dimanche 28 mai 2023

"Jésus souffla sur eux"




Actes 2, 1-6
1 Lorsque arriva le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble en un même lieu.
2 Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d'un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis.
3 Des langues leur apparurent, qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres ; il s'en posa sur chacun d'eux.
4 Ils furent tous remplis d'Esprit saint et se mirent à parler en d'autres langues, selon ce que l'Esprit leur donnait d'énoncer.
5 Or des Juifs pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel habitaient Jérusalem.
6 Au bruit qui se produisit, la multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue.

Jean 20, 19-23
19 Le soir de ce même jour [dimanche de Pâques] qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Judéens, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d’eux et il leur dit : "La paix soit avec vous."
20 Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie.
21 Alors, à nouveau, Jésus leur dit : "La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie."
22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : "Recevez l’Esprit Saint ;
23 ceux pour qui vous remettez les péchés, ils leur ont été remis. Ceux pour qui vous les soumettez, ils leur ont été soumis."

*

Aujourd'hui s'accomplit ce qu'annonçait Jean le Baptiste : je vous baptise d'eau, celui qui vient après moi et qui était avant moi est celui qui baptise d'Esprit saint. Ce que dit le Baptiste vaut aussi pour nos baptêmes d'eau. Le Christ seul peut donner l'Esprit que l'eau de nos baptêmes symbolise, comme pour les Samaritains d'Actes 8, 15-17 qui baptisés d'eau, vont recevoir l'Esprit saint, le souffle de Dieu que communique à ses disciples le Ressuscité soufflant sur eux.

Notre texte nous ramène au soir du dimanche de Pâques, cinquante jours avant la fête de Shavouoth, Pentecôte. Les disciples sont enfermés : « Par crainte des chefs judéens, les portes de la maison où ils se trouvaient étaient verrouillées ». Puis ils vont passer de la crainte (des Judéens, de leurs chefs, de la part de ces Galiléens : pas des juifs ! — qu’ils sont eux-mêmes !) à la libération : « Jésus vint, il se tint au milieu d’eux et il leur dit : "La paix soit avec vous." »

C’est suite à cela qu’ils vont passer de la crainte à la libération ; c’est-à-dire à l'envoi : « Jésus leur dit : "La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie." » — Recevez l’Esprit Saint : et déliez ceux qui sont liés — cf. Mt 16, 19. Jésus souffla sur eux pour un envoi à toutes les nations, symbolisé au jour de Pentecôte par la louange dans les langues des nations…

« La paix soit avec vous » — avec cette parole, le texte donne le comment du don de cette paix : par l’Esprit saint. Cet Esprit qui vient du Père, le Père l’envoie par Jésus ressuscité. Ici s’ouvre la porte de la liberté à laquelle nous sommes invités à notre tour. Et cette liberté est une question de pardon. Une traduction très courante veut que Jésus dise aux Apôtres : « ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » Comme si les Apôtres avaient pour mission de retenir captifs de leurs péchés certains de ceux à qui ils sont envoyés ! Les Apôtres sont envoyés pour communiquer la libération que Jésus vient de leur octroyer dans le don de l’Esprit saint. La communiquer abondamment. Pas la mégoter.

Il se trouve qu’une tout autre traduction de cette parole est possible : « ceux pour qui vous remettez les péchés, ils leur ont été remis. Ceux pour qui vous les soumettez, ils leur ont été soumis ». Ce qui correspond à l’équivalent chez Matthieu, « délier » (délier les personnes et lier le péché). Voilà donc qui donne tout autre chose : remettre les péchés et les soumettre. Deux faces de la libération. Remettre les péchés, c’est pardonner, soumettre les péchés, c’est permettre de les dominer.

Être libéré, donc, du fruit du péché. Et cela est en rapport étroit avec le pardon. Souvenez-vous de l’épisode de Caïn. Je lis, au livre de la Genèse, ch. 4, v. 6-8 : « Le Seigneur dit à Caïn : "Pourquoi t’irrites-tu ? Et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu agis bien, ne le relèveras-tu pas ? Si tu n’agis pas bien, le péché, tapi à ta porte, te désire. Mais toi, domine-le." Caïn parla à son frère Abel et, lorsqu’ils furent aux champs, Caïn attaqua son frère et le tua. »

Le péché est tapi à ta porte… Mais toi, domine-le. On a entendu la suite, Caïn ne l’a pas dominé. Caïn n’a pas reçu le pardon, la rémission de ses péchés. Il jalousait son frère. Il n’a pas reçu le pardon, l’élargissement de son cœur et la capacité de pardonner. Il n’a pas reçu la capacité de soumettre le péché : le péché l’a vaincu, Caïn ne l’a pas dominé… N’ayant pas reconnu cette part sombre de lui-même.

