Photo par Donatella Piccone
Psaume 47 ; Actes 1, 1-14 ; 2 Corinthiens 12, 1-10
Actes 1, 3-11
2 Corinthiens 12, 9
Jean 16
« Si je ne m'en vais pas, le Consolateur, l’Esprit saint ne viendra pas » (Jean 16, 7)… Quelques quarante jours avant l’Ascension, le départ du Christ annoncé en ces termes est sa mort, donnée comme ascension. Le Christ est « élevé », élevé à la Croix, et, par là, « enlevé » à ses disciples. « Vous ne me verrez plus », annonçait Jésus.
Dans le départ du Christ, c’est une réalité à la fois étonnante et connue de la vie de Dieu avec le monde qui est exprimée : son retrait, son absence. Car si Dieu est présent partout, et si le Christ ressuscité est lui-même corporellement présent — il est ici —, il est aussi absent, caché, comme l’est aussi le Père — nous ne le voyons pas.
Concernant le Christ, cette absence est en premier lieu le signe de son règne, de ce que l'on n'a point mainmise sur lui, un peu comme ces princes antiques qui exerçaient leur pouvoir en restant toujours cachés de tous derrière une série de voiles — sauf à quelques occasions réservées à leurs proches. Le rituel biblique exprime cela par le voile du Tabernacle et du Temple, derrière lequel ne vient, et qu'une fois l'an, le grand prêtre.
Ce lieu très saint a son équivalent céleste, comme nous l'explique l'Épître aux Hébreux (8, 5) lisant l'Exode (25, 40). Temple céleste dans lequel officie le Christ.
C'est dans ce lieu très saint céleste qu'il est entré par son départ, départ avéré à sa mort — ce qui est signifié dans sa Résurrection et son Ascension : le Christ entre dans son règne et se retire, voilé dans une nuée. Il nous quitte, donc, mais ne nous laisse pas orphelins : « L’Esprit de vérité vous conduira dans toute la vérité » (Jean 16, 13), promet-il.
Le départ de Jésus est plein de la promesse de la venue de l'Esprit : « si je ne m'en vais pas, l’Esprit saint ne viendra pas » (Jean 16, 7). Car le don de l'Esprit est le don de la présence de celui qui ne se laisse plus voir.
L’Esprit saint est celui qui nous communique cette impalpable, imperceptible présence au-delà de l'absence, et nous met dans la communion de l'insaisissable. C'est pourquoi sa venue est liée au départ de Jésus. Nous laissant la place, il nous permet alors de devenir ce à quoi Dieu nous destine, ce pourquoi il nous a créés.
Cela nous enseigne en parallèle ce qu'il nous appartient de faire dans les temps d'absence : devenir ce à quoi nous sommes destinés, en marche vers le Royaume ; accomplissement de la Création. Et cela vaut comme consolation quant à nos proches qui nous ont quittés : entrer à notre tour à leur suite, en ce temps, qui s’ouvre pour nous par leur absence.
L’Ascension nous dit, dans cette perspective, que s’ouvre pour nous à présent une nouvelle étape du projet de Dieu… Ouvrant dès à présent sur la vie éternelle : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3).
C’est à une dépossession de ce quoi nous sommes attachés, jusqu’à nos proches qui nous seront retirés, que nous sommes appelés. Or cette dépossession correspond précisément à l'action mystérieuse de Dieu dans la création, jusqu’à la résurrection. On lit dans la Genèse que Dieu est entré dans son repos.
Dieu s'est retiré pour que nous puissions être, comme le Christ s'en va pour que vienne l'Esprit qui nous fasse advenir nous-mêmes en Dieu pour la résurrection.
Il y a là une puissante parole d’encouragement pour nous. L’Esprit saint remplit de sa force de vie quiconque, étant dépossédé, jusqu’à être abattu, en appelle à lui en reconnaissance, au cœur de cet abattement, de tout ce que sa présence, de ce que tous ses dons, de ce que tous les jours de joie et de présence, à présent révolus, nous ont octroyé.
C’est alors, alors que nous sommes sans force, que tout devient possible. « Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse », est-il dit à Paul (2 Co 12, 9).
