Exode 3, 1-15 ; Psaume 103 ; 1 Corinthiens 10, 1-12 ; Luc 13, 1-9
Luc 13, 1-9
On est en route vers Jérusalem. "Des gens" rapportent à Jésus qu'un groupe de Galiléens y a été massacré par Pilate, affreux tyran. Un rapport plein de sous-entendus. Si les interlocuteurs — en fait les « examinateurs » — de Jésus se gardent bien de faire de Pilate un bras du châtiment divin, ils n’en posent pas moins un sous-entendu douteux ! Ces Galiléens semi-païens — et Jésus, donc, est lui-même Galiléen — n'ont-ils pas eu là un signe menaçant ?
Et toi, Galiléen, prestigieux sinon d'allure messianique, quelle est ton interprétation... ? Quelle explication ?
Cette façon de chercher des raisons à tout ! Mais on le sent bien : les explications ne tiennent pas…
Outre les justifications insupportables de l’injustifiable et de la méchanceté tyrannique de l’instrumentalisation de la terreur — qu'elles sous-tendent souvent, de telles « explications », sont insoutenables… Et c’est ce que va montrer Jésus. Sa réponse marque le refus de voir un quelconque lien de cause à effet entre on ne sait quel regard défavorable de Dieu et la violence qui a atteint les victimes.
C'est d'abord le fait du hasard, tout simplement — même si Dieu est certes maître du hasard : il faut se garder de se mettre à sa place (en prétendant faire justice en faisant violence !) — mais aussi en trouvant si facilement de supposés liens de cause à effet entre péché et souffrance, sous peine de reprendre le discours scandaleux de ceux qui se prennent pour le bras vengeur de quelque idole sanglante : ceux qui ont été victimes du massacre de Pilate n'étaient pas plus pécheurs que les autres Galiléens, évidemment, leur signale Jésus...
Puis, Jésus reprend en quelque sorte à son compte l'idée qu'après tout souffrance et péché ne sont pas nécessairement étrangers ! — mais pour introduire un doute dans la confortable assurance de ses interlocuteurs, qui eux, se pensent vrais fidèles — : « si vous ne vous repentez pas, vous périrez également », leur dit Jésus. Ce qui sous-entend : « vous aussi bons fidèles, n'êtes pas moins pécheurs que les Galiléens suspects ». Voilà qui peut surprendre...
Et Jésus de développer son propos en rappelant une autre catastrophe : l'écroulement de la tour de Siloé, ayant tué dix-huit personnes, judéennes celles-là, de Jérusalem, tout proches de Dieu, et non point galiléennes.
Alors comprenez, souligne Jésus, qu’il n'y a pas à considérer les victimes quelles qu’elles soient comme plus coupables que les autres — les autres habitants de Jérusalem ici —, mais à y voir une menace qui pèse sur tous ; ne serait-ce que parce que la vie est dangereuse et chargée de menaces — ce qui appelle à se convertir, c’est-à-dire à se tourner vers Dieu, seule source du bonheur. Tournement vers Dieu, car on ne saurait trouver le bonheur ailleurs.
C’est de la sorte que Jésus retourne les propos soupçonneux de ses interlocuteurs pour en faire un appel à leur repentir à eux aussi. Et il illustre son appel par une parabole, la parabole du figuier stérile. Par cette histoire de figuier stérile Jésus a un but : ébranler les certitudes… disons « confortables » de ses contemporains, ceux de Judée comme les autres.
