
Ésaïe 35, 1-10 ; Psaume 146 ; Jacques 5, 7-10 ; Matthieu 11, 2-11
Ésaïe 35, 1-10
Matthieu 11, 2-11
Jean est en prison, à cause de son message, de l’intransigeance de son message, qui lui a forcément valu des ennemis, jusqu'au sommet du pouvoir, Hérode : Jean n'a cessé de lui rappeler qu'il n'est pas au-dessus de la loi, ce qui lui a valu la prison.
« L'obéissance vaut mieux que les sacrifices » avait dit Samuel à Saül (1 Samuel 15, 22) qui lui aussi s'était cru, comme roi, au-dessus de la loi de Dieu : en 1 S 15, Saül met en péril le peuple qui lui est confié en ménageant Agag dont l'idéologie est de le détruire ; en 1 S 28, il réactive des pratiques qui contrecarrent l'appel biblique « tu choisiras la vie » en consultant celle qui évoque les morts (1 S 28, 18 : « tu n'as pas obéi à la voix de l'Éternel » lui dit Samuel) ; auparavant il a accompli lui-même un sacrifice alors que ce n'est pas sa prérogative de roi. C'est là, et pour cela, que Samuel lui avait annoncé la perte de son trône (1 S 13, 9-13), en ces termes : « l’obéissance vaut mieux que les sacrifices », sacrifices qui dans le cas de Saül sont donc même devenus transgression de la loi !
Un millénaire plus tard, Hérode Antipas, à qui Jean doit d’être emprisonné, a hérité du trône de son père, Hérode le Grand, illégitime malgré le magnifique sacrifice qu’il a offert : embellir remarquablement le lieu-même des sacrifices, le Temple de Jérusalem, ce qui ne l’empêchera pas d’être détruit par les Romains. Superbe sacrifice que l’agrandissement du Temple, mais, selon la parole de Samuel « l’obéissance vaut mieux que les sacrifices ».
Son fils à présent, Hérode Antipas, désobéit à son tour à la loi, ce que, en écho à Samuel, lui rappelle vigoureusement Jean. Matthieu nous l’explique un peu plus loin (Mt 14, 3-9) :
Voilà où son message a mené Jean, sa fidélité à ce message qui porte en son cœur l’espérance sur laquelle, du fond de sa prison, aujourd'hui, le prophète captif s’interroge. Le temps de la liberté, du respect de la loi, du retour du droit (s’il a jamais été respecté), le temps du Règne de Dieu qu’il a annoncé vient-il enfin ? Vient-il en Jésus ? — dont les œuvres portent des échos jusque dans la cellule : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez », lui envoie dire Jésus citant le texte que nous avons lu du prophète Ésaïe (35, 5-6) évoquant le fruit de la mission dont s’est réclamé Jean.
« Il y a un temps pour tout », avait dit l’Ecclésiaste. Un temps pour la peine et l'exil — pour Jean la prison —, et un temps pour l’espérance du Royaume, donnée pour nous à présent en ce temps de l'Avent : espérance du temps qui s'approche à Noël, temps de la venue humble d’un enfant, qui est pour notre foi le premier signe du Royaume à venir. S’approche le temps de se réjouir de sa naissance — dans l’oubli (car « Il y a un temps pour tout ») de ce qui va advenir de cet enfant, et déjà dans l’oubli des circonstances de sa naissance, incluant le massacre des enfants de Bethléem. Le temps liturgique qui nous est donné en attendant la délivrance est le temps de l’espérance de celui qui vient dans la gloire et que nous fêterons à Noël dans l’humilité. Ce faisant, ce temps de l’Avent accentue aussi le manque en contraste de l’espérance : car il s’agit aussi de porter le deuil sur notre temps rebelle auquel viendra mettre fin la lumière que nous espérons. Comme dans notre texte, elle mettra fin aux ténèbres de la prison de Jean.
Dans tous les cas, il s’agit d’être disponibles à Dieu qui nous a placés dans le temps avec ses saisons, ses contraintes, ses peines et ses joies. Accueillir Dieu où il se donne, comme il se donne. Ce qui vaut beaucoup de leçons. La leçon, bien sûr, de la réalité de notre vie qui est comme un cycle signifié dans le déroulement des saisons liturgiques, jusqu’au temps de la rencontre qu’annonce ce temps l’Avent.