Ainsi les disciples qui viennent de perdre Jésus, dans une faiblesse immense, sont à la veille de recevoir la puissance qui va les envoyer, pleins de la seule force de Dieu, jusqu’aux extrémités de la terre.
En se retirant, ultime humilité, ultime pudeur à l'image de Dieu, le Christ, Dieu créant le monde, nous laisse la place pour que jusqu’au jour où il faut nous retirer à notre tour, nous devenions, par l'Esprit, par son souffle mystérieux, ce que nous sommes de façon cachée.
Non pas ce que nous projetons de nous-mêmes, non pas ce que nous croyons être en nous situant dans le regard des autres, mais ce que nous sommes vraiment, devant Dieu et qui paraît pleinement au jour de la résurrection.
Devenir ce que nous sommes en Dieu qui s'est retiré pour que nous puissions être, par le Christ qui s’est retiré pour nous faire advenir dans la liberté de l’Esprit saint, suppose que nous nous retirions à notre tour de tout ce que nous concevons de nous-mêmes, et suppose que nous laissions aller à notre tour ce qui nous est enlevé.
Le Christ lui-même s'est retiré pour nous laisser notre place, pour que l'Esprit vienne nous animer, cela à l'image de Dieu entrant dans son repos pour laisser le monde être.
C'est ainsi que se complète notre création à l'image de Dieu, que se constitue notre être de résurrection.
Et pour le temps en ce monde qui nous est imparti, demeure sa promesse : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12, 9).
Actes 1, 3-11
3 Après qu’il eut souffert, [Jésus] apparut vivant [à ses disciples], et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu.
[…]
9 Après […] cela, il fut élevé pendant qu’ils le regardaient, et une nuée le déroba à leurs yeux.
10 Et comme ils avaient les regards fixés vers le ciel pendant qu’il s’en allait, voici, deux hommes vêtus de blanc leur apparurent,
11 et dirent : Hommes Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu allant au ciel.
2 Corinthiens 12, 9
« Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. »
Jean 16
5 Maintenant je vais à celui qui m’a envoyé, et aucun d’entre vous ne me pose la question: Où vas-tu?
6 Mais parce que je vous ai dit cela, l’affliction a rempli votre cœur.
7 Cependant je vous ai dit la vérité: c’est votre avantage que je m’en aille; en effet, si je ne pars pas, le Consolateur ne viendra pas à vous; si, au contraire, je pars, je vous l’enverrai. […]
*
« Si je ne m'en vais pas, le Consolateur, l’Esprit saint ne viendra pas » (Jean 16, 7)… Quelques quarante jours avant l’Ascension, le départ du Christ annoncé en ces termes est sa mort, donnée comme ascension. Le Christ est « élevé », élevé à la Croix, et, par là, « enlevé » à ses disciples. « Vous ne me verrez plus », annonçait Jésus.
Dans le départ du Christ, c’est une réalité à la fois étonnante et connue de la vie de Dieu avec le monde qui est exprimée : son retrait, son absence. Car si Dieu est présent partout, et si le Christ ressuscité est lui-même corporellement présent — il est ici —, il est aussi absent, caché, comme l’est aussi le Père — nous ne le voyons pas.
Concernant le Christ, cette absence est en premier lieu le signe de son règne, de ce que l'on n'a point mainmise sur lui, un peu comme ces princes antiques qui exerçaient leur pouvoir en restant toujours cachés de tous derrière une série de voiles — sauf à quelques occasions réservées à leurs proches. Le rituel biblique exprime cela par le voile du Tabernacle et du Temple, derrière lequel ne vient, et qu'une fois l'an, le grand prêtre.
Ce lieu très saint a son équivalent céleste, comme nous l'explique l'Épître aux Hébreux (8, 5) lisant l'Exode (25, 40). Temple céleste dans lequel officie le Christ.
C'est dans ce lieu très saint céleste qu'il est entré par son départ, départ avéré à sa mort — ce qui est signifié dans sa Résurrection et son Ascension : le Christ entre dans son règne et se retire, voilé dans une nuée. Il nous quitte, donc, mais ne nous laisse pas orphelins : « L’Esprit de vérité vous conduira dans toute la vérité » (Jean 16, 13), promet-il.