Ces derniers pouvaient pencher évidemment pour la certitude naturelle que leur fidélité était une garantie relative d'impunité devant Dieu, illustrée par le sort cruel qui frappait les Galiléens. Impunité : non pas que les porte-paroles auto-proclamés des Judéens se soient imaginés que la mort et le malheur ne pouvaient pas les frapper. Mais enfin, voilà de quoi confirmer la certitude diffuse qu’ils pouvaient avoir, fidèles Judéens, et à juste titre tout de même, d'être quand même moins pécheurs…
Oui mais voilà, quand la pratique fidèle risque de devenir le prétexte orgueilleux d'un stérile contentement de soi — cela finit par lasser Dieu : le sens de nos responsabilités s'estompant à proportion. Cette responsabilité que nous donne l’appel de Dieu, et qui nous concerne aujourd’hui encore. Et — ici ça semble se compliquer pour les questionneurs — il n'est pas jusqu'aux fléaux qui menacent qui ne soient signes d'élection et d'appel ; ainsi l’annonçait déjà le Livre du prophète Amos (3, 2) : « Je vous ai choisis, vous seuls, parmi tous les peuples de la terre ; c'est pourquoi je vous demanderai compte de tous vos errements ». Ou, en d'autres termes, et en contrepartie : vous avez entendu vous allier à moi, vous figuier de Dieu — c'est une responsabilité que vous avez prise.
Vous avez pris la responsabilité d’entendre l'appel de Dieu, souffrant avec son peuple, à travers le malheur, qui n'a aucun sens en soi, le malheur qui a frappé les Galiléens, comme celui qui a frappé les Judéens, et qui frappe encore aujourd’hui. Les malheurs qui nous frappent n'ont aucun sens en soi, ils sont toujours absurdes. Mais ceux qui se tournent vers Dieu, à l’appel de Jésus, apprennent à y entendre que lui seul, souffrant auprès de nous, peut nous entendre, nous consoler, nous accueillir, nous envoyer, espérer de nous, espérer en nous.
C'est encore là ce que signifie l'histoire du figuier stérile. Ceux qui se réclament de l’alliance avec Dieu sont encore appelés à porter le fruit de la promesse — comme le figuier de la parabole. C'est-à-dire écouter l’appel de Dieu, l’entendre, lui obéir…
Tandis que la voix de Dieu perce depuis les difficultés et les épreuves du hasard, voire les plus terribles, que nous recevons.
Que fait Dieu ? Il pleure avec nous, comme la pluie qui arrose le figuier, en silence, du cœur du fumier de notre souffrance.
Tournez-vous vers Dieu, dit Jésus, pour comprendre que — excusez l'expression — quand vous êtes dans… les excréments (le fumier au pied du figuier est-il autre chose ?), Dieu reste proche de nous, espérant encore voir le fruit de sa promesse de bonheur, espérant encore en nous.
S'il est vrai que « les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre l'Église », il serait illégitime de se prévaloir de cette promesse pour se croire garantis de toute difficulté. Nous pouvons être bouleversés par diverses épreuves, comme l'histoire en a toujours connu de terribles, au grand scandale des victimes… Bouleversées par ce qui peut être, et a souvent été, de grandes douleurs.
Mais cela n'empêche pas la promesse d'être fiable, et l'élection de perdurer. L'élection, indéfectible, cet appel qui est dans le nom caché, qui n’a rien à voir avec les idoles — surtout sanglantes, descendantes de Baal qui voulait des victimes, des sacrifices humains — ; l’appel qui est dans son nom que Dieu a manifesté à son peuple ; cet appel est par-dessus tout appel à se tourner tout à nouveau vers Dieu.
Aujourd'hui encore, Dieu manifeste sa patience envers son figuier, non pas pour qu'il occupe la terre, s'en nourrisse, en tire le suc, puis retourne à la terre sans avoir fait autre chose que recevoir plaisirs, et douleurs, parfois immenses ; mais pour qu'il porte ce fruit qui est d’être une bénédiction pour tous autour de lui. Pour que germe la justice, la paix vraie et la joie pour tous, si nombreux, qui en sont privés, qui n’en savent pas la source. Un appel à enrichir le monde. Un appel pour chacun de nous, comme seule réponse concrète face à la douleur du monde qui est le nôtre.
Luc 13, 1-9
1 À ce moment survinrent des gens qui lui rapportèrent l'affaire des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs sacrifices.
2 Il leur répondit : "Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens pour avoir subi un tel sort ?
3 Non, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même.
4 "Et ces dix-huit personnes sur lesquelles est tombée la tour à Siloé, et qu'elle a tuées, pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ?
