dimanche 14 mai 2023

Un autre Consolateur




Jean 14, 15-21
15 "Si vous m’aimez, vous observerez mes commandements ;
16 moi, je prierai le Père : il vous donnera un autre Consolateur qui restera avec vous pour toujours.
17 C’est lui l’Esprit de vérité, celui que le monde est incapable d’accueillir parce qu’il ne le voit pas et qu’il ne le connaît pas. Vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous et il est en vous.
18 Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens à vous.
19 Encore un peu, et le monde ne me verra plus ; vous, vous me verrez vivant et vous vivrez vous aussi.
20 En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père et que vous êtes en moi et moi en vous.
21 Qui a mes commandements et les observe m’aime ; et qui m’aime sera aimé de mon Père, je l’aimerai et je m'en ferai connaître."

*

« Oui, tout ce bien va s’opérer ; oui, cette régénération va s’accomplir ; nulle puissance sur la terre n'est en état de l'empêcher ». Je viens de citer le révolutionnaire Camille Desmoulins. Il écrit cela en 1789. J'aurais pu citer quantité d’autres révolutionnaires. Ils ont tous ce mot constamment à la bouche : régénération, c’est-à-dire « re-naissance », « nouvelle naissance », concrètement : inscription de la loi dans les cœurs, sans laquelle la proclamation de la loi reste abstraite. Reprise de ce qu’annonçait le prophète Ézéchiel (ch. 36) : j'inscrirai ma loi au-dedans d’eux afin qu’ils suivent mes prescriptions.

Avant de revenir à cela, venons-en à notre texte de l'Évangile de Jean, qui ne dit pas autre chose lorsqu'il parle de la relation de l'Esprit et des disciples.

Jésus leur annonce : vous connaîtrez l'Esprit… parce que vous le connaissez déjà. Vous vivrez de l'Esprit parce que vous en vivez déjà ! C'est là rien d'autre que ce que ce que disent les v. 16-17 : « le Père vous donnera… l'Esprit de vérité… parce… vous le connaissez, parce qu'il demeure près de vous et qu'il sera (ou : parce qu'il est *) en vous »…

L'Esprit vous est donné, à vous en qui il demeure. Étrange ? Donné à ceux, celles, avec qui il demeure déjà, contrairement au « monde », c’est à dire à « l’apparence » — que connote le mot employé, « cosmos », qui a donné « cosmétique » —, le monde apparent donc, qui lui ne peut pas le recevoir, parce que, pourtant aimé de Dieu (Jn 3, 16), il ne le connaît pas ; c’est-à-dire parce que tout cela lui reste extérieur, abstrait.

Vit de l'Esprit — celui, celle, qui aime Jésus, et qui donc garde sa parole. Qui ne l'aime pas, c'est là ce qu'il appelle « le monde », ne garde pas ses paroles, est étranger donc à la vie de l'Esprit saint. Le rapport est étroit entre l'Esprit de Jésus et l'obéissance à sa parole, à ses préceptes (v. 21).


Le don de l'Esprit

Des préceptes, donnés extérieurement : « aimez-vous les uns les autres », et leur concrétisation, leur inscription dans les cœurs.

Où il est question de l'Alliance entre Dieu qui donne la loi et son peuple qui la reçoit en son cœur, Alliance renouvelée en Jésus-Christ ; et élargie par lui à toutes les nations. On peut le dire ainsi : l'Alliance, ou la Torah telle qu’elle s'inscrit dans les cœurs par le don de l'Esprit. C’est un des aspects connus des Prophètes et qui est dit à nouveau par le Christ à ses disciples.

Ainsi, en Jésus Christ, Dieu dévoile l'universalité de la promesse et de l’Alliance. La promesse faite aux origines à Abraham s'étend à tous ceux et celles qui ont la foi d'Abraham, universellement proclamée par les témoins du Christ.