Il y a là, aussi, cette leçon qui pourrait être amère sans la confiance à Dieu : il y a des moments sombres outre les moments joyeux dans nos célébrations et nos commémorations…
Un temps pour la joie, où conduit mystérieusement Jésus, un temps, avec Jean, pour le repentir et le cheminement ! Et dans tous les cas, rien qui satisfasse ceux dont la sagesse de Dieu, plus sage que les hommes, n’a pas creusé les oreilles. Or nous y sommes tous naturellement sourds à cette sagesse, selon laquelle Dieu plonge au cœur de notre temps avec ses aléas et ses difficultés.
Cela vaut pour les saisons liturgiques qui nous élèvent hors des nœuds du quotidien, cela concerne aussi les saisons de la vie, où est descendu celui qui est venu dans la lourdeur du temps avec lequel il faut composer.
C’est cela aussi l’annonce de l’Incarnation. Jésus descendra dans la lourdeur du quotidien, dans les tortuosités de la vie, et il y entraîne quiconque sera appelé à le suivre.
Eh bien, là aussi, là d’abord, peut-être, il s’agit de recevoir la parole de Dieu. La recevoir là où elle nous est donnée, pour la voir germer en vie éternelle.
Alors qu’êtes-vous allés voir au désert ?
C’est bien un prophète qui s’est adressé à vous, souligne Jésus ; et la façon dont il vous a traités d’engeance de vipères est de l’ordre de la parole de Dieu. C’est dans cette conscience là qu’on prépare la venue du Seigneur.
Et, savez-vous, au fond, son propos est sans doute d’en faire fuir le maximum, car c’est aujourd’hui le jour du combat qui ne sera remporté que par Dieu seul. Et cela est donné en signe lorsque le monde entier abandonne celui qui est resté fidèle. Jean au fond de sa prison. Nous faisons la fine bouche devant la prédication d’une parole qui n’est pas à la mode, à notre mode, celle de nos danses et chansons ? Nous préférons les clameurs unanimes des violeurs du droit ? Le combat est mené par Dieu, qui est avec son témoin fidèle et isolé. Qu’êtes-vous allés voir au désert ?
Comme en tous temps, le combat de Dieu suppose que Dieu seul est honoré, Dieu qui vient caché à Noël sous l’apparence d’un petit enfant. Lui seul doit être honoré par ses porte-paroles, et pas eux : il faut qu’il croisse et que je diminue a dit Jean le prophète parlant de Jésus.
C’est en ce temps que nous sommes. Le temps des combats de Dieu. Nos caisses d’Églises sont vides ? Nos fichiers sont déplumés ? C’est le temps des combats de Dieu : ce n’est pas par votre force, pas par votre nombre, c’est par mon Esprit dit le Seigneur.
C’est aujourd’hui le temps du désert… Mais qu’êtes-vous allés faire auprès de Jean ? Il n’y a là que parole de Dieu pour attirer les cœurs assoiffés.
C’est ici le temps où Dieu se prépare une armée trempée dans la repentance que prêche Jean. Et comme en tous temps, l’armée de Dieu doit être faible, pour que la force de Dieu seul soit reconnue. Comme au temps du combat de Gédéon, où Dieu diminue drastiquement l’armée de son combat spirituel pour que lui seul soit le maître d’œuvre, ce temps est peut-être celui où Dieu « écrème » son armée de tout ce qui n’est pas attiré par sa seule Parole.
Qu’êtes vous allés écouter au désert de vos temples : un élégant chanteur « pipol » ? Mais les chanteurs « pipols » ne sont pas dans les temples, ils sont sur les plateaux-télé, ils sont sur les scènes à succès.
Qu’êtes-vous allés écouter au désert ? Un prophète, « oui, et plus qu’un prophète. C’est celui dont il est écrit : Voici, j’envoie mon messager en avant de toi ; il préparera ton chemin devant toi », et cela par une prédication qui n’a rien pour chercher à séduire : « engeance de vipères, produisez du fruit digne de la repentance », la voilà sa prédication.
Et Jésus en rajoute aujourd’hui. Ce ne sont pas des paroles enjôleuses qui ouvrent le Règne de Dieu. Ce règne « ce sont des violents qui l’arrachent » dit-il juste après (Matt 11, 12).
