lundi 24 décembre 2018

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre… »




Luc 2, 1-20
1 Or, en ce temps-là, parut un décret de César Auguste pour faire recenser le monde entier.
2 Ce premier recensement eut lieu à l’époque où Quirinius était gouverneur de Syrie.
3 Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville;
4 Joseph aussi monta de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David qui s’appelle Bethléem en Judée, parce qu’il était de la famille et de la descendance de David,
5 pour se faire recenser avec Marie son épouse, qui était enceinte.
6 Or, pendant qu’ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva;
7 elle accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle d’hôtes.
8 Il y avait dans le même pays des bergers qui vivaient aux champs et montaient la garde pendant la nuit auprès de leur troupeau.
9 Un ange du Seigneur se présenta devant eux, la gloire du Seigneur les enveloppa de lumière et ils furent saisis d’une grande crainte.
10 L’ange leur dit: « Soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple:
11 Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur;
12 et voici le signe qui vous est donné: vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »
13 Tout à coup il y eut avec l’ange l’armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu et disait:
14 « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien-aimés. »
15 Or, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, les bergers se dirent entre eux: « Allons donc jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. »
16 Ils y allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire.
17 Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant.
18 Et tous ceux qui les entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers.
19 Quant à Marie, elle retenait tous ces événements en en cherchant le sens.
20 Puis les bergers s’en retournèrent, chantant la gloire et les louanges de Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, en accord avec ce qui leur avait été annoncé.

*

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux » ont chanté les anges — « multitude de l’armée céleste ». Il s’est passé là quelque chose d’extraordinaire, qui fait chanter toute la création visible et invisible.

Mais voilà donc que la chose essentielle, celle que les anges chantent là, s’est passée à Bethléem, s’est passée dans l’humilité, à propos de celui qui vaut que toutes les puissances de la Création y joignent leur louange.

Cela concerne les bergers, et nous concerne avec eux. Cela aussi les anges le clament ! C’est la deuxième partie de leur chant de louange : « paix sur la terre parmi les humains qui ont sa bienveillance ». Dans et l’espace et le temps, il a donné aux bergers, puis par eux à tous, ce signe de sa présence : l’humanité du Christ.

*

Deux aspects de la fête de Noël nous sont offerts dans ce chant des anges. L’aspect universel, tout d'abord, plus vaste que le christianisme. Toute la création, toutes ses puissances, toutes les traditions et religions sont appelées à se réjouir de la venue de la Lumière. C’est ce que le christianisme a parfaitement assumé en retenant comme date de Noël, non pas la date de la naissance historique de Jésus, que l’on ne connait pas et que l'on n’a pas à connaître (c'est le second aspect de Noël, l'aspect mystérieux, on va le voir), mais la date de la fête païenne romaine de la lumière, du soleil invaincu, au solstice d’hiver.

Le Christ est la Lumière qui précède le monde, le Soleil de justice que toutes les lumières de ce monde ne font que désigner. Même si elles n’en connaissent pas la Source, célébrée par les Anges et Puissances célestes et par elles annoncée aux bergers. C’est le deuxième aspect de la fête de Noël : la découverte de la Lumière qui fonde le monde dans l’humilité de l’enfant de la crèche. Cet aspect est intime, secret. Il est dévoilé mystérieusement. C’est l’Évangile. Il est annoncé ce jour-là uniquement aux bergers.

Avant de nous rendre à ce second aspect, essentiel, il nous appartient de recevoir l’autre, celui de la Lumière universelle, qui rayonne depuis le Christ, mais sur tous les peuples, toutes les religions et toutes les traditions. Tous viendront à Jérusalem pour célébrer Dieu et son Messie, annonçait le prophète. Ouvrez-vous portes éternelles !

Noël signe de la venue de la Lumière pour tous les peuples… parmi lesquels l’attente de la lumière divine est universellement partagée, qu’elle soit Hanoukka en premier lieu, fête de la lumière dans le judaïsme, ou qu’elle soit annoncée par l’étoile des Mages, le Solstice des Romains, le Père Noël lutin scandinave, ou autres encore…

Fête universelle pour une attente universelle de délivrance. « D’Israël la gloire, et Lumière des nations », comme le chante le prophète Siméon attendant la venue du Messie et le recevant dans cet enfant, « en lui brille ton nom », le nom du Dieu de l’Univers.

*

C’est là que vient le second aspect, pour qui sait découvrir cela : l’humilité de Noël. Là où l’on attendait quelque chose de grandiose, de glorieux, de rayonnant,… le Roi de l’Univers, riche de toute la richesse du monde, naît dans une étable, de parents déplacés providentiellement vers la ville du roi David, et la nouvelle de sa naissance est annoncée à des itinérants, des gens sans dignité reconnue, les bergers.

Cela veut dire beaucoup de choses. La vérité de Noël, la vérité fondamentale, la vérité mystérieuse, cachée, est cachée, précisément. Elle ne s’affiche pas de façon criarde et publicitaire. Ce n’est pas pour rien si ce sont des bergers, au cœur de la nuit, qui en ont reçu l’annonce, l’annonce de la naissance d’un enfant dans une étable.

Pouvait-il arriver quelque chose d’intéressant à des bergers ? Ils pouvaient même être mal vus à cause de leur métier qui les maintenait en marge, dans une sorte de nomadisme… ils n’en sont pas moins figures de royauté, à l’image du roi céleste que chantait le roi David qui fut d’abord berger à Bethléem : « le Seigneur est mon berger. »

C’est à eux que l’Ange va annoncer, en premier, la nouvelle de la naissance de Jésus. Aussitôt ils se lèvent, se mettent en marche pour « aller voir ». Puis, sur le chemin du retour, ils racontent à ceux qu’ils rencontrent tout ce qui est arrivé, devenant les premiers témoins de la Bonne Nouvelle. C’est d’eux qu’est venu le premier mot de l’Évangile de Noël !

On est certes loin des lumières des fêtes illuminées ! Mais c’est aussi pourquoi il n’y a pas lieu de s’indigner de ce que la fête lumineuse et publique de Noël semble n’être pas en phase avec ce qui fait l’essentiel de Noël. Exiger que Noël soit au public une fête chrétienne, au sens intime et fort du terme, serait confondre les deux niveaux de signification de Noël. La fête de l’enfant de l’étable de Bethléem, annoncée aux bergers puis par eux, dans la nuit, se célèbre à la seule lumière incréée et secrète portée dans la lumière des Anges. Elle ne saurait se faire au cœur des lumières de la ville, sous les ors des palais. Elle nous dérangera toujours et nous déplacera toujours, comme les bergers.

La fête aux guirlandes, celle de tous les temps, est légitime, mais elle n’est que signe de la vraie fête intime et cachée, celle de la naissance mystérieuse de la vérité de Dieu au cœur secret de nos vies, de la parole par laquelle nous sommes appelés à vivre en enfants de Dieu. C’est là la vraie lumière, jaillie au secret d’une étable.


R.P., Poitiers, Veillée de Noël, 24.12.18


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