Exode 17, 8-13 ; Psaume 121 ; 2 Timothée 3, 14-4, 2
Luc 18, 1-8
« Prier », le mot français vient du latin « precarius » : 1) qu’on obtient par la prière ou par faveur ; 2) précaire, passager ; 3) d’emprunt, étranger. Voilà qui traduit bien la situation que donne notre parabole comme cadre de base de l’encouragement de Jésus à la prière !
Si le mot grec n’a pas les mêmes connotations, la situation de précarité qui est celle de la veuve, est bien le cadre de la parabole. Cela face à l’indifférence choquante du juge…
La précarité instaure dans notre quotidien cette réalité : nous sommes en ce monde en situation d'exilés, d’emprunt, étrangers, « passagers et errants sur la Terre ». Une réalité qui nous concerne tous, quelle que soit notre origine, notre religion, ou la nature de notre foi : notre précarité, fût-on riche à foison, croirait-on, par peur peut-être de cette précarité, se mettre à l’abri par l’illusion de thésaurisation, quitte à priver autrui du minimum ; notre précarité n’en est pas moins un fait, qui nous est rappelé à l’angle de chaque souffrance, autant de signaux clignotants qui nous alertent : nous allons tous mourir, peut-être dans la douleur. C'est ainsi que « nous ne sommes pas de ce monde », qui que nous soyons.
Ce qui peut se traduire par la précarité au sens propre, donc, voire par la douleur, voire encore par la persécution. Comme chrétiens, ayant entendu de Jésus cet enseignement, nous sommes censés le savoir, dit Jésus : « vous n'êtes pas de ce monde » ; et plus précisément concernant donc la persécution : « si le monde vous hait, c'est que vous n'êtes pas du monde »… comme je n’en suis pas et en ai donc été expulsé ! précise-t-il en substance.
Comme la souffrance subie est signe d’étrangeté au monde, ceux qui font souffrir, qui n'aiment pas, qui haïssent, qui relèguent autrui dans la précarité, le font parce qu'ils se croient du monde, qu’ils se croient non-précaires ! Quel est en effet le motif commun pour persécuter, ou mépriser quelqu'un ? Tout simplement penser qu'il n'est pas à sa place avec nous, pas à sa place chez nous - chez nous, c'est-à-dire, finalement, où, sinon en ce monde ?
Et là c'est Jésus qui console le rejeté en lui rappelant : « tu n'est pas de ce monde, comme moi je ne suis pas du monde. Si tu étais du monde, le monde aimerait ce qui est à lui ». Mais voilà, en attendant l'entrée concrète, vécue, dans cette consolation que procure Jésus, subsiste la douleur. Car avant d'en arriver là, à cette consolation, il est tout un cheminement, — c'est le cheminement de la prière… Le chemin du précaire.
Face à la douleur de la veuve
La précarité est la situation de la veuve de notre parabole. Il n’y a pas plus précaire. Une veuve manque de tout, à l’époque où Jésus parle, comme aujourd’hui en bien des lieux. Et face à cela, voici un juge au comportement désagréable.
Il semble convenir de s'étonner de ce que Jésus ait choisi un tel exemple pour exhorter ses disciples à la prière. On s'accorderait volontiers à penser que ce juge peu scrupuleux n'a rien d'exemplaire, et à tout le moins qu'il représente bien peu celui qu'il est censé représenter ici, à savoir Dieu.
Mais il serait sans doute aussi mal venu de notre part d'escamoter la parabole et de glisser rapidement sur ce qui pourrait nous y déranger en nous contentant d'admirer la persévérance de la veuve sans tenir compte de ce face à quoi elle persévère.
Et si Jésus nous invitait ici à prier Dieu contre la façon dont on se représente Dieu ? Non pas prier parce que je le dois pour être en règle avec Dieu, non pas prier pour m'attirer ses bonnes grâces ou au du devoir accompli, mais prier contre la conception de Dieu que cela suppose.
Une prière qui se dresse comme un refus du mal qu’il semblerait m’envoyer, refus de la souffrance, l'injustice, la mort, ou sa menace, comme l'intercession d'Abraham pour Sodome.
