'Ésaïe « le peuple qui marche dans les ténèbres » — la primeur de son message : c’est comme si demain, les choses importantes cessaient de se passer à Paris, alors qu’à l’étranger, on a parfois l’habitude de confondre la capitale avec la France en général. Voilà qui aurait un petit parfum de querelles régionalistes. Et pour le dire d’une autre façon, en termes plus religieux, il est opportun de penser à cela en ces temps de prière pour l’unité : Dieu peut toujours nous surprendre en appelant les Galiléens avant nous…
Peuple probablement en outre complexé face à ceux qui sont en vue, peuple de Galilée que Jésus prend en affection, n’ignorant pas que dans les temps de crise, il se retournera éventuellement contre lui — cela à l'appui de complexes d'infériorité, et en mal de soulagement des ressentiments qui en naissent.
Jésus n’en comprend pas moins leurs difficultés, apportant autant que possible ce qu’ainsi ils n’auront pas besoin d’aller chercher ailleurs. « Tu brises aujourd'hui le joug de l'oppression qui pèse sur ton peuple, la barre qui écrase ses épaules, le bâton dont on le frappe » (És 9, 3). Ce faisant Jésus court le risque qui fait que cela se retournera contre lui. Son message n’est pas dans les illusions auxquelles on succombe si facilement. Son message, lumière éblouissante, est chargé d’une croix : la vie qu'offre Jésus n’est pas cette auberge espagnole où chacun amène tous ses désirs et les voit enfin comblés.
Les ténèbres de la Galilée d'Ésaïe rappelées lors de la vocation des disciples valent pour quiconque est appelé par Dieu. C'est au cœur de notre Galilée, de nos ténèbres, que Jésus nous précède — aveuglés face à sa lumière éblouissante, aussi. Luther le dit ainsi : « Dieu m’a poussé de l’avant comme une mule à qui l’on aurait bandé les yeux […]. C’est ainsi que j’ai été poussé en dépit de moi au ministère d’enseignement et de prédication ; mais si j’avais su ce que je sais maintenant [l’opposition que cela me vaut], c’est à peine si dix chevaux auraient pu m’y pousser. C’est ainsi que se plaignent aussi Moïse et Jérémie d’avoir été trompés. » (Propos de table, cité par Volz dans son Commentaire, p. 208.)
Luther évoque Jérémie, qui s'épanche devant Dieu en disant : « Tu m'as séduit, Seigneur, Et je me suis laissé séduire ; tu m'as saisi et tu as vaincu. Et je suis chaque jour en dérision, tout le monde se moque de moi. » (Jér 20 v. 7.)
On imagine combien Pierre, André, Jacques, qui aujourd’hui quittent leur barque, tous trois morts martyrs, peuvent faire leurs de telles paroles à la fin de leur vie.
En fait, la paix, la vraie paix qu’amène Jésus est une paix que le monde ne connaît pas, un bien-être qui n’est pas forcément celui de voir tout réussir à tous les plans. Une joie qui est celle de savoir que l’on a répondu à l’appel de la vérité. C’est là le bonheur, le salaire nouveau des disciples qui abandonnent tout pour lui, pas comme on abandonne tout pour un « gourou ». Aucune illusion : demain ne sera pas facile. C'est aussi cela être disciple. Demain, il faudra encore manger à la sueur de son front, mais une route est commencée, qui mène, via la croix, à la vraie vie, au Royaume, qui s’accomplira dans la Résurrection.
Cela via la croix, où, dit le Psaume 69 relu comme annonçant la croix, on est plongé dans des eaux qui « viennent jusqu'à la gorge » (v. 2). Vocation de disciples appelés à être pêcheurs d'hommes, en annonçant celui qui les a rejoints, qui nous a rejoints jusqu'au fond des abîmes où nous aurions été engloutis… Il n'est pas d'émergence dans la lumière de la résurrection, d'émergence à la vie qui ne soit repêchage depuis l'abîme de la croix.