Oh pas de la violence de ce monde ! Lorsque la violence de Babylone menaçait Israël — Babylone, le pire des systèmes de l’époque, ce n’était pas l’Égypte, autre puissance, même moins inhumaine, dont les armes sauveraient Israël. On sait que le prophète Jérémie reprochera au roi d’Israël une vaine tentative d’alliance avec l’Égypte, laquelle alliance, rompant son pacte de soumission à Babylone, provoquera la chute de Jérusalem et la destruction du premier Temple.
Gageons que la parole sur laquelle se fondait Jérémie lui avait appris que quand la force, peut-être indispensable parfois — il ne s’agit pas de le nier —, renverse un pouvoir à combattre, si elle n’est pas fondée en Dieu, elle deviendra de toute façon tôt ou tard à son tour, par l’idole de la puissance qu’elle adore, une nouvelle idole de puissance qu’il faudra combattre à son tour. L’histoire l’a montré cent fois.
C’est ainsi que dans le combat de Dieu, il ne s’agit pas de la violence de ce monde ! Ce n’est pas contre la chair et le sang que vous avez à lutter, mais contre des esprits de ténèbres.
Comme cet esprit de séduction qui voudrait faire croire aujourd’hui que les temples se remplissent en courant après les modes et les puissances, cet esprit d’engourdissement qui nous susurre : « paix, paix, et il n’y a point de paix ».
C’est aussi cela la préparation des chemins intérieurs du Seigneur de ce temps de l’Avent.
Sachant que c’est un prophète, et pas un chantre de séduction qu’il nous est donné de méditer, à chacune et chacun de nous de s’interroger, en son for intérieur. Je me crois trop faible, je me crois trop jeune, je me crois trop vieux. Je me crois insignifiant dans un peuple de croyants insignifiant, trop peu nombreux, etc. C’est juste ! Et figurez-vous que c’est cela que s’est dit chaque prophète, chaque témoin appelé par Dieu. Relisons Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel, Paul. Tous ont eu ce genre de réflexion, juste réflexion, avec pour réponse invariable : « ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse ».
Plus que ça, quand l’Église a couru le risque de se sentir forte, Dieu l’a diminuée, comme au temps de Gédéon… et peut-être au nôtre. À nous alors de savoir discerner en quel temps nous sommes. À nous de nous placer devant Dieu pour lui demander, chacune, chacun, en son for intérieur : « Seigneur me voici avec mon incompétence, que veux-tu de moi ? »
Ésaïe 35, 1-10
1 Le désert et le pays aride se réjouiront ; La solitude s’égaiera, et fleurira comme un narcisse ;
2 Elle se couvrira de fleurs, et tressaillira de joie, Avec chants d’allégresse et cris de triomphe ; La gloire du Liban lui sera donnée, La magnificence du Carmel et de Saron. Ils verront la gloire de l’Éternel, La magnificence de notre Dieu.
3 Fortifiez les mains languissantes, Et affermissez les genoux qui chancellent ;
4 Dites à ceux qui ont le cœur troublé : Prenez courage, ne craignez point ; Voici votre Dieu, la vengeance viendra, La rétribution de Dieu ; Il viendra lui-même, et vous sauvera.
5 Alors s’ouvriront les yeux des aveugles, S’ouvriront les oreilles des sourds ;
6 Alors le boiteux sautera comme un cerf, Et la langue du muet éclatera de joie. Car des eaux jailliront dans le désert, Et des ruisseaux dans la solitude ;
7 Le mirage se changera en étang Et la terre desséchée en sources d’eaux ; Dans le repaire qui servait de gîte aux chacals, Croîtront des roseaux et des joncs.
8 Il y aura là un chemin frayé, une route, Qu’on appellera la voie sainte ; Nul impur n’y passera ; elle sera pour eux seuls ; Ceux qui la suivront, même les insensés, ne pourront s’égarer.
9 Sur cette route, point de lion ; Nulle bête féroce ne la prendra, Nulle ne s’y rencontrera ; Les délivrés y marcheront.
10 Les rachetés de l’Éternel retourneront, Ils iront à Sion avec chants de triomphe, Et une joie éternelle couronnera leur tête ; L’allégresse et la joie s’approcheront, La douleur et les gémissements s’enfuiront.