La question de l'exil
À être bien attentifs au texte et aux propos clairs de Jésus aux versets 7 et 8 — « Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit ? … Je vous le déclare : il leur fera justice bien vite. » —, on comprend qu’il est fait allusion ici à la question de la rédemption de son peuple exilé loin de lui — « ses élus » !
Rédemption par rapport à cette situation précaire d'exilé. La rédemption dont Jésus est porteur est celle d'un peuple conscient de son exil. « Pas de ce monde », ce monde où il a perdu sa liberté et où il connaît la souffrance de l’oppression au quotidien.
Car si l'exil babylonien, alors le dernier exil d’Israël, a cessé, ce n'est que pour des situations ambivalentes, qui font que le peuple attend toujours sa rédemption. Et à l'époque du Nouveau Testament, un Jean-Baptiste prêchant le repentir n'annonce rien d'autre, en citant Ésaïe, que la fin de l'exil.
Déjà au plan strictement politique, la liberté des élus est alors largement compromise par la domination romaine : nul ne s'y trompe. Mais en outre, et les plus fervents des fidèles ne cessent de le rappeler, cet exil est en fin de compte le signe dans l’histoire d'un exil plus fondamental : l'exil dans le malheur, la douleur, le péché et la culpabilité. Exil loin de Dieu !
Et au-delà de toutes les rédemptions, c'est de la rédemption de cette captivité-là que Jésus se veut porteur. Et c'est pour cette justice-là, pour être rachetés de cet exil, que « les élus crient à Dieu nuit et jour » (v.7). Dieu tarderait-il ?
Un juste châtiment ?
Ou si Dieu tarde, ne serait-ce pas l'effet d'un juste châtiment ? Après tout, n'est-ce pas par sa propre faute que le peuple est exilé ? Par la bouche des prophètes, Dieu l'annonçait : « ce sont vos péchés qui vous éloignent de moi ». Que de précaires ne sont pas soupçonnés de la sorte ?… ne se soupçonnent pas eux-mêmes de la sorte ? Mais voilà que Jésus ne dit pas du tout cela. Il n'est pas question de cela dans cette parabole.
On ne peut que penser à cet autre prophète, Ézéchiel (36, 16-32), qui, face à un exil qu'il connaît comme châtiment, annonce que, de toute façon, quelle que soit la faute du peuple, Dieu le ramène auprès de lui sans autre raison que la sainteté de son Nom.
C'est bien dans cette ligne que s’inscrit Jésus, mais plus que cela, il n'est pas ici question de péché.
Au fond, Jésus nous fait retrouver ici la leçon du livre de Job. Que faisaient les amis de Job sinon, discrètement et sans s'en rendre compte, l'accuser. Ils le consolent en l'invitant au repentir : qu'est-ce d'autre que l'accuser ?
Le problème de l'adversité
C'est bien au-delà de la question des causes morales de la douleur qu'il nous faut accéder. La racine en est plus profonde, ailleurs que dans des comportements fautifs, réels ou supposés.
Pour la veuve, Israël en exil, coupée de son Dieu, l'attitude du juge demeure incompréhensible, et en tout cas ne trouve pas d'explication dans son attitude à elle. Tout comme Job « sur son tas de fumier » : les explications de ses amis n'expliquent rien.
Face à un tel silence céleste, on sera alors peut-être tenté de dire : ces maux qui nous tombent dessus, incompréhensibles, l'auteur n'en est-il pas le diable ?
Ce serait certes commode, mais un peu court, trop commode en fait : Dieu serait-il impuissant face au diable ? Le livre de Job nous a interdit une telle facilité : le diable, dès le départ de l'épreuve (Job 1), a obtenu l'autorisation, on pourrait dire l'investiture divine pour accomplir sa tâche de subalterne. Job ne s'y trompe d'ailleurs pas, qui affirme : « la main de Dieu m'a frappé » (Job 19, 21).
Il ne nous reste qu'à nous rendre au constat de Job : « Dieu m'a saisi par la nuque et m'a brisé » (Job 16, 12), constat douloureux, incompréhensible, révoltant, face auquel il ne perçoit qu'un recours, apparemment aussi étrange : « C'est Dieu que j'implore avec larmes » (16, 20) ; recours scellé dans une certitude : « je sais que mon rédempteur est vivant, et qu'il se lèvera au dernier jour » (19, 25).
