dimanche 19 mai 2013

Pentecôte




Actes 2.1-11 ; Psaume 104 ; Romains 8.8-17 ; Jean 14.15-26

Jean 14.15-26
15 Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements,
16 et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur qui soit éternellement avec vous
17 l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit point et ne le connaît point ; mais vous, vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous.
18 Je ne vous laisserai pas orphelins, je viendrai à vous.
19 Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus ; mais vous, vous me verrez, car je vis, et vous vivrez aussi.
20 En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et que je suis en vous.
21 Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui qui m’aime. Celui qui m’aime sera aimé de mon Père, moi aussi je l’aimerai et je me manifesterai à lui.
22 Jude, non pas l’Iscariot, lui dit : Seigneur, d’où vient que tu te feras connaître à nous, et non au monde ?
23 Jésus lui répondit : Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui.
24 Celui qui ne m’aime pas ne garde point mes paroles. Et la parole que vous entendez n’est pas de moi, mais du Père qui m’a envoyé.
25 Je vous ai dit ces choses pendant que je demeure avec vous.
26 Mais le consolateur, l’Esprit saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.

*

Ainsi les disciples recevrons, connaîtront l’Esprit saint... parce qu’ils le connaissent déjà. Ils vivront de l’Esprit consolateur en quelque sorte parce qu’ils en vivent déjà ! “Le Père vous donnera... l’Esprit de vérité... — cela parce que contrairement au monde, —... vous le connaissez, parce qu’il demeure près de vous et qu’il sera — ou, autre traduction possible : qu’il est — en vous”... (v. 16-17) Curieuse promesse, non ?

L’Esprit se fait connaître à ceux qui le connaissent, il est donné à ceux en qui il demeure déjà. Contrairement au “monde”, c’est à dire selon le sens du mot — cosmos, qui a donné cosmétique —, contrairement à “l’apparence”, qui ne peut pas le recevoir, parce que le monde, l’apparence, ne le connaît pas. Les disciples eux, au moment même où le maître leur est enlevé, ne sont pas seuls, ne sont pas laissés orphelins. “Me chercherais-tu si tu ne m’avais pas déjà trouvé ?”

C'est le disciple Jude qui pose la question de savoir ce qui distingue ce que Jésus appelle “le monde”, étranger à l’Esprit, de ceux qui vivent de l’Esprit. La réponse (v. 22-23) : celui qui vit de l’Esprit est celui qui aime Jésus, et qui donc garde sa parole et ainsi, est aimé du Père. Le Père et le Fils habitent en lui — c’est cela le don de l'Esprit. Celui qui ne l’aime pas, c’est là ce qu’il appelle “le monde”, ne garde pas ses paroles, étranger donc à l'Esprit. Un rapport se dessine entre l’Esprit promis par Jésus — et l’obéissance à sa parole, à ses commandements, dit-il au verset 21.

Il est question d’Alliance. Ce qui évoque l’Alliance passée entre Dieu et les pères, qui concerne aussi les enfants, qui ne sont pas laissés orphelins. La promesse, dit la Bible, Traité de l'Alliance, est pour vous et pour vos enfants. Dieu est fidèle à cause de la promesse faite aux pères, depuis Abraham, Isaac, et Jacob, promesse renouvelée, et scellée, en Jésus Christ.

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Nous célébrons aujourd’hui la fête de Shavouoth ou Pentecôte (d’après le grec), c'est-à-dire fête du cinquantième jour qui succède à la fête de la Pâque. C’est, dans la tradition hébraïque, la fête des “semaines”, Shavouoth, des sept semaines qui succèdent à la Pâque — sept semaines ou cinquante jours — selon le grec, Pentecôte.

Il s’agit de la fête des prémisses, les premiers fruits de la récolte. Pour le christianisme, il y a là commémoration des prémisses de la “récolte” des nations dans l’alliance, des premiers temps de l’extension de l’alliance à toutes les nations. C’est le sens du fameux miracle d’Actes 2. Voilà que l’Esprit saint donne aux disciples de louer Dieu en des termes compréhensibles pour les juifs de toutes les nations, présents à Jérusalem pour le pèlerinage de Shavouoth. Dieu annonce ainsi à Israël la sanctification liturgique des langues de tous les peuples. Désormais on loue Dieu plus seulement en hébreu (ou a fortiori grec ou latin !).

Actes 2, 1-5 :
1 Lorsque arriva le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble en un même lieu.
2 Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d'un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis.
3 Des langues leur apparurent, qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres ; il s'en posa sur chacun d'eux.
4 Ils furent tous remplis d'Esprit saint et se mirent à parler en d'autres langues, selon ce que l'Esprit leur donnait d'énoncer.
5 Or des Juifs pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel habitaient Jérusalem. 6Au bruit qui se produisit, la multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue.

