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Zacharie 9, 9-10 ; Psaume 145 ; Romains 8, 9-13 ; Matthieu 11, 25-30
Matthieu 11, 25-30
« Je suis doux et humble de cœur : prenez sur vous mon joug, mettez-vous à mon école, et vous trouverez le repos de vos âmes », nous dit Jésus. L'humilité est reposante. Rien à prouver, rien à exhiber, rien à prétendre. Contrairement à l'injonction, très en vogue aujourd'hui, exigeant de chacun une originalité au fond épuisante ; se distinguer à tout prix, y compris en matière de croyance, ou de non-croyance, certains que ceux qui nous ont précédés étaient moins malins que nous. Nous sommes devenus de grands savants, qui en savons plus que les Prophètes, les Apôtres, les Pères de l'Église, les Réformateurs…
Tous dans la pratique du « mais moi je vous dis », des antithèses… que Jésus n'a jamais pratiquées ! Il n'y a pas de « mais moi je vous dis » dans l'enseignement de Jésus. C'est ce que peut nous permettre de mieux percevoir le texte d’aujourd’hui : un Jésus humble. Pas d'un « mais moi », qui au fond serait hautain ; il y a dans le grec du Sermon sur la Montagne un « et », pas un « mais » : pas de « mais moi » comme façon de s'opposer, mais au contraire invitation de Jésus, dans un « et moi », à l'approfondissement, humble approfondissement, intériorisation.
Leçon très actuelle, quand l’obligation de se distinguer est devenue telle qu'elle a ouvert l'ère du paradoxe qui fait que l'originalité réelle est de n'être pas original ! Face à la masse des originaux si semblables les uns aux autres, tous dressés contre la naïveté des enfants qui croient, — qui croient « encore », ajouteraient les plus avancés dans une fuite en avant où il finit par être très glorieux d'être bien au-dessus des enfants attardés qui croient « encore » ; grande sagesse de grands savants, plus forts que celles et ceux pour qui le sentiment de l'absence de Dieu est souffrance et trouble, aux prises avec le mal dans le monde et face à l'absence de réponse facile — mystère caché.
Un mystère caché… « Père, constate Jésus, Seigneur du ciel et de la terre, tu as caché cela aux sages et aux intelligents, et tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, c’est ainsi que tu en as disposé dans ta bienveillance »… constat arrachant à Jésus ce cri de louange — « Je te loue, Père » —, en solidarité avec celles et ceux qui trouvent leur paix dans la révélation du Père par le Fils comme don du Père par le Fils.
Face au poids de nos vies, n’est-ce pas se leurrer que prétendre avoir accédé à une sagesse telle que les mystères, et jusqu’au mystère de Dieu ou de l’univers, nous seraient devenus moins opaques ? Qu’est-ce que cet aveuglement, que n’ont pas les enfants, qui pousse au fond à mépriser les capacités rationnelles de son prochain, ou des hommes et femmes du passé, ou d’autres continents et d’autres sagesses ? Être dans une lumière telle que l'on se place au-dessus de tout — y compris finalement de la grâce, qui est d'abord surprise et étonnement.
Il est une vraie lumière, qui éblouit et aveugle celui, celle, qui ainsi, confesse être aveugle. C'est cette lumière que porte Jésus, sagesse mystérieuse et cachée, que le monde ne reçoit pas. « Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler » (v. 27).
Cela dit, la mise en valeur de la foi et de l’étonnement ne veut pas dire, loin s’en faut, que Jésus nous dispenserait de tout effort intellectuel, de tout apprentissage ! Il ne s’agit pas, sous prétexte que Jésus a donné les enfants en exemple face aux prétendues intelligences supérieures, de s’imaginer qu’il condamne l’intelligence et la sagesse. Non, il vise ceux qui à force d’en être imbus se montrent ni sages ni intelligents. La force de l’enfant est sa capacité à s’étonner. C’est ce que Jésus exalte : une aptitude à recevoir celui que nul ne connaît sinon celui à qui le Fils veut bien le révéler.
Que dit Jésus ? Qu'il s'agit de recevoir l'enseignement de la Bible — le classique « joug de la Torah » du judaïsme — au plus intime de notre être, indépendamment de tous les qu'en dira-t-on et de tous les qu'en verra-t-on. Méditer, intérioriser les paroles bibliques, n'est rien d'autre qu'être en train d'établir pour sa vie des fondements de vérité, dans la mise en pratique qui en découle. « Prendre son joug ».