Matthieu 11, 2-11
2 Or Jean, dans sa prison, avait entendu parler des œuvres du Christ. Il lui envoya demander par ses disciples :
3 "Es-tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?"
4 Jésus leur répondit : "Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez :
5 les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ;
6 et heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi !"
7 Comme ils s’en allaient, Jésus se mit à parler de Jean aux foules : "Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? Un roseau secoué par le vent ?
8 Alors, qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu d’habits élégants ? Mais ceux qui portent des habits élégants sont dans les demeures des rois.
9 Alors, qu’êtes-vous allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le déclare, et plus qu’un prophète.
10 C’est celui dont il est écrit : Voici, j’envoie mon messager en avant de toi ; il préparera ton chemin devant toi.
11 En vérité, je vous le déclare, parmi ceux qui sont nés d’une femme, il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste; et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui.
*
Jean est en prison, à cause de son message, de l’intransigeance de son message, qui lui a forcément valu des ennemis, jusqu'au sommet du pouvoir, Hérode : Jean n'a cessé de lui rappeler qu'il n'est pas au-dessus de la loi, ce qui lui a valu la prison.
« L'obéissance vaut mieux que les sacrifices » avait dit Samuel à Saül (1 Samuel 15, 22) qui lui aussi s'était cru, comme roi, au-dessus de la loi de Dieu : en 1 S 15, Saül met en péril le peuple qui lui est confié en ménageant Agag dont l'idéologie est de le détruire ; en 1 S 28, il réactive des pratiques qui contrecarrent l'appel biblique « tu choisiras la vie » en consultant celle qui évoque les morts (1 S 28, 18 : « tu n'as pas obéi à la voix de l'Éternel » lui dit Samuel) ; auparavant il a accompli lui-même un sacrifice alors que ce n'est pas sa prérogative de roi. C'est là, et pour cela, que Samuel lui avait annoncé la perte de son trône (1 S 13, 9-13), en ces termes : « l’obéissance vaut mieux que les sacrifices », sacrifices qui dans le cas de Saül sont donc même devenus transgression de la loi !
Un millénaire plus tard, Hérode Antipas, à qui Jean doit d’être emprisonné, a hérité du trône de son père, Hérode le Grand, illégitime malgré le magnifique sacrifice qu’il a offert : embellir remarquablement le lieu-même des sacrifices, le Temple de Jérusalem, ce qui ne l’empêchera pas d’être détruit par les Romains. Superbe sacrifice que l’agrandissement du Temple, mais, selon la parole de Samuel « l’obéissance vaut mieux que les sacrifices ».
Son fils à présent, Hérode Antipas, désobéit à son tour à la loi, ce que, en écho à Samuel, lui rappelle vigoureusement Jean. Matthieu nous l’explique un peu plus loin (Mt 14, 3-9) :
« Hérode [Antipas] avait fait arrêter Jean, l’avait fait enchaîner et mettre en prison, à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe [qui est aussi leur nièce à tous deux].
En effet, Jean lui avait dit : "Tu n’as pas le droit de l’avoir pour femme."
Hérode cherchait à le faire mourir, mais il eut peur de la foule qui le tenait pour un prophète.
Lorsque arriva l’anniversaire d’Hérode, la fille d’Hérodiade dansa au milieu des convives, et elle plut à Hérode. [L'historien Flavius Josèphe signale une fille d'Hérodiade nommée Salomé à laquelle on identifie souvent cette danseuse… Mère et fille semblent avoir été très belles !]
Hérode s’engagea par serment à lui donner ce qu’elle demanderait.
Poussée par sa mère, elle dit : "Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean le Baptiste."
Le roi fut contrarié ; mais à cause de son serment et des convives, il commanda de la lui donner. »
Voilà où son message a mené Jean, sa fidélité à ce message qui porte en son cœur l’espérance sur laquelle, du fond de sa prison, aujourd'hui, le prophète captif s’interroge. Le temps de la liberté, du respect de la loi, du retour du droit (s’il a jamais été respecté), le temps du Règne de Dieu qu’il a annoncé vient-il enfin ? Vient-il en Jésus ? — dont les œuvres portent des échos jusque dans la cellule : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez », lui envoie dire Jésus citant le texte que nous avons lu du prophète Ésaïe (35, 5-6) évoquant le fruit de la mission dont s’est réclamé Jean.