Shavouoth, Pentecôte, est aussi le souvenir du don de la Torah, traité de l’Alliance. Célébration du don de la Torah, la loi — dont les Prophètes annonçaient qu’elle sera appelée à s’inscrire dans le cœur des croyants par le don de l'Esprit — “celui qui a mes commandements et qui les garde”. En vue de la promesse, l’Esprit nous précède, précède même notre naissance… Depuis Abraham, Isaac et Jacob, et quelle que soit l’infidélité des enfants. Dieu est fidèle à Israël du fait de sa promesse aux pères, dit Paul (Ro 11.28-29). Et “si nous sommes infidèles, lui demeure fidèle car il ne peut se renier lui-même” (2 Ti 2:13).

Mais cela va plus loin encore. En Jésus Christ ressuscité, inaugurant le Royaume promis, le Royaume qui commence par la Résurrection, Dieu nous dévoile que cette précédence de l’amour de Dieu ne concerne pas que les seuls descendants d’Abraham par l’observance de la Torah. La promesse s’étend à tous ceux qui ont la foi d'Abraham. Jésus prie pour tous ceux qui croiront par la Parole des Apôtres, juifs comme Grecs, et autres nations jusqu'aux extrémités de la Terre.

Non pas que les Pères d’avant la venue de Jésus ignoraient la communion de Dieu qui est dans l’Esprit saint. Le contraire est même certain. Comment en effet auraient-ils pu vivre de la foi qui était la leur, leur faisant préférer, selon l’Épître aux Hébreux, l’exil et la pérégrination, à des gratifications immédiates ? Il est bien question de participation à l’Esprit dans la Torah (Nb 11.24-30), dans les Prophètes (Éz 37.1), dans les Psaumes (Ps 51.13)...

Désormais, selon la promesse, l’Alliance et sa consolation s’est élargie à tous les peuples. C’est ce que nous fêtons à Pentecôte. Le miracle des langues étrangères comprises de tous, rapporté dans le texte des Actes des Apôtres, a pour fonction de nous le rappeler.

Par delà l’Alliance traitée avec son peuple, l’Esprit de Dieu est présent à la Création du monde — “il planait à la face des eaux” dit la Genèse — porteur de la Parole par laquelle tout a été fait — porteur de la lumière qui éclaire tout être humain venant dans le monde (Jean 1). L’Esprit précède ainsi non seulement les descendants historiques d’Abraham, mais tout être humain. Ainsi l’Apôtre Paul insistera pour que l’Évangile soit annoncé à tous les peuples. L’Esprit lui-même signifiait à l’Apôtre Pierre que la famille romaine de Corneille, non circoncis, devait aussi être baptisée. L’Esprit de Dieu l’y avait précédé.

Le signe de l’Alliance est alors donné par le seul baptême. Il n’est que le signe que donne l’Église, le signe de ce que Dieu lui-même a déjà donné : les disciples connaissent déjà l’Esprit qu’ils recevront. Prémisses de l’Esprit, promesse de l’Esprit.

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C'est de Dieu seul que dépend la suite des choses. Que vienne le jour de la promesse de Jésus : “vous recevrez l’Esprit de vérité parce que vous le connaissez, qu’il demeure près de vous”. Et voici comment nous savons que nous l’avons connu, que par cet Esprit nous avons connu le Christ : c’est en gardant ses commandements.

Car dans l’Esprit qui ouvre aux nations l’accès à l'alliance, la Torah demeure le vis-à-vis par lequel la responsabilité qui ressort de notre liberté d’enfants de Dieu s’exerce dans l’humilité. Le don de l'Esprit n’en est pas moins le scellement de la participation de la vie d’éternité qui est dans la communion du Père et du Fils.

Il est l’Esprit de vérité ; “celui qui dit : je l’ai connu et qui ne garde pas ses commandements est un menteur”, dit la 1ère Épître de Jean (1 Jean 2.4). Et son commandement est en ce cœur de la Loi : que nous nous aimions les uns les autres, “pas en parole ni avec la langue, mais en action et en vérité”, poursuit la même Épître (1 Jean 3.18). Une parole qui n'est pas accompagnée d’actes est un mensonge, de l’apparence — le sens du mot pour monde. Voilà qui nous contraint tous à l’humilité : qui de nous prétendra le connaître ? Notre connaissance, à la mesure de notre amour, n'est jamais que partielle, embryonnaire. Notre participation à l’Esprit de Dieu, n’est jamais que prémisse, que participation à une promesse.

C'est ainsi que, comme à des enfants — pas laissés orphelins —, à chacun de nous s’adresse la promesse du Christ : “vous recevrez l’Esprit”. Comme des enfants, nous ne connaissons que partiellement, et c’est cette connaissance partielle, qui fonde notre espérance d’une plénitude toujours à venir, notre espérance de voir jaillir de nos cœurs les fleuves d’eau vive du Royaume éternel : “celui qui croit en moi, annonce Jésus, des fleuves d’eau vive jailliront de son sein” (Jean 7.38). “Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive” (Jean 7.37).


R.P.
Poitiers, Pentecôte, 19.05.13


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