C'est encore la leçon de Paul : Dieu a soumis la Création à la vanité, et à la douleur, avec une espérance : sa libération ! (Ro 8, 20-22). Et nous voilà au cœur de la prière, qui monte à Dieu depuis notre précarité : que ton règne vienne… délivre-nous du mal, du malin.
La veuve face au juge inique
Ici, on retrouve notre parabole avec tout son poids et son mystère. Un veuve, totalement dépouillée, précaire comme on ne peut plus. Il est des choses qui nous semblent bien étranges, bien injustes, dignes de révolte… Ou dignes de combat, de lutte spirituelle.
Au départ, la révolte contre le mal — révolte préférable aux tentatives d'explications de toutes sortes : Dieu donnera tort à ses amis prolixes en explications diverses, contre Job qui se révolte face au mal qui l'atteint. Mais à Job, Dieu ne reprochera que son ignorance.
Jésus dans notre parabole nous mène à la rencontre de la leçon du livre de Job. Il ne nous invite pas à tergiverser face à ce qui tient finalement du scandale : ce juge est désagréable. Il ressemble au Dieu qui nous semble muet et sourd à nos malheurs.
Face à ce présent lourd, accablant, il n'est point d'excuses à fournir au Dieu qui en est le maître, mais à persévérer — l'exil aura son terme, l'errance prendra fin.
Pour cela, il s’agit de plaider, pour obtenir la justice de la foi, proche de se manifester. Cette persévérance devant Dieu suppose de ne pas se décourager. Les réalités sont souvent dures ; le combat est difficile ; l’adversité est bien présente. Mais la forme la plus subtile de l’adversité est encore le découragement. Saurons-nous nous garder les cœurs levés dans la prière ?
Il s’agit bien là d’un combat, le combat de l’Église, combat peu visible — dont la source cachée est le secret de « la chambre intérieure de ton cœur » —, une lutte dont nous sommes les combattants, apparemment contre la raison et contre le réel, contre ce que nous ressentons, même : son fondement est la foi, foi en la promesse, foi comme obéissance : veillez et priez.
Reste alors une seule question : « Quand le Fils de l'Homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
Luc 18, 1-8
1 Jésus leur dit une parabole sur la nécessité pour eux de prier constamment et de ne pas se décourager.
2 Il leur dit : "Il y avait dans une ville un juge qui n’avait ni crainte de Dieu ni respect des hommes.
3 Et il y avait dans cette ville une veuve qui venait lui dire : Rends-moi justice contre mon adversaire.
4 Il s’y refusa longtemps. Et puis il se dit : Même si je ne crains pas Dieu ni ne respecte les hommes,
5 eh bien ! parce que cette veuve m’ennuie, je vais lui rendre justice, pour qu’elle ne vienne pas sans fin me casser la tête.
6 Le Seigneur ajouta : "Ecoutez bien ce que dit ce juge sans justice.
7 Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit ? Et il les fait attendre !
8 Je vous le déclare : il leur fera justice bien vite. Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?"
*
« Prier », le mot français vient du latin « precarius » : 1) qu’on obtient par la prière ou par faveur ; 2) précaire, passager ; 3) d’emprunt, étranger. Voilà qui traduit bien la situation que donne notre parabole comme cadre de base de l’encouragement de Jésus à la prière !
Si le mot grec n’a pas les mêmes connotations, la situation de précarité qui est celle de la veuve, est bien le cadre de la parabole. Cela face à l’indifférence choquante du juge…
La précarité instaure dans notre quotidien cette réalité : nous sommes en ce monde en situation d'exilés, d’emprunt, étrangers, « passagers et errants sur la Terre ». Une réalité qui nous concerne tous, quelle que soit notre origine, notre religion, ou la nature de notre foi : notre précarité, fût-on riche à foison, croirait-on, par peur peut-être de cette précarité, se mettre à l’abri par l’illusion de thésaurisation, quitte à priver autrui du minimum ; notre précarité n’en est pas moins un fait, qui nous est rappelé à l’angle de chaque souffrance, autant de signaux clignotants qui nous alertent : nous allons tous mourir, peut-être dans la douleur. C'est ainsi que « nous ne sommes pas de ce monde », qui que nous soyons.
