Actes 3, 11-19 ; Psaume 4 ; 1 Jean 2, 1-5 ; Luc 24, 35-48
Luc 24, 35-48
Le Ressuscité, qui est là présent, donne à ses disciples de le découvrir dans la communion d’un repas partagé. Au concret de nos vies, le Christ de la résurrection nous a rejoints dans son Incarnation — pour nous tirer de la mort ; en nous plaçant finalement sur un chemin, celui de l’envoi.
C’est le moment où tout commence. Le début de l’histoire de l’Église, le début de l’histoire du monde. C’est d’un envoi en mission qu’il s’agit. Annoncer conversion, ouverture des intelligences, et par là pardon donné à toutes les nations à commencer par Jérusalem.
Cet envoi se fonde sur la rencontre du premier envoyé, le Ressuscité. Envoyé pour rencontrer le monde, envoyé dans la chair jusqu’à la souffrance et à la mort.
Que nous présente ce texte, en effet ? Le Ressuscité, mais le Ressuscité venant bel et bien dans la chair ! Expliquant et montrant qu’il n’est pas un esprit, mais qu’il a chair et os, et si cela ne suffit pas, partageant un repas, pour que la rencontre soit effective.
Car on ne rencontre le Ressuscité que dans une expérience. Les disciples d’Emmaüs, eux, l’ont déjà rencontré, lors du partage du pain. Ils le savent, ils l’ont vécu, il est présent au milieu de nous, vivant ; et le même qu’hier. Et lorsqu’ils disent leur expérience, les autres disciples, perçoivent bien quelque chose de cette présence. Mais ne saisissent pas. Un fantôme !
Cela nous semble tout aussi irrationnel ? Peut-être, mais au moins, un fantôme on sait ce que c’est — si l’on y croit. Et à l’époque, on y croit. C’est le monde des morts qui se manifeste, autrement que dans le rêve nocturne, mais de façon équivalente.
Nous savons tous que l’on rencontre nos morts dans nos rêves. Le fantôme n’est jamais qu’une espèce particulière de ce type de rencontre. Inhabituelle, et par là effrayante. Les morts qui envahissent un instant le monde des vivants ; qui viennent un instant du monde de la nuit au monde du jour. Effrayant, cet effacement momentané des frontières des mondes. Et les disciples, croyant en être là concernant la présence de Jésus après le récit des pèlerins d’Emmaüs, sont effrayés.
Effrayant, mais rassurant aussi — en ce sens que l’on n’est pas tout à fait dans l’inconnu. C’est dans l’ordre des choses : il y a des morts, il y a des vivants ; et parfois ils se croisent. Mais au fond, tout est à sa place. Les morts, et les vivants ; les disciples en sont là ; même si c’est inquiétant et effrayant.
Mais voilà que ce n’est pas à cela qu’ils ont affaire ici. C’est bien Jésus vivant qui est ici. C’est bien lui qui est présent au récit des pèlerins d’Emmaüs. Pas un fantôme, mais Jésus en chair et en os. Car c’est tout de même l’expression qu’emploie le texte : vous voyez que je suis en chair et en os. Bref : l’Incarnation du Ressuscité ! Et il leur montre ses mains et ses pieds…
On retrouve quelque chose qui ressemble à l’épisode de Thomas dans l’Évangile de Jean. À savoir : il manque quelque chose pour qu’ils croient. Quelque chose dont ont bénéficié les disciples d’Emmaüs. La rencontre. L’expérience de la rencontre dans le partage.
Ils voient bien, mais sont incrédules, abasourdis plus qu’autre chose. Le vocabulaire employé même, traduit cela. N’avez-vous pas remarqué la bizarrerie de nos traductions : incrédules à cause de la joie ! Tellement joyeux qu’ils sont incrédules, et autres versions de la même chose… A-t-on jamais vu que la joie soit un signe d’incrédulité ?
L’expression littérale est « loin de la joie », ce qui ne nous avance pas beaucoup, sinon quant à l’embarras pour rendre ce qui se passe. Il me semble que l’idée est que les disciples sont dans l’incrédulité devant ce qu’ils voient parce qu’ils en sont tellement abasourdis qu’ils sont à côté de ce qui se passe. Ils n’arrivent pas à habiter la joie qui pourrait s’offrir ici, mais qui reste à côté d’eux. Ayant vu ce qu’ils voient, ils restent néanmoins incrédules, loin de la joie présente, et ébahis.
