Ésaïe 63, 16 à 64, 7 ; Psaume 80 ; 1 Corinthiens 1, 3-9 ; Marc 13, 33-37
Marc 13, 14 & 32-37
Nous voilà, comme avec une petite flamme, 1ère chandelle de l’Avent, en une nuit d’absence du maître, où, par trois fois, Jésus appelle directement à veiller, ou à rester éveillés, comme en l’attente d’un homme parti en voyage en nous ayant confié ses biens, nous ses serviteurs.
Voilà une parabole donnée au terme d’une prophétie évoquant, dans une allusion, la profanation du Temple dans le livre de Daniel. Une prophétie écrite — « que le lecteur comprenne ! » précise le texte — comme un avertissement pour des lecteurs.
« L’abomination de la désolation » renvoie au prophète Daniel, qui annonce ainsi comme signe de catastrophe, une idole, « l’abomination de la désolation », au cœur du Temple — cela concerne donc dans l’Évangile de Marc en premier lieu ce qui adviendra en 70 : moment de grande détresse, allant des idoles romaines dans le Temple, à sa destruction et à la dévastation de Jérusalem par les Romains.
Mais Marc l’a écrit sans le mot « Temple » : l’avertissement peut donc être élargi : « Lorsque vous verrez l’abomination de la désolation établie là où elle ne doit pas être » (v. 14). À la veille de chaque tournant pour le peuple de Dieu, on assiste à ce phénomène qui annonce la fin d’un temps : des idoles à la place du Dieu unique que l’on ne peut représenter. Ce que le livre de Daniel appelle « l’abomination de la désolation », au cœur du Temple. Le texte de Marc évoque cela. Sans dire exactement : « établie dans le Temple » — mais : « établie là où elle ne doit pas être ». Pour un monde dans la nuit.
La détresse incomparable que signifie « l’abomination de la désolation », vaut donc pour le temps du temple de Jérusalem, mais aussi dès lors pour tous les temps qui suivent. Tandis qu’au cœur de l’avertissement brille la promesse de la délivrance : l’avènement du Fils de l’Homme céleste. Une délivrance à toute autre mesure que les délivrances qui se voient…
Lorsque « l’abomination de la désolation » est avérée, le monde semble comme vidé de la présence de Dieu, les cieux-mêmes sont ébranlés. 70 s’annonce comme un de ces moments — un signe visant une autre dimension, où tout est remis en cause.
Ébranlement des puissances des cieux par la gravité de la violence subie — comme en 70, ou encore, comme l'histoire nous a réservé d’innombrables terribles moments, nous obligeant parfois à reconsidérer tout ce qu’on a dit avant du monde et de Dieu ; les cieux ébranlés comme d’une autre façon ils peuvent être bouleversés lors d’une nouvelle configuration des espaces célestes, ainsi sous le regard de la lunette de Galilée…
Ici, c’est la violence destructrice qui atteint jusqu’au signe de la présence de Dieu, le Temple, profané. Au cœur de cette détresse, annonce Jésus, apparaît, le signe du Fils de l’Homme qui est dans les cieux, signe contradictoire, scellant la détresse d’un côté : « toutes les familles de la terre se frapperont la poitrine » ; ouvrant d’un autre côté, et par là-même, sur une délivrance radicalement nouvelle : promesse d’un monde nouveau…
À présent, Jésus annonce plus que ce qui concerne le Temple en dur : l’idole « là où elle ne doit pas être ». C’est que « vous êtes le Temple de Dieu », soulignent les Écritures. C’est là le vrai sanctuaire : qu’est-ce donc qui est installé où cela ne doit pas être ? Qu’est-ce qui trône dans le « lieu très saint » du Temple de nos vies, c’est à dire au plus intime de nous même ; qu’est-ce qui y trône ? Si c’est ce qui ne doit pas y être, il y a menace !
À présent, par trois fois, Jésus appelle directement à veiller, ou à rester éveillés, comme en l’attente d’un homme parti en voyage en nous ayant confié ses biens.
1. La première fois il s’adresse à ses interlocuteurs et illustre ses paroles d’une petite parabole d’homme en voyage qui confie des tâches, et notamment au portier chargé, lui particulièrement, de veiller, ce qui fait d’ailleurs un quatrième appel à veiller, indirect celui-là, allusif, puisque adressé au portier.
2. La deuxième fois, Jésus reprend l’exhortation, mais il passe de l’histoire indirecte, à un « vous » introduit dans ce qui n’est donc plus simplement une parabole.