Le départ de Jésus est plein de la promesse de la venue de l'Esprit : « si je ne m'en vais pas, l’Esprit saint ne viendra pas » (Jean 16, 7). Car le don de l'Esprit est le don de la présence de celui qui ne se laisse plus voir.
L’Esprit saint est celui qui nous communique cette impalpable, imperceptible présence au-delà de l'absence, et nous met dans la communion de l'insaisissable. C'est pourquoi sa venue est liée au départ de Jésus. Nous laissant la place, il nous permet alors de devenir ce à quoi Dieu nous destine, ce pourquoi il nous a créés.
Cela nous enseigne en parallèle ce qu'il nous appartient de faire dans les temps d'absence : devenir ce à quoi nous sommes destinés, en marche vers le Royaume ; accomplissement de la Création. Et cela vaut comme consolation quant à nos proches qui nous ont quittés : entrer à notre tour à leur suite, en ce temps, qui s’ouvre pour nous par leur absence.
L’Ascension nous dit, dans cette perspective, que s’ouvre pour nous à présent une nouvelle étape du projet de Dieu… Ouvrant dès à présent sur la vie éternelle : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3).
C’est à une dépossession de ce quoi nous sommes attachés, jusqu’à nos proches qui nous seront retirés, que nous sommes appelés. Or cette dépossession correspond précisément à l'action mystérieuse de Dieu dans la création, jusqu’à la résurrection. On lit dans la Genèse que Dieu est entré dans son repos.
Dieu s'est retiré pour que nous puissions être, comme le Christ s'en va pour que vienne l'Esprit qui nous fasse advenir nous-mêmes en Dieu pour la résurrection.
Il y a là une puissante parole d’encouragement pour nous. L’Esprit saint remplit de sa force de vie quiconque, étant dépossédé, jusqu’à être abattu, en appelle à lui en reconnaissance, au cœur de cet abattement, de tout ce que sa présence, de ce que tous ses dons, de ce que tous les jours de joie et de présence, à présent révolus, nous ont octroyé.
C’est alors, alors que nous sommes sans force, que tout devient possible. « Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse », est-il dit à Paul (2 Co 12, 9).
Ainsi les disciples qui viennent de perdre Jésus, dans une faiblesse immense, sont à la veille de recevoir la puissance qui va les envoyer, pleins de la seule force de Dieu, jusqu’aux extrémités de la terre.
En se retirant, ultime humilité, ultime pudeur à l'image de Dieu, le Christ, Dieu créant le monde, nous laisse la place pour que jusqu’au jour où il faut nous retirer à notre tour, nous devenions, par l'Esprit, par son souffle mystérieux, ce que nous sommes de façon cachée.
Non pas ce que nous projetons de nous-mêmes, non pas ce que nous croyons être en nous situant dans le regard des autres, mais ce que nous sommes vraiment, devant Dieu et qui paraît pleinement au jour de la résurrection.
Devenir ce que nous sommes en Dieu qui s'est retiré pour que nous puissions être, par le Christ qui s’est retiré pour nous faire advenir dans la liberté de l’Esprit saint, suppose que nous nous retirions à notre tour de tout ce que nous concevons de nous-mêmes, et suppose que nous laissions aller à notre tour ce qui nous est enlevé.
Le Christ lui-même s'est retiré pour nous laisser notre place, pour que l'Esprit vienne nous animer, cela à l'image de Dieu entrant dans son repos pour laisser le monde être.
C'est ainsi que se complète notre création à l'image de Dieu, que se constitue notre être de résurrection.
Et pour le temps en ce monde qui nous est imparti, demeure sa promesse : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12, 9).
R.P.
Antibes, Ascension 02.06.2011
Antibes, Ascension 02.06.2011
Votre analyse du départ du Christ Roi des Rois vers Dieu passé les 40 jours de sa résurection, est fine et juste. Jésus parti dans la plus intime simplicité entouré de ses apôtres est le dernier signe de douceur parfaite qu'il nous a toujours enseigné,à nous à présent d'agir dans l'Esprit Saint qui attend que nous soyions les dignes héritiers du sacrifice de Jésus. Par nos actes et nos pensées nous devons faire comme lui aimer les hommes aimer la vie mais prendre sur nous leurs erreurs et vivre durement quelques fois avec dans le coeur un seul et ultime but : rencontrer Dieu.
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