dimanche 27 mars 2022

Les deux fils et le Père aimant





Josué 5, 10-12 ; Psaume 34 ; 2 Co 5, 17-21 ; Luc 15, 1-3 & 11-32

Luc 15, 11-32
11 […] "Un homme avait deux fils.
12 Le plus jeune dit à son père : Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir. Et le père leur partagea son avoir.
13 Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain et il y dilapida son bien dans une vie de désordre.
14 Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans l’indigence.
15 Il alla se mettre au service d’un des citoyens de ce pays qui l’envoya dans ses champs garder les porcs.
16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre des gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait.
17 Rentrant alors en lui-même, il se dit : Combien d’ouvriers de mon père ont du pain de reste, tandis que moi, ici, je meurs de faim !
18 Je vais aller vers mon père et je lui dirai : Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi.
19 Je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers.
20 Il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié : il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.
21 Le fils lui dit : Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils…
22 Mais le père dit à ses serviteurs : Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le ; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds.
23 Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons,
24 car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé. "Et ils se mirent à festoyer.
25 Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses.
26 Appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que c’était.
27 Celui-ci lui dit : C’est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras parce qu’il l’a vu revenir en bonne santé.
28 Alors il se mit en colère et il ne voulait pas entrer. Son père sortit pour l’en prier ;
29 mais il répliqua à son père : Voilà tant d’années que je te sers sans avoir jamais désobéi à tes ordres; et, à moi, tu n’as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis.
30 Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a mangé ton avoir avec des filles, tu as tué le veau gras pour lui !
31 Alors le père lui dit: Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.
32 Mais il fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé.

*

Un propos de la tradition juive, enseigné par les rabbins, dit que le plus grand des justes ne sera jamais aussi grand que le pécheur qui s'est repenti, car il ne comprendra jamais la profondeur de la miséricorde de Dieu, de sa tendresse, aussi intensément que celui qui a été relevé.

Jésus, par cette parabole dite du “fils prodigue”, c’est-à-dire en français courant “fils gaspilleur”, nous dit la même chose. N'oublions pas que ceux qui écoutent Jésus lorsqu’il donne cette parabole sont des gens bien, ou qui se pensent tels, des gens qui pensent tout mieux faire que les autres, mais qui ignorent tout de la vraie tendresse du Père, que Jésus essaie de leur dire : “mon enfant, dit le père au fils aîné, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi” (v. 31). Ne leur manque, comme au fils aîné de la parabole, que la connaissance profonde, vécue, de la miséricorde du père, de sa tendresse.

*

C'est pour bien souligner cela aux yeux de ce fils aîné — qui l’écoute, donc, par les oreilles de ses interlocuteurs — que Jésus dresse un si long et étonnant portrait de son frère cadet et prodigue.

Il en trace le pire portrait qui soit : non seulement il n'a pas été fidèle au père, il l’a quitté, et de quelle façon : tout juste s’il ne l’a pas enterré avant l’heure, réclamant son héritage pour partir. Et ses biens, il les a carrément gaspillés. Et non seulement, il les a gaspillés, mais il ne les a pas gaspillés en essayant par exemple, même maladroitement, de les faire fructifier. Il les a stupidement gaspillés. Et il ne les a pas gaspillés de façon charitable, ni même utile, mais de façon égoïste, en vivant dans la débauche. Jésus ainsi en rajoute à décrire un frère cadet de la pire espèce, sans excuse aux yeux du frère aîné dont il ne faut pas oublier qu'il est en train d'écouter Jésus par les oreilles de ceux qui pensent tout mieux faire, représentés par ce fils qui se fâche tout rouge au retour de son frère.

Quant au fils prodigue dont Jésus donne le portrait, il n'est pas jusqu’à son repentir qui ne soit douteux. Ce n’est pas l'affection qui le pousse vers son père, mais tout bonnement la faim (v. 17). Il revient en réfugié économique. Un de ces pauvres qui n’arrive pas pour les beaux yeux de ceux qui l’accueillent, mais parce qu’il est affamé. Sans parler du genre d’humiliation qu’il a subie.

Réduit à convoiter la nourriture des cochons — comme si ce n’était pas déjà assez humiliant de les garder ! Et le voilà, humilié, qui revient penaud, qui a perdu jusqu’à sa sincérité, s’il en a jamais eu. Sa sincérité, en effet, est devenue si peu sûre qu'on le voit carrément préparer un discours de repentir à réciter à son père (v. 18, cf. v. 21). Motivations qui, la suite le montre, quelles qu'elles soient, importent peu au père, qui s’étant précipité de loin pour se jeter à son cou, interrompt le discours qu’il avait préparé, pour ordonner la fête, sans attendre l’aîné qui se vexe : lui qui fait tout mieux que tout le monde, le père ne lui a rien demandé pour s’émouvoir spontanément.

*

C'est parce que le Père trouve son enfant que le retour de son enfant peut commencer. Il arrive penaud, mais le Père a trouvé le fils qu'il attend ; le fils lui, n'en est qu'au début de sa découverte du Père, de son retour à lui. De loin, le Père court se jeter à son cou. C’est parce qu’il a retrouvé ce qui était perdu qu’il invite les siens à la réjouissance et à la fête.

Et voilà que le fils aîné se fâche des retrouvailles de son frère. Vexé pas tant de la conversion de son frère prodigue que de l’attitude de son Père. Car au fond, à bien y regarder, c’est contre le père qu’il est en colère !

Le père a ouvert la fête avant même son retour des champs, sans l’attendre (v. 25-27) ! comme il n'a pas attendu d'entendre le discours préparé de son frère prodigue pour se jeter à son cou et fêter sa joie.

C'est ici que la parabole du fils prodigue devient celle des deux fils et du Père aimant. Parce que finalement les deux sont éloignés : l’un, l’aîné, ne connaît pas la profondeur de la miséricorde du Père, la profondeur de sa tendresse, l’autre, le second, ignorait ce qu’est la reconnaissance : il considérait tous les biens de son Père comme un dû qu’il pouvait donc s'approprier et gaspiller à sa guise. Les deux sont éloignés de sa bonté, qui, dans l’accueil du second qui revient ruiné, apparaît sans limite, pour les deux ! Dieu attend leur retour à tous les deux.

Il n'attend que de nous voir enfin près de lui tels que nous sommes, sous son regard ; il nous tend déjà ses bras. Déjà, il est prêt à préparer la fête de la joie de notre retour. La simple vue de ses enfants fait éclater sa tendresse. Il nous attend toutes et tous.


RP, Poitiers, 27/03/22
Prédication (format imprimable)


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