« Il y a un temps pour tout », avait dit l’Ecclésiaste. Un temps pour la peine et l'exil — pour Jean la prison —, et un temps pour l’espérance du Royaume, donnée pour nous à présent en ce temps de l'Avent : espérance du temps qui s'approche à Noël, temps de la venue humble d’un enfant, qui est pour notre foi le premier signe du Royaume à venir. S’approche le temps de se réjouir de sa naissance — dans l’oubli (car « Il y a un temps pour tout ») de ce qui va advenir de cet enfant, et déjà dans l’oubli des circonstances de sa naissance, incluant le massacre des enfants de Bethléem. Le temps liturgique qui nous est donné en attendant la délivrance est le temps de l’espérance de celui qui vient dans la gloire et que nous fêterons à Noël dans l’humilité. Ce faisant, ce temps de l’Avent accentue aussi le manque en contraste de l’espérance : car il s’agit aussi de porter le deuil sur notre temps rebelle auquel viendra mettre fin la lumière que nous espérons. Comme dans notre texte, elle mettra fin aux ténèbres de la prison de Jean.
Dans tous les cas, il s’agit d’être disponibles à Dieu qui nous a placés dans le temps avec ses saisons, ses contraintes, ses peines et ses joies. Accueillir Dieu où il se donne, comme il se donne. Ce qui vaut beaucoup de leçons. La leçon, bien sûr, de la réalité de notre vie qui est comme un cycle signifié dans le déroulement des saisons liturgiques, jusqu’au temps de la rencontre qu’annonce ce temps l’Avent.
Il y a là, aussi, cette leçon qui pourrait être amère sans la confiance à Dieu : il y a des moments sombres outre les moments joyeux dans nos célébrations et nos commémorations…
Un temps pour la joie, où conduit mystérieusement Jésus, un temps, avec Jean, pour le repentir et le cheminement ! Et dans tous les cas, rien qui satisfasse ceux dont la sagesse de Dieu, plus sage que les hommes, n’a pas creusé les oreilles. Or nous y sommes tous naturellement sourds à cette sagesse, selon laquelle Dieu plonge au cœur de notre temps avec ses aléas et ses difficultés.
*
Cela vaut pour les saisons liturgiques qui nous élèvent hors des nœuds du quotidien, cela concerne aussi les saisons de la vie, où est descendu celui qui est venu dans la lourdeur du temps avec lequel il faut composer.
C’est cela aussi l’annonce de l’Incarnation. Jésus descendra dans la lourdeur du quotidien, dans les tortuosités de la vie, et il y entraîne quiconque sera appelé à le suivre.
Eh bien, là aussi, là d’abord, peut-être, il s’agit de recevoir la parole de Dieu. La recevoir là où elle nous est donnée, pour la voir germer en vie éternelle.
Alors qu’êtes-vous allés voir au désert ?
C’est bien un prophète qui s’est adressé à vous, souligne Jésus ; et la façon dont il vous a traités d’engeance de vipères est de l’ordre de la parole de Dieu. C’est dans cette conscience là qu’on prépare la venue du Seigneur.
Et, savez-vous, au fond, son propos est sans doute d’en faire fuir le maximum, car c’est aujourd’hui le jour du combat qui ne sera remporté que par Dieu seul. Et cela est donné en signe lorsque le monde entier abandonne celui qui est resté fidèle. Jean au fond de sa prison. Nous faisons la fine bouche devant la prédication d’une parole qui n’est pas à la mode, à notre mode, celle de nos danses et chansons ? Nous préférons les clameurs unanimes des violeurs du droit ? Le combat est mené par Dieu, qui est avec son témoin fidèle et isolé. Qu’êtes-vous allés voir au désert ?
Comme en tous temps, le combat de Dieu suppose que Dieu seul est honoré, Dieu qui vient caché à Noël sous l’apparence d’un petit enfant. Lui seul doit être honoré par ses porte-paroles, et pas eux : il faut qu’il croisse et que je diminue a dit Jean le prophète parlant de Jésus.