Bref, le Ressuscité est présent au milieu d’eux, ils le perçoivent, mais ils ne l’ont pas rencontré ; contrairement aux disciples d’Emmaüs. Alors, il va leur offrir de le rencontrer. Comme d’habitude dans un moment de partage au quotidien ; à l’occasion d’un repas. « Avez-vous ici de quoi manger ? »
Un morceau de poisson grillé qu’il mange sous leurs yeux. Le poisson, que l’Église primitive identifiera à celui qu’est Jésus. Poisson — Ichthus — les initiales, on le sait, de « Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur ». Certains manuscrits ajoutent au morceau de poisson un rayon de miel.
Toujours est-il que les disciples lui offrent de leur repas. Jésus le partage, il en mange. Repas partagé, expérience de la rencontre : tout va changer. Alors leurs yeux s’ouvrent : « il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre les Écritures », nous dit le texte.
Dès lors, ils ont rencontré le Ressuscité, celui qui est venu parmi nous dans la chair, en chair et en os. Envoyé parmi nous. Et ils vont être envoyés à leur tour en son nom, témoins de la présence du Ressuscité venu nous rencontrer dans la chair de notre quotidien, venu avec nous jusqu’au cœur de la souffrance et de la mort selon les Écritures ; pour nous en arracher, nous donner le pardon qui nous sort de la mort par le changement de nos intelligences, le mot donné ici par conversion. Il s’agit de notre accès à la présence du Ressuscité.
Changement de nos intelligences : il s’agit de recevoir sa présence, d’entrer dans sa communion, de percevoir sa vie, concrète, au cœur de la nôtre ; dans un partage sans lequel on ne le perçoit pas en vérité. Or c’est là qu’est la vie et son fondement ; notre vie, notre sortie de notre mort.
Car cela nous concerne. C’est avant notre propre envoi, le sens de l’envoi des Apôtres. Les Apôtres ont reçu le témoignage des disciples d’Emmaüs, après celui de Simon. Jésus est même, à ce témoignage, apparu au milieu d’eux. Et il a fallu qu’ils le rencontrent concrètement, eux aussi, pour être envoyés à leur tour le dire, dire sa présence : la présence du Ressuscité au milieu de nous jusqu’à la fin des temps, comme depuis le commencement du monde ; le Ressuscité qu’était ce Jésus qu’ils ont accompagné sur les routes de Galilée et de Judée.
Le texte d’aujourd’hui nous dit cette rencontre des disciples. Il faut qu’elle soit aussi nôtre. Il faut que comme eux nous le rencontrions à notre tour, lui, présent au milieu de nous. Il est présent au milieu de nous, en chair et en os, tous les jours, jusqu’à la fin des temps, même si depuis l’Ascension il ne se donne plus à voir.
Il est ici, et il n’est pas un esprit évanescent, il est vivant, il est le Vivant. Mais il ne suffit pas encore d’en admettre l’hypothèse, comme en théorie. Il s’agit de saisir cette autre dimension sur laquelle il ouvre ; il s’agit de le rencontrer. Il s’agit d’une conversion de nos intelligences, d’une ouverture nouvelle de nos intelligences qui nous permette d’entrer dans sa présence, dans sa communion.
Alors s’ouvre un monde nouveau, pour lequel il nous envoie à notre tour. Vous qui l’avez rencontré, vous qui savez le Vivant au milieu de nous, vivez de sa vie, et allez, vous êtes ses témoins.
Luc 24, 35-48
35 [Les disciples d’Emmaüs] racontèrent [aux Apôtres et à leurs compagnons] ce qui s’était passé sur la route et comment ils avaient reconnu [Jésus] à la fraction du pain.
36 Comme ils parlaient ainsi, Jésus fut au milieu d’eux et il leur dit : "La paix soit avec vous."
37 Effrayés et remplis de crainte, ils pensaient voir un esprit.
38 Et il leur dit : "Quel est ce trouble et pourquoi ces objections s’élèvent-elles dans vos cœurs ?
39 Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi. Touchez-moi, regardez ; un esprit n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai."