Voilà qui donne un joug léger, s'agissant de se confier en Dieu de façon à ce que lui-même produise en nous ce que son enseignement requiert. Luther dira que ce n'est pas le fruit qui produit l'arbre, mais l'inverse ; de même ce n'est pas l'œuvre qui porte la foi, mais l'inverse.
Il faut nous souvenir de la distinction que fait Matthieu entre l’apparence et ce qui est caché. Une justice publiée sur les toits est vaine, disait Jésus dans le Sermon sur la Montagne. Une prière exhibée n'a d'autre exaucement que la satisfaction d'en obtenir l'admiration d'autrui. Et Jésus d'inviter à la mise au secret, au ciel, présent au milieu de nous, lieu de la liberté, notre récompense, car « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6, 21).
Il est donc question d'une apparence, vaine, et d’une réalité cachée, cachée même aux savants, peut-être même surtout aux savants, mais qui seule est richesse. Et les deux choses sont en stricte opposition.
Or, demeurer dans cette réalité vraie et cachée, demeurer dans l’humilité quant à la vie devant Dieu, quant à la pratique de la justice, voilà qui est réellement reposant, voilà qui est un joug extrêmement léger, surtout face aux spécialistes de ce qui est bien et de ce qui est mal… en général pour autrui. Pour ceux qui entendent la parole de Jésus, la Loi devient bonne nouvelle — c’est-à-dire Évangile —, une mise en marche qui libère de tout poids, un vrai repos.
Voilà donc deux aspects de la relation à la Loi divine que nous propose ici Jésus. Écouter ce qu’elle dit avec humilité, sans croire savoir — c’est la sagesse, comme celle des enfants — pour connaître cet élément essentiel de la relation avec Dieu comme Père, l’humilité précisément, qui est d’un accès si difficile aux sages et aux intelligents.
Et l’intériorisant ainsi, découvrir combien dès lors ce joug devient léger, le joug de Jésus, sous son regard, dans l’humilité, sans rien à prouver à quiconque, surtout pas à ceux qui savent, ou qui l’imaginent, et qui du coup, ignorent ce cœur de la parole révélée. Dès lors, « ne vous inquiétez donc pas » et ayez confiance au Père pour toute chose.
Matthieu 11, 25-30
25 En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits.
26 Oui, Père, c’est ainsi que tu en as disposé dans ta bienveillance.
27 Tout m’a été remis par mon Père. Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler.
28 « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos.
29 Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes.
30 Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. »
*
« Je suis doux et humble de cœur : prenez sur vous mon joug, mettez-vous à mon école, et vous trouverez le repos de vos âmes », nous dit Jésus. L'humilité est reposante. Rien à prouver, rien à exhiber, rien à prétendre. Contrairement à l'injonction, très en vogue aujourd'hui, exigeant de chacun une originalité au fond épuisante ; se distinguer à tout prix, y compris en matière de croyance, ou de non-croyance, certains que ceux qui nous ont précédés étaient moins malins que nous. Nous sommes devenus de grands savants, qui en savons plus que les Prophètes, les Apôtres, les Pères de l'Église, les Réformateurs…
Tous dans la pratique du « mais moi je vous dis », des antithèses… que Jésus n'a jamais pratiquées ! Il n'y a pas de « mais moi je vous dis » dans l'enseignement de Jésus. C'est ce que peut nous permettre de mieux percevoir le texte d’aujourd’hui : un Jésus humble. Pas d'un « mais moi », qui au fond serait hautain ; il y a dans le grec du Sermon sur la Montagne un « et », pas un « mais » : pas de « mais moi » comme façon de s'opposer, mais au contraire invitation de Jésus, dans un « et moi », à l'approfondissement, humble approfondissement, intériorisation.
Leçon très actuelle, quand l’obligation de se distinguer est devenue telle qu'elle a ouvert l'ère du paradoxe qui fait que l'originalité réelle est de n'être pas original ! Face à la masse des originaux si semblables les uns aux autres, tous dressés contre la naïveté des enfants qui croient, — qui croient « encore », ajouteraient les plus avancés dans une fuite en avant où il finit par être très glorieux d'être bien au-dessus des enfants attardés qui croient « encore » ; grande sagesse de grands savants, plus forts que celles et ceux pour qui le sentiment de l'absence de Dieu est souffrance et trouble, aux prises avec le mal dans le monde et face à l'absence de réponse facile — mystère caché.
