Actes 1.1-11 ; Psaume 47 ; Hébreux 9.24-28 & 10.19-23 ; Luc 24.46-53
Actes 1, 3-11
Luc 24, 46-53
Dans le départ du Christ, c’est une réalité à la fois étonnante et connue de la vie de Dieu avec le monde qui est exprimée : son retrait, son absence. Car si Dieu est présent partout, et si le Christ ressuscité est lui-même corporellement présent — il est ici —, il est aussi absent, caché, comme l’est aussi le Père — nous ne le voyons pas.
Déjà quelques quarante jours avant l’Ascension, le départ du Christ, par sa mort, est donné comme ascension. Le Christ est « élevé », élevé à la Croix, et, par là, « enlevé » à ses disciples. « Vous ne me verrez plus », annonçait Jésus. Voilà qui prend sa forme définitive au jour de l’Ascension.
Concernant le Christ, cette absence est en premier lieu le signe de son règne, de ce que l'on n'a point mainmise sur lui, un peu comme ces princes antiques qui exerçaient leur pouvoir en restant toujours cachés de tous derrière une série de voiles — sauf à quelques occasions réservées à leurs proches. Le rituel biblique exprime cela par le voile du Tabernacle et du Temple, derrière lequel ne vient, et qu'une fois l'an, le grand prêtre.
Ce lieu très saint a son équivalent céleste, comme nous l'explique l'Épître aux Hébreux lisant l'Exode (25, 40). Temple céleste dans lequel officie le Christ.
« Car le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, en imitation du véritable, mais il est entré dans le ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu » (Hébreux 9, 24).
C'est dans ce lieu très saint céleste qu'il est entré par son départ, départ avéré à sa mort — ce qui est signifié dans sa Résurrection et son Ascension : le Christ entre dans son règne et se retire, voilé dans une nuée. Il nous quitte, donc, mais ne nous laisse pas orphelins.
L’Esprit saint est celui qui nous communique cette impalpable, imperceptible présence au-delà de l'absence, et nous met dans la communion de l'insaisissable. C'est pourquoi sa venue est liée au départ de Jésus. Nous laissant la place, il nous permet alors de devenir ce à quoi Dieu nous destine, ce pourquoi il nous a créés.
Cela nous enseigne en parallèle ce qu'il nous appartient de faire dans les temps d'absence : devenir ce à quoi nous sommes destinés, en marche vers le Royaume ; accomplissement de la Création.
L’Ascension nous dit, dans cette perspective, que s’ouvre pour nous à présent une nouvelle étape du projet de Dieu… Ouvrant dès à présent sur la vie éternelle : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3).
C’est à une dépossession de ce quoi nous sommes attachés que nous sommes appelés. Or cette dépossession correspond précisément à l'action mystérieuse de Dieu dans la création, jusqu’à la résurrection. On lit dans la Genèse que Dieu est entré dans son repos.
Dieu s'est retiré pour que nous puissions être, comme le Christ s'en va pour que vienne l'Esprit qui nous fasse advenir nous-mêmes en Dieu pour la résurrection.
Il y a là une puissante parole d’encouragement pour nous. L’Esprit saint remplit de sa force de vie quiconque, étant dépossédé, jusqu’à être abattu, en appelle à lui en reconnaissance, au cœur de cet abattement, de tout ce que sa présence, de ce que tous ses dons, de ce que tous les jours de joie et de présence, à présent révolus, nous ont octroyé.
C’est alors, alors que nous sommes sans force, que tout devient possible. « Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse », est-il dit à Paul (2 Co 12, 9).
Ainsi les disciples qui viennent de perdre Jésus, dans une faiblesse immense, sont à la veille de recevoir la puissance qui va les envoyer, pleins de la seule force de Dieu, jusqu’aux extrémités de la terre.
