Reprise des cultes à Châtellerault et Poitiers chaque dimanche à 10 h 30
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2 Rois 4, 8-16 ; Psaume 89 ; Romains 6, 3-11 ; Matthieu 10, 37-42
2 Rois 4, 8-16
Matthieu 10, 37-42
Qu’a fait cette femme, accueillant le prophète Élisée ? Elle a accueilli, à travers son prophète, Celui qui l’a envoyé. Pour cela, elle s’est montrée non-propriétaire de ses propres biens, y renonçant sans même qu’elle le sache, devinant sans le savoir la Source éternelle de ses biens — Source dont parle le prophète.
Un renoncement qui s’illustre dans le fait que le texte biblique ne la nomme même pas, non plus que son mari (tout ce que l’on sait, c’est qu’ils sont de Shounem). « Qui perdra sa vie à cause de moi », dit Jésus, en qui se manifeste la Source éternelle de tout bien, « qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera ». C’est là la « récompense » dont il parle : trouver la vie.
Terme étrange que ce mot « récompense », qui (sachant le mot choisi par Jésus : salaire, rémunération) pourrait paraître dire qu’il s’agit d’acheter un bénéfice, ou au moins d’être payé en retour pour une œuvre. Or c’est précisément cela, un bénéfice en retour, à quoi a renoncé la femme et son mari accueillant Élisée — qui lui propose : « “Faut-il parler en ta faveur au roi ou au chef de l’armée ?” Elle répondit : “Je vis tranquille au milieu des miens.” » (2 R 4, 13). Bref : « Je ne veux rien, je n’ai besoin de rien ».
Renoncer pour trouver la vie. Trouver la vie : c’est le signe qu’elle va recevoir, à travers un don qu’elle n’a pas demandé, fruit de la bénédiction de son couple qu’elle reçoit d’Élisée, écho à la Genèse : « Dieu les bénit en disant : soyez féconds et multipliez-vous » (Gn 1, 28) — « À la même époque, l’an prochain, tu serreras un fils dans tes bras » (2 R 4, 16). Ce qui va advenir (v. 17) — et malgré le fait qu’elle n’a rien demandé, et malgré ses doutes sérieux (v. 16b). C’est un signe que nous donne le récit, bénédiction concrète pour la femme, signe pour nous tous :
Signe seulement, via une parole performative du prophète, c’est-à-dire parole qui produit ce qu’elle dit, mais pas phénomène automatique et nécessaire, genre ce qu’on désigne en général comme « magique », sans quoi le signe serait vide, et se résumerait à une forme de rémunération ! Or il s'agit d’un signe de réception de la vie — « qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera ». Où l’on rencontre l’Évangile…
Renoncer à tout ce qui nous est cher… « Qui aime père et mère, ou fils et fille plus que moi n’est pas digne de moi. » De quoi s'agit-il ? De renoncer, à tout, jusqu’à soi-même, et ceux qui nous sont chers, pour fonder de vraies relations. En refondant les relations. Il n'est de vraies relations humaines qu'au travers de renoncements — voire ruptures symboliques. Dans nos relations avec autrui, en premier lieu nos proches, et même, et surtout, avec nous-même.
On ne connaîtra de relation vraie avec soi-même et avec nos enfants, nos parents et nos proches en général, que pour les avoir perdus comme enfants, parents, etc., de s’être perdu soi-même, et s'être retrouvé tel que nous sommes devant Dieu, les avoir retrouvés tels qu’ils sont devant Dieu qui nous les a confiés pour que nous les lui rendions, de sorte qu’au travers de ce renoncement, nous puissions avoir de nouvelles relations, vraies, avec eux.
Or, c’est là finalement… le pardon, ou don au travers, en l’occurrence au travers du renoncement ! Pourquoi le pardon ? C’est que la relation sans renoncement avec les proches, à commencer par la relation parents-enfants, focalise sur ce qui blesse. L’intensité des relations fait la profondeur des blessures qui s’y vivent. D’où jusqu’à une haine latente, même, qui doit être reconnue, sous peine de rester purulente — c’est là le lieu le plus intense aussi du pardon. C’est le passage sans lequel il n’est pas de pardon.