Ce qui peut se traduire par la précarité au sens propre, donc, voire par la douleur, voire encore par la persécution. Comme chrétiens, ayant entendu de Jésus cet enseignement, nous sommes censés le savoir, dit Jésus : « vous n'êtes pas de ce monde » ; et plus précisément concernant donc la persécution : « si le monde vous hait, c'est que vous n'êtes pas du monde »… comme je n’en suis pas et en ai donc été expulsé ! précise-t-il en substance.
Comme la souffrance subie est signe d’étrangeté au monde, ceux qui font souffrir, qui n'aiment pas, qui haïssent, qui relèguent autrui dans la précarité, le font parce qu'ils se croient du monde, qu’ils se croient non-précaires ! Quel est en effet le motif commun pour persécuter, ou mépriser quelqu'un ? Tout simplement penser qu'il n'est pas à sa place avec nous, pas à sa place chez nous - chez nous, c'est-à-dire, finalement, où, sinon en ce monde ?
Et là c'est Jésus qui console le rejeté en lui rappelant : « tu n'est pas de ce monde, comme moi je ne suis pas du monde. Si tu étais du monde, le monde aimerait ce qui est à lui ». Mais voilà, en attendant l'entrée concrète, vécue, dans cette consolation que procure Jésus, subsiste la douleur. Car avant d'en arriver là, à cette consolation, il est tout un cheminement, — c'est le cheminement de la prière… Le chemin du précaire.
Face à la douleur de la veuve
La précarité est la situation de la veuve de notre parabole. Il n’y a pas plus précaire. Une veuve manque de tout, à l’époque où Jésus parle, comme aujourd’hui en bien des lieux. Et face à cela, voici un juge au comportement désagréable.
Il semble convenir de s'étonner de ce que Jésus ait choisi un tel exemple pour exhorter ses disciples à la prière. On s'accorderait volontiers à penser que ce juge peu scrupuleux n'a rien d'exemplaire, et à tout le moins qu'il représente bien peu celui qu'il est censé représenter ici, à savoir Dieu.
Mais il serait sans doute aussi mal venu de notre part d'escamoter la parabole et de glisser rapidement sur ce qui pourrait nous y déranger en nous contentant d'admirer la persévérance de la veuve sans tenir compte de ce face à quoi elle persévère.
Et si Jésus nous invitait ici à prier Dieu contre la façon dont on se représente Dieu ? Non pas prier parce que je le dois pour être en règle avec Dieu, non pas prier pour m'attirer ses bonnes grâces ou au du devoir accompli, mais prier contre la conception de Dieu que cela suppose.
Une prière qui se dresse comme un refus du mal qu’il semblerait m’envoyer, refus de la souffrance, l'injustice, la mort, ou sa menace, comme l'intercession d'Abraham pour Sodome.
La question de l'exil
À être bien attentifs au texte et aux propos clairs de Jésus aux versets 7 et 8 — « Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit ? … Je vous le déclare : il leur fera justice bien vite. » —, on comprend qu’il est fait allusion ici à la question de la rédemption de son peuple exilé loin de lui — « ses élus » !
Rédemption par rapport à cette situation précaire d'exilé. La rédemption dont Jésus est porteur est celle d'un peuple conscient de son exil. « Pas de ce monde », ce monde où il a perdu sa liberté et où il connaît la souffrance de l’oppression au quotidien.
Car si l'exil babylonien, alors le dernier exil d’Israël, a cessé, ce n'est que pour des situations ambivalentes, qui font que le peuple attend toujours sa rédemption. Et à l'époque du Nouveau Testament, un Jean-Baptiste prêchant le repentir n'annonce rien d'autre, en citant Ésaïe, que la fin de l'exil.
Déjà au plan strictement politique, la liberté des élus est alors largement compromise par la domination romaine : nul ne s'y trompe. Mais en outre, et les plus fervents des fidèles ne cessent de le rappeler, cet exil est en fin de compte le signe dans l’histoire d'un exil plus fondamental : l'exil dans le malheur, la douleur, le péché et la culpabilité. Exil loin de Dieu !