5 Non, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière."
6 Et il dit cette parabole : "Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint y chercher du fruit et n'en trouva pas.
7 Il dit alors au vigneron : Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier et je n'en trouve pas. Coupe-le. Pourquoi faut-il encore qu'il épuise la terre ?
8 Mais l'autre lui répond : Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche tout autour et que je mette du fumier.
9 Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir. Sinon, tu le couperas."
*
On est en route vers Jérusalem. "Des gens" rapportent à Jésus qu'un groupe de Galiléens y a été massacré par Pilate, affreux tyran. Un rapport plein de sous-entendus. Si les interlocuteurs — en fait les « examinateurs » — de Jésus se gardent bien de faire de Pilate un bras du châtiment divin, ils n’en posent pas moins un sous-entendu douteux ! Ces Galiléens semi-païens — et Jésus, donc, est lui-même Galiléen — n'ont-ils pas eu là un signe menaçant ?
Et toi, Galiléen, prestigieux sinon d'allure messianique, quelle est ton interprétation... ? Quelle explication ?
Cette façon de chercher des raisons à tout ! Mais on le sent bien : les explications ne tiennent pas…
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Outre les justifications insupportables de l’injustifiable et de la méchanceté tyrannique de l’instrumentalisation de la terreur — qu'elles sous-tendent souvent, de telles « explications », sont insoutenables… Et c’est ce que va montrer Jésus. Sa réponse marque le refus de voir un quelconque lien de cause à effet entre on ne sait quel regard défavorable de Dieu et la violence qui a atteint les victimes.
C'est d'abord le fait du hasard, tout simplement — même si Dieu est certes maître du hasard : il faut se garder de se mettre à sa place (en prétendant faire justice en faisant violence !) — mais aussi en trouvant si facilement de supposés liens de cause à effet entre péché et souffrance, sous peine de reprendre le discours scandaleux de ceux qui se prennent pour le bras vengeur de quelque idole sanglante : ceux qui ont été victimes du massacre de Pilate n'étaient pas plus pécheurs que les autres Galiléens, évidemment, leur signale Jésus...
Puis, Jésus reprend en quelque sorte à son compte l'idée qu'après tout souffrance et péché ne sont pas nécessairement étrangers ! — mais pour introduire un doute dans la confortable assurance de ses interlocuteurs, qui eux, se pensent vrais fidèles — : « si vous ne vous repentez pas, vous périrez également », leur dit Jésus. Ce qui sous-entend : « vous aussi bons fidèles, n'êtes pas moins pécheurs que les Galiléens suspects ». Voilà qui peut surprendre...
Et Jésus de développer son propos en rappelant une autre catastrophe : l'écroulement de la tour de Siloé, ayant tué dix-huit personnes, judéennes celles-là, de Jérusalem, tout proches de Dieu, et non point galiléennes.
Alors comprenez, souligne Jésus, qu’il n'y a pas à considérer les victimes quelles qu’elles soient comme plus coupables que les autres — les autres habitants de Jérusalem ici —, mais à y voir une menace qui pèse sur tous ; ne serait-ce que parce que la vie est dangereuse et chargée de menaces — ce qui appelle à se convertir, c’est-à-dire à se tourner vers Dieu, seule source du bonheur. Tournement vers Dieu, car on ne saurait trouver le bonheur ailleurs.
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C’est de la sorte que Jésus retourne les propos soupçonneux de ses interlocuteurs pour en faire un appel à leur repentir à eux aussi. Et il illustre son appel par une parabole, la parabole du figuier stérile. Par cette histoire de figuier stérile Jésus a un but : ébranler les certitudes… disons « confortables » de ses contemporains, ceux de Judée comme les autres.