En se retirant, ultime humilité, ultime pudeur à l'image de Dieu, le Christ, Dieu créant le monde, nous laisse la place pour que jusqu’au jour où il faut nous retirer à notre tour, nous devenions, par l'Esprit, par son souffle mystérieux, ce que nous sommes de façon cachée.
Non pas ce que nous projetons de nous-mêmes, non pas ce que nous croyons être en nous situant dans le regard des autres, mais ce que nous sommes vraiment, devant Dieu et qui paraît pleinement au jour de la résurrection.
Devenir ce que nous sommes en Dieu qui s'est retiré pour que nous puissions être, par le Christ qui s’est retiré pour nous faire advenir dans la liberté de l’Esprit saint, suppose que nous nous retirions à notre tour de tout ce que nous concevons de nous-mêmes.
Le Christ lui-même s'est retiré pour nous laisser notre place, pour que l'Esprit vienne nous animer, cela à l'image de Dieu entrant dans son repos pour laisser le monde être.
C'est ainsi que se complète notre création à l'image de Dieu, que se constitue notre être de résurrection.
Et pour le temps en ce monde qui nous est imparti, demeure sa promesse : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12, 9).
Hébreux 10, 19-23 :
Actes 1, 3-11
3 Après qu’il eut souffert, [Jésus] apparut vivant [à ses disciples], et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu.
[…]
9 Après […] cela, il fut élevé pendant qu’ils le regardaient, et une nuée le déroba à leurs yeux.
10 Et comme ils avaient les regards fixés vers le ciel pendant qu’il s’en allait, voici, deux hommes vêtus de blanc leur apparurent,
11 et dirent : Hommes Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu allant au ciel.
Luc 24, 46-53
46 […] Il est écrit que le Christ souffrirait, et qu’il ressusciterait des morts le troisième jour,
47 et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.
48 Vous êtes témoins de ces choses.
49 Et voici, j’enverrai sur vous ce que mon Père a promis ; mais vous, restez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la puissance d’en haut.
50 Il les conduisit jusque vers Béthanie, et, ayant levé les mains, il les bénit.
51 Pendant qu’il les bénissait, il se sépara d’eux, et fut enlevé au ciel.
52 Pour eux, après l’avoir adoré, ils retournèrent à Jérusalem avec une grande joie ;
53 et ils étaient continuellement dans le temple, louant et bénissant Dieu.
*
Dans le départ du Christ, c’est une réalité à la fois étonnante et connue de la vie de Dieu avec le monde qui est exprimée : son retrait, son absence. Car si Dieu est présent partout, et si le Christ ressuscité est lui-même corporellement présent — il est ici —, il est aussi absent, caché, comme l’est aussi le Père — nous ne le voyons pas.
Déjà quelques quarante jours avant l’Ascension, le départ du Christ, par sa mort, est donné comme ascension. Le Christ est « élevé », élevé à la Croix, et, par là, « enlevé » à ses disciples. « Vous ne me verrez plus », annonçait Jésus. Voilà qui prend sa forme définitive au jour de l’Ascension.
Concernant le Christ, cette absence est en premier lieu le signe de son règne, de ce que l'on n'a point mainmise sur lui, un peu comme ces princes antiques qui exerçaient leur pouvoir en restant toujours cachés de tous derrière une série de voiles — sauf à quelques occasions réservées à leurs proches. Le rituel biblique exprime cela par le voile du Tabernacle et du Temple, derrière lequel ne vient, et qu'une fois l'an, le grand prêtre.
Ce lieu très saint a son équivalent céleste, comme nous l'explique l'Épître aux Hébreux lisant l'Exode (25, 40). Temple céleste dans lequel officie le Christ.
« Car le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, en imitation du véritable, mais il est entré dans le ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu » (Hébreux 9, 24).
C'est dans ce lieu très saint céleste qu'il est entré par son départ, départ avéré à sa mort — ce qui est signifié dans sa Résurrection et son Ascension : le Christ entre dans son règne et se retire, voilé dans une nuée. Il nous quitte, donc, mais ne nous laisse pas orphelins.