40 Et disant cela, il leur montra ses mains et ses pieds.
41 Mais étant néanmoins incrédules, loin de la joie et ébahis, il leur dit : "Avez-vous ici de quoi manger ?"
42 Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé.
43 Il le prit et mangea sous leurs yeux.
44 Puis il leur dit : "Voici les paroles que je vous ai adressées quand j’étais encore avec vous : il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes."
45 Alors il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre les Écritures,
46 et il leur dit : "C’est comme il a été écrit : le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour,
47 et on prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.
48 C’est vous qui en êtes les témoins."
*
Le Ressuscité, qui est là présent, donne à ses disciples de le découvrir dans la communion d’un repas partagé. Au concret de nos vies, le Christ de la résurrection nous a rejoints dans son Incarnation — pour nous tirer de la mort ; en nous plaçant finalement sur un chemin, celui de l’envoi.
C’est le moment où tout commence. Le début de l’histoire de l’Église, le début de l’histoire du monde. C’est d’un envoi en mission qu’il s’agit. Annoncer conversion, ouverture des intelligences, et par là pardon donné à toutes les nations à commencer par Jérusalem.
Cet envoi se fonde sur la rencontre du premier envoyé, le Ressuscité. Envoyé pour rencontrer le monde, envoyé dans la chair jusqu’à la souffrance et à la mort.
Que nous présente ce texte, en effet ? Le Ressuscité, mais le Ressuscité venant bel et bien dans la chair ! Expliquant et montrant qu’il n’est pas un esprit, mais qu’il a chair et os, et si cela ne suffit pas, partageant un repas, pour que la rencontre soit effective.
Car on ne rencontre le Ressuscité que dans une expérience. Les disciples d’Emmaüs, eux, l’ont déjà rencontré, lors du partage du pain. Ils le savent, ils l’ont vécu, il est présent au milieu de nous, vivant ; et le même qu’hier. Et lorsqu’ils disent leur expérience, les autres disciples, perçoivent bien quelque chose de cette présence. Mais ne saisissent pas. Un fantôme !
Cela nous semble tout aussi irrationnel ? Peut-être, mais au moins, un fantôme on sait ce que c’est — si l’on y croit. Et à l’époque, on y croit. C’est le monde des morts qui se manifeste, autrement que dans le rêve nocturne, mais de façon équivalente.
Nous savons tous que l’on rencontre nos morts dans nos rêves. Le fantôme n’est jamais qu’une espèce particulière de ce type de rencontre. Inhabituelle, et par là effrayante. Les morts qui envahissent un instant le monde des vivants ; qui viennent un instant du monde de la nuit au monde du jour. Effrayant, cet effacement momentané des frontières des mondes. Et les disciples, croyant en être là concernant la présence de Jésus après le récit des pèlerins d’Emmaüs, sont effrayés.
Effrayant, mais rassurant aussi — en ce sens que l’on n’est pas tout à fait dans l’inconnu. C’est dans l’ordre des choses : il y a des morts, il y a des vivants ; et parfois ils se croisent. Mais au fond, tout est à sa place. Les morts, et les vivants ; les disciples en sont là ; même si c’est inquiétant et effrayant.
Mais voilà que ce n’est pas à cela qu’ils ont affaire ici. C’est bien Jésus vivant qui est ici. C’est bien lui qui est présent au récit des pèlerins d’Emmaüs. Pas un fantôme, mais Jésus en chair et en os. Car c’est tout de même l’expression qu’emploie le texte : vous voyez que je suis en chair et en os. Bref : l’Incarnation du Ressuscité ! Et il leur montre ses mains et ses pieds…
On retrouve quelque chose qui ressemble à l’épisode de Thomas dans l’Évangile de Jean. À savoir : il manque quelque chose pour qu’ils croient. Quelque chose dont ont bénéficié les disciples d’Emmaüs. La rencontre. L’expérience de la rencontre dans le partage.
Ils voient bien, mais sont incrédules, abasourdis plus qu’autre chose. Le vocabulaire employé même, traduit cela. N’avez-vous pas remarqué la bizarrerie de nos traductions : incrédules à cause de la joie ! Tellement joyeux qu’ils sont incrédules, et autres versions de la même chose… A-t-on jamais vu que la joie soit un signe d’incrédulité ?
