dimanche 31 mars 2013

Il est ressuscité !



Photograph: Joe Klamar/AFP/Getty Image (via 24 hours in pictures | News | guardian.co.uk)

Actes 10.34-43 ; Psaume 118, 1-4 & 16-23 ; 1 Corinthiens 5.6-8 ; Jean 20.1-9

Jean 20, 1-10
1 Le premier jour de la semaine, à l’aube, alors qu’il faisait encore sombre, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau.
2 Elle court, rejoint Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : "On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l’a mis."
3 Alors Pierre sortit, ainsi que l’autre disciple, et ils allèrent au tombeau.
4 Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
5 Il se penche et voit les bandelettes qui étaient posées là. Toutefois il n’entra pas.
6 Arrive, à son tour, Simon-Pierre qui le suivait ; il entre dans le tombeau et considère les bandelettes posées là
7 et le linge qui avait recouvert la tête ; celui-ci n’avait pas été déposé avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre endroit.
8 C’est alors que l’autre disciple, celui qui était arrivé le premier, entra à son tour dans le tombeau ; il vit et il crut.
9 En effet, ils n’avaient pas encore compris l’Ecriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts.
10 Après quoi, les disciples s’en retournèrent chez eux.

*

La science nous dit : la résurrection est impossible. Elle a raison : la résurrection n'est pas du domaine de ce qui est reproductible en laboratoire. Ce que constate Marie de Magdala est d'un tout autre ordre que celui auquel accède la science, tout comme ce que croit l'autre disciple. Ici on entre dans l’impossible. Notre science s'arrête donc, comme le disciple à l'entrée du tombeau. Ici, notre raison n'a accès qu'à des paraboles, comme autant de bandelettes. Donnons-lui donc d'abord une parabole : une chenille peut-elle voler ? Non évidemment. Écoutez l’histoire de la chenille :

Les femelles papillons pondent des œufs — de quelques œufs à plusieurs milliers selon les espèces. Lorsque les chenilles éclosent, elles commencent par manger la coquille de leur œuf. Ensuite, elles sont herbivores, pour la plupart, parfois spécialisées dans la consommation d'une plante bien précise. D’autres sont carnivores. Leur corps est mou, cylindrique et possède cinq paires de fausses pattes outre les trois paires de vraies pattes situées sur le thorax. Elles continuent de muer avant de passer au stade de nymphe ou chrysalide. Rien à voir, apparemment, avec le papillon.
Les chenilles subissent une métamorphose complète et leur cycle de vie comporte trois stades : l'œuf, la chenille, la chrysalide, plus un quatrième stade, le papillon
Concernant les trois premiers stades, cela pourrait ressembler à l’homme : le stade fœtal, puis notre stade, puis la tombe. Fin. Ici, manquerait donc un stade. Pour la chenille en sa tombe nymphale, les choses bougent… puisqu’il y a le quatrième stade, papillon.
Les chenilles de papillons de nuit s'enroulent alors dans un cocon de soie — comme un linceul — soie sécrétée par des glandes dites séricigènes (c’est-à-dire des glandes à soie), qui sont une sorte de glandes salivaires. Les chenilles de papillons de jour, en revanche, ne construisent pas de cocon : la chrysalide reste à l'air libre.
La majorité des espèces passe l'hiver sous forme de chrysalide. Le développement est alors stoppé ; c'est la diapause. C’est comme une mort…
Pendant le stade nymphal, le stade de chrysalide, le corps se transforme totalement.
La chenille de papillon subit de profondes transformations anatomiques, notamment la formation des ailes, des antennes, de la trompe. C'est la métamorphose, dont le résultat est un papillon sous sa forme adulte (appelé par les spécialistes « imago »). Les ailes de l'adulte se déplient et il s’envole.

Belle parabole que nous donne la nature… La chenille était donc papillon ! Parabole seulement, comme celle du grain qui meurt pour germer. La résurrection est d’un tout autre ordre ! Contrairement à la chenille qui, dans sons cocon, n’est pas morte, entre la mort et la résurrection il y a mort réelle, le tombeau est bien un tombeau.

*

Mais poursuivons notre parabole. Qu’est-ce qui nous constitue, que sommes-nous en réalité ? Nous confondons aisément notre être avec notre enveloppe temporelle. Demandez si nos cheveux et ongles, par exemple, sont une partie de nous-même. Quelle réponse ? Réponse spontanée et irréfutable : oui, bien sûr !

Ah bon !? Quand je me coupe les cheveux ou les ongles, une partie de mon être part-elle à la poubelle avec les chutes ou les rognures ? Nouvelle réponse sans ambiguïté : non évidemment ! Voilà quoiqu’il en soit une illustration remarquable du propos de l’Apôtre Paul sur le dépouillement du vieil homme, comme il dit, ou de ce corps de mort, comme il dit aussi. Voilà donc une enveloppe temporelle dont nous nous dépouillons, déjà cheveu par cheveu, rognure par rognure ; une enveloppe, qui s’use de toute façon, qui se dégrade de jour en jour ; jusqu’au moment où il faudra la quitter comme un vêtement qui a fait son temps. Lorsqu’un ami s’est absenté après avoir coupé ses ongles, vais-je à sa recherche par la recherche de ses rognures d’ongle ? Non évidemment ! Il n’est pas ici.