Et voici le fruit de l’Esprit saint, dans la promesse de Jésus aux Apôtres : « ceux pour qui vous remettez les péchés, ils leur ont été remis. Ceux pour qui vous les soumettez, ils leur ont été soumis ». Cela inclut la reconnaissance de la part sombre qui est en nous.

Sans quoi, la puissance du péché, c’est la mort, affirme la Bible. Jésus a vaincu la mort. « Il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie. »

Le Ressuscité qui a vaincu la mort a pouvoir sur tout. Il a pouvoir même sur le péché. Il ouvre même comme possible l’impossible commandement donné à Caïn : « domine sur le péché ». Impossible, Caïn n’ayant fait que projeter sur son frère la frustration qui l’habitait.

Face à cela, le don de l'Esprit saint est aussi pénétration de tout ce qui fait notre être, jusqu'en ses zones d'ombre — pénétrant jusqu'aux profondeurs de Dieu, l'Esprit sonde tout en nous en dit Paul (1 Co 2, 10). Une pénétration empreinte de miséricorde, qui dit et promet que sa présence en nous nous révèle entièrement à nous-même et ainsi nous libère.

La liberté étant que nos fautes nous sont pardonnées, l’Esprit saint nous les soumet en nous permettant de connaître ce qui est en nous. Jésus souffla sur eux. Les Apôtres libérés par l’Esprit deviennent, par leur liberté, libérateurs à leur tour. C’est la bonne nouvelle qui nous est à nouveau donnée en ce dimanche de Pentecôte. Jésus souffla sur eux : recevez l’Esprit saint.

Percevons-nous son souffle aujourd’hui ? Dans ce souffle est la paix que donne Jésus, la paix de se savoir pleinement pardonné : vos péchés vous sont remis, l’Esprit saint vous les soumet. Vous n’avez pas même à vous venger pour quelque obscur désir ou jalousie, comme Caïn qui a été par là dominé. Vous n’avez que la liberté de vous savoir pardonnés, de savoir par là octroyer le pardon à votre tour.

C’est pourquoi l’Esprit saint prie en nous : Abba, Notre Père, pour l’accomplissement de cette demande : « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » Non pas que le pardon que nous octroyons soit la condition de notre propre pardon ! Mais la liberté qui est dans le fait d’être pardonnés nous libère du poids d’avoir à ne pas pardonner. Nous voilà donc devant le Christ, en ce dimanche de Pentecôte, le Christ ressuscité présent au milieu de nous, soufflant sur nous l’Esprit : recevez l’Esprit saint.

*

Jésus accomplit alors sa promesse (« il est préférable pour vous que je m’en aille, car alors vous recevrez l’Esprit saint qui m’anime »). Il accomplit sa promesse à travers ce geste : il souffle sur ses disciples en signe de ce qu’il leur donne l’Esprit saint, l’Esprit de Dieu son Père. Son geste est un signe, qui utilise le double sens du mot : souffle et esprit. L’Esprit qui est comme le vent, que l’on ne « voit », que l’on ne « sent » qu’à ses effets — ou plutôt dont ne voit, ne sent, que les effets.

Comme pour une nouvelle création — Genèse 2, 7 — Dieu donne la vie à l’être humain en « insufflant dans ses narines le souffle de vie », c’est-à-dire l’Esprit de vie. Jésus reprend le geste de la Genèse à son compte, mettant en place une nouvelle création.

Cela commence par un envoi — Jean 20, 21 : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Puis après eux à notre tour nous sommes envoyés en vue de l'accomplissement du projet de la création. Jésus passe le relais aux disciples puis à nous en nous donnant l’Esprit du Père qui l’a animé : « comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ».


RP, Pentecôte, 28/05/23
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(Textes du jour : Psaume 104 ; Actes 2, 1-11 ; 1 Corinthiens 12, 3b-7 & 12-13 ; Jean 20, 19-23)


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