Ce qu’écrira bien plus tard un grand témoin de Jésus du Moyen Âge, Thomas A Kempis, dans son livre L’imitation de Jésus-Christ en ces termes : « Jésus trouve beaucoup de personnes désirant son royaume céleste, mais peu partageant sa croix ; beaucoup souhaitant ses consolations, mais peu aimant ses douleurs. Beaucoup de compagnons de sa table, mais peu de son abstinence. Tous désirent se réjouir avec lui, mais peu veulent souffrir quelque chose pour lui. Beaucoup suivent Jésus jusqu’à la fraction du pain, mais peu jusqu’à boire la coupe de sa passion. Beaucoup admirent ses miracles, mais peu recherchent l’ignominie de sa croix. Beaucoup admirent Jésus tant que l’adversité n’arrive pas…
« Ceux qui aiment Jésus pour lui-même […] le bénissent en toute épreuve et dans l’angoisse du cœur comme dans la plus grande joie. Et ne voulût-il jamais les consoler, ils le loueraient néanmoins toujours et toujours lui rendraient grâces.
« Donne-moi, Seigneur, de savoir ce que je dois savoir, d’aimer ce que je dois aimer, d’estimer ce qui est précieux devant toi et de blâmer ce qui est vil à tes yeux. Ne me laisse pas juger d’après les dehors que l’œil aperçoit, ni prononcer sur le rapport des hommes peu sensés ; mais fais-moi discerner avec justesse les choses sensibles et les choses spirituelles, et chercher surtout et toujours ton bon plaisir ».
(Textes du jour : Ésaïe 8, 23-9, 4 ; Psaume 27 ; 1 Corinthiens 1, 10-17 ; Matthieu 4, 12-23)
12 Ayant appris que Jean avait été livré, Jésus se retira en Galilée.
13 Puis, abandonnant Nazara, il vint habiter à Capharnaüm, au bord de la mer, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali,
14 pour que s’accomplisse ce qu’avait dit le prophète Ésaïe :
15 Terre de Zabulon, terre de Nephtali,
route de la mer,
pays au-delà du Jourdain,
Galilée des Nations !
16 Le peuple qui se trouvait dans les ténèbres
a vu une grande lumière ;
pour ceux qui se trouvaient dans le sombre pays de la mort,
une lumière s’est levée.
17 À partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : « Convertissez-vous : le Règne des cieux s’est approché. »
18 Comme il marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon appelé Pierre et André, son frère, en train de jeter le filet dans la mer : c’étaient des pêcheurs.
19 Il leur dit : « Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »
20 Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent.
21 Avançant encore, il vit deux autres frères : Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, dans leur barque, avec Zébédée leur père, en train d’arranger leurs filets. Il les appela.
22 Laissant aussitôt leur barque et leur père, ils le suivirent.
23 Puis, parcourant toute la Galilée, il enseignait dans leurs synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Règne et guérissait toute maladie et toute infirmité parmi le peuple.
*
« Pêcheurs d'hommes » — un jeu de mots pour ces pêcheurs de poissons. Un jeu de mot qui dit peut-être beaucoup. Les poissons, on les retire de la mer où ils ne se noient pas ! En repêcher les hommes, si on prend l'image en son sens strict, c'est les sauver de la noyade… Et si c'était bien là la vocation de disciples ?
Voilà des petits artisans de la pêche dont on apprend qu'ils « laissèrent les filets et suivirent Jésus ». Est-ce que la pêche n'est plus ce qu'elle était ? Est-ce que les entreprises des frères Pierre et André et celle des Zébédée & Co battent de l'aile ? — Que voulez-vous, c'est la crise ! De toute façon la pêche est un travail difficile, et qui rapporte peu. Alors après tout pourquoi ne pas tenter autre chose, et en ces temps sombres — et pourquoi pas au service de Jésus ? Après tout, vu les difficultés des temps, on n'a rien à perdre. Là au moins, pas de chômage. Et si on ne gagne peut-être pas des cents et des mille, qu'est-ce qu'on rigole !
C'est sans compter sans la radicalité de la rupture entre leur vie quotidienne et la vocation chrétienne ! Radicalité qui nous concerne aussi et sans laquelle il n'y a pas de vraie relation avec le Christ vivant. Pierre et André, Jacques et Jean, sont en train de pêcher. Ils exercent leur activité habituelle. C'est leur gagne-pain. « Suivez-moi, dit Jésus, et je vous ferai pêcheurs d'hommes ». À travers ce jeu de mot est introduite une rupture après laquelle plus rien ne sera comme avant : aussitôt, laissant filets et barques, « ils le suivirent ».