3. La troisième fois, il passe du “vous” au “tous”. Ce qui peut s’entendre dans premier temps comme les disciples auxquels il s’adresse et les disciples à venir qui entendront ou liront ces propos, c’est-à-dire, nous, ou bien ses contemporains d’un côté, et le reste du monde de l’autre, c’est-à-dire encore nous.
Une fois : “vous”, veillez, avec illustration dans laquelle apparaît un portier chargé, lui, de veiller. Une deuxième fois, la parabole se confond avec l’exhortation; “Vous” deviennent chacun “portiers”. Une troisième fois, on passe à “tous” — tous portiers en quelque sorte. La petite parabole de l’homme parti en voyage laisse à penser qu’il y a plusieurs tâches.
Mais la tâche du portier est la plus importante, voire la seule qui compte, celle en tout cas qu’il s’agit de rechercher : veiller. Pendant le départ du maître, ses serviteurs ont l’autorité, ce qui n’est pas rien, ce qui n’est pas rien quand on comprend qui représente l’homme : le maître absenté, à savoir Dieu !
Le départ du Maître, de Dieu, ou du Christ, n’est pas un départ pour rire. Dieu est réellement absent, nous sommes dans la nuit — ce qui est signifié ici dès le départ par le fait que le Père seul sait, pas même les anges, ni même le Fils !
Voilà qui est ambivalent : en premier lieu c’est tragique. Nous voilà seuls en un monde dont l’Histoire nous montre chaque jour combien il est épouvantable. Du coup l’autorité ayant été remise aux serviteurs, chose qui fait peur, Dieu n’est pas coupable des horreurs que commettent les hommes.
Mais quand même : pourquoi donc est-il parti ? Un voyage !? Si on était chez Luc (19, 12), on le saurait : il est parti pour être investi de la royauté. Ici c’est tout de même un peu pareil : dans le temps de son exil, de son absence, il ne règne pas. Absence réelle dont on sait les conséquences tragiques.
C’est que durant cette absence, autre chose, peut-être règne en nos vies — peut-être même que son absence est en rapport avec le fait qu’il a été détrôné du lieu très saint de nos vies. Et peut-être que l’on ne sait pas cela, peut-être qu’on l’ignore, jusqu’au jour, où… « lorsque vous verrez l’abomination de la désolation établie là où elle ne doit pas être » — « lorsque vous verrez » précise le texte. Un jour apparaît que quelque chose régnait au cœur de nos vies en l’absence maître sans que — jusque là — on s’en soit rendu compte.
Alors, lorsque vous « lorsque vous verrez l’abomination de la désolation établie là où elle ne doit pas être » c’est que le temps de la délivrance s’est approché…
Et c’est ici précisément que la bonne nouvelle intervient dans la prophétie donnée par Jésus. À ce moment précis, le jour de la délivrance est en vue. Un autre monde est possible parce qu’on a vu l’abomination de la désolation installée où elle ne doit pas être…
Du coup, en percevant bien cela, voilà qu’on comprend mieux l’importance de la tâche du portier, de la vigilance : la vraie vie, la joie, est dans la présence du Maître, pas dans son absence, alors qu’il semble absent du cœur du Temple, remplacé par une idole.
Voilà qui éclaire d’une lumière crue, et encore faible certes, comme celle d’une chandelle dans la nuit, un aspect du tragique de notre vie agitée. Voilà qui rend tellement souhaitable ce retour du maître, déjà au cœur de nos vies.
Voilà que la vraie vie est de veiller. Il y a quelque chose à ne pas rater. « Vous ne savez pas quand ce sera le moment » disait Jésus au début de son exhortation. Ne vous endormez donc pas de ce sommeil qui consiste à s’imaginer que le temps de ce monde est éternel, et qu’on peut se comporter — d’une part, autrement qu’en gérant provisoire ; et par ailleurs qu’on peut se permettre de croire que ce train qu’on rate aujourd’hui repassera demain.
À nouveau, c’est aujourd’hui le jour du salut. C’est aujourd’hui que le bonheur passe à portée de main. Ce soir ? Cette nuit ? Demain matin ? C’est de cette façon étrange que vient le Royaume, que du cœur de l’absence, le Maître se fait présent au milieu de nous.
Marc 13, 14 & 32-37
14 Lorsque vous verrez l’abomination de la désolation établie là où elle ne doit pas être — que le lecteur fasse attention —
32 Pour ce qui est du jour ou de l’heure, personne ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais le Père seul.