Et au-delà de toutes les rédemptions, c'est de la rédemption de cette captivité-là que Jésus se veut porteur. Et c'est pour cette justice-là, pour être rachetés de cet exil, que « les élus crient à Dieu nuit et jour » (v.7). Dieu tarderait-il ?
Un juste châtiment ?
Ou si Dieu tarde, ne serait-ce pas l'effet d'un juste châtiment ? Après tout, n'est-ce pas par sa propre faute que le peuple est exilé ? Par la bouche des prophètes, Dieu l'annonçait : « ce sont vos péchés qui vous éloignent de moi ». Que de précaires ne sont pas soupçonnés de la sorte ?… ne se soupçonnent pas eux-mêmes de la sorte ? Mais voilà que Jésus ne dit pas du tout cela. Il n'est pas question de cela dans cette parabole.
On ne peut que penser à cet autre prophète, Ézéchiel (36, 16-32), qui, face à un exil qu'il connaît comme châtiment, annonce que, de toute façon, quelle que soit la faute du peuple, Dieu le ramène auprès de lui sans autre raison que la sainteté de son Nom.
C'est bien dans cette ligne que s’inscrit Jésus, mais plus que cela, il n'est pas ici question de péché.
Au fond, Jésus nous fait retrouver ici la leçon du livre de Job. Que faisaient les amis de Job sinon, discrètement et sans s'en rendre compte, l'accuser. Ils le consolent en l'invitant au repentir : qu'est-ce d'autre que l'accuser ?
Le problème de l'adversité
C'est bien au-delà de la question des causes morales de la douleur qu'il nous faut accéder. La racine en est plus profonde, ailleurs que dans des comportements fautifs, réels ou supposés.
Pour la veuve, Israël en exil, coupée de son Dieu, l'attitude du juge demeure incompréhensible, et en tout cas ne trouve pas d'explication dans son attitude à elle. Tout comme Job « sur son tas de fumier » : les explications de ses amis n'expliquent rien.
Face à un tel silence céleste, on sera alors peut-être tenté de dire : ces maux qui nous tombent dessus, incompréhensibles, l'auteur n'en est-il pas le diable ?
Ce serait certes commode, mais un peu court, trop commode en fait : Dieu serait-il impuissant face au diable ? Le livre de Job nous a interdit une telle facilité : le diable, dès le départ de l'épreuve (Job 1), a obtenu l'autorisation, on pourrait dire l'investiture divine pour accomplir sa tâche de subalterne. Job ne s'y trompe d'ailleurs pas, qui affirme : « la main de Dieu m'a frappé » (Job 19, 21).
Il ne nous reste qu'à nous rendre au constat de Job : « Dieu m'a saisi par la nuque et m'a brisé » (Job 16, 12), constat douloureux, incompréhensible, révoltant, face auquel il ne perçoit qu'un recours, apparemment aussi étrange : « C'est Dieu que j'implore avec larmes » (16, 20) ; recours scellé dans une certitude : « je sais que mon rédempteur est vivant, et qu'il se lèvera au dernier jour » (19, 25).
C'est encore la leçon de Paul : Dieu a soumis la Création à la vanité, et à la douleur, avec une espérance : sa libération ! (Ro 8, 20-22). Et nous voilà au cœur de la prière, qui monte à Dieu depuis notre précarité : que ton règne vienne… délivre-nous du mal, du malin.
La veuve face au juge inique
Ici, on retrouve notre parabole avec tout son poids et son mystère. Un veuve, totalement dépouillée, précaire comme on ne peut plus. Il est des choses qui nous semblent bien étranges, bien injustes, dignes de révolte… Ou dignes de combat, de lutte spirituelle.
Au départ, la révolte contre le mal — révolte préférable aux tentatives d'explications de toutes sortes : Dieu donnera tort à ses amis prolixes en explications diverses, contre Job qui se révolte face au mal qui l'atteint. Mais à Job, Dieu ne reprochera que son ignorance.
Jésus dans notre parabole nous mène à la rencontre de la leçon du livre de Job. Il ne nous invite pas à tergiverser face à ce qui tient finalement du scandale : ce juge est désagréable. Il ressemble au Dieu qui nous semble muet et sourd à nos malheurs.