Le pardon est à la fondation du monde, là où le Christ est crucifié (Apoc 13, 8 : « l’Agneau de Dieu immolé depuis la fondation du monde »). Le pardon est né à la fondation du monde, puisque le monde ne peut pas exister, ne peut pas venir à l’être sans pardon — le livre biblique de la création, de l'origine, du commencement (de la Genèse en grec), le dit en se terminant par le pardon, en l’occurrence le pardon de Joseph à ses frères, sans quoi l’histoire de la promesse se serait arrêtée là ! Écho dans l'Évangile : « Qui ne se charge pas de sa croix… » (v. 38). Le pardon rend le monde possible.
C’est que le pardon est né là où le Christ est crucifié (Ap 13, 8), au moment où il prie en faveur de ses bourreaux : « Père, pardonne leur car il ne savent pas ce qu’ils font ! » Voilà un homme, le Fils de Dieu, qui ne se fait pas d’illusions sur l’âme de ses semblables, sur la laideur des motivations de ses ennemis — qui le bafouent, lui crachent dessus et le mettent à mort, toujours dans les moqueries ; le clouent pour cette mise à mort honteuse, exhibé nu à une foule hurlante ; lui font subir ce châtiment en faisant mine de penser qu’il le mérite bien. Une honte difficile à imaginer, et à même de fournir une haine légitime… Et voilà finalement une parole de pardon, sans amertume. Eh bien, c’est que le Christ ne s’est pas illusionné sur ses ennemis. Aucune relation illusoire ne subsiste avec eux. Mais dès lors la relation peut devenir libre, sans arrière-pensée. Un vrai renoncement ayant eu lieu, le pardon est possible.
C’est parce que ce genre de renoncement plein, réel, qui ne laisse aucune illusion, n’a lieu que rarement que le pardon vrai est extrêmement rare. Il reste encore de l’attachement, le besoin de se venger, donc de prouver, face à telle ou telle action blessante dont on reste marqué. Tant qu’il reste de l’illusion sur soi-même, point de pardon réel. Et cela commence entre proches, et avant tout entre parents et enfants. Tant que reste une blessure, un besoin de prouver encore.
Là il manque encore ce renoncement total, qui permet de pardonner enfin, et de vivre côte à côte dans la liberté.
On est loin des pardons illusoires qui cachent mal des blessures pas reconnues. Aimer le crucifié plus que tout, entrer dans sa douleur et donc son pardon, y perdre sa vie. C’est le prix de la grâce. Pour un acte de la foi, qui est œuvre miraculeuse de la grâce, une façon de recevoir sa propre mort, de se charger de sa croix (v. 38) ; cf. Ro 6, 3-11 : « si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. Nous le savons en effet : ressuscité des morts, Christ ne meurt plus ; la mort sur lui n’a plus d’empire » (Ro 6, 8-9). Mort à soi-même indispensable pour la naissance d'en haut, la naissance à la liberté : « qui aura gardé sa vie la perdra, et qui aura perdu sa vie à cause de moi la retrouvera » (v. 39).
La Shunamite n’obtient son enfant, ne trouve son enfant, que d’avoir renoncé ! Et pour cela d’avoir accueilli le Dieu que nul n’a jamais vu en accueillant celui qui lui en a apporté la parole. « Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète, et qui accueille un juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste. Quiconque donnera à boire, ne serait-ce qu’un verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, en vérité, je vous le déclare, il ne perdra pas sa récompense ». Récompense, à savoir, on l’a vu, la vie.
Car alors, un monde nouveau, prémisse des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, peut advenir, un monde de relations humaines basées sur un dialogue reconnaissant que l'autre, fût-il notre enfant, notre père ou notre mère, n’est ni une reproduction de nous-mêmes, ni l’anti-image qu’il nous faudrait fuir ; qu’il est lui aussi un être à l'image de Dieu manifestée en Christ : « qui vous reçoit me reçoit, qui me reçoit reçoit celui qui m'a envoyé » (v. 40).