33 Prenez garde, veillez et priez, car vous ne savez quand ce sera le moment.
34 Il en sera comme d’un homme qui part en voyage, laisse sa maison, donne pouvoir à ses serviteurs, à chacun sa tâche, et commande au portier de veiller.
35 Veillez donc, car vous ne savez quand viendra le maître de la maison, le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin;
36 craignez qu’il n’arrive à l’improviste et ne vous trouve endormis.
37 Ce que je vous dis, je le dis à tous: Veillez.
*
Nous voilà, comme avec une petite flamme, 1ère chandelle de l’Avent, en une nuit d’absence du maître, où, par trois fois, Jésus appelle directement à veiller, ou à rester éveillés, comme en l’attente d’un homme parti en voyage en nous ayant confié ses biens, nous ses serviteurs.
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Voilà une parabole donnée au terme d’une prophétie évoquant, dans une allusion, la profanation du Temple dans le livre de Daniel. Une prophétie écrite — « que le lecteur comprenne ! » précise le texte — comme un avertissement pour des lecteurs.
« L’abomination de la désolation » renvoie au prophète Daniel, qui annonce ainsi comme signe de catastrophe, une idole, « l’abomination de la désolation », au cœur du Temple — cela concerne donc dans l’Évangile de Marc en premier lieu ce qui adviendra en 70 : moment de grande détresse, allant des idoles romaines dans le Temple, à sa destruction et à la dévastation de Jérusalem par les Romains.
Mais Marc l’a écrit sans le mot « Temple » : l’avertissement peut donc être élargi : « Lorsque vous verrez l’abomination de la désolation établie là où elle ne doit pas être » (v. 14). À la veille de chaque tournant pour le peuple de Dieu, on assiste à ce phénomène qui annonce la fin d’un temps : des idoles à la place du Dieu unique que l’on ne peut représenter. Ce que le livre de Daniel appelle « l’abomination de la désolation », au cœur du Temple. Le texte de Marc évoque cela. Sans dire exactement : « établie dans le Temple » — mais : « établie là où elle ne doit pas être ». Pour un monde dans la nuit.
La détresse incomparable que signifie « l’abomination de la désolation », vaut donc pour le temps du temple de Jérusalem, mais aussi dès lors pour tous les temps qui suivent. Tandis qu’au cœur de l’avertissement brille la promesse de la délivrance : l’avènement du Fils de l’Homme céleste. Une délivrance à toute autre mesure que les délivrances qui se voient…
Lorsque « l’abomination de la désolation » est avérée, le monde semble comme vidé de la présence de Dieu, les cieux-mêmes sont ébranlés. 70 s’annonce comme un de ces moments — un signe visant une autre dimension, où tout est remis en cause.
Ébranlement des puissances des cieux par la gravité de la violence subie — comme en 70, ou encore, comme l'histoire nous a réservé d’innombrables terribles moments, nous obligeant parfois à reconsidérer tout ce qu’on a dit avant du monde et de Dieu ; les cieux ébranlés comme d’une autre façon ils peuvent être bouleversés lors d’une nouvelle configuration des espaces célestes, ainsi sous le regard de la lunette de Galilée…
Ici, c’est la violence destructrice qui atteint jusqu’au signe de la présence de Dieu, le Temple, profané. Au cœur de cette détresse, annonce Jésus, apparaît, le signe du Fils de l’Homme qui est dans les cieux, signe contradictoire, scellant la détresse d’un côté : « toutes les familles de la terre se frapperont la poitrine » ; ouvrant d’un autre côté, et par là-même, sur une délivrance radicalement nouvelle : promesse d’un monde nouveau…
À présent, Jésus annonce plus que ce qui concerne le Temple en dur : l’idole « là où elle ne doit pas être ». C’est que « vous êtes le Temple de Dieu », soulignent les Écritures. C’est là le vrai sanctuaire : qu’est-ce donc qui est installé où cela ne doit pas être ? Qu’est-ce qui trône dans le « lieu très saint » du Temple de nos vies, c’est à dire au plus intime de nous même ; qu’est-ce qui y trône ? Si c’est ce qui ne doit pas y être, il y a menace !
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À présent, par trois fois, Jésus appelle directement à veiller, ou à rester éveillés, comme en l’attente d’un homme parti en voyage en nous ayant confié ses biens.
1. La première fois il s’adresse à ses interlocuteurs et illustre ses paroles d’une petite parabole d’homme en voyage qui confie des tâches, et notamment au portier chargé, lui particulièrement, de veiller, ce qui fait d’ailleurs un quatrième appel à veiller, indirect celui-là, allusif, puisque adressé au portier.