L'Alliance est appelée à s'étendre jusqu’aux extrémités de la Terre, elle s'élargit à tous les peuples. Ce qui renvoie à l’enseignement biblique selon lequel, en deçà même de l'Alliance que Dieu scelle avec son peuple, son Esprit est présent à la Création du monde — « il planait à la face des eaux » dit la Genèse — porteur de la Parole par laquelle tout a été fait — porteur de la lumière qui éclaire tout être humain venant dans le monde (Jean 1, 9).

*

L'Alliance est ouverte à toutes les nations. Eh bien, c'est cela l'universalisme que retrouvent les révolutionnaires modernes, Anglais, Américains, puis Français, se réclamant de l’héritage biblique — voir la forme des tables de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : les tables de la Loi du Sinaï. Mais si cela n'est que sur des tables, où en est le vécu ? D’où la notion d'inscription de ces tables dans les cœurs, la notion de régénération.

Il s’agit d’un renouveau de vie pour un vécu de l'Alliance dans la liberté, pas par contrainte. Le don de l'Esprit n'est point la rupture de l’Alliance d’Abraham et de Moïse, mais bien son renouvellement, dans toute sa profondeur, sa racine intérieure. La Loi biblique se déploie jusque dans ses extensions dans les Déclarations modernes, dont les cœurs sont appelés à vouloir les vivre, concrètement — selon la promesse qui se dévoile pour les disciples par l'Esprit du Père promis par Jésus.


La vie de l'Esprit

C'est là la racine, en quelque sorte, de la vie de l'Esprit, un souffle humble et discret, répandu abondamment, comme la semence de la parabole du semeur, image de l'effusion de la Parole et de l'Esprit. Et comme le large ensemencement du semeur ne préjuge en rien de la récolte, la semence de la Parole et de l'Esprit ne préjuge pas de la germination et de l'éclosion de son fruit.

C'est de celui que nous prions, Dieu, que dépend la suite des choses, que vienne le jour de la promesse de Jésus : « vous recevrez l'Esprit de vérité parce que vous le connaissez, qu'il demeure en vous ». Et voici comment nous savons que nous l'avons connu : c'est en gardant ses commandements (cf. 1 Jn 2, 3) — certes dans l’humilité de notre cheminement. Car la responsabilité qui ressort de notre liberté d'enfants de Dieu s'exerce dans l'humilité.

« Celui qui dit : je l'ai connu et qui ne garde pas ses commandements est un menteur », dit la 1ère Épître de Jean (1 Jean 2, 4). Et son commandement est en ce cœur de la Loi : que nous nous aimions les uns les autres, « pas en parole ni avec la langue, mais en action et en vérité », poursuit la même Épître (1 Jean 3, 18). Une parole qui n'est pas accompagnée d'actes est un mensonge. Voilà qui nous contraint tous à l'humilité : qui de nous prétendra le connaître ? Notre connaissance, à la mesure de notre amour, n'est jamais que partielle, embryonnaire. Notre participation à l'Esprit de Dieu, n'est jamais que prémisse, que participation à une promesse. C’est en cela que l’Esprit promis est aussi Consolateur, consolant notre manque, consolant le deuil des disciples alors que Jésus va mourir : « je ne vous laisserai pas orphelins » (Jn 14, 18).

C'est ainsi que, comme à des enfants, à chacune et chacun de nous s'adresse la promesse du Christ : « vous recevrez l'Esprit ». Comme des enfants, nous ne connaissons que partiellement, et c'est, seule, cette connaissance partielle, qui fonde notre espérance d'une plénitude toujours à venir, notre espérance de voir jaillir de nos cœurs les fleuves d'eau vive du Royaume éternel : « qui croit en moi, annonce Jésus, des fleuves d'eau vive jailliront de son sein » (Jean 7, 38). « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive » (Jean 7, 37).


R.P., Poitiers, 14.05.23
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* Selon la lectio difficilior : "ὅτι παρ’ ὑμῖν μένει καὶ ἐν ὑμῖν ἐστιν." ("ἐστιν" / "estin" = "est", plutôt que "ἐσται" / "estaï" = "sera").


(Textes du jour : Actes 8, 5-17 ; Ps 66 ; 1 P 3, 15-18 ; Jean 14, 15-21)


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