Un mystère caché… « Père, constate Jésus, Seigneur du ciel et de la terre, tu as caché cela aux sages et aux intelligents, et tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, c’est ainsi que tu en as disposé dans ta bienveillance »… constat arrachant à Jésus ce cri de louange — « Je te loue, Père » —, en solidarité avec celles et ceux qui trouvent leur paix dans la révélation du Père par le Fils comme don du Père par le Fils.
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Face au poids de nos vies, n’est-ce pas se leurrer que prétendre avoir accédé à une sagesse telle que les mystères, et jusqu’au mystère de Dieu ou de l’univers, nous seraient devenus moins opaques ? Qu’est-ce que cet aveuglement, que n’ont pas les enfants, qui pousse au fond à mépriser les capacités rationnelles de son prochain, ou des hommes et femmes du passé, ou d’autres continents et d’autres sagesses ? Être dans une lumière telle que l'on se place au-dessus de tout — y compris finalement de la grâce, qui est d'abord surprise et étonnement.
Il est une vraie lumière, qui éblouit et aveugle celui, celle, qui ainsi, confesse être aveugle. C'est cette lumière que porte Jésus, sagesse mystérieuse et cachée, que le monde ne reçoit pas. « Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler » (v. 27).
Cela dit, la mise en valeur de la foi et de l’étonnement ne veut pas dire, loin s’en faut, que Jésus nous dispenserait de tout effort intellectuel, de tout apprentissage ! Il ne s’agit pas, sous prétexte que Jésus a donné les enfants en exemple face aux prétendues intelligences supérieures, de s’imaginer qu’il condamne l’intelligence et la sagesse. Non, il vise ceux qui à force d’en être imbus se montrent ni sages ni intelligents. La force de l’enfant est sa capacité à s’étonner. C’est ce que Jésus exalte : une aptitude à recevoir celui que nul ne connaît sinon celui à qui le Fils veut bien le révéler.
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Que dit Jésus ? Qu'il s'agit de recevoir l'enseignement de la Bible — le classique « joug de la Torah » du judaïsme — au plus intime de notre être, indépendamment de tous les qu'en dira-t-on et de tous les qu'en verra-t-on. Méditer, intérioriser les paroles bibliques, n'est rien d'autre qu'être en train d'établir pour sa vie des fondements de vérité, dans la mise en pratique qui en découle. « Prendre son joug ».
Voilà qui donne un joug léger, s'agissant de se confier en Dieu de façon à ce que lui-même produise en nous ce que son enseignement requiert. Luther dira que ce n'est pas le fruit qui produit l'arbre, mais l'inverse ; de même ce n'est pas l'œuvre qui porte la foi, mais l'inverse.
Il faut nous souvenir de la distinction que fait Matthieu entre l’apparence et ce qui est caché. Une justice publiée sur les toits est vaine, disait Jésus dans le Sermon sur la Montagne. Une prière exhibée n'a d'autre exaucement que la satisfaction d'en obtenir l'admiration d'autrui. Et Jésus d'inviter à la mise au secret, au ciel, présent au milieu de nous, lieu de la liberté, notre récompense, car « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6, 21).
Il est donc question d'une apparence, vaine, et d’une réalité cachée, cachée même aux savants, peut-être même surtout aux savants, mais qui seule est richesse. Et les deux choses sont en stricte opposition.
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Or, demeurer dans cette réalité vraie et cachée, demeurer dans l’humilité quant à la vie devant Dieu, quant à la pratique de la justice, voilà qui est réellement reposant, voilà qui est un joug extrêmement léger, surtout face aux spécialistes de ce qui est bien et de ce qui est mal… en général pour autrui. Pour ceux qui entendent la parole de Jésus, la Loi devient bonne nouvelle — c’est-à-dire Évangile —, une mise en marche qui libère de tout poids, un vrai repos.
Voilà donc deux aspects de la relation à la Loi divine que nous propose ici Jésus. Écouter ce qu’elle dit avec humilité, sans croire savoir — c’est la sagesse, comme celle des enfants — pour connaître cet élément essentiel de la relation avec Dieu comme Père, l’humilité précisément, qui est d’un accès si difficile aux sages et aux intelligents.
Et l’intériorisant ainsi, découvrir combien dès lors ce joug devient léger, le joug de Jésus, sous son regard, dans l’humilité, sans rien à prouver à quiconque, surtout pas à ceux qui savent, ou qui l’imaginent, et qui du coup, ignorent ce cœur de la parole révélée. Dès lors, « ne vous inquiétez donc pas » et ayez confiance au Père pour toute chose.
RP, Châtellerault, 5.07.2020
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Et ici : prédication de Philippe Cousson, donnée à Poitiers
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