Comme la Shunamite accueillant Élisée. Car c'est bien ce qu'il en est de l'accueil des disciples — fût-ce sous le simple signe de l'apport d'un verre d'eau — que réclame Jésus. Il est question ici à travers l’accueil de son serviteur, de l'accueil de Dieu, et donc du prochain tel qu'il nous est donné sous le regard de Dieu, tel que le regard de Dieu porté dans le Christ le fait advenir comme être à l'image de Dieu, nous en dévoile la valeur infinie. Un prochain radicalement autre, fondé dans l’image de Dieu, c'est-à-dire irréductible à nos projections, à nos schémas. Voilà qui ouvre à savoir reconnaître un prophète ou un juste, jusque parmi les plus petits. Pour une découverte du prochain, riche en Dieu face à nous-mêmes, à commencer par ces prochains que sont nos enfants et nos parents, ce qui ne se fera qu'à travers la réception de la rupture que la Croix opère entre eux et nous, qu'à travers ce que nous les abandonnerons à Dieu. Et, pour cela, que nous nous y abandonnerons nous-mêmes.
8 Il advint un jour qu’Élisée passa à Shounem. Il y avait là une femme de condition, qui le pressa de prendre un repas chez elle. Depuis lors, chaque fois qu’il passait, il s’y rendait pour prendre un repas.9 La femme dit à son mari : « Je sais que cet homme qui vient toujours chez nous est un saint homme de Dieu.
10 Construisons donc sur la terrasse une petite chambre ; nous y mettrons pour lui un lit, une table, un siège et une lampe ; quand il viendra chez nous, il pourra s’y retirer. »
11 Un jour, Élisée vint chez eux ; il se retira dans la chambre haute et y coucha.
12 Il dit à son serviteur Guéhazi : « Appelle cette Shounamite ! » Il l’appela et elle se tint devant le serviteur.
13 Élisée dit à son serviteur : « Dis-lui : Tu nous as témoigné toutes ces marques de respect. Que faire pour toi ? Faut-il parler en ta faveur au roi ou au chef de l’armée ? » Elle répondit : « Je vis tranquille au milieu des miens. »
14 Il dit : « Mais que faire pour elle ? » Guéhazi répondit : « Hélas ! Elle n’a pas de fils, et son mari est âgé. »
15 Il dit : « Appelle-la ! » Il l’appela et elle se tint à l’entrée.
16 Il dit : « A la même époque, l’an prochain, tu serreras un fils dans tes bras. » Elle dit : « Non, mon seigneur, homme de Dieu, ne dis pas de mensonge à ta servante. »
Matthieu 10, 37-42
37 « Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi.
38 Qui ne se charge pas de sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi.
39 Qui aura assuré sa vie la perdra et qui perdra sa vie à cause de moi l’assurera.
40 « Qui vous accueille m’accueille moi-même, et qui m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé.
41 Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète, et qui accueille un juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste.
42 Quiconque donnera à boire, ne serait-ce qu’un verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, en vérité, je vous le déclare, il ne perdra pas sa récompense. »
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Qu’a fait cette femme, accueillant le prophète Élisée ? Elle a accueilli, à travers son prophète, Celui qui l’a envoyé. Pour cela, elle s’est montrée non-propriétaire de ses propres biens, y renonçant sans même qu’elle le sache, devinant sans le savoir la Source éternelle de ses biens — Source dont parle le prophète.
Un renoncement qui s’illustre dans le fait que le texte biblique ne la nomme même pas, non plus que son mari (tout ce que l’on sait, c’est qu’ils sont de Shounem). « Qui perdra sa vie à cause de moi », dit Jésus, en qui se manifeste la Source éternelle de tout bien, « qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera ». C’est là la « récompense » dont il parle : trouver la vie.