C’est à peu près ce que constate Marie au dimanche de Pâques : il n’est pas ici. Et pour qu’on ne s’y trompe pas, le corps, effectivement, n’est pas là. Ce corps, cette enveloppe, qu’il a dépouillée à la croix. Il a dépouillé le corps temporel, provisoire, douloureux, et il s’est relevé d’entre les morts. Le fils de l’homme était donc un être éternel, comme la chenille était donc un papillon ! C’est là le nœud de la parabole : cet homme était donc le Fils éternel de Dieu.

Reste le tombeau vide ; et pour que cela soit bien clair, la pierre en a été roulée pour que nous n’y restions pas. Comme pour dire : la mission commence où demeurent les vôtres, les êtres humains, là où vous êtes envoyés, pas autour d’un tombeau. Cela rend surprenant que l’on ait développé le culte du tombeau vide. Cela pour s’entendre dire devant ce tombeau vide qu’il n’est pas là ! C’est ce que découvrent les uns après les autres les témoins de la résurrection : il n’est pas ici. Marie de Magdala, Pierre, l’autre disciple.

Allez chez vous, allez au bout du monde, dans la Cité terrestre, il vous y précède. Car ce qui vaut pour lui, et c’est là que son relèvement d’entre les morts est aussi un dévoilement, une révélation ; ce qui vaut pour lui, vaut, en lui, aussi pour nous.

« Vous êtes ressuscités avec le Christ. » Notre vrai être n’est pas dans nos rognures de corps, mais avec lui, à la droite de Dieu. Cela ne rend pas nos corps temporels insignifiants. Ils sont la manifestation visible de ce que nous sommes de façon cachée, en haut. Et le lieu de la solidarité. Le corps — lieu de solidarité — que le Christ s’est vu tisser dans le sein de la Vierge Marie manifeste dans notre temps ce qu’il est définitivement devant Dieu, et qui nous apparaît dans sa résurrection.

Il est un autre niveau de réalité, celui qui apparaît dans la résurrection. Or nous en sommes aussi, à notre tour de façon cachée. C’est à cet autre niveau qu’il nous faut entrer, et y fonder notre vie et notre comportement dans le provisoire, dans le corps d’un temps qui s’use.

*

La résurrection n’est point, pas plus que la métamorphose de la chrysalide, retour au passé, retour avant la mort, au temps d’avant. Vous connaissez, autre parabole, la tradition de la souris qui vient emporter la dent de lait qu’a perdue l’enfant. Au matin, la dent n’est plus là, remplacée par la promesse d’un lendemain plus grand. Avec un signe, déposé à la place de la dent par la souris ; une cadeau comme signe qui, tel l’Ange du dimanche de Pâques, dit silencieusement à l’enfant : ne cherche plus avec ta dent, ton passé d’enfant est un peu mort cette nuit avec elle ; mais console-t-en par ce cadeau, et pars pour demain : ta vraie vie est cachée dans ton demain. Vains les combats à la recherche du passé, syndrome de Peter Pan, comme recherche d’un tombeau vide ! Autant de poursuites de dents définitivement emportées.

Lorsque au matin de Pâques, Marie et les deux disciples ont vu leur foi s’ouvrir, il leur faut quitter le tombeau vide, après cette série d’allers-retours, de l’étonnement à la foi, où les étapes de la prise de conscience de la réalité de la résurrection se croisent de l’un à l’autre, entre Marie, Pierre et l’autre disciple. Le chemin de la sanctification se dévoile comme étant celui de la prise de conscience de la réalité de la résurrection du Christ. Ici, c’est Dieu lui-même qui donne le signe qui ouvre définitivement les cieux.

Alors désormais, vous êtes morts avec Jésus et ressuscités avec lui. Ni cadavre au tombeau, ni nostalgie, dans l’imaginaire d’un passé qui ne reviendra pas. « Votre vie est cachée avec le Christ, en Dieu. Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire » (Col 3, 3). C’est à ce niveau de réalité-là qu’est notre vrai être. Vivre de la source de Pâques, le Christ de la résurrection, pour marcher sur les routes du provisoire.

Que Dieu nous donne aujourd’hui de percevoir la présence du Ressuscité, et d’en concevoir le bonheur qu’ont connu les premiers témoins. Et puisqu’on ne reste pas là où le Christ vivant n’est plus, d’aller vers nos aujourd’hui où nous précède le Ressuscité.


RP
Poitiers, Pâques, 31.03.13


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