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Nous sommes en Galilée, cette Galilée dont le Ressuscité dira à la fin de ce même évangile de Matthieu qu'il y précède les disciples. Si le ministère de Jésus est inauguré de façon officielle en Judée, par son baptême auprès de Jean, le véritable départ a lieu en Galilée. Et Matthieu y insiste de façon suffisante, à l'appui d'Ésaïe, pour que ce ne soit pas indifférent. La Galilée est réputée être une terre à la foi douteuse aux yeux des Judéens, qui ont le Temple, le centre religieux, la bonne doctrine, etc.
En ces temps de prière pour l’unité, il n’est pas dépourvu de sens de considérer cela. Chacun d’entre nous considère volontiers être de la bonne façon de croire et de vivre la foi, réputant volontiers les autres d’être dans une sorte de semi-pénombre spirituelle.
Eh bien, comme Jésus a surpris en recrutant ses disciples dans le camp douteux, celui de la Galilée des païens, plongée dans la nuit, selon Ésaïe, comme les poissons au fond de son lac, lui, Jésus, qui est toujours le même, est toujours en passe de nous surprendre en portant un regard plus favorable qu’on ne le voudrait sur ceux qui nous paraissent à nous un peu douteux, ou héritiers d’un passé douteux. Jésus est devenu l’un d’eux, Galiléen. Dieu est toujours en situation de faire toutes choses nouvelles.
Des textes comme celui d’aujourd’hui, qui insistent tant sur l’importance de la Galilée, terre juive elle aussi, comme la Judée, font qu’il faut voir dans ces tensions au cœur des Évangiles, aussi des tensions régionales, voire quelque peu régionalistes, concernant des revendications de primauté d’un lieu sur l’autre, d’une pratique religieuse sur l’autre, etc. Trois tendances régionales se font concurrence alors, celle de la Judée, celle de la Galilée, celle de la Samarie. La mieux vue, parce que celle de la capitale, avec son Temple superbe, est celle de la Judée, qui a donné son nom finalement à tous les autres, au point qu’à l’étranger, hors d’Israël, on appelle tout le monde des Juifs — nom, au sens strict et originel, des habitants de la Judée — distinguant mal entre les Judéens et les Galiléens, voire autres Samaritains.
Or, comme l’Évangile s’est largement répandu hors des frontières d’Israël, on en est venu à prendre des querelles régionales internes pour une opposition de Jésus contre les juifs en général, même d'hors de la Judée. Et puisque le courant pharisien était si important dans les tendances religieuses juives, on est est venu à confondre le tout : Jésus considéré contre tous ceux-là, les chrétiens feront de même. Ça en serait presque à se demander si Jésus était juif lui-même ! Ce méli-mélo s’estompe si on perçoit bien les tensions régionales internes, non pas entre juifs et chrétiens, qui n’existent pas encore, mais — sans compter les Samaritains — entre Judéens et Galiléens.
Et voilà que Jésus offre à ces Galiléens à moitié dans la nuit — à l'appui de la citation que fait Matthieu d'Ésaïe « le peuple qui marche dans les ténèbres » — la primeur de son message : c’est comme si demain, les choses importantes cessaient de se passer à Paris, alors qu’à l’étranger, on a parfois l’habitude de confondre la capitale avec la France en général. Voilà qui aurait un petit parfum de querelles régionalistes. Et pour le dire d’une autre façon, en termes plus religieux, il est opportun de penser à cela en ces temps de prière pour l’unité : Dieu peut toujours nous surprendre en appelant les Galiléens avant nous…
Peuple probablement en outre complexé face à ceux qui sont en vue, peuple de Galilée que Jésus prend en affection, n’ignorant pas que dans les temps de crise, il se retournera éventuellement contre lui — cela à l'appui de complexes d'infériorité, et en mal de soulagement des ressentiments qui en naissent.
Jésus n’en comprend pas moins leurs difficultés, apportant autant que possible ce qu’ainsi ils n’auront pas besoin d’aller chercher ailleurs. « Tu brises aujourd'hui le joug de l'oppression qui pèse sur ton peuple, la barre qui écrase ses épaules, le bâton dont on le frappe » (És 9, 3). Ce faisant Jésus court le risque qui fait que cela se retournera contre lui. Son message n’est pas dans les illusions auxquelles on succombe si facilement. Son message, lumière éblouissante, est chargé d’une croix : la vie qu'offre Jésus n’est pas cette auberge espagnole où chacun amène tous ses désirs et les voit enfin comblés.