Terme étrange que ce mot « récompense », qui (sachant le mot choisi par Jésus : salaire, rémunération) pourrait paraître dire qu’il s’agit d’acheter un bénéfice, ou au moins d’être payé en retour pour une œuvre. Or c’est précisément cela, un bénéfice en retour, à quoi a renoncé la femme et son mari accueillant Élisée — qui lui propose : « “Faut-il parler en ta faveur au roi ou au chef de l’armée ?” Elle répondit : “Je vis tranquille au milieu des miens.” » (2 R 4, 13). Bref : « Je ne veux rien, je n’ai besoin de rien ».
Renoncer pour trouver la vie. Trouver la vie : c’est le signe qu’elle va recevoir, à travers un don qu’elle n’a pas demandé, fruit de la bénédiction de son couple qu’elle reçoit d’Élisée, écho à la Genèse : « Dieu les bénit en disant : soyez féconds et multipliez-vous » (Gn 1, 28) — « À la même époque, l’an prochain, tu serreras un fils dans tes bras » (2 R 4, 16). Ce qui va advenir (v. 17) — et malgré le fait qu’elle n’a rien demandé, et malgré ses doutes sérieux (v. 16b). C’est un signe que nous donne le récit, bénédiction concrète pour la femme, signe pour nous tous :
Signe seulement, via une parole performative du prophète, c’est-à-dire parole qui produit ce qu’elle dit, mais pas phénomène automatique et nécessaire, genre ce qu’on désigne en général comme « magique », sans quoi le signe serait vide, et se résumerait à une forme de rémunération ! Or il s'agit d’un signe de réception de la vie — « qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera ». Où l’on rencontre l’Évangile…
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Renoncer à tout ce qui nous est cher… « Qui aime père et mère, ou fils et fille plus que moi n’est pas digne de moi. » De quoi s'agit-il ? De renoncer, à tout, jusqu’à soi-même, et ceux qui nous sont chers, pour fonder de vraies relations. En refondant les relations. Il n'est de vraies relations humaines qu'au travers de renoncements — voire ruptures symboliques. Dans nos relations avec autrui, en premier lieu nos proches, et même, et surtout, avec nous-même.
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On ne connaîtra de relation vraie avec soi-même et avec nos enfants, nos parents et nos proches en général, que pour les avoir perdus comme enfants, parents, etc., de s’être perdu soi-même, et s'être retrouvé tel que nous sommes devant Dieu, les avoir retrouvés tels qu’ils sont devant Dieu qui nous les a confiés pour que nous les lui rendions, de sorte qu’au travers de ce renoncement, nous puissions avoir de nouvelles relations, vraies, avec eux.
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Or, c’est là finalement… le pardon, ou don au travers, en l’occurrence au travers du renoncement ! Pourquoi le pardon ? C’est que la relation sans renoncement avec les proches, à commencer par la relation parents-enfants, focalise sur ce qui blesse. L’intensité des relations fait la profondeur des blessures qui s’y vivent. D’où jusqu’à une haine latente, même, qui doit être reconnue, sous peine de rester purulente — c’est là le lieu le plus intense aussi du pardon. C’est le passage sans lequel il n’est pas de pardon.
Le pardon est à la fondation du monde, là où le Christ est crucifié (Apoc 13, 8 : « l’Agneau de Dieu immolé depuis la fondation du monde »). Le pardon est né à la fondation du monde, puisque le monde ne peut pas exister, ne peut pas venir à l’être sans pardon — le livre biblique de la création, de l'origine, du commencement (de la Genèse en grec), le dit en se terminant par le pardon, en l’occurrence le pardon de Joseph à ses frères, sans quoi l’histoire de la promesse se serait arrêtée là ! Écho dans l'Évangile : « Qui ne se charge pas de sa croix… » (v. 38). Le pardon rend le monde possible.