Face à ce présent lourd, accablant, il n'est point d'excuses à fournir au Dieu qui en est le maître, mais à persévérer — l'exil aura son terme, l'errance prendra fin.
Pour cela, il s’agit de plaider, pour obtenir la justice de la foi, proche de se manifester. Cette persévérance devant Dieu suppose de ne pas se décourager. Les réalités sont souvent dures ; le combat est difficile ; l’adversité est bien présente. Mais la forme la plus subtile de l’adversité est encore le découragement. Saurons-nous nous garder les cœurs levés dans la prière ?
Il s’agit bien là d’un combat, le combat de l’Église, combat peu visible — dont la source cachée est le secret de « la chambre intérieure de ton cœur » —, une lutte dont nous sommes les combattants, apparemment contre la raison et contre le réel, contre ce que nous ressentons, même : son fondement est la foi, foi en la promesse, foi comme obéissance : veillez et priez.
Reste alors une seule question : « Quand le Fils de l'Homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
R.P.
Antibes, 17.10.10
Antibes, 17.10.10
Normalement la lecture de ce texte me plonge ds la joie et l'espérance. En lisant ton commentaire je reste perplexe .Là où j'habite notre municipalité est secouée , j'ose dire attaquée spirituellement de toutes parts et par ts les moyens.
RépondreSupprimerCe texte je l'ai reçu comme un signe d'espoir et vlan après tes remarques que me reste t'il ? Plus rien et tout en même temps ; je continue à espérer? je vais passer 5j ds un prieuré pour " apprendre " et pratiquer la prière du coeur ( ou de Jésus ) j'en attends beaucp.
Que le Seigneur te bénisse et garde
... En quoi ça te laisse perplexe, et "vlan" ? "Plus rien et tout en même temps" ? Quid ?
RépondreSupprimerVoici la définition de perplexe: "embarrassée, hésitante, incrédule, indécise, indéterminée, inquiète, irrésolue. "
RépondreSupprimerTout cela à la fois... et croyante en même temps .J'ai foi , par expérience , ds la réponse de Dieu à mes prières mais selon " sa " volonté .Je suis svt comme cette veuve à supplier : Seigneur aie pitié de moi . J'y crois , si j'ai la foi cela m'est donné même si mon oui ressemble aux oui ( s) de Pierre. Je ne suis pas prête aujourd'hui à tout perdre ds la douleur ( mari , enfants , santé ) comme Job. Ds le quotidien , devant les difficultés , je prie et j'espère en Dieu . Je prie pour ceux qui m'entourent et qui st ds la peine . Le " vlan " signifie tu pries mais à quoi ça sert : donc plus de foi , plus d'espérance soit "plus rien " .En même temps " tout" car je garde ,grâce à Dieu, confiance . C'est vrai je n'y comprends rien , ce n'est pas facile à vivre d'où mes mises à l'écart sur la montagne ( ds un prieuré) pour faire le ménage intérieur et recevoir des directives et des forces pour " obéir " et vivre ce oui au quotidien ds les petites tâches comme ds les gdes ...
Ephésiens 3, 14-21
RépondreSupprimerFrères, je tombe à genoux devant le Père, qui est la source de toute paternité au ciel et sur la terre. Lui qui est si riche en gloire, qu'il vous donne la puissance par son Esprit, pour rendre fort l'homme intérieur. Que le Christ habite en vos coeurs par la foi ; restez enracinés dans l'amour, établis dans l'amour. Ainsi vous serez capables de comprendre avec tous les fidèles quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur... Vous connaîtrez l'amour du Christ qui surpasse tout ce qu'on peut connaître. Alors vous serez comblés jusqu'à entrer dans la plénitude de Dieu.
Gloire à celui qui a le pouvoir de réaliser en nous par sa puissance infiniment plus que nous ne pouvons demander ou même imaginer, gloire à lui dans l'Église et dans le Christ Jésus pour toutes les générations dans les siècles des siècles. Amen.
Je viens de lire ce texte du jour immédiatement après ma 2ième réponse . Je le lis simplement et je le prends comme une réponse à ma perplexité !
Oui je sais c'est un peu facile comme attitude , mais bon , c'est la mienne ...
bonne journée