2. La deuxième fois, Jésus reprend l’exhortation, mais il passe de l’histoire indirecte, à un « vous » introduit dans ce qui n’est donc plus simplement une parabole.
3. La troisième fois, il passe du “vous” au “tous”. Ce qui peut s’entendre dans premier temps comme les disciples auxquels il s’adresse et les disciples à venir qui entendront ou liront ces propos, c’est-à-dire, nous, ou bien ses contemporains d’un côté, et le reste du monde de l’autre, c’est-à-dire encore nous.
Une fois : “vous”, veillez, avec illustration dans laquelle apparaît un portier chargé, lui, de veiller. Une deuxième fois, la parabole se confond avec l’exhortation; “Vous” deviennent chacun “portiers”. Une troisième fois, on passe à “tous” — tous portiers en quelque sorte. La petite parabole de l’homme parti en voyage laisse à penser qu’il y a plusieurs tâches.
Mais la tâche du portier est la plus importante, voire la seule qui compte, celle en tout cas qu’il s’agit de rechercher : veiller. Pendant le départ du maître, ses serviteurs ont l’autorité, ce qui n’est pas rien, ce qui n’est pas rien quand on comprend qui représente l’homme : le maître absenté, à savoir Dieu !
Le départ du Maître, de Dieu, ou du Christ, n’est pas un départ pour rire. Dieu est réellement absent, nous sommes dans la nuit — ce qui est signifié ici dès le départ par le fait que le Père seul sait, pas même les anges, ni même le Fils !
Voilà qui est ambivalent : en premier lieu c’est tragique. Nous voilà seuls en un monde dont l’Histoire nous montre chaque jour combien il est épouvantable. Du coup l’autorité ayant été remise aux serviteurs, chose qui fait peur, Dieu n’est pas coupable des horreurs que commettent les hommes.
Mais quand même : pourquoi donc est-il parti ? Un voyage !? Si on était chez Luc (19, 12), on le saurait : il est parti pour être investi de la royauté. Ici c’est tout de même un peu pareil : dans le temps de son exil, de son absence, il ne règne pas. Absence réelle dont on sait les conséquences tragiques.
C’est que durant cette absence, autre chose, peut-être règne en nos vies — peut-être même que son absence est en rapport avec le fait qu’il a été détrôné du lieu très saint de nos vies. Et peut-être que l’on ne sait pas cela, peut-être qu’on l’ignore, jusqu’au jour, où… « lorsque vous verrez l’abomination de la désolation établie là où elle ne doit pas être » — « lorsque vous verrez » précise le texte. Un jour apparaît que quelque chose régnait au cœur de nos vies en l’absence maître sans que — jusque là — on s’en soit rendu compte.
Alors, lorsque vous « lorsque vous verrez l’abomination de la désolation établie là où elle ne doit pas être » c’est que le temps de la délivrance s’est approché…
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Et c’est ici précisément que la bonne nouvelle intervient dans la prophétie donnée par Jésus. À ce moment précis, le jour de la délivrance est en vue. Un autre monde est possible parce qu’on a vu l’abomination de la désolation installée où elle ne doit pas être…
Du coup, en percevant bien cela, voilà qu’on comprend mieux l’importance de la tâche du portier, de la vigilance : la vraie vie, la joie, est dans la présence du Maître, pas dans son absence, alors qu’il semble absent du cœur du Temple, remplacé par une idole.
Voilà qui éclaire d’une lumière crue, et encore faible certes, comme celle d’une chandelle dans la nuit, un aspect du tragique de notre vie agitée. Voilà qui rend tellement souhaitable ce retour du maître, déjà au cœur de nos vies.
Voilà que la vraie vie est de veiller. Il y a quelque chose à ne pas rater. « Vous ne savez pas quand ce sera le moment » disait Jésus au début de son exhortation. Ne vous endormez donc pas de ce sommeil qui consiste à s’imaginer que le temps de ce monde est éternel, et qu’on peut se comporter — d’une part, autrement qu’en gérant provisoire ; et par ailleurs qu’on peut se permettre de croire que ce train qu’on rate aujourd’hui repassera demain.
À nouveau, c’est aujourd’hui le jour du salut. C’est aujourd’hui que le bonheur passe à portée de main. Ce soir ? Cette nuit ? Demain matin ? C’est de cette façon étrange que vient le Royaume, que du cœur de l’absence, le Maître se fait présent au milieu de nous.
RP, Poitiers, 1er dimanche de l'Avent, 30/11/14
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