*
Les ténèbres de la Galilée d'Ésaïe rappelées lors de la vocation des disciples valent pour quiconque est appelé par Dieu. C'est au cœur de notre Galilée, de nos ténèbres, que Jésus nous précède — aveuglés face à sa lumière éblouissante, aussi. Luther le dit ainsi : « Dieu m’a poussé de l’avant comme une mule à qui l’on aurait bandé les yeux […]. C’est ainsi que j’ai été poussé en dépit de moi au ministère d’enseignement et de prédication ; mais si j’avais su ce que je sais maintenant [l’opposition que cela me vaut], c’est à peine si dix chevaux auraient pu m’y pousser. C’est ainsi que se plaignent aussi Moïse et Jérémie d’avoir été trompés. » (Propos de table, cité par Volz dans son Commentaire, p. 208.)
Luther évoque Jérémie, qui s'épanche devant Dieu en disant : « Tu m'as séduit, Seigneur, Et je me suis laissé séduire ; tu m'as saisi et tu as vaincu. Et je suis chaque jour en dérision, tout le monde se moque de moi. » (Jér 20 v. 7.)
On imagine combien Pierre, André, Jacques, qui aujourd’hui quittent leur barque, tous trois morts martyrs, peuvent faire leurs de telles paroles à la fin de leur vie.
En fait, la paix, la vraie paix qu’amène Jésus est une paix que le monde ne connaît pas, un bien-être qui n’est pas forcément celui de voir tout réussir à tous les plans. Une joie qui est celle de savoir que l’on a répondu à l’appel de la vérité. C’est là le bonheur, le salaire nouveau des disciples qui abandonnent tout pour lui, pas comme on abandonne tout pour un « gourou ». Aucune illusion : demain ne sera pas facile. C'est aussi cela être disciple. Demain, il faudra encore manger à la sueur de son front, mais une route est commencée, qui mène, via la croix, à la vraie vie, au Royaume, qui s’accomplira dans la Résurrection.
Cela via la croix, où, dit le Psaume 69 relu comme annonçant la croix, on est plongé dans des eaux qui « viennent jusqu'à la gorge » (v. 2). Vocation de disciples appelés à être pêcheurs d'hommes, en annonçant celui qui les a rejoints, qui nous a rejoints jusqu'au fond des abîmes où nous aurions été engloutis… Il n'est pas d'émergence dans la lumière de la résurrection, d'émergence à la vie qui ne soit repêchage depuis l'abîme de la croix.
Ce qu’écrira bien plus tard un grand témoin de Jésus du Moyen Âge, Thomas A Kempis, dans son livre L’imitation de Jésus-Christ en ces termes : « Jésus trouve beaucoup de personnes désirant son royaume céleste, mais peu partageant sa croix ; beaucoup souhaitant ses consolations, mais peu aimant ses douleurs. Beaucoup de compagnons de sa table, mais peu de son abstinence. Tous désirent se réjouir avec lui, mais peu veulent souffrir quelque chose pour lui. Beaucoup suivent Jésus jusqu’à la fraction du pain, mais peu jusqu’à boire la coupe de sa passion. Beaucoup admirent ses miracles, mais peu recherchent l’ignominie de sa croix. Beaucoup admirent Jésus tant que l’adversité n’arrive pas…
« Ceux qui aiment Jésus pour lui-même […] le bénissent en toute épreuve et dans l’angoisse du cœur comme dans la plus grande joie. Et ne voulût-il jamais les consoler, ils le loueraient néanmoins toujours et toujours lui rendraient grâces.
« Donne-moi, Seigneur, de savoir ce que je dois savoir, d’aimer ce que je dois aimer, d’estimer ce qui est précieux devant toi et de blâmer ce qui est vil à tes yeux. Ne me laisse pas juger d’après les dehors que l’œil aperçoit, ni prononcer sur le rapport des hommes peu sensés ; mais fais-moi discerner avec justesse les choses sensibles et les choses spirituelles, et chercher surtout et toujours ton bon plaisir ».
RP, Poitiers, 22/01/23
Prédication (format imprimable)
(Semaine de prière pour l'unité des chrétiens)
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(Semaine de prière pour l'unité des chrétiens)
(Textes du jour : Ésaïe 8, 23-9, 4 ; Psaume 27 ; 1 Corinthiens 1, 10-17 ; Matthieu 4, 12-23)
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