L’Esprit saint est celui qui nous communique cette impalpable, imperceptible présence au-delà de l'absence, et nous met dans la communion de l'insaisissable. C'est pourquoi sa venue est liée au départ de Jésus. Nous laissant la place, il nous permet alors de devenir ce à quoi Dieu nous destine, ce pourquoi il nous a créés.
Cela nous enseigne en parallèle ce qu'il nous appartient de faire dans les temps d'absence : devenir ce à quoi nous sommes destinés, en marche vers le Royaume ; accomplissement de la Création.
L’Ascension nous dit, dans cette perspective, que s’ouvre pour nous à présent une nouvelle étape du projet de Dieu… Ouvrant dès à présent sur la vie éternelle : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3).
C’est à une dépossession de ce quoi nous sommes attachés que nous sommes appelés. Or cette dépossession correspond précisément à l'action mystérieuse de Dieu dans la création, jusqu’à la résurrection. On lit dans la Genèse que Dieu est entré dans son repos.
Dieu s'est retiré pour que nous puissions être, comme le Christ s'en va pour que vienne l'Esprit qui nous fasse advenir nous-mêmes en Dieu pour la résurrection.
Il y a là une puissante parole d’encouragement pour nous. L’Esprit saint remplit de sa force de vie quiconque, étant dépossédé, jusqu’à être abattu, en appelle à lui en reconnaissance, au cœur de cet abattement, de tout ce que sa présence, de ce que tous ses dons, de ce que tous les jours de joie et de présence, à présent révolus, nous ont octroyé.
C’est alors, alors que nous sommes sans force, que tout devient possible. « Ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse », est-il dit à Paul (2 Co 12, 9).
Ainsi les disciples qui viennent de perdre Jésus, dans une faiblesse immense, sont à la veille de recevoir la puissance qui va les envoyer, pleins de la seule force de Dieu, jusqu’aux extrémités de la terre.
En se retirant, ultime humilité, ultime pudeur à l'image de Dieu, le Christ, Dieu créant le monde, nous laisse la place pour que jusqu’au jour où il faut nous retirer à notre tour, nous devenions, par l'Esprit, par son souffle mystérieux, ce que nous sommes de façon cachée.
Non pas ce que nous projetons de nous-mêmes, non pas ce que nous croyons être en nous situant dans le regard des autres, mais ce que nous sommes vraiment, devant Dieu et qui paraît pleinement au jour de la résurrection.
Devenir ce que nous sommes en Dieu qui s'est retiré pour que nous puissions être, par le Christ qui s’est retiré pour nous faire advenir dans la liberté de l’Esprit saint, suppose que nous nous retirions à notre tour de tout ce que nous concevons de nous-mêmes.
Le Christ lui-même s'est retiré pour nous laisser notre place, pour que l'Esprit vienne nous animer, cela à l'image de Dieu entrant dans son repos pour laisser le monde être.
C'est ainsi que se complète notre création à l'image de Dieu, que se constitue notre être de résurrection.
Et pour le temps en ce monde qui nous est imparti, demeure sa promesse : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12, 9).
Hébreux 10, 19-23 :
19 Ainsi donc, frères & sœurs, puisque nous avons, au moyen du sang de Jésus, une libre entrée dans le sanctuaire
20 par la route nouvelle et vivante qu’il a inaugurée pour nous au travers du voile, c’est-à-dire, de sa chair,
21 et puisque nous avons un souverain sacrificateur établi sur la maison de Dieu,
22 approchons-nous avec un cœur sincère, dans la plénitude de la foi, les cœurs purifiés d’une mauvaise conscience, [avec ce signe du] corps lavé d’une eau pure.
23 Retenons fermement la profession de notre espérance, car celui qui a fait la promesse est fidèle.
RP
Poitiers, Ascension, 8.05.13
Poitiers, Ascension, 8.05.13
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