L’expression littérale est « loin de la joie », ce qui ne nous avance pas beaucoup, sinon quant à l’embarras pour rendre ce qui se passe. Il me semble que l’idée est que les disciples sont dans l’incrédulité devant ce qu’ils voient parce qu’ils en sont tellement abasourdis qu’ils sont à côté de ce qui se passe. Ils n’arrivent pas à habiter la joie qui pourrait s’offrir ici, mais qui reste à côté d’eux. Ayant vu ce qu’ils voient, ils restent néanmoins incrédules, loin de la joie présente, et ébahis.
Bref, le Ressuscité est présent au milieu d’eux, ils le perçoivent, mais ils ne l’ont pas rencontré ; contrairement aux disciples d’Emmaüs. Alors, il va leur offrir de le rencontrer. Comme d’habitude dans un moment de partage au quotidien ; à l’occasion d’un repas. « Avez-vous ici de quoi manger ? »
*
Un morceau de poisson grillé qu’il mange sous leurs yeux. Le poisson, que l’Église primitive identifiera à celui qu’est Jésus. Poisson — Ichthus — les initiales, on le sait, de « Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur ». Certains manuscrits ajoutent au morceau de poisson un rayon de miel.
Toujours est-il que les disciples lui offrent de leur repas. Jésus le partage, il en mange. Repas partagé, expérience de la rencontre : tout va changer. Alors leurs yeux s’ouvrent : « il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre les Écritures », nous dit le texte.
Dès lors, ils ont rencontré le Ressuscité, celui qui est venu parmi nous dans la chair, en chair et en os. Envoyé parmi nous. Et ils vont être envoyés à leur tour en son nom, témoins de la présence du Ressuscité venu nous rencontrer dans la chair de notre quotidien, venu avec nous jusqu’au cœur de la souffrance et de la mort selon les Écritures ; pour nous en arracher, nous donner le pardon qui nous sort de la mort par le changement de nos intelligences, le mot donné ici par conversion. Il s’agit de notre accès à la présence du Ressuscité.
Changement de nos intelligences : il s’agit de recevoir sa présence, d’entrer dans sa communion, de percevoir sa vie, concrète, au cœur de la nôtre ; dans un partage sans lequel on ne le perçoit pas en vérité. Or c’est là qu’est la vie et son fondement ; notre vie, notre sortie de notre mort.
Car cela nous concerne. C’est avant notre propre envoi, le sens de l’envoi des Apôtres. Les Apôtres ont reçu le témoignage des disciples d’Emmaüs, après celui de Simon. Jésus est même, à ce témoignage, apparu au milieu d’eux. Et il a fallu qu’ils le rencontrent concrètement, eux aussi, pour être envoyés à leur tour le dire, dire sa présence : la présence du Ressuscité au milieu de nous jusqu’à la fin des temps, comme depuis le commencement du monde ; le Ressuscité qu’était ce Jésus qu’ils ont accompagné sur les routes de Galilée et de Judée.
Le texte d’aujourd’hui nous dit cette rencontre des disciples. Il faut qu’elle soit aussi nôtre. Il faut que comme eux nous le rencontrions à notre tour, lui, présent au milieu de nous. Il est présent au milieu de nous, en chair et en os, tous les jours, jusqu’à la fin des temps, même si depuis l’Ascension il ne se donne plus à voir.
Il est ici, et il n’est pas un esprit évanescent, il est vivant, il est le Vivant. Mais il ne suffit pas encore d’en admettre l’hypothèse, comme en théorie. Il s’agit de saisir cette autre dimension sur laquelle il ouvre ; il s’agit de le rencontrer. Il s’agit d’une conversion de nos intelligences, d’une ouverture nouvelle de nos intelligences qui nous permette d’entrer dans sa présence, dans sa communion.
Alors s’ouvre un monde nouveau, pour lequel il nous envoie à notre tour. Vous qui l’avez rencontré, vous qui savez le Vivant au milieu de nous, vivez de sa vie, et allez, vous êtes ses témoins.
R.P., Antibes, 22.04.12
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