C’est en ce temps que nous sommes. Le temps des combats de Dieu. Nos caisses d’Églises sont vides ? Nos fichiers sont déplumés ? C’est le temps des combats de Dieu : ce n’est pas par votre force, pas par votre nombre, c’est par mon Esprit dit le Seigneur.
C’est aujourd’hui le temps du désert… Mais qu’êtes-vous allés faire auprès de Jean ? Il n’y a là que parole de Dieu pour attirer les cœurs assoiffés.
C’est ici le temps où Dieu se prépare une armée trempée dans la repentance que prêche Jean. Et comme en tous temps, l’armée de Dieu doit être faible, pour que la force de Dieu seul soit reconnue. Comme au temps du combat de Gédéon, où Dieu diminue drastiquement l’armée de son combat spirituel pour que lui seul soit le maître d’œuvre, ce temps est peut-être celui où Dieu « écrème » son armée de tout ce qui n’est pas attiré par sa seule Parole.
Qu’êtes vous allés écouter au désert de vos temples : un élégant chanteur « pipol » ? Mais les chanteurs « pipols » ne sont pas dans les temples, ils sont sur les plateaux-télé, ils sont sur les scènes à succès.
Qu’êtes-vous allés écouter au désert ? Un prophète, « oui, et plus qu’un prophète. C’est celui dont il est écrit : Voici, j’envoie mon messager en avant de toi ; il préparera ton chemin devant toi », et cela par une prédication qui n’a rien pour chercher à séduire : « engeance de vipères, produisez du fruit digne de la repentance », la voilà sa prédication.
Et Jésus en rajoute aujourd’hui. Ce ne sont pas des paroles enjôleuses qui ouvrent le Règne de Dieu. Ce règne « ce sont des violents qui l’arrachent » dit-il juste après (Matt 11, 12).
Oh pas de la violence de ce monde ! Lorsque la violence de Babylone menaçait Israël — Babylone, le pire des systèmes de l’époque, ce n’était pas l’Égypte, autre puissance, même moins inhumaine, dont les armes sauveraient Israël. On sait que le prophète Jérémie reprochera au roi d’Israël une vaine tentative d’alliance avec l’Égypte, laquelle alliance, rompant son pacte de soumission à Babylone, provoquera la chute de Jérusalem et la destruction du premier Temple.
Gageons que la parole sur laquelle se fondait Jérémie lui avait appris que quand la force, peut-être indispensable parfois — il ne s’agit pas de le nier —, renverse un pouvoir à combattre, si elle n’est pas fondée en Dieu, elle deviendra de toute façon tôt ou tard à son tour, par l’idole de la puissance qu’elle adore, une nouvelle idole de puissance qu’il faudra combattre à son tour. L’histoire l’a montré cent fois.
C’est ainsi que dans le combat de Dieu, il ne s’agit pas de la violence de ce monde ! Ce n’est pas contre la chair et le sang que vous avez à lutter, mais contre des esprits de ténèbres.
Comme cet esprit de séduction qui voudrait faire croire aujourd’hui que les temples se remplissent en courant après les modes et les puissances, cet esprit d’engourdissement qui nous susurre : « paix, paix, et il n’y a point de paix ».
C’est aussi cela la préparation des chemins intérieurs du Seigneur de ce temps de l’Avent.
Sachant que c’est un prophète, et pas un chantre de séduction qu’il nous est donné de méditer, à chacune et chacun de nous de s’interroger, en son for intérieur. Je me crois trop faible, je me crois trop jeune, je me crois trop vieux. Je me crois insignifiant dans un peuple de croyants insignifiant, trop peu nombreux, etc. C’est juste ! Et figurez-vous que c’est cela que s’est dit chaque prophète, chaque témoin appelé par Dieu. Relisons Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel, Paul. Tous ont eu ce genre de réflexion, juste réflexion, avec pour réponse invariable : « ma grâce te suffit car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse ».
Plus que ça, quand l’Église a couru le risque de se sentir forte, Dieu l’a diminuée, comme au temps de Gédéon… et peut-être au nôtre. À nous alors de savoir discerner en quel temps nous sommes. À nous de nous placer devant Dieu pour lui demander, chacune, chacun, en son for intérieur : « Seigneur me voici avec mon incompétence, que veux-tu de moi ? »
R.P., Châtellerault, 3e dimanche de l'Avent 14 décembre 2025
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