Ésaïe 52.13-53.12 ; Psaume 150 ; Hébreux 4.14- 5.10 ; Jean 19.17-30
Ésaïe 53, 3
Matthieu 27, 45-50
Des hommes crucifiés, selon la façon romaine de mettre à mort les non-citoyens. Crucifiés parmi des milliers d'autres. Et autant attitudes face à la même torture, face à la même mort.
Parmi ces crucifiés, Jésus, du fait des prétentions messianiques qu’on lui attribue, est en proie aux moqueries et aux sarcasmes de ses tortionnaires : on plaisante devant l'impuissance affichée, clouée, d'un supplicié qui revendique la capacité de sauver les hommes, mieux : la filiation divine ! Un homme qu’on a accusé de prétention à la royauté, et donc de subversion politique, d'insoumission aux Romains qui ont réduit son pays en sujétion. Et le voilà crucifié par ces mêmes Romains qu'il est censé renverser par le pouvoir de Dieu !
Situation est pour le moins humiliante pour le « Roi des Judéens », selon le motif affiché de sa condamnation, ainsi d'ailleurs que pour le peuple qu'il prétendrait libérer des Romains.
Et Dieu se tait. Un silence que Jésus répercute dans son cri terrible : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Dieu dans le silence, silence jusqu’au cœur de la prière de Jésus ! Dépouillement total qu’illustre de façon si frappante le retable d’Issenheim (cf. sculpture d'Adel Abdessemed / illustration). Jésus a rejoint l’humanité jusqu’en sa nudité. Toute l’humanité, déchirée et torturée. Figure du méprisé dessiné sous les traits du serviteur d’Ésaïe — « méprisé et abandonné des hommes ».
Élie Wiesel à Auschwitz, adolescent enfermé dans un camp — qui vient de comprendre que l'odeur atroce que dégage une sombre fumée,... est celle de ses parents, — assiste à la pendaison d'un jeune garçon « méprisé et abandonné des hommes ». Dieu demeure dans le silence. Une voix parmi les hommes derrière lui murmure douloureusement : « Où est notre Dieu maintenant ? » Elie Wiesel s'entend répondre intérieurement : « il est là, qui pend ! » François Mauriac y lit, dans sa préface au livre d'Elie Wiesel qui relate ces souvenirs, le visage du Christ. « Où est notre Dieu ? » — « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Pour Jésus de même, le silence de Dieu est total, contrebalancé par les seuls sarcasmes : « Les brigands, crucifiés avec lui, l’insultaient de la même manière », nous dit le texte (Mt 27, 44). Les ténèbres sont totales. Abandonné des hommes, abandonné de Dieu même ! Au cœur des ténèbres les plus totales du plus total abandon ressenti par les hommes — « il y eut des ténèbres sur toute la terre ».
C’est là précisément, au milieu du chaos, des cris et des moqueries, que s'est esquissé un autre ordre, fragile, subtil : c'est là que Dieu se révèle. C'est là, là seulement qu'il ne peut qu'être. Là est la justice, fût-elle voilée dans les sarcasmes, couverte de crachats : là est la justice de Dieu. Là est sa puissance.
Ésaïe 53, 3
Méprisé et abandonné des hommes, Homme de douleur et habitué à la souffrance, Semblable à celui dont on détourne le visage, Nous l’avons dédaigné, nous n’avons fait de lui aucun cas.
Matthieu 27, 45-50
45 Depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième, il y eut des ténèbres sur toute la terre.
46 Et vers la neuvième heure, Jésus s’écria d’une voix forte : Eli, Eli, lama sabachthani ? c’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
47 Quelques-uns de ceux qui étaient là, l’ayant entendu, dirent : Il appelle Elie.
48 Et aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge, qu’il remplit de vinaigre, et, l’ayant fixée à un roseau, il lui donna à boire.
49 Mais les autres disaient : Laisse, voyons si Elie viendra le sauver.
50 Jésus poussa de nouveau un grand cri, et rendit l’esprit.
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Des hommes crucifiés, selon la façon romaine de mettre à mort les non-citoyens. Crucifiés parmi des milliers d'autres. Et autant attitudes face à la même torture, face à la même mort.
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Parmi ces crucifiés, Jésus, du fait des prétentions messianiques qu’on lui attribue, est en proie aux moqueries et aux sarcasmes de ses tortionnaires : on plaisante devant l'impuissance affichée, clouée, d'un supplicié qui revendique la capacité de sauver les hommes, mieux : la filiation divine ! Un homme qu’on a accusé de prétention à la royauté, et donc de subversion politique, d'insoumission aux Romains qui ont réduit son pays en sujétion. Et le voilà crucifié par ces mêmes Romains qu'il est censé renverser par le pouvoir de Dieu !
Situation est pour le moins humiliante pour le « Roi des Judéens », selon le motif affiché de sa condamnation, ainsi d'ailleurs que pour le peuple qu'il prétendrait libérer des Romains.
Et Dieu se tait. Un silence que Jésus répercute dans son cri terrible : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Dieu dans le silence, silence jusqu’au cœur de la prière de Jésus ! Dépouillement total qu’illustre de façon si frappante le retable d’Issenheim (cf. sculpture d'Adel Abdessemed / illustration). Jésus a rejoint l’humanité jusqu’en sa nudité. Toute l’humanité, déchirée et torturée. Figure du méprisé dessiné sous les traits du serviteur d’Ésaïe — « méprisé et abandonné des hommes ».
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Élie Wiesel à Auschwitz, adolescent enfermé dans un camp — qui vient de comprendre que l'odeur atroce que dégage une sombre fumée,... est celle de ses parents, — assiste à la pendaison d'un jeune garçon « méprisé et abandonné des hommes ». Dieu demeure dans le silence. Une voix parmi les hommes derrière lui murmure douloureusement : « Où est notre Dieu maintenant ? » Elie Wiesel s'entend répondre intérieurement : « il est là, qui pend ! » François Mauriac y lit, dans sa préface au livre d'Elie Wiesel qui relate ces souvenirs, le visage du Christ. « Où est notre Dieu ? » — « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
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Pour Jésus de même, le silence de Dieu est total, contrebalancé par les seuls sarcasmes : « Les brigands, crucifiés avec lui, l’insultaient de la même manière », nous dit le texte (Mt 27, 44). Les ténèbres sont totales. Abandonné des hommes, abandonné de Dieu même ! Au cœur des ténèbres les plus totales du plus total abandon ressenti par les hommes — « il y eut des ténèbres sur toute la terre ».
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C’est là précisément, au milieu du chaos, des cris et des moqueries, que s'est esquissé un autre ordre, fragile, subtil : c'est là que Dieu se révèle. C'est là, là seulement qu'il ne peut qu'être. Là est la justice, fût-elle voilée dans les sarcasmes, couverte de crachats : là est la justice de Dieu. Là est sa puissance.
RP
Poitiers, St-Hilaire, Vendredi saint, 29.03.13
Poitiers, St-Hilaire, Vendredi saint, 29.03.13
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