Ces derniers pouvaient pencher évidemment pour la certitude naturelle que leur fidélité était une garantie relative d'impunité devant Dieu, illustrée par le sort cruel qui frappait les Galiléens. Impunité : non pas que les porte-paroles auto-proclamés des Judéens se soient imaginés que la mort et le malheur ne pouvaient pas les frapper. Mais enfin, voilà de quoi confirmer la certitude diffuse qu’ils pouvaient avoir, fidèles Judéens, et à juste titre tout de même, d'être quand même moins pécheurs…
Oui mais voilà, quand la pratique fidèle risque de devenir le prétexte orgueilleux d'un stérile contentement de soi — cela finit par lasser Dieu : le sens de nos responsabilités s'estompant à proportion. Cette responsabilité que nous donne l’appel de Dieu, et qui nous concerne aujourd’hui encore. Et — ici ça semble se compliquer pour les questionneurs — il n'est pas jusqu'aux fléaux qui menacent qui ne soient signes d'élection et d'appel ; ainsi l’annonçait déjà le Livre du prophète Amos (3, 2) : « Je vous ai choisis, vous seuls, parmi tous les peuples de la terre ; c'est pourquoi je vous demanderai compte de tous vos errements ». Ou, en d'autres termes, et en contrepartie : vous avez entendu vous allier à moi, vous figuier de Dieu — c'est une responsabilité que vous avez prise.
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Vous avez pris la responsabilité d’entendre l'appel de Dieu, souffrant avec son peuple, à travers le malheur, qui n'a aucun sens en soi, le malheur qui a frappé les Galiléens, comme celui qui a frappé les Judéens, et qui frappe encore aujourd’hui. Les malheurs qui nous frappent n'ont aucun sens en soi, ils sont toujours absurdes. Mais ceux qui se tournent vers Dieu, à l’appel de Jésus, apprennent à y entendre que lui seul, souffrant auprès de nous, peut nous entendre, nous consoler, nous accueillir, nous envoyer, espérer de nous, espérer en nous.
C'est encore là ce que signifie l'histoire du figuier stérile. Ceux qui se réclament de l’alliance avec Dieu sont encore appelés à porter le fruit de la promesse — comme le figuier de la parabole. C'est-à-dire écouter l’appel de Dieu, l’entendre, lui obéir…
Tandis que la voix de Dieu perce depuis les difficultés et les épreuves du hasard, voire les plus terribles, que nous recevons.
Que fait Dieu ? Il pleure avec nous, comme la pluie qui arrose le figuier, en silence, du cœur du fumier de notre souffrance.
Tournez-vous vers Dieu, dit Jésus, pour comprendre que — excusez l'expression — quand vous êtes dans… les excréments (le fumier au pied du figuier est-il autre chose ?), Dieu reste proche de nous, espérant encore voir le fruit de sa promesse de bonheur, espérant encore en nous.
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S'il est vrai que « les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre l'Église », il serait illégitime de se prévaloir de cette promesse pour se croire garantis de toute difficulté. Nous pouvons être bouleversés par diverses épreuves, comme l'histoire en a toujours connu de terribles, au grand scandale des victimes… Bouleversées par ce qui peut être, et a souvent été, de grandes douleurs.
Mais cela n'empêche pas la promesse d'être fiable, et l'élection de perdurer. L'élection, indéfectible, cet appel qui est dans le nom caché, qui n’a rien à voir avec les idoles — surtout sanglantes, descendantes de Baal qui voulait des victimes, des sacrifices humains — ; l’appel qui est dans son nom que Dieu a manifesté à son peuple ; cet appel est par-dessus tout appel à se tourner tout à nouveau vers Dieu.
Aujourd'hui encore, Dieu manifeste sa patience envers son figuier, non pas pour qu'il occupe la terre, s'en nourrisse, en tire le suc, puis retourne à la terre sans avoir fait autre chose que recevoir plaisirs, et douleurs, parfois immenses ; mais pour qu'il porte ce fruit qui est d’être une bénédiction pour tous autour de lui. Pour que germe la justice, la paix vraie et la joie pour tous, si nombreux, qui en sont privés, qui n’en savent pas la source. Un appel à enrichir le monde. Un appel pour chacun de nous, comme seule réponse concrète face à la douleur du monde qui est le nôtre.
R.P.
Poitiers, 03.03.13
Poitiers, 03.03.13
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