C’est que le pardon est né là où le Christ est crucifié (Ap 13, 8), au moment où il prie en faveur de ses bourreaux : « Père, pardonne leur car il ne savent pas ce qu’ils font ! » Voilà un homme, le Fils de Dieu, qui ne se fait pas d’illusions sur l’âme de ses semblables, sur la laideur des motivations de ses ennemis — qui le bafouent, lui crachent dessus et le mettent à mort, toujours dans les moqueries ; le clouent pour cette mise à mort honteuse, exhibé nu à une foule hurlante ; lui font subir ce châtiment en faisant mine de penser qu’il le mérite bien. Une honte difficile à imaginer, et à même de fournir une haine légitime… Et voilà finalement une parole de pardon, sans amertume. Eh bien, c’est que le Christ ne s’est pas illusionné sur ses ennemis. Aucune relation illusoire ne subsiste avec eux. Mais dès lors la relation peut devenir libre, sans arrière-pensée. Un vrai renoncement ayant eu lieu, le pardon est possible.
C’est parce que ce genre de renoncement plein, réel, qui ne laisse aucune illusion, n’a lieu que rarement que le pardon vrai est extrêmement rare. Il reste encore de l’attachement, le besoin de se venger, donc de prouver, face à telle ou telle action blessante dont on reste marqué. Tant qu’il reste de l’illusion sur soi-même, point de pardon réel. Et cela commence entre proches, et avant tout entre parents et enfants. Tant que reste une blessure, un besoin de prouver encore.
Là il manque encore ce renoncement total, qui permet de pardonner enfin, et de vivre côte à côte dans la liberté.
On est loin des pardons illusoires qui cachent mal des blessures pas reconnues. Aimer le crucifié plus que tout, entrer dans sa douleur et donc son pardon, y perdre sa vie. C’est le prix de la grâce. Pour un acte de la foi, qui est œuvre miraculeuse de la grâce, une façon de recevoir sa propre mort, de se charger de sa croix (v. 38) ; cf. Ro 6, 3-11 : « si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. Nous le savons en effet : ressuscité des morts, Christ ne meurt plus ; la mort sur lui n’a plus d’empire » (Ro 6, 8-9). Mort à soi-même indispensable pour la naissance d'en haut, la naissance à la liberté : « qui aura gardé sa vie la perdra, et qui aura perdu sa vie à cause de moi la retrouvera » (v. 39).
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La Shunamite n’obtient son enfant, ne trouve son enfant, que d’avoir renoncé ! Et pour cela d’avoir accueilli le Dieu que nul n’a jamais vu en accueillant celui qui lui en a apporté la parole. « Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète, et qui accueille un juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste. Quiconque donnera à boire, ne serait-ce qu’un verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, en vérité, je vous le déclare, il ne perdra pas sa récompense ». Récompense, à savoir, on l’a vu, la vie.
Car alors, un monde nouveau, prémisse des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, peut advenir, un monde de relations humaines basées sur un dialogue reconnaissant que l'autre, fût-il notre enfant, notre père ou notre mère, n’est ni une reproduction de nous-mêmes, ni l’anti-image qu’il nous faudrait fuir ; qu’il est lui aussi un être à l'image de Dieu manifestée en Christ : « qui vous reçoit me reçoit, qui me reçoit reçoit celui qui m'a envoyé » (v. 40).
Comme la Shunamite accueillant Élisée. Car c'est bien ce qu'il en est de l'accueil des disciples — fût-ce sous le simple signe de l'apport d'un verre d'eau — que réclame Jésus. Il est question ici à travers l’accueil de son serviteur, de l'accueil de Dieu, et donc du prochain tel qu'il nous est donné sous le regard de Dieu, tel que le regard de Dieu porté dans le Christ le fait advenir comme être à l'image de Dieu, nous en dévoile la valeur infinie. Un prochain radicalement autre, fondé dans l’image de Dieu, c'est-à-dire irréductible à nos projections, à nos schémas. Voilà qui ouvre à savoir reconnaître un prophète ou un juste, jusque parmi les plus petits. Pour une découverte du prochain, riche en Dieu face à nous-mêmes, à commencer par ces prochains que sont nos enfants et nos parents, ce qui ne se fera qu'à travers la réception de la rupture que la Croix opère entre eux et nous, qu'à travers ce que nous les abandonnerons à Dieu. Et, pour cela, que nous nous y abandonnerons nous-mêmes.
RP, Poitiers, 28.06.2020
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